Décidément, la nouvelle redevance radio-télé n'a pas fini de nous réserver des surprises. Après les erreurs d'adressage, le cafouillage sur à qui adresser ses réclamations, voilà que de plus en plus de citoyens s'interrogent auprès de Serafe sur les montants facturés qui ne correspondent pas aux 365 francs promis.
Doris Leuthard avait en effet promis que la redevance serait désormais payée par tous et plus seulement par ceux qui déclaraient posséder une télé ou une radio. Du coup, elle allait baisser à 365 francs par ménage. Or onze ménages suisses sur douze vont payer davantage en 2019. Pour certains, ce sera quasi le double. Car outre la facture annuelle de 365 francs vient s'ajouter une facture partielle.
Le raisonnement de l'Office fédéral de la communication (OFCOM) semble avoir été le suivant: pour ne pas avoir toutes les factures en même temps tout en disposant toute l'année d'argent à distribuer aux bénéficiaires de la redevance, il suffit d'étaler la facturation. On aurait alors pu imaginer que la population soit répartie en 12 groupes de 300 000 ménages, chaque groupe payant à un mois différent de l'année ses 365 francs.
Pourquoi des factures partielles?
Mais non, l'OFCOM (rappelons que c'est lui qui fixe les règles, pas Serafe qui ne fait qu'encaisser) a décidé qu'une personne du groupe de décembre 2019 n'allait pas profiter de la télé gratuitement avant cela. Elle va donc payer en janvier une avance pour les onze mois à venir. Et ainsi de suite pour les autres groupes. «Ces ménages effectuent une sorte de «paiement d'acompte» au-delà de 2019.», nous dit l'OFCOM. Ce qui, dans le détail, nous donne les chiffres suivants:
Infographie: Yannick Michel
On remarque tout de suite plusieurs choses. Un ménage du groupe 1, donc celui de janvier, va payer en 2019 334,60 francs de moins qu'un de décembre (groupe 12). Pourquoi? On ne fait pas partie du groupe 1 parce que l'on aurait moins payé Billag en 2018 qu'une personne du groupe 12 puisque, l'OFCOM l'écrit noir sur blanc: «Chaque ménage privé a été attribué au hasard à l'un des 12 groupes de facturation.» Il n'y a donc aucune justification à faire partie d'un groupe plutôt qu'un autre.
Différence irrécupérable
En fait, l'OFCOM raisonne sur un budget mensuel. Celui qui paye sa facture de 365 francs en mai, par exemple, ne recevra pas la suivante avant mai 2020, donc cela reviendrait au même sur la longueur. «Les encaissements effectifs 2019 contiendront également une partie de la redevance 2020 perçue d’avance», explique l'Office. Sauf que la personne en question doit tout payer en 2019, elle n'a pas la possibilité de payer chaque mois. Pour son budget annuel, cela change pas mal de choses. Et en 2020, même si cela ne sera qu'en mai, elle paiera alors 365 francs comme toutes les autres.
Quand est-ce qu'une personne qui, en 2019, a payé 334 francs de plus qu'une autre pourra-t-elle récupérer cette somme ou se la voir compensée? Jamais, à moins que le système ne s'arrête. C'est ce que nous explique l'OFCOM: «En finalité et pour résumer, si les contribuables paient de manière systémique un peu plus lors de la première année du nouveau système, ils paient d’autant moins la dernière année d’un tel système, ce qui équilibre les flux financiers sur la période totale. » On pourrait le traduire par: vous rentrerez dans vos frais à la Saint Glin-Glin. À moins de partir à l'étranger. Là, le ménage devrait théoriquement pouvoir être remboursé des mois de télé et radio non consommés. Du moins, on l'espère.
Couvrir les besoins des bénéficiaires
Deuxième remarque: l'OFCOM toucherait avec ce système 1,9 milliard en 2019, alors que la redevance annuelle est censée être de 1,3 milliard. À quoi vont servir ces 600 millions supplémentaires? «Les « acomptes de délimitation » (les encaissements qui concernent l’année 2020 mais effectivement encaissés en 2019, et ainsi de suite pour chaque année subséquente) sont déposés auprès de la Confédération sur un compte spécifique», nous répond l'OFCOM. «Ils font partie intégrante du système (qui prévaut d’ailleurs depuis 2011 suite à l’introduction de la facture annuelle) et sont utilisés au fur et à mesure lors des années concernées, pour couvrir les besoins financiers des bénéficiaires de la redevance lors de l’année concernée».
Autrement dit, les personnes tirées au sort et qui représentent 11 ménages sur 12 paieront davantage en 2019 pour alimenter un fonds de réserve afin de pouvoir payer chaque mois les chaînes de radio et télé. Si l'on avait juste pour 2019 demandé à 300 000 ménages chaque mois de verser 365 francs, donc 109 millions par mois, cela n'aurait-il pas suffi pour faire fonctionner les dépenses de ces diffuseurs? Pas de réponse à cette question. Visiblement, le budget de ces radios et télés est plus précaire que le budget annuel d'un ménage suisse.
Et si des réserves sont constituées depuis 2011, n'en restait-il pas assez pour pouvoir se passer de factures provisoires en cette première année d'un nouveau système? Encore une fois non, on fait des réserves au cas où le système devait s'interrompre au beau milieu d'une année: «Cette dissolution des «acomptes» servirait à couvrir les besoins financiers annuels de cette dernière année en faveur des bénéficiaires de la redevance, puisque les encaissements seraient réduits dans la même proportion», explique l'OFCOM. On prévoit loin. Les ménages n'ont qu'à faire pareil, après tout.
Economisez jusqu'à 273 francs!
Justement, il existe une solution très simple et parfaitement régulière pour que plus de la moitié des ménages paie moins que ce que prévoit cette planification. Serafe offre en effet la possibilité de recevoir une facturation trimestrielle. Il faut la demander, mais faites-le uniquement pour la facture des 365 francs, pas pour la facture partielle. Et seulement si vous faites partie des groupes d'avril et suivants. Très important: il faut en faire la demande uniquement à réception de la facture annuelle. Voici pourquoi:
Infographie: Yannick Michel
Donc, par exemple, une personne du groupe du mois d'avril demande à réception ce mois-là de sa facture de 365 francs une facturation trimestrielle. Une semaine après sa demande, elle devrait recevoir sa première facture trimestrielle de 91,25 francs (365 francs divisés par 4). La deuxième arrivera trois mois plus tard en juillet, la troisième en octobre et la quatrième... en janvier 2020. Ensuite? Elle en aura encore trois autres en 2020 pour un montant total cette année-là de 365 francs. Comme tout le monde. En en 2019, elle aura payé 91,25 francs de moins qu'avec une facture annuelle. Une économie qui atteint 182,50 francs pour les groupes de juillet à septembre et de 273,75 francs pour ceux d'octobre à décembre. Cette différence pourrait-elle être réclamée ultérieurement? Éventuellement en fin de système si celui-ci se termine un jour, comme le prévoit tout le temps l'OFCOM. Mais que risque-t-on à économiser ces sommes aujourd'hui alors qu'on devra éventuellement (et encore ce n'est pas sûr) devoir les payer dans 5, 10 ou 20 ans?
Comment demander une facture trimestrielle?
Pratiquement, pour bénéficier de cette remise, il faut, dès réception de la facture de 365 francs, utiliser le QR code sur votre facture (l'espèce de carré noir juste au-dessus à droite du bulletin orange, à scanner avec un smartphone), ceci afin de modifier vos données. Ou vous rendre sur le site de Serafe. Attention! Demandez à ne pas recevoir vos factures trimestrielles par courrier classique, car elles vous seront facturées 2 francs supplémentaires par facture.
Si tous les ménages demandaient à passer en facture trimestrielle, cela entraînerait pour 2019, selon nos calculs, une baisse de recettes pour la Confédération de près de 495 millions de francs, sans compter d'éventuels frais supplémentaires pour tous ces changements administratifs. Cela semble aberrant, mais la possibilité est pourtant bien réelle.
Démarrage pénible
Encore une fois, comment a-t-on pu imaginer pareil système? Pourquoi ne pas avoir envoyé chaque mois 300 000 factures à 365 francs en 2019 au lieu de ces factures partielles? D'autant qu'en envoyant toutes celles-ci en janvier 2019, cela a représenté 3,6 millions de factures. Alors que Serafe faisait ses premières armes! On n'a fait que multiplier le nombre d'erreurs d'adressage. Et de réclamations. L'après Billag démarre décidément très mal.
Source