Selon des informations de la RTS qui a eu accès à des documents de l'enquête, le Vaudois d'origine bosnienne condamné à Paris a "joué un rôle important" dans la radicalisation d'Omer, le Turco-Suisse qui a tué au couteau un passant le 12 septembre dernier à Morges.
Le profil et le réseau d'Omer se précisent. Selon une note du Service de renseignement de la Confédération, le tueur de Morges s'est trouvé sous "l'emprise idéologique" de Goran*, celui qui s'est fait appeler l'émir dans le petit monde des radicalisés vaudois et qui a été condamné à 15 ans de prison il y a deux semaines à Paris. L'émir "a joué un rôle important dans l'évolution de ce jeune radicalisé", précise à propos d'Omer ce document que la RTS a pu consulter.
Le lien entre les deux jeunes fanatiques remonterait à 2016. Ils se croisent notamment dans le quartier d'Omer à Prilly, qui habite à quelques pas de la mosquée de Prélaz dans l'Ouest lausannois. D'autres radicalisés font partie d'un petit réseau qui se retrouve aussi sur des groupes de la messagerie cryptée Telegram, le plus souvent administrés par l'émir.
A l'été 2017, alerte rouge, une photo en surplomb de la Place de l'Europe à Lausanne apparaît sur un des groupes Telegram de l'émir auquel Omer a accès. L'émir y détaille un plan d'attentat à cet endroit, selon lequel il pourrait livrer en deux semaines une bombe qu'il s'agirait de larguer depuis la passerelle du Flon en visant potentiellement une discothèque. Il poste aussi un lien internet expliquant comment un homme a testé une bombe de 10 kilos sur un tronc d'arbre. "Le truc c'et que c'est facile à disposition", écrit l'émir dans son français approximatif.
Infiltrés par le FBI
Ce que ne savent pas les radicalisés vaudois qui échangent aussi avec des Français et des combattants du groupe Etat islamique sur place en Syrie, c'est qu'ils sont infiltrés par le FBI sur Telegram. Et les agents américains alertent la Suisse dès qu'ils établissent que la cible sur la photo correspond à une place de Lausanne.
Les Français livrent aussi des informations aux Suisses par la suite. C'est le choc à Berne et à Lausanne: les jeunes radicalisés surveillés depuis quelques années dans le canton de Vaud se révèlent plus dangereux que ce que les services de renseignement et de polices ont pu établir avec des moyens bien moins intrusifs que leurs collègues américains.
Mais la Suisse passe la vitesse supérieure, une procédure pénale est ouverte et c'est la totale: filature, micros cachés, l'émir est surveillé 24 heures sur 24. Il sera donc finalement arrêté en France, où il fomente aussi des projets d'attentats
Surveillé mais libre de ses mouvements
Retour à Lausanne. Comme d'autres radicalisés du cercle autour de l'émir, Omer n'est pas directement inquiété. Mais les renseignements le gardent à l'œil et retracent son profil: enfant d'une famille kurde de Prilly, instable psychiquement, toxicomane. Il est aussi relevé que sa relation avec l'émir va se dégrader, Omer le trouvant "incohérent" et trop "querelleur". Il se soumet alors à l'influence d'un autre fanatique vaudois, parti combattre avec son épouse dans les rangs de l'EI en Syrie. Mais ce n'est que quand il va tenter en 2019 de mettre le feu à une station d'essence de son quartier que le jeune Turco-Suisse finit en prison préventive.
La suite est malheureusement connue: le Ministère public de la Confédération estime ne plus pouvoir le garder plus longtemps en prison préventive pour sa tentative d'incendie et doit le libérer en juillet dernier, sur la base d'une expertise psychiatrique ne préconisant pas un internement.
Il est placé dans deux chambres d'hôtel successives, respecte très peu les mesures de contrôle et de soins psychiatriques qui lui sont imposées. La police vaudoise s'inquiète, le MPC aussi.
Il est envisagé de le placer dans un foyer médicalisé, sa chambre d'hôtel est perquisitionnée le 8 septembre. Mais il reste libre de ses mouvements et il commet l'irréparable le 12 septembre. En pleine rue à Morges, Omer tue au couteau un inconnu. Une attaque commise "pour venger le Prophète", selon ce qu'il a revendiqué lors de son arrestation.
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RTS
Nos remerciements à Victoria Valentini
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