"Je suis morte avec mon enfant"
24.05.2021
Ramona Fahrngruber, 53 ans, est assise dans son fauteuil, dans son appartement de 50 m2 à Steyr. Devant elle, sur la table basse, des médicaments. Des pilules contre la dépression et l'anxiété. "J'en avale beaucoup tous les jours, je ne pourrais pas exister sans ça", sanglote-t-elle. "Sinon, comment pourrais-je faire face à mon drame ?"
Ce drame qui s'est déroulé à quelques mètres d'elle, derrière la porte peinte en rouge. Dans la chambre qui était celle de sa fille Michelle, assassinée à l’âge de 16 ans. Dans la nuit du 8 au 9 décembre 2018, par son petit ami - Saber A. "Que je n'ai jamais aimé, car il ne faisait pas de bien à mon enfant. Mais "Mimi" était folle de lui."
En 2016, à 14 ans, la jeune fille avait rencontré le jeune Afghan. Et est rapidement tombée amoureuse de lui. Il faut dire qu'il a fait beaucoup pour l'impressionner. Il l'écoutait quand elle parlait des problèmes de son enfance, du fait qu'elle a grandi sans père, dans des circonstances compliquées, avec trois frères et sœurs plus âgés. Il l'encourageait, la complimentait.
En même temps, il suscitait la pitié de la jeune fille en lui racontant sa fuite d'Afghanistan, sa triste existence dans un "camp d'accueil", sa solitude. Et plus les deux adolescents se parlaient de leurs soucis et de leurs rêves, plus le garçon commençait à manipuler "Mimi".
"Finalement, il a même réussi à lui faire abandonner l'école pour commencer un apprentissage. Pour gagner de l'argent pour lui - lui-même était sans emploi", dit Ramona Fahrngruber. Qui n'avait plus aucune chance de "contrer son influence. Car il avait rapidement pris un ascendant total sur ma fille."
Au milieu de 2018, Michelle a eu vent d'une infidélité du garçon. "Depuis, ça s'est gâté entre eux". Mimi a commencé à s'éloigner de lui - au moins par phases - à cause de cela." Et aussi à cause des horreurs qu'il racontait, à elle et à sa famille, sur lui-même, "comme le fait qu'il avait déjà commis un meurtre en Afghanistan." L'épouse a alerté les autorités sur sa dangerosité présumée, "encore et encore et encore", affirme-t-elle. "Mais personne n'a réagi à mes appels au secours."
Et la fille ? "Je sais qu'elle avait peur de Saber. Parce que quand elle a rompu avec lui - une fois de plus - il venait l'attendre à la sortie de son travail et menaçait de la tuer." Mais Michelle n'a jamais porté plainte, "car - malgré tout - elle l'aimait." Et c'est ainsi que le jeune homme de 17 ans a été autorisé à loger dans l'appartement de Steyr chaque fois que "Mimi" le demandait. Comme ce 8 décembre 2018.
"Saber avait été chez nous depuis l'après-midi". Le soir, poursuit Ramona, ils ont regardé la télévision tout les trois dans le salon. Vers 23 heures, Saber et "Mimi" ont décidé de se retirer dans la chambre de la fille. Non, affirme Ramona Fahrngruber, elle n'a entendu aucune querelle, aucun cri.
Le lendemain, c'est la découverte macabre : Michelle gisait sur le sol, poignardée à mort. Saber A. - qui a toujours qualifié son crime d'"accident" - a été condamné en octobre 2019 à 13 ans et demi de prison pour meurtre. "J'ai assisté au procès", sanglote la mère de la victime "Être confrontée à l'assassin de ma fille était épouvantable."
Presque aussi épouvantables sont les reproches qu'elle se fait à elle-même depuis la tragédie, chaque jour, chaque nuit. "Je n'aurais jamais dû laisser entrer ce garçon dans ma maison; j'aurais dû mieux protéger mon enfant, j'aurais dû être plus forte." J'aurais dû, j'aurais dû...
Sa vie maintenant: une vie de tristesse. Elle est prisonnière l'appartement où Michelle a été tuée: "Il m'est impossible de déménager, pour des raisons financières". Elle aspire constamment à la mort, "à la libération de mon tourment".
Mme Fahrngruber - pensez à vos trois autres enfants. Comment supporteraient-ils votre suicide ? "C'est vrai, je ne peux pas leur faire cela. Je vais tenir jusqu'à ce que je meure de mort naturelle. Mais le temps qui me reste sera pour moi un tourment perpétuel."
Ramona Fahrngruber a besoin d'argent - qu'elle n'a pas - pour quitter l'appartement où à eu lieu le crime. Depuis le meurtre de sa fille, elle est en arrêt de travail. Le journal a lancé un appel aux dons.
Source en allemand : Krone.at
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11.12.2018
Saber A., alors officiellement âgé de 14 ans, est entré illégalement en Autriche au printemps 2016 en tant que mineur non accompagné et demande l'asile. Bien que cette demande soit rejetée, l'Afghan est autorisé à rester. Apparemment, une des raisons de sa fuite était un meurtre, qu'il aurait avoué au frère de sa furture victime. Comme il risque la persécution dans son pays d'origine, ou la peine de mort pour un crime aussi grave, le jeune homme, qui était irréprochable jusqu'au meurtre de sa petite amie, ne pouvait pas être expulsé.
Dans le jargon officiel, on parle de protection subsidiaire (rien qu'en 2018, elle a été accordée à 3600 personnes en Autriche). En février 2018, le séjour toléré a été prolongé de deux ans.
Au milieu de l'année 2018, Saber A. a été autorisé à déménager dans un foyer pour jeunes à Steyr après être tombé amoureux de Michelle via Facebook et avoir voulu vivre plus près d'elle. "J'ai dû signer plus d'une fois qu'il avait le droit d'être chez nous dans l'appartement. [Ce déménagement] était souhaité par le personnel du centre d'accueil et les autorités", dit la maman. Qui n'était pas heureuse de cette relation: "Il traitait Michelle comme sa chose et vivait à nos crochets."
Après la séparation - le garçon avait trompé Michelle F. avec une camarade d'école - il y a eu la réconciliation. Trois jours plus tard, le coup de couteau fatal au poumon. En fuite, le suspect, qui s'était caché, a froidement téléphoné à la mère de la jeune fille pour lui demander où elle se trouvait - afin de savoir si l'on avait déjà découvert le crime.
Puis pendant deux jours, aucune trace de Saber. Puis, à 12 h 50, la police a reçu un appel d'urgence de la gare de Vienne-Floridsdorf : "Je suis la personne recherchée!" Les agents l'ont arrêté sans résistance. Il risque 15 ans de prison. Et une procédure de retrait de la protection subsidiaire est en cours. Mais pour Michelle, il est trop tard…
Source en allemand : Krone.at
Traductions Albert Coroz pour LesObservateurs.ch