La présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga estime qu’il faut engager des discussions sur des hausses de salaires dans certains secteurs, notamment celui de la santé. Sans ces travailleurs, « rien n’aurait fonctionné pendant la crise » liée au coronavirus. [Radio Lac]
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Forum, 25.04.2020 - Simonetta Sommaruga souhaite hausser les salaires du personnel de santé: Esther Coquoz interviewe Christophe Reymond, directeur du Centre patronal- Radio - Play RTS
Cenator: Mais de quoi se mêle-t-elle?
Nous ne sommes pas en Union soviétique, où les salaires étaient décidés aux congrès du parti!
Elle est totalement décalée par rapport à ce qu’est une échelle des salaires liant tous les salariés d’une branche, d’une entreprise, etc.
Un seul exemple: les ambulanciers, terriblement mis à contribution (il s’agit d’aller très vite, comme toujours, mais, en plus, d’éviter la contamination par le covid), sont-ils aussi concernés par l’envolée irresponsable de notre pianiste?
Même question pour le personnel chargé de désinfecter ces ambulances après une intervention «covid», etc.
Esther Coquoz, sur un ton arrogant comme d’habitude, insuffle ses convictions de femme de gauche dans ses questions répétées et orientées. Cette fois, elle sera mise KO par Christophe Reymond, directeur du Centre patronal. Hélas, cela est rarissime.
Par ailleurs, tous ceux qui ont travaillé dans le système de santé en Suisse romande, et surtout dans les hôpitaux, savent que les salaires sont très bons: ce n’est pas pour rien qu’il y a tant d’infirmiers et de médecins étrangers qui veulent venir travailler en Suisse. Les salaires augmentent rapidement et après une formation supplémentaire, un poste à responsabilité, les salaires sont bien au-dessus des salaires moyens.
Il y a eu une manifestation à Lausanne, peu avant la crise du covid, organisée par le syndicat de l’Etat de Vaud pour des revendications salariales, exhibant le salaire de base que reçoit l’infirmier juste après ses études… sans le 13e mois et les primes de nuit.
La hiérarchisation des hôpitaux est également exagérée et coûte très cher à la collectivité. Les infirmiers cliniciens, les infirmières-fonctionnaires pullulent. Moins un soignant «touche» aux malades, plus il coûte. Les médecins assistants suivent gratuitement une demi-journée de formation par semaine, et le salaire d’un chef de clinique avoisine les 16'000 CHF, les médecins associés ont des salaires stratosphériques.
Comme partout, lorsqu’il s’agit de salaires payés par la collectivité, rien ne semble suffisant.
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Introduction par Esther Coquoz - Fabrice Godiano: Simonetta Sommaruga estime qu’il faut engager des discussions sur des hausses de salaires, notamment dans le secteur de la santé, elle a déclaré dans le Tages Anzeiger: sans ces travailleurs, rien n’aurait fonctionné pendant la crise. Cette demande inédite rencontre un écho favorable même dans les milieux libéraux. Philippe Nantermod a dit: tout le monde est d’accord de revaloriser le métier des infirmiers, et à droite, cette empathie pour les soignants semble dominer. Personne n’ose s’opposer ouvertement à une quelconque initiative en faveur des héros du covid.
Mais de nombreuses voix tempèrent cet élan de générosité envers les soignants. Tous pensent officiellement qu’ils méritent, tout comme la logistique, la vente, une récompense. Le canton de Fribourg a déjà trouvé une réponse: il a octroyé 1000 frs. sous forme de bons qui profiteront à économie locale. S’opposer ouvertement, ce serait un suicide politique. Mais, sous couvert de l’anonymat, des dirigeant d’hôpitaux et de cliniques et certains politiciens de droite déclarent: Ils n’ont fait que leur travail, ils reçoivent une salaire pour cela. Le reste est de la bien-pensance et de l’émotif et une augmentation ferait exploser les primes de l’assurance maladie.
L’interview:
Christophe Reymond: Cette déclaration de Simonetta Sommaruga, Présidente de la Confédération, n’est pas seulement inédite mais inadéquate, aussi bien du point de vue institutionnel que du fait qu’elle est très déconnectée de la réalité des mécanismes de réadaptation des salaires, et surtout on n’a pas tout à fait saisi à Berne quelle est la situation économique dans laquelle on se trouve. Et c’est une situation qui va malheureusement durer sur le plan économique en général.
Esther Coquoz rappelle que la santé est un secteur stratégique, comme les postiers, les vendeurs, la logistique, particulièrement peu rémunérés. En même temps, on a pu le voir durant cette période de semi-confinement, leur travail est systémique, s’ils ne travaillent pas c’est la catastrophe. Est-ce que cela ne mérite pas une revalorisation?
Christophe Reymond a déjà répondu très clairement à cette question.
Esther Coquoz se permet d’insister, elle sort de son rôle en essayant lourdement d’influencer les auditeurs pour que ces derniers en arrivent à mettre en question les propos de Christophe Reymond.
Christophe Reymond: Il faut être très prudent lorsqu’on veut mettre en avant un corps de métier dans une société aussi complexe et aussi interdépendante que la nôtre. Christophe Reymond ne nie pas les efforts faits, on leur doit de la reconnaissance – comme à ceux qui nettoyent, qui désinfectent, qui transportent, qui réparent le système informatique, aux paysans, aux boulangers, etc.
Il y a des centaines de milliers de personnes, depuis le début de la crise, qui continuent de travailler, parfois plus qu’avant. Et cela des plus humbles aux plus prestigieux. Il est un peu artificiel de mettre en avant telle ou telle activité parce qu’elle est particulièrement présente dans les esprits alors que véritablement c’est une interdépendance qui est la réalité du fonctionnement de la société.
Esther Coquoz: Donc, vous n’êtes pas d’accord avec Simonetta Sommaruga, que les employeurs ont un devoir après la crise? Qu’ils doivent se souvenir de ce qui a été fait pendant le confinement?
Christophe Reymond se dit parfaitement à l’aise avec ces éléments. Le Centre Patronal abrite une dizaine de conventions collectives et de commissions paritaires, et défend une politique d’adaptation générale des salaires à la hausse, en particulier pour les plus modestes.
Mais cela ne sert à rien de faire de belles déclarations ou de grandes promesses si l’économie en général ne permet pas d’aller dans ce sens.
Et en cette fin d’avril, ce qui est important à dire est que la Suisse se dirige vers une récession spectaculaire et brutale. Et ce n’est pas dans ces circonstances-là qu’on peut espérer avoir une augmentation généralisée des salaires.
Esther Coquoz insiste: Alors, vous dites que ce ne serait pas possible, récession à venir oblige, mais le problème c’est que quand tout va bien, ce n’est pas forcément les métiers qui sont en premier augmentés, on ne les juge pas forcément à leur valeur.
Christophe Reymond: La réalité d’aujourd’hui, c’est que nous allons vers la plus grande récession économique qu’on ait connue depuis ces cinquante dernières années.
Les experts nous annoncent une baisse du PIB, de la richesse du pays de 5 à10%,
Aujourd’hui on a 1 million huit cent cinquante mille travailleurs, plus du tiers des actifs qui émargent à un système d’assurance; ils sont payés par le chômage partiel. Nous avons 300'000 indépendants qui survivent grâce à des indemnités de perte de gain. Nous avons un chômage qui est en augmentation de 1'500 personnes par jour. Il va y avoir des faillites, par centaines. Il va y avoir des gens sans travail de plus en plus nombreux, et ce que je dis aussi, pardonnez-moi d’être porteur de mauvaises nouvelles, mais il faut vraiment qu’on en ait conscience maintenant: Cette situation, elle est durable à moyen terme, le retour à une activité économique de bon niveau va prendre des mois, elle ne dépend pas d’ailleurs exclusivement de la Suisse. Nous sommes très dépendants des pays étrangers, Et je pense vraiment que dans un tel contexte, faire croire qu’on va vers des augmentations de salaire, est quelque chose, au fond, assez singulier.
Esther Coquoz ne lâche rien et ne veut rien comprendre: Est-ce que vous interprétez cela comme une pression mise sur les patrons, quand vous entendez que Mme Sommaruga se propose de soutenir les discussions pour revaloriser ces salaires? C’est une manière quelque part de pousser ces patrons dans ce sens?
Christophe Reymond: Écoutez, Mme Sommaruga s’est exprimée plus en tant que militante socialiste qu’en sa qualité de Présidente de la Confédération; c’est d’ailleurs, à mon sens, un peu dommage. Mme Sommaruga, comme tous les politiciens par ailleurs, de quelque bord qu’ils soient, peuvent faire toutes les déclarations qu’ils veulent. Lorsqu’il n’y a pas, ou lorsqu’il y a moins d’argent en caisse dans les entreprises qui est à disposition pour servir des salaires, vous pouvez avoir toute la pression politique du monde, la réalité des des négociations, la réalité économique l’emportera. Et ce n’est pas Mme Sommaruga, ni d’ailleurs d’autres…
EC l’interrompant: élus de droite aussi, oui, parfois, hmm?
Christophe Reymond: … y compris élus de droite, je l’ai dit il y a un instant, qui viendront y changer quoi que ce soit. Et ça, les praticiens du partenariat social le savent très bien.
Il est époustouflant d’entendre les propos remplis de bon sens et de sagesse de Christophe Reymond et de les comparer aux questions d’Esther Coquoz remplies de dogmatisme, d’irréalisme, comme d’habitude chez les journalistes de la RTS, des fonctionnaires militants dont le job est acquis à vie…