Mali : la France a perdu face aux mercenaires de Wagner

En quelques mois, quelques centaines de mercenaires russes de la société privée de Wagner ont obtenu plus de succès face aux terroristes islamistes que les 5 000 soldats français déployés par François Hollande et Emmanuel Macron au Mali. Il est vrai que les professionnels du groupe Wagner sont tous des combattants, des prétoriens comme ceux commandés par le français Bob Denard à l'époque des guerres coloniales et de la décolonisation. A la différence des troupes françaises de la force Barkhane, constituée d'états majors avec étoilés à l'arrière, et d'une foule d'officiers chargés de la logistique, de la préparation des opérations, de la planification.

J'ai toujours défendu l'armée française, les héros sacrifiés, les soldats héroïques dans mes écrits, notamment dans la Revue de la Défense Nationale (RDN).

.https://www.fnapara.fr/la-legende-bigeard-une-rage-de-vaincre-rare-aujourdhui-de-francis-gruzelle-journaliste/

Mais, au Mali, nos courageux soldats ont été trahis par les politiques français, et non pas bénéficié de moyens technologiques modernes. D'où les faibles résultats obtenus. Et les retraits successifs de troupes, décidées par Paris, ont aggravé leur situation précaire sur le terrain.

L'expulsion de l'ambassadeur de France au mali était prévisible depuis de nombreux mois. Surtout depuis que le septuagénaire "Papy Le Drian", tel un coq juché sur un tas de fumier, s'est mis à pérorer des conneries contre les nouveaux dirigeants maliens. Dès l'été dernier, le vieillard breton chargé des affaires étrangères avait donné le ton, en demandant au chef de la junte militaire de rétablir à la tête du pays les politiques maliens corrompus et formés par les politicards français. Une intrusion jugée inadmissible par les militaires maliens qui tentent de redresser cette ancienne colonie française.

Mais, le vieillard breton ,'allait pas s'arrêter là. En septembre 2021, il remettait le couvert. La présence de mercenaires de la société privée Wagner au Mali "serait incompatible avec la présence internationale et européenne", a averti Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, le 16 septembre 2021, sur les ondes de franceinfo. Le papy en chef de la diplomatie française réagissait à une éventuelle coopération entre le Mali et le groupe paramilitaire. Mais qui est ce groupe Wagner et pourquoi les médias français le dépeignent d'une manière aussi noire ? Voici quelques éléments de compréhension.

Wagner ou PMC Wagner est une société de mercenaires russe créée par Dmitri Outkin, un ancien officier du GRU (renseignements militaires russes). Le groupe paramilitaire est connu depuis 2014 pour son implication dans le conflit en Syrie un an plus tard, dans le sillage de l’armée russe.

Les mercenaires, qui le composent, ont souvent été formés à la rude école des unités spéciales russes. Lorsque des terroristes islamistes ou tchetchènes ont tenté de prendre le contrôle de certaines provinces russes ou de républiques de l'ancienne URSS, ces jeunes militaires ou mercenaires ont sauvé la situation. Ils savent localiser, détecter et traquer les rebelles islamistes, en ayant une "bonne connaissance du gibier et des habitudes".

Le premier déploiement connu des "agents privés" de Wagner sur le continent africain a lieu en 2018 en Centrafrique. Il intervient alors avec le feu orange de Moscou, dans le cadre d’un accord de coopération militaire qui permet à Moscou de bénéficier de concessions minières en échange de ses services. Le groupe de mercenaires opère au même moment en Libye, au service du général Haftar, le chef de l’autoproclamée Armée nationale libyenne. Formation d’officiers, protection de sites pétroliers, renseignements… "Un mode opératoire multi-facettes", selon l’Institut Open diplomacy qui se décline au sein d’autres terrains en Afrique, comme au Soudan sous le régime d’Omar el-Béchir ou bien encore au Mozambique. Il s’agit souvent d’Etats en quête de soutiens économique, politique ou sécuritaire.

"Nous sommes là où règne l'anarchie", "Où nous sommes, il y a la paix", “La justice avant tout”, "Nous sommes contre ceux qui tuent les enfants, les femmes et les personnes âgées". autant dire que les mercenaires du groupe Wagner affiche la couleur sur son site internet. Le groupe russe Wagner se présente comme un regroupement de "personnes prêtes à donner leur vie dans la lutte pour la justice (...) et n'acceptant pas l'oppression des civils". Wagner offre un idéal très éloigné de celui brossé par de nombreux médias français ou occidentaux, mais proche de celui brossé par l'écrivain et ex officier Jean Lartéguy, dans ses livres "les Centurions", "les Prétoriens" ou encore "la guerre à nue".

Ces "chiens de guerre" ont forgé leur légende dès le milieu des années 2010 en Syrie, lorsque la terre se dérobait sous les pieds du président légal Bachar al-Assad, ils seraient aujourd'hui 5000 mercenaires sur les zones de conflit où la terreur islamique menace. Ces nouveaux croisés ont inversé la situation au Mozambique depuis 2019 en enrayant l'insurrection islamiste. Wagner compte aussi 300 mercenaires au Soudan. Il y a deux ans, ils ont participé au sauvetage du régime d'Omar el-Béchir.
Plus “officieusement”, Wagner est également présent au Zimbabwe, en Angola, à Madagascar, en Guinée et en Guinée-Bissau.

Au Mali, les troupes d'élite de Wagner ont investi les zones les plus gangrénées par les terroristes islamistes. Selon des sources proches des autorités militaires françaises 450 mercenaires du groupe Wagner seraient déjà déployés au Mali, dont 200 à Ségou à 200 kilomètres au nord-est de Bamako sur le fleuve Niger, où prolifèrent les islamistes.

https://www.lemonde.fr/international/article/2022/01/06/au-mali-les-mercenaires-wagner-progressent-au-centre-du-pays_6108476_3210.html

https://www.leparisien.fr/international/au-mali-les-mercenaires-russes-du-groupe-wagner-sont-arrives-23-12-2021-FPFDSKBFH5FETAMRAGVOISOS5A.php

https://mondafrique.com/mali-les-mercenaires-russes-de-wagner-sont-vus-partout-et-nulle-part/

Les autorités militaires françaises ne cachent pas leur inquiétude et craignent que la situation sur le terrain ne devienne intenable. À Paris, on scrute en effet avec la plus grande acuité l'arrivée au Mali des mercenaires russes de la Wagner. Actuellement, 450 hommes seraient déjà sur place, ils sont présents à Bamako, bien sûr, mais aussi à Tombouctou, Mopti, Sévaré et Ségou où sont déployés 200 mercenaires.

Voici 48 h, une nouvelle arrivée, par tupolev, de mercenaires de Wagner porte désormais à plus de 600 le nombre de combattants déployés au Mali, comme l'indiquait Le Monde le 28 janvier. Les effectifs, estimés à 450 opérateurs le 20 janvier, ont donc augmenté de 150 mercenaires en une dizaine de jours. Ce chiffre devrait encore grimper ces prochaines semaines, pour atteindre probablement un millier de combattants, selon une source familière du théâtre sahélien.

Selon nos confrères de la rédaction de Challenges, les nouveaux mercenaires de Wagner, équipés de blindés des forces armées maliennes (Typhoon notamment), sont ensuite déployés dans le centre du pays, dans les régions de Mopti, Sévaré, Ségou. Comme révélé par Challenges, ils ont aussi pris pied à Sofara, sur une base du Bataillon autonome des forces spéciales et des centres d'aguerrissement (BAFS-CA), l’unité que commande le colonel Assimi Goïta, nouvel homme fort du pays depuis le putsch de mai 2021. Quelques éléments de Wagner, accompagnant des instructeurs de l'armée russe, ont également été identifiés à Tombouctou, que Barkhane a quitté il y a quelques semaines.

"Papy Le Drian" peut donc dormir en paix. La relève de l'armée française est assurée par des troupes d'élite bien équipées, ayant fait leur preuve contre les islamistes depuis 2010.

Nouveaux croisés, incompris par les "bobos" et journalistes français, les "chiens de guerre" de Wagner sont le dernier rempart face aux terroristes islamiques dans de nombreux pays.

Syrie – La victoire de Bachar al-Assad est proche

Ghouta-2

-
Michel Garroté  --  Ce sont tous des fidèles et ils ont participé, directement ou indirectement, à la libération et la reconquête de la Syrie par le président Bachar al-Assad. A bout de sept ans de guerre, le gouvernement de Bachar al-Assad vient d’enregistrer une nouvelle et symbolique victoire. Un accord a été trouvé pour évacuer les terroristes islamistes de Douma, la dernière poche de résistance de la Ghouta orientale. Cette région aux portes de Damas tenait tête au gouvernement syrien depuis 2012.
-
Soutenu activement par la Russie, l'Iran et le Hezbollah chiite libanais, le président syrien triomphe. Il a quasiment réussi à anéantir Daech - qui contrôlait plus du tiers du territoire et qui n’est plus présent aujourd’hui que dans de petites poches près de Hama et de Homs. Mais surtout, il a pu réduire très significativement la menace des terroristes islamistes, Daesh et autres. Pour arriver à ce résultat, Assad n’a reculé devant rien.
-
Pour arriver à ses fins, Bachar al-Assad n’était pas seul. Responsables militaires et sécuritaires, chefs de milice, diplomates, financiers et même son épouse Asma ont rendu possible la victoire de Damas. Maher al-Assad, 48 ans, frère de Bachar al-Assad : il est son bras armé, commandant militaire et chef de la 4e Division, une unité d’élite au coeur du système sécuritaire du gouvernement. Et Rami Makhlouf, 48 ans : il est le cousin de Bachar al-Assad et il est l’homme le plus riche de Syrie, dont il contrôle 60% de l’économie. C’est le financier et l’inspirateur d’Assad.
-
Michel Garroté pour LesObservateurs.ch, 2.4.2018
-

Attaque au sarin – Une histoire de Sarrasins

   
Michel Garroté  --  Le 8 avril dernier, Les Observateurs signalaient, que le médecin ayant annoncé "l'attaque au sarin" contre la localité syrienne de Khan Sheikhoun, un certain Shajul Islam, a été poursuivi pour terrorisme au Royaume-Uni. Pourtant, de nombreux médias, loin de remettre en question cet individu, l'ont cité comme une "source".
-
Puis, le 26 avril, c'est au tour de la France de raconter que cette "attaque au sarin" contre Khan Cheikhoun, porterait "la signature" de Damas. C'est le chef de la diplomatie Jean-Marc Ayrault qui dit cela, lors de la présentation d'un "rapport des services de renseignement français". Concrètement, c'est quoi, "la signature" de Damas ?
-
Les médias qui répercutent cette information, ne précisent pas de quels "services de renseignement français" il s'agit. La DRM, service de renseignement des armées ? La DGSE ? On ignore donc de qui émane le "rapport" évoqué par Ayrault.
-
Le problème, c'est, aussi, que même si le recours au sarin ne soulevait pas de doutes -- or le recours au sarin soulève des doutes ; certains experts pensent même que l'armée syrienne a bombardé, à l'arme classique, un dépôt de sarin de l'Etat Islamique (EI) -- même si le recours au sarin ne soulevait pas de doutes, écrivais-je, il demeure impossible d'en tirer des conclusions sur l'auteur de l'attaque, sans qu'ait lieu une enquête, sérieuse, indépendante et neutre, une enquête diligentée par une entité non-suspecte de servir les adversaires du régime de Bachar al-Assad et/ou de vouloir, à n'importe quel prix, la destitution et le départ du président syrien.
-
La France, pour défendre la thèse de "l'attaque au sarin", dit s'appuyer sur des prélèvements et sur des analyses effectués sur les victimes. Et elle dit avoir étudié "trois aspects-clés" de l'attaque de Khan Cheikhoun : la nature du produit ; le procédé de fabrication ; et son mode de dispersion.
-
Selon la France, ce serait surtout le procédé de fabrication du sarin qui permettrait d'incriminer le régime de Damas. Le sarin prélevé à Khan Cheikhoun aurait été comparé avec des prélèvements réalisés, par la France, après l'attaque de 2013  contre la localité syrienne de Saraqeb, attaque "imputée" au régime. Mais en quoi le procédé de fabrication du sarin permettrait-il d'incriminer le régime de Damas ?
-
La France aurait récupéré une "munition non explosée" et elle en aurait "analysé le contenu". Elle dit être en mesure de "confirmer" que le sarin employé le 4 avril 2017 serait "le même sarin" que celui qui utilisé dans l'attaque contre Saraqeb le 29 avril 2013. Mais la France n'explique pas le pourquoi du comment. Elle dit simplement : "le même sarin".
-
Dans les deux cas (2013 et 2017), de l'hexamine, un "stabilisant", aurait été retrouvé. Ce "procédé de fabrication" serait celui développé par le Centre de Recherches et d'Etudes Scientifiques de Syrie (CERS), affirme la France. Cette dernière affirmation n'est pas très claire : en effet, l'hexamine y est d'abord présentée comme un simple "stabilisant", puis comme un "procédé de fabrication".
-
En réalité, les responsabilités sont extrêmement délicates à prouver. En 2016, des d'enquêteurs de l'ONU et de l'OIAC, avaient affirmé, d'une part, que Damas aurait mené trois "attaques au chlore" ;  et d'autre part, que l'Etat Islamique (EI) aurait mené diverses "attaques au gaz moutarde", notamment en 2014 et en 2015. Sarin, chlore, gaz moutarde, hexamine, que de formules techniques, pour finalement peu ou prou de preuves irréfutables.
-
Michel Garroté pour Les Observateurs
-

L’EI et l’Occident agissent-ils de concert en Syrie ?

   
Michel Garroté  --  Les groupes terroristes de l'Etat Islamique (EI) et du Front al-Nosra, ainsi que la Turquie, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l'Arabie saoudite et le Qatar agissent-ils de concert en Syrie ? La question peut sembler "conspirationniste" ou"complotiste".
-
Pourtant, cette question a tout lieu d'être posée, puisque de toute évidence, les monarques intégristes saoudiens et qataris, soutenus par l'Occident, prônent une forme d'islam bien plus proche de l'islam de l'EI que de l'islam, laïc, du régime syrien.
-
En mars dernier, les terroristes islamiques ont attaqué la ville de Hama, au centre de la Syrie, au moment où l'armée gouvernementale progressait à l'est d'Alep et était sur le point d'atteindre Raqqa, le fief de l'Etat Islamique. Cette attaque terroriste -- destinée à protéger L'EI près de Hama, non loin de Palmyre libérée, ainsi que près de Raqqa -- a ralenti l'offensive syrienne.
-
En effet, une partie des troupes gouvernementales a dû se rendre à Hama pour repousser l'attaque. Une question se pose à cet égard : pourquoi la coalition internationale qui -- paraît-il -- combattrait l'EI, n'a-t-elle rien fait, pour freiner les terroristes islamiques -- à coups de frappes aériennes -- lorsque ces terroristes islamiques attaquaient la ville de Hama ?
-
Une deuxième (et double) question, qui découle de la première (évoquée en début d'article), se pose à son tour : les groupes terroristes de l'Etat Islamique et du Front al-Nosra, ainsi que la Turquie, les États-Unis (et ce malgré le fait que Trump ait succédé à Obama), la France, le Royaume-Uni, l'Arabie saoudite et le Qatar agissent-ils de concert, contre l'armée gouvernementale syrienne, et, la Turquie, l'Arabie saoudite et le Qatar, soutiennent-ils, en fait, l'EI, contre Bachar al-Assad ?
-
Michel Garroté pour https://lesobservateurs.ch/
-

Régime syrien – On nous dit qu’il serait “stupide”

Photos : combattantes chrétiennes syriennes

   
Michel Garroté  --  Conseiller régional d'Ile-de-France et vice-président du Parti chrétien-démocrate, Franck Margain revient sur les derniers événements qui se sont déroulés en Syrie. Il cible la désinformation opérée et l'imprudence des pays occidentaux (cf. lien en bas de page).
-
Cette semaine, après une attaque de l'armée syrienne contre une base islamiste, des images de civils tués ont été diffusées. On nous a dit qu'ils ont été victimes d'un bombardement au gaz de combat sarin. On nous a même dit qu'il n'y avait "aucun doute" sur le type de gaz, et sur le fait qu'il ait été utilisé par l'armée. A la suite de cela, les Etats-Unis ont mené un bombardement sur une installation militaire syrienne, soutenus par le gouvernement français.
-
Il s'agirait de l'odeur caractéristique du gaz sarin. Mais le gaz sarin est inodore
-
Aujourd'hui en France, nous sommes une population plutôt bien instruite, caractérisée par un esprit dit cartésien. Quand une information nous est livrée, nous ne la prenons pas pour argent comptant, sans réfléchir, surtout quand elle est de nature à affecter notre destin national. Or dans le dernier développement de cette affaire syrienne, tout semble poser problème. Face au flot de désinformation, il est nécessaire de prendre du recul, et de se poser les bonnes questions.
-
D'abord, ces images qui nous sont diffusées proviennent d'une zone contrôlée par les djihadistes. Qui les a donc tourné et diffusé ? Dans les divers témoignages de secouristes, on nous a répété qu'il s'agit de l'odeur caractéristique du gaz sarin. Mais le gaz sarin est inodore ! Alors de quel gaz s'agit-il ? L'armée syrienne est désormais dans une position victorieuse. Et dans le combat en question, il n'y a manifestement aucun intérêt tactique à l'utilisation du gaz de combat. Pourquoi aurait-elle pris le risque d'utiliser une arme inutile, prohibée, qu'elle a elle-même officiellement abandonnée sous contrôle international ?
-
Actuellement en position de force, quel serait l'intérêt du régime ?
-
Le gouvernement syrien est en position politique de force. Il a regagné le contrôle des principaux points de son territoire. Il est soutenu par la Russie et la Chine. Les déclarations américaines indiquaient justement que son renversement n'était plus une priorité. Alors, pourquoi irait-il faire précisément ce qui pourrait l'affaiblir sur la scène internationale ? On nous rétorque que c'est par stupidité. Qui pourrait croire un seul instant qu'un système politique qui a résisté à une guerre aussi longue, aussi puissante, internationale, menée contre lui, soit stupide ?
-
Les mêmes qui nous parlent aujourd'hui d'attaque chimique, nous en avait aussi parlé en 2013. A l'époque, le président François Hollande voulait aussi déclencher sa petite guerre. Mais les Etats-Unis avaient stoppé ses velléités de va-t-en-guerre, dévoilant au monde son impuissance. Puis, après enquête, il s'est révélé que c'étaient les mercenaires islamistes qui avaient utilisé le gaz. Alors comment les croire aujourd'hui ?
-
Adapté et mis en page par Michel Garroté pour https://lesobservateurs.ch/
-
http://www.valeursactuelles.com/monde/syrie-le-gaz-sarin-nouvel-archiduc-francois-ferdinand-78973
-

Alep représente un nouvel ordre mondial – mais certains Américains refusent de l’accepter

La tragédie de la guerre syrienne marque le déclin des États-Unis en tant que superpuissance incontestée

Par Shahir Shahidsaless

La brutale bataille d'Alep a tragiquement emporté des centaines de vies innocentes, dont de nombreux enfants.

Elle a finalement pris fin avec la défaite des groupes de combattants rebelles syriens – principalement Jabhat Fateh al-Sham (le Front al-Nosra, affilié à al-Qaïda, qui s’est rebaptisé sous ce nom), Ahrar al-Sham et Jabha al-Shamiya – et la victoire des forces pro-Assad.

Cette tragédie est un rappel supplémentaire du fait que l’ère du monde unipolaire, caractérisée par la superpuissance incontestée des États-Unis depuis l'effondrement du bloc communiste en 1990, est arrivée à sa fin.

[…]

Dans un éditorial du 14 décembre, le comité de rédaction du Washington Post a écrit : « En refusant d'intervenir contre les atrocités du régime d'Assad... le président Obama a créé un vide comblé par Vladimir Poutine et les gardiens de la révolution iraniens ».

Ce groupe de l'élite américaine ne se rend pas compte que dans cette nouvelle ère, les États-Unis ne sont pas assez puissants pour projeter leur hégémonie autour du monde comme bon leur semble. En fait, les États-Unis ont tout fait pour faire tomber le dictateur syrien Bachar al-Assad, mais en vain.

[…]

Source : middleeasteye.net

Ne pas être intervenu en Syrie dès 2013 fut une erreur

Syrie-carte-1

   
Michel Garroté - En juillet dernier, Trump a clairement dit que l'EI était beaucoup plus dangereuse que Bachar al-Assad. De son côté, le général américain Michael Flynn dit la même chose. A ce propos, notons que Flynn a été l’un des principaux conseillers de politique étrangère du candidat Trump ; et qu'auparavant, il a travaillé pour Obama, qu'il a démissionné, car il n'était pas d'accord avec le président sortant, sur la stratégie à adopter, en Syrie notamment.
-
Pour le général Michael Flynn (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page), qui a été l’un des principaux conseillers de politique étrangère du candidat Trump, « le monde arabe doit venir à bout de l’idéologie politique qu’il appelle l’islam ». Michael Flynn, 58 ans, a été l’un des principaux conseillers de politique étrangère du président élu Donald Trump pendant sa campagne électorale. Le nom de ce général à la retraite, qui a dirigé de 2012 à 2014 le renseignement militaire, est cité comme possible secrétaire à la défense, directeur de la CIA ou conseiller pour la sécurité nationale. Il a pris la tête du renseignement militaire en 2012, avant de quitter ses fonctions deux ans plus tard, en raison d’un désaccord avec l’administration Obama sur le soutien à "l’opposition" en Syrie.
-
Les "rebelles" en Syrie, ce n’est pas une rébellion armée, ce sont des insurgés qui tentent de mettre la main pas seulement sur la Syrie et l’Irak, mais sur toute la région. Et ils appellent ça le Califat. En Syrie, nous avons très tôt vu des combattants djihadistes étrangers affluer de partout. Quand j’ai observé ce phénomène, je me suis dit que quelque chose n’allait pas. J’avais passé une décennie à me battre contre ces gens, en Irak, en Afghanistan, en Afrique de l’Est, en Afrique du Nord. Personne n’a voulu y prêter attention à ces informations, tout le monde était fatigué de la guerre et l’idée prévalait que cet incendie s’éteindrait de lui-même, ou qu’Assad l’écraserait. L’administration Obama a choisi d’ignorer mes mises en garde, ajoute le général Michael Flynn (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
-
Introduction, adaptation et mise en page de Michel Garroté
-
http://www.lemonde.fr/elections-americaines/article/2016/11/15/ne-pas-intervenir-en-syrie-en-2013-a-ete-une-erreur-selon-un-conseiller-de-donald-trump_5031547_829254.html
-

Syrie – La Russie pour une “guerre totale” ?

   
Michel Garroté - Les forces pro-gouvernementales syriennes, soutenues par les Russes, lancent, ce mardi 27 septembre 2016, sur quatre fronts, un assaut terrestre contre les secteurs d'Alep contrôlés par rebelles djihadistes. A propos d'Alep, peut-on sérieusement affirmer qu'en Syrie, la Russie opte pour une "guerre totale" ? Le fait est que la Russie utilise sa puissance de feu pour aider le gouvernement syrien à reconquérir Alep, car elle estime qu'il vaut mieux remporter une victoire militaire, plutôt que de poursuivre de vaines négociations avec les Etats-Unis. Ce sont là les affirmations, fondées ou non, de divers "experts". "Experts" réels ou présumés, souvent très hostiles à Bachar al-Assad et à Vladimir Poutine ; et, de ce fait, "experts complices" des djihadistes syriens.
-
"La Russie met le paquet parce qu'elle ne croit plus à la possibilité de collaborer avec les États-Unis en Syrie", commente Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie au Washington Institute (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page). "C'est la guerre totale, car Moscou ne croit plus que Washington soit capable de faire quoi que ce soit en Syrie par manque de volonté ou incapacité", ajoute-t-il. Après de laborieuses négociations entre le secrétaire d’État américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov, un cessez-le-feu était entré en vigueur le 12 septembre mais il n'a duré qu'une semaine. Outre le silence des armes, l'accord prévoyait l'acheminement d'aides humanitaires.
-
Notamment à Alep où les habitants sont affamés par un siège implacable, et la distanciation des groupes rebelles de leurs compagnons d'armes, les jihadistes du Front Fateh al-Cham, ex-Front al-Nosra (branche syrienne d'Al-Qaïda). Aucun de ses engagements n'a été tenu et la guerre est repartie de plus belle. Les avions russes basés en Syrie frappent depuis jeudi soir la partie rebelle à Alep avec une violence qu'ils n'avaient jamais utilisée depuis le début de l'intervention militaire il y a un an. Moscou veut "en terminer avec une importante poche de résistance rebelle", souligne Igor Sutyagin, expert de la Russie au Royal United Service Institute de Londres.
-
Il ne restera après qu'à reprendre la province d'Idleb et quelques poches rebelles, précise-t-il. Selon Thomas Pierret, expert de la Syrie à l'Université d'Edimbourg, "il s'agit d'accorder à Bachar al-Assad une victoire décisive" et "d'éliminer toute alternative en privant l'opposition de ce qu'elle considère comme sa capitale". "Une rébellion chassée d'Alep serait ramenée au rang d'insurrection périphérique", résume-t-il. Si depuis le début de la guerre, Moscou a toujours soutenu le président syrien face aux rebelles, aux Occidentaux et aux pays du Golfe, tant sur le terrain qu'à l'ONU, jamais leurs relations n'ont été aussi proches qu'aujourd'hui car Moscou, après bien des hésitations, a opté pour la force à Alep, comme le souhaitait depuis longtemps le régime.
-
"La Russie se rapproche désormais de la manière de penser du gouvernement syrien", souligne Bassam Abou Abdallah, directeur du Centre de Damas des études stratégiques. "Elle était avant plus axée sur une solution politique et a commencé à dialoguer avec le Golfe, les Etats-Unis et d'autres pays, mais il s'est avéré que ce dialogue était impossible", selon cet expert proche du régime. Une victoire à Alep mettrait les autorités de Damas en position de force "en vue de prochaine négociations" souhaitées par l'émissaire de l'ONU Staffan de Mistura, note Alexeï Malachenko, politologue russe spécialiste du Moyen-Orient. "Sans Alep, Assad n'est qu'un demi-président. Pour vraiment gouverner, il lui faut Alep", assure Fabrice Blanche.
-
Le président syrien pourra alors se targuer de contrôler les principales villes du pays, à savoir Damas, Alep, Homs, reprise en 2014, et Hama. "Russes et Syriens veulent prendre le contrôle de la totalité d'Alep et ensuite seulement négocier avec l'opposition", renchérit Fiodor Loukianov, membre du Conseil russe pour la politique de sécurité et de défense. "Alep joue un rôle clé" car l'avenir "dépendra de la disposition de la ligne de front qui séparera les parties belligérantes. Et cette ligne doit être stable". Au delà de la bataille d'Alep, la coopération entre Moscou et Damas répond à une logique sur le long terme, souligne Alexeï Malachenko. "Assad ne pourra rien obtenir sans Moscou, et la Russie à son tour comprend bien que sans Assad elle sera chassée du Proche-Orient. C'est une amitié forcée".
-
Les images des immeubles détruits à Alep rappellent celles de Grozny, où l'armée russe avait appliqué son vieil adage: "l'artillerie conquiert le terrain et l'infanterie l'occupe". Les experts soulignent toutefois la différence de tactique à Alep par rapport aux deux guerres sans merci menées en Tchétchénie par la Russie contre les séparatistes dans les années 1990. "La tactique des militaires russes à Alep n'a rien à voir avec celle pratiquée à Grozny. A Alep, les morts parmi les civils se comptent par dizaines, à en croire les médias occidentaux, il ne s'agit pas des centaines de morts comme en Tchétchénie. Ce n’est pas comparable", assure Alexandre Golts, un expert militaire indépendant. A l'époque, l'armée russe avait parfois procédé à une centaine de raids aériens par jour, auxquels s'ajoutait l’apport très destructeur de l’artillerie déployée autour de Grozny (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
-
Pour Jean-Sylvestre Mongrenier, coauteur de 'Géopolitique de la Russie' et Chercheur associé à l’Institut Thomas More, le cessez-le-feu russo-américain censé préparer un nouveau cycle de négociations sur le sort de la Syrie n’a donc pas duré (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page). Une semaine après son entrée en vigueur, le 19 septembre dernier, Damas annonçait la reprise des hostilités et un convoi humanitaire des Nations unies, envoyé dans une zone tenue par les rebelles, était bombardé. Depuis, les quartiers orientaux d’Alep sous le feu roulant des avions russes et syriens. Selon certaines analyses, ce nouvel échec diplomatique illustrerait la faible emprise de Moscou et Washington sur leurs alliés et protégés respectifs.
-
Pourtant, ces derniers événements relèvent davantage du développement d’une grande stratégie russe dont les objectifs dépassent les enjeux géopolitiques syriens. Après avoir bloqué durant quatre ans tout accord international sur une transition politique en Syrie, en faisant usage de son droit de veto au Conseil de sécurité, et apporté un soutien financier et militaire constant au régime de Damas, le Kremlin a décidé d’intervenir directement dans le conflit, au cours de l’été 2015, au moment où le pouvoir de Bachar Al-Assad vacillait sérieusement. Deux jours avant le début des bombardements russes sur les positions rebelles, Vladimir Poutine justifiait cet engagement direct par la lutte contre le djihadisme (voir son discours à l’Assemblée générale de l’ONU, le 28 septembre 2015).
-
En vérité, le déploiement de moyens militaires russes sur le théâtre syro-irakien n’a pas bouleversé le rapport global des forces et Moscou n’a ni les moyens requis, ni la légitimité nécessaire pour mettre sur pied une coalition mondiale contre l’« État islamique ». Dès le début des bombardements russes, le choix des cibles a confirmé que l’objectif de Moscou consistait à sauver le régime de Bachar Al-Assad et à sanctuariser le réduit alaouite et la « Syrie utile » (l’axe Alep-Damas et le littoral). Poutine entendait ainsi sauvegarder les intérêts stratégiques russes, à savoir les « facilités » navales de Tartous, à mi-chemin des détroits turcs et du canal de Suez, la base aérienne de Lattaquié, les radars qui surveillent la Turquie (voir la base d’Incirlik) et le Proche-Orient.
-
De surcroît, la côte syrienne constitue un point d’entrée dans une région à laquelle la Russie accorde une importance cruciale. Autrement dit, l’enjeu résidait dans la préservation de ses « actifs » géopolitiques au Proche-Orient et en Méditerranée orientale. De fait, l’intervention a sauvé le régime de Damas et Bachar Al-Assad est le garant des intérêts stratégiques russes. Poutine a su exploiter la vacance de pouvoir, résultante de la politique américaine dans cette région. Dès le début de la sanglante répression des manifestations contre le régime de Damas, Barack Obama a bien exigé le départ de Bachar Al-Assad et le Département d’Etat a apporté un soutien diplomatique à l’opposition afin de préparer l’avenir.
-
Pourtant, le renoncement de Barack Obama à faire respecter la « ligne rouge » qu’il avait tracée, malgré l’emploi d’armes chimiques, a mis en évidence le refus du président américain d’engager un nouveau conflit au Moyen-Orient. Il s’est empressé de saisir l’offre de Poutine: le désarmement chimique de Damas, sous la supervision de l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques). L’acceptation de ce plan préservait le pouvoir de Bachar Al-Assad et offrait un succès au président russe (cf. l’accord russo-américain du 14 septembre 2013). On ne saurait parler de retrait des Etats-Unis. Le Moyen-Orient est une zone névralgique dont la destinée importe, nonobstant la montée en puissance de la production de pétrole de schiste outre-Atlantique, et il serait fallacieux de réduire la politique américaine dans la région à la seule gestion des flux pétroliers.
-
De la Méditerranée orientale à l’Océan Indien, le dispositif géostratégique est toujours en place et l’on voit mal comment les Etats-Unis pourraient s’abstraire du Moyen-Orient, ce « nœud gordien » mondial. Simplement, Obama a centré sa politique sur la résolution de la crise nucléaire iranienne et il considère que le phénomène « Etat islamique » est une excroissance de la question irakienne. Plus généralement, la « patience stratégique » à laquelle il en appelle consiste à rétablir une certaine distance à l’égard du Moyen-Orient et à ne pas se laisser happer par les conflits régionaux. Du point de vue d’Obama, un interventionnisme inconsidéré en Syrie n’apporterait pas les résultats attendus et menacerait les positions extérieures des Etats-Unis, notamment en Asie-Pacifique.
-
Il considère que l’avenir de la puissance se détermine sur d’autres plans que le militaire, ceux de la technologie et de l’économie. Enfin, il lui faut prendre en compte l’opinion publique américaine, encline à l’isolationnisme. Il reste que les développements de la situation ont montré l’impossibilité de borner cette guerre au territoire syrien et les limites du détachement géostratégique. Faute de moyens militaires additionnels visant à modifier l’équilibre local des forces, le secrétaire d’Etat John Kerry, a été conduit à faire des concessions unilatérales, sans résultat aucun. Poutine et Assad sont bel et bien « mariés », Moscou et Téhéran ont mis en place un axe russo-chiite et l’alliance Moscou-Damas-Téhéran, renforcée au sol par le Hezbollah, mène l’assaut contre les quartiers rebelles d’Alep.
-
Dans cette guerre, Obama a négligé l’existence d’une « grande stratégie » russe qui s’étend bien au-delà des enjeux géopolitiques syriens. Malgré l’échec de la politique de « reset » et le conflit en Ukraine, il semble voir en Poutine un homme avec lequel il est possible de coopérer, comme dans la gestion de la crise nucléaire iranienne, si tant est qu’on lui laisse de l’espace. In fine, l’objectif du président russe serait d’améliorer les « termes de l’échange » avec l’Occident et d’être reconnu comme une puissance de premier plan, avec les droits et devoirs corrélatifs. Dans les faits, Poutine est un nostalgique de la superpuissance soviétique. Animé par une logique revancharde et révisionniste, il pense que l’heure de la revanche a sonné, la prudence excessive d’Obama en Syrie et la perte de « capital politique » des Etats-Unis au Moyen-Orient lui ouvrant la possibilité d’inverser le cours de l’Histoire.
-
Du point de vue russe, la Syrie et le Moyen-Orient sont les théâtres d’une nouvelle guerre froide. A bien des égards, la vision de Poutine et des hommes qui l’entourent peut paraître irréaliste. Les « fondamentaux » de la puissance (PIB, technologie, démographie, structure sociopolitique) et l’incapacité à mener les réformes structurelles requises, pour mettre fin à la « malédiction des matières premières » et faire entrer la Russie dans le nouveau siècle, semblent invalider le projet géopolitique du Kremlin. Cela dit, il importe de comprendre que les perceptions et représentations géopolitiques, même erronées, comptent autant que les faits bruts. L’opiniâtreté, la prise de risques et les coups tactiques à répétition de Moscou sont susceptibles de mettre les équilibres mondiaux en danger.
-
Surtout, l’insistance sur le fait qu’il n’y a pas de solution militaire en Syrie et la persistance à voir en Poutine un possible « pacificateur » mettent en évidence une faiblesse majeure du côté des sociétés occidentales post-modernes: une anthropologie mutilée focalisée sur les seuls « intérêts », la considération des avantages réciproques inclinant aux compromis. Ainsi, l’Occident néglige-t-il les passions qui émanent du « thymos » (la partie colérique de l’âme) et poussent aux extrêmes. Quand bien même nous apparaissent-ils déraisonnables, le ressentiment, la volonté de revanche et l’esprit de domination sont autant de passions souterraines qui déterminent l’impérialisme néo-soviétique de Poutine, conlut Jean-Sylvestre Mongrenier (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
-
Pour Jean-Pierre Filiu, historien, "arabisant", "spécialiste" de l'Islam contemporain, ce serait, "un peu le sort de notre monde qui se joue à Alep". C'est du moins ce qu'il affirme dans l'entretien ci-dessous avec Ouest-France (voir lien vers source en bas de page) :
-
Ouest-France - Qu’est-ce qui se joue à Alep, en ce moment-même ?
-
Jean-Pierre Filiu - A mon sens, et je le dis avec une gravité que j’assume, c’est un peu le sort de notre monde qui se joue à Alep. L’Onu a été humiliée le 19 septembre avec le bombardement du convoi d’aide humanitaire qu’elle destinait à la ville d’Alep. Ce bombardement est, c’est ma conviction, l’œuvre d’un membre permanent du Conseil de sécurité, la Russie. Il a ouvert un cycle d’une extrême violence, sans précédent. On parle d’apocalypse à Alep, dont la Russie est le maître d’œuvre. Le régime Assad étant paradoxalement passé désormais sous ses ordres.
-
L’objectif est de reprendre Alep à n’importe quel prix, même en la détruisant totalement ?
-
Il y a d’abord la pratique de la guerre par la Russie, qui a été rôdée au cours des deux guerres de Tchétchénie, et qui consiste à reprendre des zones rebelles en les réduisant à l’état de ruines. Et en contraignant une population civile absolument vulnérable à choisir entre la mort et la reddition. Et à imposer ce choix aux combattants qui se trouvent au milieu de cette population. Il faut aussi mesurer l’affront qu’a représenté pour la Russie, début août, le fait que le siège d’Alep ait été brisé, alors que le commandement russe sur place était convaincu qu’il était devenu étanche, notamment avec le ralliement des milices kurdes, contre les quartiers Est d’Alep tenus depuis 2012 par les forces révolutionnaires.
-
Les installations sanitaires sont de plus en plus ciblées. C’est un choix délibéré ?
-
J’ai des témoignages directs, je connais bien le terrain. Il y a trois ans, tout ce qui tombait sur la tête des habitants des quartiers insurgés était déjà russe. Les bombes, les roquettes, les missiles, les balles. La différence, c’est que maintenant ce sont les Russes eux-mêmes qui les envoient. Les humanitaires sur place me disent tous la même chose : il y a bel et bien un ciblage systématique des institutions de santé. La première vague de bombardements de cette escalade, jeudi dernier, a détruit trois des quatre centres de la défense civile, les casques blancs qui sont absolument neutres et ne font que de l’humanitaire à Alep. Ce n’est pas une bavure, c’est une politique systématique car il faut briser la résistance d’une population, non seulement en l’affamant mais aussi en faisant que des blessures bénignes deviennent mortelles car il n’y a plus aucun moyen de les soigner.
-
Moscou rétorque qu’en face, ce sont des groupes terroristes qui combattent. Daech et autres…
-
La réalité, c’est que le Kremlin ne fait plus la guerre à Daech depuis longtemps. Or, c’était sous cette bannière de lutte contre le califat que Poutine avait justifié l’intervention directe et massive de ses forces il y a un an. L’autre groupe qui s’appelait al-Nosra, qui a changé de nom mais qui selon moi reste toujours l’émanation d’al-Qaïda, n’était pas présent à Alep jusqu’à très récemment. C’est le siège d’Alep par la Russie et le régime Assad qui a fait que les Djihadistes sont apparus comme des sauveurs en brisant le siège. On est face à une classique politique du pire menée par la Russie, une prophétie auto-réalisatrice. Les Russes bombardaient violemment Alep avant que Nosra ne soit présente. Cette situation est surtout le résultat de l’abandon de la Syrie par les pays qui prétendent la soutenir, comme les Etats-Unis, et ceux qui prétendent combattre le terrorisme mais en réalité l’alimentent, la Russie.
-
Les propos des diplomaties occidentales au Conseil de sécurité, parlant de « barbarie », de « crimes de guerre », peuvent peser sur la situation ?
-
Il faut rendre hommage à la diplomatie française. Le discours de Hollande, disant cela suffit, à la tribune de l’Onu contrastait la semaine dernière avec celui d’Obama, qui a passé la Syrie par pertes et profits. L’escalade a été anticipée par les diplomates français. Les Etats-Unis pourraient aller beaucoup plus loin que les accusations de « barbarie », ils pourraient montrer les preuves des crimes de guerre russes, car ils les ont. Mais le président Obama est coincé, comme il l’était en 2013 sur la question des armes chimiques. Il ne veut pas tirer les conséquences de ces preuves pour agir, et comme il ne veut pas agir il ne veut pas mettre les preuves sur la table.
-
C’est un tournant dans les relations internationales et de la relation avec la Russie ?
-
La reculade d’Obama sur les armes chimiques en août 2013 a convaincu Vladimir Poutine qu’il n’y aurait pas de réactions dignes de ce nom à l’annexion de la Crimée quelques mois plus tard. On a effectivement des théâtres qui, vus du Kremlin, sont intégrés. La Syrie occupe une position centrale. D’abord parce que c’est celle où se met en œuvre une doctrine, celle de la guerre de la guerre globale contre la terreur version Poutine, qui avait été développée il y a un an par le président russe à la tribune de l’Onu. Et plus généralement, une volonté de puissance au Moyen Orient, avec une collaboration militaire sur laquelle on n’insiste pas assez avec l’Egypte du maréchal Sissi, avec l’Irak, pourtant censé être un allié fidèle des Etats-Unis. Il y a cette proposition russe de parrainer des pourparlers israélo-palestiniens alors que, jusqu’à il y a peu, c’était une chasse gardée des Etats-Unis. Il y a eu cette conférence, en Tchétchénie, de dirigeants islamiques du monde entier pour condamner l’Arabie Saoudite. Donc on voit que le Moyen Orient en général, et la Syrie en particulier, ne sont qu’un marchepied, qu’un théâtre où se reconstruit une Russie qui mène la guerre froide à sens unique, et qui donc ne fait que la gagner face à des Etats-Unis qui reculent pratiquement sur tous les fronts, conclut Jean-Pierre Filiu (fin de l'entretien ; voir lien vers source en bas de page).
-
Introduction, adaptation et mise en page de Michel Garroté
-
http://www.challenges.fr/monde/en-syrie-la-russie-opte-pour-la-guerre-totale_429067
-
http://www.challenges.fr/tribunes/syrie-ce-que-revele-la-strategie-agressive-de-vladimir-poutine_428793
-
http://international.blogs.ouest-france.fr/archive/2016/09/27/alep-russie-filiu-syrie-16870.html
-

Grande interview avec Bachar al-Assad

Bashar Assad

   
Entrevue accordée par le Président Bachar al-Assad au Directeur général de l’agence russe Sputnik [Texte intégral].
-
1ère partie : LA FUTURE CONSTITUTION EST AFFAIRE DU PEUPLE SYRIEN
-
Question 1 : On parle beaucoup des réfugiés syriens, la majorité des migrants en Europe se présentant comme des Syriens, même les Pakistanais. Selon les évaluations allemandes, 77% sont sans papiers d’identité. Nous aimerions comprendre comment vous évaluez le nombre de déplacés à l’intérieur de la Syrie, ainsi que le nombre de ceux qui ont été forcés à quitter le pays et les raisons de leur fuite. Nous aimerions mettre les points sur les « i » en ce qui concerne ce sujet.
-
Le Président Al-Assad : Il n’y a évidemment pas de chiffres précis. Les chiffres sont approximatifs. Ainsi, ceux qui se déplacent à l’intérieur du pays pour se rendre chez des proches, dans d’autres villages, ne se déclarent pas en tant que réfugiés. La plupart, en quête de sécurité, quittent des zones infiltrées par des terroristes pour aller dans les zones contrôlées par l'État.
-
Ceci dit, je ne crois pas que le problème réside dans les chiffres. Le problème est que, jusqu'à présent, il n’y a eu aucun travail sérieux de la part de nombreux États. Ils traitent la question des réfugiés comme si elle ne concernait que l’étranger.
-
Certains pays européens veulent bien les accueillir pour leur assurer le gîte et des aides. Il arrive même qu’ils envoient des aides aux personnes déplacées à l’intérieur du pays. Mais cela ne résout pas le problème. Le problème fondamental est le terrorisme. Nous devons le combattre au niveau international car il n’est pas uniquement lié à la Syrie. Il sévit aussi en Irak. Il est directement soutenu par la Turquie, la famille des Al-Saoud et une partie des pays occidentaux, notamment la France et la Grande-Bretagne, tandis que d’autres se contentent de regarder sans agir sérieusement. Je pense que plus qu’une question de chiffres c’est là que réside le problème.
-
Question 2 : Je suis persuadé que vous attendez le retour des Syriens dans leur pays, ce qui pourra se faire à partir du moment où vous aurez démarré la reconstruction. Avez-vous déjà estimé l’étendue des destructions et des dommages subis par la Syrie ces dernières années ?
-
Le Président Al-Assad : Les dommages portant sur l’économie et les infrastructures dépassent deux cents milliards de dollars. Le secteur économique pourra être relevé dès que la Syrie retrouvera sa stabilité, mais la reconstruction des infrastructures exigera plus de temps.
-
Nous avons initié le processus de la reconstruction avant que la crise ne soit résolue afin de soulager, autant que possible, le citoyen syrien des dommages subis par l’économie et les infrastructures et, en même temps, diminuer l’émigration vers l’étranger, car il se peut que ceux qui souhaitent revenir soient encouragés au retour par l’espoir d’une amélioration de la situation.
-
L’émigration n’est pas uniquement due au terrorisme et à l’insécurité, mais aussi au blocus et aux sanctions occidentales imposées à la Syrie. Beaucoup de gens résidant en zones sécurisées, indemnes de terrorisme, ont émigré parce que le citoyen ne peut plus assurer les nécessités de sa vie quotidienne.
-
Par conséquent, en tant qu’État, il est impératif que nous agissions pour offrir les moyens, mêmes élémentaires, pouvant améliorer la situation économique et les services à la population. C’est ce que nous faisons en travaillant dès maintenant à la reconstruction.
-
Question 3 : La Syrie devra évidemment compter sur l'aide de la communauté internationale. Sur l’aide de qui compterez-vous pour la reconstruction du pays et comment envisagez-vous le rôle des sociétés et entreprises russes ?
-
Le Président Al-Assad : Dans tous les cas, le processus de reconstruction est un processus gagnant pour les entreprises qui y contribueront, surtout si leurs États les soutiennent en leur accordant les crédits nécessaires. Bien sûr, il est à prévoir que ce processus repose sur les trois États qui se sont tenus à nos côtés tout au long de cette crise : la Russie, la Chine et l’Iran.
-
Mais je pense que nombre d’États qui se sont positionnés contre la Syrie, et en premier lieu les États occidentaux, tenteront d’envoyer leurs propres entreprises pour participer à ce processus. Cela dit, il ne fait aucun doute qu’en ce qui nous concerne, nous nous adresserons principalement aux pays amis. D’ailleurs, ce serait assurément la réponse, politique et affective, de n’importe quel citoyen syrien que vous questionneriez à ce sujet. Il vous dira que nous réserverons le meilleur accueil aux entreprises de ces trois pays, à commencer par la Russie.
-
Quant aux infrastructures en question, elles nécessitent la collaboration de centaines de spécialités et de compétences. C’est pourquoi je crois que le champ d’action sera très large pour toutes les entreprises russes qui participeront à la reconstruction.
-
Question 4 : Monsieur le Président, nous passons aux questions politiques. Comment évaluez-vous les résultats des « négociations » à Genève sur la Syrie, lesquelles ont eu lieu la semaine dernière ?
-
Le Président Al-Assad ; Jusqu’ici, nous ne pouvons certainement pas dire que quelque chose ait abouti suite à ces derniers « pourparlers » de Genève, si ce n’est que nous avons abordé des sujets fondamentaux en posant les principes de base des futures négociations, car des négociations sans principes sous-jacents se transforment en palabres chaotiques improductives, autorisant chaque partie à camper sur ses positions et d’autres États à s’ingérer indûment.
-
Nous avons donc commencé par présenter un « document de principes », mais nous n’avons encore travaillé qu’avec M. De Mistura sans entrer en contact avec la partie censée négocier avec nous. Nous devrions poursuivre les discussions et le dialogue autour de ce document lors de la prochaine session. Par conséquent, je peux dire à propos de la dernière session que nous avons initié une méthodologie susceptible d’aboutir au succès des futures négociations et que si nous la respectons, les prochaines sessions seront bénéfiques.
-
Question 5 : Je voulais justement aborder le positionnement de la Syrie lors des prochaines sessions. Quand est-ce qu’elle discutera de ladite « transition politique », laquelle amènera le sujet d’un « organe de transition » qui gouvernerait le pays ? Quel est votre point de vue sur le mécanisme adopté à cet égard ?
-
Le Président Al-Assad : Premièrement, il n’existe pas de définition d’une « période transitoire ». Ensuite, en Syrie, nous pensons que ce concept implique une transition d’une Constitution à une autre, car c’est la Constitution qui définit le système politique souhaité.
-
Par conséquent, la période transitoire doit nécessairement courir sous la Constitution actuelle. Nous ne passerons à une nouvelle Constitution qu’une fois que le peuple syrien l’aura approuvée par son vote.
-
D’ici là et selon notre perception en tant que Syriens, ce que nous pouvons faire est de veiller à la formation d’un gouvernement regroupant les diverses forces politiques syriennes, y compris celles de l’opposition et des indépendants. Une structure transitoire ou un gouvernement momentané, dont le but principal sera de travailler à la nouvelle Constitution avant de la soumettre au suffrage des Syriens et qui ne sera applicable qu’après leur approbation.
-
Rien dans la Constitution syrienne, ni dans aucune autre, ne correspond à un « organe de transition ». C’est un discours illogique et inconstitutionnel. Quels seront les pouvoirs d’un tel organe ? Comment pourrait-il gérer le quotidien des citoyens ? Qui évaluera leurs besoins ? Aujourd'hui, nous disposons d’une Assemblée du peuple [le Parlement syrien] et d’une Constitution qui dirigent le gouvernement et l’État. C’est pourquoi la solution est celle d’un « gouvernement d’union nationale » qui préparera la nouvelle constitution.
-
Question 6 : À ce stade et concernant ce gouvernement, je souhaitais vous interroger sur les modalités de sa formation. Qui le composera ? Serait-ce le Parlement élu le 13 avril prochain ou bien vous-même ? Accepteriez-vous une participation internationale à sa formation ?
-
Le Président Al-Assad : Tel est l'objectif des pourparlers de Genève, un dialogue entre Syriens pour que nous nous mettions d’accord sur la composition de ce gouvernement. Nous n’avons pas encore d’idée définitive étant donné que, mis à part certaines personnes, les autres parties n’ont toujours pas accepté ce principe.
-
Une fois que nous nous serons tous entendus sur ce principe, nous dirons comment il nous faudra l’exécuter. La logique voudrait que soient représentées les forces indépendantes, les forces de l’opposition et les forces en accord avec l’État actuel. Théoriquement, cela pourrait se faire rapidement.
-
Quant aux modalités techniques devant aboutir à la formation de ce gouvernement, comme vous le savez, existent des ministères avec ou sans portefeuille et certains y entreront sans avoir l'expérience du travail gouvernemental. Dès lors, nombre de questions devront être discutées et détaillées à Genève. Je ne pense pas qu’elles seront sources de complications insolubles, car elles sont toutes susceptibles de trouver un règlement.
-
Concernant le Parlement, il n’a aucun rôle à jouer dans ce processus qui doit être réglé entre nous et l’ « opposition à l’étranger ». Il supervise le gouvernement syrien mais ne le nomme pas.
-
Question 7 : Pensez-vous que le prochain Parlement sera de toutes les couleurs ?
-
Le Président Al-Assad : Cela dépend des électeurs syriens. Y’aura-t-il de nouvelles couleurs dans la société syrienne ? Il ne suffit pas qu’il y’ait de nouveaux partis, comme cela fut le cas lors des élections législatives en 2000, car il est possible qu’existent une centaine de partis sans qu’ils aient tous leurs représentants aux élections. Que souhaitera le citoyen syrien pour aller voter ? Comme vous le savez, ce sont des questions qui demandent du temps. N’importe quel nouveau parti en a besoin pour prouver le bien-fondé de son programme politique aux citoyens. Actuellement, étant donné les circonstances difficiles, il est possible qu’ils ne souhaitent pas tenter trop de nouveautés, comme il est probable que ce soit le cas quand la situation sécuritaire ira vers le mieux et que les préoccupations politiques du citoyen prendront le pas sur ses préoccupations vitales. Aujourd’hui, le citoyen syrien pense d’abord à sa vie, à sa sécurité, ensuite aux nécessités de son quotidien, aux études de ses enfants et à sa santé ; le reste est du domaine du secondaire. C’est pourquoi je ne m’attends pas à un changement radical dans l’immédiat.
-
Question 8 : Vu la situation dans sa globalité, comment croyez-vous que vos succès sur le terrain et les victoires des forces gouvernementales pourront aider la transition politique, certains étant convaincus que ces victoires consolideront vos positions lors des pourparlers de Genève, d’autres déclarant qu’elles menacent le processus politique ?
-
Le Président Al-Assad : C’est une question très importante. Il y a, en effet, ceux qui présentent le positionnement de la Russie contre le terrorisme comme un simple soutien au Président, ou au gouvernement, et donc comme un obstacle au processus politique. Ce serait vrai si nous n’avions pas été souples dès le départ et si nous nous étions vraiment butés.
-
Or, si vous reveniez sur la politique suivie par l’État syrien depuis cinq ans, vous constateriez que nous avons tenu compte de toutes les initiatives avancées par toutes les parties, sans exception, même lorsqu’elles n’étaient pas sincères ; notre but étant de ne rater aucune occasion susceptible de résoudre la crise.
-
C’est pourquoi, ma réponse à ce sujet se résumera à dire que le soutien militaire russe et le soutien des amis de la Syrie, ainsi que les victoires militaires syriennes, mèneront à l’accélération de la solution politique, non l’inverse. Nous n’avons pas modifié nos positions, ni avant, ni après le soutien russe. Nous nous sommes rendus à Genève avec toujours autant de souplesse.
-
En même temps, je dirai que ces victoires auront leur influence sur les forces et les États qui empêchent la solution, à commencer par l'Arabie Saoudite, la Turquie, la France et la Grande-Bretagne qui parient sur notre échec sur le terrain, afin d'imposer leurs conditions lors des négociations politiques. Raisons pour lesquelles, je pense que ces avancées militaires aboutiront à accélérer la solution politique et non à la menacer.
-
Question 9 : S’agissant de l'avenir, comment envisagez-vous la présence de bases militaires étrangères sur le territoire syrien ? À quelles conditions elles y resteront et est-ce que la Syrie en a besoin ?
-
Le Président Al-Assad : Si nous parlons de la période actuelle, oui, nous en avons certainement besoin, parce qu’elles sont efficaces dans la guerre contre le terrorisme. Et même si la situation sécuritaire se normalisait, la lutte contre le terrorisme ne sera ni rapide, ni éphémère. Le terrorisme s’est répandu dans cette région sur des décennies et il faudra le combattre sur une longue période. D’un autre côté, ces bases ne sont pas uniquement liées à la lutte contre le terrorisme, mais sont aussi liées à la situation internationale générale.
-
À notre grand regret, l’Occident, tout au long de la guerre froide, au-delà et jusqu’aujourd’hui, n’a pas changé sa politique. Il veut étendre son hégémonie et décider pour les autres nations. Malheureusement, les Nations Unies n'ont pas été en mesure de jouer leur rôle dans le maintien de la paix internationale. Par conséquent, tant qu’elles ne retrouveront pas leur véritable rôle, ces bases militaires seront nécessaires, pour nous, pour vous et pour l'équilibre du monde. C’est un fait. Que nous soyons d’accord ou pas, c’est actuellement une nécessité.
-
Question 10 : Des bases militaires de quels États parlez-vous exactement ?
-
Le Président Al-Assad : Je parle uniquement des bases russes. Nous n’avons pas de bases d’un autre État. D’une part, parce que nos relations avec la Russie datent d’une soixantaine d’années et sont fondées sur la confiance et la transparence. D'autre part, parce qu’en matière de politique la Russie s’appuie sur des principes et que nous respectons ces mêmes principes. C’est pourquoi, la présence de bases militaires russes en territoire syrien n’est pas une occupation. Bien au contraire, elle renforce nos relations, notre amitié, la stabilité et la sécurité. Et c’est ce que nous voulons.
-
Question 11 : Pouvez-vous imaginer ou accepter l’idée que le système de gouvernance de l’État syrien se transforme en un système fédéral ? Si oui, quelle forme prendrait l’autonomie kurde et quelle en serait l’étendue ?
-
Le Président Al-Assad : Du point de vue géographique, la Syrie est trop petite pour se transformer en État fédéral, elle est probablement moins étendue que la plupart des Républiques de Russie. En principe, la Syrie ne me paraît pas destinée au fédéralisme, faute de facteurs naturels pouvant justifier un tel système. Mais naturellement, en tant qu’État, nous approuvons ce que le peuple approuve, et le fédéralisme dépend de la Constitution, laquelle est soumise à l’approbation de ce même peuple.
-
Ceci étant dit, le concept de fédération kurde aurait besoin d’être corrigé. La majorité des Kurdes de Syrie veulent vivre au sein d’un État unitaire dirigée par un gouvernement central non fédéral. Il ne faut donc pas confondre certains Kurdes qui réclament un système fédéral et tous les autres Kurdes. D’ailleurs, d’autres composantes non-kurdes, aussi peu représentatives quantitativement, cherchent la même chose. Ce n’est pas pour autant que l’idée du fédéralisme soit acceptée par la majorité du peuple syrien. C’est pourquoi, je ne pense pas qu’au cas où cette idée serait soumise à son suffrage direct, elle aurait son approbation.
-
Question 12 : Mais maintenant, on parle d'une nouvelle Constitution. Êtes-vous d’accord sur le fait que la nouvelle Constitution devrait être prête en août, une date fixée par John Kerry après ses entretiens au Kremlin, alors que la position de la Russie n'a pas encore été annoncée ?
-
Le Président Al-Assad : La rédaction de la constitution pourrait être prête en quelques semaines, les experts en la matière et les propositions ne manquent pas. Ce qui prend du temps ce sont les discussions. La question devient donc : quel est le processus politique qui devrait nous mener à débattre de la Constitution ?
-
En tant qu’État, nous pouvons aujourd’hui rédiger une Constitution et la soumettre aux citoyens, mais lorsque nous parlons de « forces politiques », quelles sont-elles ? Nous ne le savons toujours pas. Nous posons la question à M. De Mistura, il ne le sait pas ! Même les Américains ne savent pas, tandis que l’Occident, par moments, ainsi que certains autres États, notamment l’Arabie saoudite, veulent restreindre toutes les autres parties au seul « groupe d’opposants de Riyad », lequel comprend des membres terroristes, dans le but de donner une image unique de l’opposition avec laquelle nous serions censés négocier une Constitution. C’est une opposition qui n’existe pas en Syrie. À part cela, le délai du mois d’août est correct et suffisant.
-
2ème partie : NOUS AVONS TOUS LA VOLONTÉ DE NETTOYER LA SYRIE DES TERRORISTES
-
Question 2.1 : Monsieur le Président, la libération de Palmyre est sans aucun doute un événement mondial ; lequel, à mon avis, n’a pas encore été digéré. Un événement d’autant plus important qu’il s’est produit après le retrait de la partie principale des forces militaires russes de votre pays. Comment est-ce arrivé et vers quelles autres villes avez-vous l'intention de vous diriger ?
-
Le Président Al-Assad : Il est vrai que cet événement n’a pas encore été digéré. Certains, en ce monde, l’ont assimilé mais ne veulent pas y croire. Et aujourd'hui, deux jours après la libération de Palmyre, nombre d'États supposés concernés par la lutte contre le terrorisme -ou une partie de la Coalition internationale étatsunienne pour la lutte contre le terrorisme- ne se sont toujours pas prononcés sur cette libération.
-
Comme je veux être extrêmement clair, je cite en premier lieu les deux régimes français et britannique. Nous n’avons entendu aucun commentaire de leur part. Il y a des raisons à cela. Premièrement, parce que l'occupation de Palmyre par les terroristes, il y a moins d'un an, a témoigné de l’échec de leur coalition et de son manque de sérieux dans la lutte contre le terrorisme, notamment de Daech ou EIIL. Ensuite, parce que cette libération, avec le soutien de la Russie, a prouvé ce manque de sérieux.
-
Comment avons-nous pu y arriver ? Premièrement et en toute simplicité, parce que nous avons la volonté de nettoyer complètement la Syrie des terroristes, ce qui ne tolère aucune discussion étant donné qu’il n’y pas d’autre choix pour la protéger ; bien sûr avec le processus politique associé, mais le combat contre le terrorisme reste fondamental. Nous avons cette volonté. Le peuple syrien a cette volonté, et l’armée syrienne est déterminée à libérer toutes les régions du pays. Ensuite, par le soutien simultané de nos amis. Le soutien de la Russie a été essentiel et efficace pour y arriver, tout autant que le soutien de nos amis en Iran, plus le soutien du Hezbollah libanais et d'autres groupes syriens combattant aux côtés de l’armée syrienne.
-
Il est évident qu’après la libération de Palmyre nous devons nous diriger vers des régions voisines menant vers l’Est, comme la ville de Deir al-Zor, et commencer, en même temps, à travailler en direction de la ville de Raqqa, actuellement le principal bastion des terroristes de Daech.
-
Question 2.2 : Monsieur le Président, l’Histoire de la Syrie est d’une grande richesse. Comment imaginez-vous votre rôle dans l’Histoire de votre pays et comment croyez-vous que les historiens pourront l’évaluer à l’avenir ?
-
Le Président Al-Assad : Cela dépendra de l’historien et de son objectivité. Nous savons que l'Histoire est souvent écrite de manière inexacte et qu’actuellement elle est falsifiée. Mais en supposant que son évaluation devienne objective et que son récit soit sincère, je peux dire que les historiens et le peuple syrien sont les plus aptes à l’apprécier.
-
Je ne peux juger de moi-même, mais je peux espérer : premièrement, être situé parmi ceux qui ont sauvegardé leur pays face à une attaque terroriste inouïe ces dernières décennies, voire depuis des siècles quant à son déroulement et à sa brutalité ; deuxièmement, être considéré comme une personne qui a œuvré pour la sauvegarde de la région, car la Syrie en est un pays essentiel et si jamais l’État syrien s’était effondré et que le chaos s’y était totalement installé, c’est assurément toute notre région qui aurait eu à en souffrir. C’est ce que j’espère que l’Histoire retiendra de moi.
-
Question 2.3 : Une grande partie de ce qui se passe actuellement en Syrie a une dimension internationale. Quel conseil pourriez-vous donner à un chef d’֤État qui serait confronté à cette même situation ?
-
Le Président Al-Assad : Pour commencer, nous ne souhaitons à aucun pays de passer par ce que nous avons traversé en Syrie. Nous avons vécu quelque chose d’inhumain. Mais aujourd’hui, vous vivez dans un monde sans droit international, sans morale en matière de travail politique. Tout peut arriver n’importe où dans ce monde. Ce que je veux dire de notre expérience syrienne est que toute forme de fanatisme, religieux, politique, social ou idéologique, est destructeur pour la société. Il est donc impératif d’écarter tous ces fanatismes du processus d'édification des sociétés. C’est le devoir de l’État et de toutes les autres composantes d’une société donnée. Et c’est aussi le devoir de tout citoyen.
-
D’un autre côté et au cas où une crise semblable surgissait dans n’importe quel pays, la première chose à savoir est que c’est le peuple qui protège le pays. Par conséquent, n’importe quelle décision qu’un chef d’État soit tenté de prendre pour résoudre la crise doit être en accord avec les us et coutumes du peuple, avec son Histoire et avec ses aspirations du moment. La solution ne peut venir de l’étranger. Certes, des amis de l’extérieur peuvent aider, comme c’est le cas de la Russie et de l’Iran en Syrie. Mais, aucune solution n’est possible sans une volonté intrinsèque et une bonne relation entre l’État et le peuple.
-
La leçon la plus importante que nous ayons retenue, quoique je pense que nous la connaissions depuis longtemps, est que l’Occident n’est pas honnête. Les États occidentaux ne sont pas honnêtes et pratiquent des politiques éloignées de tous les principes, du droit international comme de la Charte des Nations Unies. Il est impossible de compter sur l’Occident pour résoudre n’importe quel problème. Plus vous aurez de meilleurs amis, moins la solution prendra du temps et moins vous subirez de pertes. C’est pourquoi, tout responsable devrait bien choisir les États amis qui se tiendront à ses côtés en temps de crise.
-
Question 2.4 : À un moment donné, la crise syrienne finira bien par se terminer, mais le pays en sortira différent de ce qu’il était auparavant. Comment sera la Syrie d’après guerre ? Comment la voyez-vous ?
-
Le Président Al-Assad : Je pense que le changement dont vous parlez a déjà commencé ces quelques dernières années. Au début, la guerre fut un grand choc pour beaucoup de Syriens et les emmena dans de mauvaises directions sans qu’ils s’en rendent compte, du fait des romans inventés par les médias et de leur incapacité à lire une réalité brumeuse.
-
Aujourd’hui, l’image est claire et je pense que ce changement est parti de l’idée que je viens de mentionner, l’idée que le fanatisme n’est absolument pas acceptable dans un pays aussi diversifié que la Syrie ; notre diversité ethnique et religieuse étant considérable. Par conséquent, si nous voulons une Syrie unie, si nous voulons que la Syrie existe, nous devons accepter de bonne grâce de vivre ensemble dans une réelle affection et non seulement en apparence. C’est cette idée que nous commençons à constater de plus en plus dans la société syrienne.
-
Ce qui me porte à croire que notre société ira vers le mieux si nous réussissons à surmonter cette crise. Dès lors, la Syrie pourra reprendre son rôle historique de société ouverte sur l’extérieur et influer sur les sociétés du voisinage mieux que par le passé, car cette région est une, avec partout les mêmes familles et des traditions similaires, d’autant plus qu’en tant qu’États arabes, ou États musulmans, nous nous influençons les uns les autres. Le rôle de la Syrie sera donc obligatoirement important.
-
Et naturellement que ce changement se reflètera sur la situation politique intérieure. Nombre de partis politiques y participeront et le sentiment national l’emportera sur la fascination devant l’Occident.
-
Tels sont les principaux titres à travers lesquels je vois la Syrie d’après la crise.
-
Question 2.5 : En tant qu'homme politique et être humain, vous assistez tous les jours à la mort de vos compatriotes, tandis qu’un grand nombre d’entre eux sont obligés de fuir le pays, laissant leurs maisons derrière eux. Il est donc impossible de gérer cette situation, abstraction faite de ses répercussions psychologiques sur vous-même. Comment réagissez-vous humainement parlant ? Comment pouvez-vous assumer une responsabilité aussi importante et difficile ? Et qu’est-ce qui vous aide ?
-
Le Président Al-Assad : C’est absolument vrai. C’est la situation que nous vivons quotidiennement et à chaque heure où l’on vous informe de la mort ou des blessures, que ce soit d’un civil innocent ou d’un soldat tombé au combat. Mis à part la personne en question, vous devez penser aux conséquences affectives, matérielles et autres sur sa famille, à la tristesse qui l’habitera de longues années de sa propre vie. C’est certainement le sentiment le plus douloureux qui affecte le plus tous les Syriens, une vraie douleur pour nous tous.
-
Il n’empêche qu’en tant que responsable vous devez transformer ce sentiment et cette douleur en action. Dans ce cas, la question la plus importante pour un responsable est : que compte-t-il faire pour écarter le danger là où il n’a pas frappé ? Que compte-t-il faire pour protéger les vivants qui pourraient être les victimes du lendemain ?
-
C’est pourquoi nous pensons que les deux axes principaux susceptibles d’aboutir à des résultats efficaces pour la protection du pays, c’est d’abord et évidemment la lutte contre le terrorisme, puis l’action politique pour arrêter ce qui frappe la Syrie. Une action qui passe par des négociations politiques mais aussi par des négociations avec les milices armées souhaitant revenir dans le giron de l’État et vers la normalité, comme l’attestent les réels succès obtenus ces deux dernières années.
-
Reste la question de savoir comment, dans des circonstances aussi difficiles, une personne peut effectivement résister aux pressions. Je réponds que si vous êtes responsable, votre vraie force, et notamment votre réelle force morale, vient en premier lieu du peuple. Et nous Syriens, responsables et citoyens, puisons notre vraie force dans les familles des martyrs et des blessés. Ce sont elles qui payent le prix fort et ce sont elles qui nous répètent constamment que c’est leur contribution à la patrie. C’est donc indubitablement la qualité morale de ces familles qui vous permet de continuer à donner de vous-même pour résoudre la situation.
-
3ème partie : « MERCI » DE CHAQUE CITOYEN SYRIEN À CHAQUE CITOYEN RUSSE
-
Question 3.1 : Il se dit que certains insistent sur la nécessité d'élections présidentielles anticipées en Syrie. Êtes-vous prêt à aller dans cette direction ?
-
Le Président Al-Assad : Cette question n’entre pas dans le cadre du processus politique en cours. Ce qui est prévu est qu’une fois la nouvelle Constitution adoptée, elle soit suivie d’élections législatives, puis d’un gouvernement reflétant la distribution des forces politiques au sein du nouveau Parlement.
-
Les élections présidentielles relèvent d’un mécanisme différent en rapport avec la volonté populaire. C’est le peuple qui décide de l’éventuelle nécessité d’élections présidentielles anticipées, non quelques groupes de l’opposition. C’est une question qui concerne chaque citoyen syrien, puisque c’est lui qui élit le Président.
-
Je n’ai aucune opposition de principe, d’autant plus qu’un Président a besoin du soutien du peuple pour agir et qu’il devrait être toujours prêt à accepter une telle éventualité. Je suis donc prêt à aller dans cette direction si telle est la volonté populaire.
-
Question 3.2 : Il est aussi important que le peuple connaisse l’opinion de son Président. Seriez-vous d’accord pour que le Président soit élu par le Parlement, comme c’est le cas dans certains pays ? Êtes-vous d’accord pour que les Syriens de l’étranger participent aux élections présidentielles, sujet dont il est beaucoup question en ce moment ? Quel est le système le plus approprié à votre avis ?
-
Le Président Al-Assad : Je crois que le meilleur système est que le Président soit élu au suffrage universel direct et non par le Parlement, afin que son action porte sur l’intérêt général et qu’il soit plus libre face aux pressions des différentes forces politiques.
-
Quant à la participation des Syriens aux élections, plus elle sera large, plus elle confirmera la légitimité de l’État, du Président et de la Constitution qui supervisent la procédure. Elle concerne absolument tous les Syriens, qu’ils soient au pays ou à l’étranger. Mais il est évident que l’opération électorale pour les Syriens de l‘étranger se discute en tant que procédure et non en tant que principe politique. Dans ce cas, la question est donc : comment procéder ? C’est un sujet dont nous n’avons pas encore discuté, pour la bonne raison que des élections présidentielles anticipées n’ont même pas été envisagées et, plus simplement, parce qu’il consiste à faire en sorte que les électeurs puissent accéder à un bureau de vote supervisé par l’État syrien.
-
Question 3.3 : Où en est le processus de la « Réconciliation » qui a révélé nombre de nouveaux partenaires à vos côtés ? Quels sont les groupes avec lesquels vous pourriez ne jamais vouloir discuter ? Et êtes-vous prêts à accueillir les forces internationales de maintien de la paix pour consolider les réconciliations ?
-
Le Président Al-Assad : Beaucoup s’attendaient à ce que la trêve échoue. Finalement ses résultats ont été bons et même un peu plus que bons.
-
Comme vous le savez, des négociations ont eu lieu entre les parties russes et américaines pour identifier nommément les entités terroristes, sans tomber parfaitement d’accord sur le sujet ; alors que ni la partie russe, ni nous-mêmes, n’avons modifié notre évaluation des groupes que nous considérons terroristes . D’où la proposition consistant à ce que tout groupe armé qui accepterait la trêve et le dialogue avec la partie russe, ou l’État syrien, soit considéré comme ayant abandonné l’action terroriste pour se diriger vers le processus politique.
-
C’est ce que nous cherchons et c’est pourquoi je crois que plus important que l’identification des entités terroristes est l’accélération des opérations de réconciliation avec les miliciens armés qui consentiraient à déposer leurs armes, ou à combattre le terrorisme aux côtés de l’État syrien et des amis qui le soutiennent, la Russie et l’Iran en particulier.
-
Par conséquent, en tant qu’État, le principe général est que nous sommes prêts à intégrer tout combattant [illégitimement] armé qui dépose ses armes dans l’intention de revenir vers la normalité et d’arrêter l’effusion du sang syrien.
-
Question 3.4 : Et qu'en est-il des Forces internationales de maintien de la paix ?
-
Le Président Al-Assad : C’est là un discours absolument irréaliste, parce que ces Forces interviennent suite à des accords internationaux approuvés par des États. Dans ce cas précis, de quels États parlons-nous ? Il y a d’un côté un État syrien et de l’autre, des groupes terroristes. Est-ce possible que les Nations Unies signent un accord avec des groupes terroristes ? Admettons qu’elles veuillent le faire, qui sont-ils ? Personne ne le sait clairement. Vous parlez de gangs qui apparaissent et disparaissent, se mêlent et se démêlent dans des circonstances obscures. Par ailleurs, militairement parlant, c’est une situation qui implique deux armées de part et d’autre d’une frontière géographiquement définie par les termes de l’accord. Et admettons que nous acceptions d’accueillir ces forces des Nations Unies, comment travailleront-elles ? C’est pourquoi je dis que c’est un discours absurde.
-
Question 3.5 : Quelle part accordez-vous à l’aide offerte par les Forces armées de Russie dans les succès militaires de la guerre contre le terrorisme en Syrie ?
-
Le Président Al-Assad : Je préfère parler des faits observables sur le terrain. Je dirai que c’est un grand succès, alors que d’autres pourraient considérer qu’il est minime. Le mieux serait de procéder à une simple comparaison entre la situation observée suite à environ un an et demi d’intervention de ladite coalition internationale, qui a vu le terrorisme s’étendre considérablement en Syrie et Irak, et la situation au bout de six mois de l’intervention russe, laquelle a abouti au recul des forces terroristes et notamment de Daech.
-
C’est donc la réalité objective sur le terrain militaire qui démontre le grand succès des Forces armées de Russie. En tous cas, la bataille n’est pas encore terminée et la guerre se poursuit.
-
Question 3.6 : Pour revenir sur la question des bases russes. Staffan de Mistura, a cité un article des documents de Genève précisant que les Forces étrangères devraient quitter la Syrie. Pensez-vous que la Syrie aura besoin de la présence permanente de la base de Hmeimem ?
-
Le Président Al-Assad : Tout d'abord, inviter des forces étrangères sur son territoire est un droit souverain applicable dans de nombreux pays. Nul ne peut l’interdire, à moins que ce ne soit clairement spécifié par la Constitution du pays en question, ce qui n’est pas le cas en ce qui nous concerne. Ensuite, je ne pense pas que l’opinion publique syrienne souhaite que ce soutien russe s’arrête, ni actuellement, ni à l’avenir, d’autant plus que nous sommes toujours au cœur de la bataille.
-
Quant à la base de Hmeimem, les forces qui y sont stationnées doivent évidemment être proportionnelles aux missions qu’elles sont censées exécuter et aux forces terroristes sur place. Car bien qu’avec le soutien de la Russie nous ayons réussi à faire reculer le terrorisme, il est toujours fort et continue de recevoir des renforts en hommes et en matériels de l’étranger, notamment de la Turquie qui n’a toujours pas cessé de le soutenir, de l’Arabie saoudite et d’ailleurs.
-
Une fois que nous aurons complètement vaincu le terrorisme, nous pourrons reparler de ces bases. Par ailleurs, je pense que la Russie retirera d’elle-même les forces qu’elle jugera superflues. Et ce sera un autre débat.
-
Question 3.7 : Mais nous avons déjà réduit nos forces, ce qui n’empêche pas certains d’exprimer leur inquiétude à propos des systèmes de missiles sol-air S-400, restés sur la base de Hmeimem. Combien de temps pensez-vous qu’ils seront laissés sur place ? Est-ce vous qui avez demandé à la Russie de vous les livrer ?
-
Le Président Al-Assad : Je crois que ceux-là sont contrariés par la présence de la Russie parce qu’elle est là pour combattre le terrorisme. Si le Président Poutine décidait d’envoyer ses forces au secours des terroristes, ils l’applaudiraient. Tel est le problème de l’Occident. Ce n’est donc pas le maintien d’une base russe qui les gêne. Le problème est qu’ils ne veulent pas que la Russie occupe le rang international qui lui revient politiquement, militairement et économiquement. Toute action qu’elle entreprend en tant que grande puissance de premier rang, et non de second rang comme le souhaiteraient les USA, dérange l’Occident en général. Voilà ce qui explique leur inquiétude.
-
Quant au maintien des Forces russes en Syrie, je vous ai dit il y a peu qu’il était actuellement en rapport avec la lutte contre le terrorisme et, ultérieurement, avec la situation géopolitique internationale. Certains petits pays comme la Syrie se sentent plus en sécurité lorsqu’existe un équilibre international. Par conséquent, si une part de cet équilibre peut être assurée par une opération ou une base militaire, nous sommes preneurs, car cela nous est utile d’un point de vue politique. C’est quelque chose de très important pour nous et pour beaucoup d’autres pays en ce monde.
-
Intervention : Il n’y a donc pas de délai prévu, avant livraison de systèmes S-400 à l’armée syrienne ?
-
Le Président Al-Assad : Non. En tout cas pas actuellement, et cela n’a rien à voir avec son maintien à Lattaquié. Cela dépend de contrats directs entre nous et l’armée russe, des contrats d’achat.
-
Question 3.8 : Pouvez-vous nous préciser la nature et le montant de ces contrats et, plus précisément, des derniers en date ?
-
Le Président Al-Assad : Dans les circonstances actuelles, nous optons pour les armes moyennes et légères, en laissant de côté les armes stratégiques, lesquelles ne nous sont pas nécessaires dans notre guerre contre les terroristes. Quant au montant, nous n’avons pas l’habitude de communiquer ce genre d’information. Cela reste entre nous et l’armée russe.
-
Question 3.9 : Parlons de paix. Comment se déroulent les préparatifs des élections législatives du 13 avril ? En êtes-vous satisfait ?
-
Le Président Al-Assad : La bonne chose est que, après cinq ans de guerre et de tentatives de destruction de l'Etat syrien visant sciemment sa Constitution, nous soyons en mesure de respecter une échéance constitutionnelle ; ce qui prouve la pérennité de l’État et du pays en général, en dépit du terrorisme qui est toujours là.
-
Quant à moi, ce qui me paraît le plus positif est la participation sans précédent ; un taux jamais atteint pour des élections parlementaires et plusieurs fois supérieur aux taux habituels. Je pense que cela s’explique par l’attachement des Syriens à leur Constitution et leur volonté de confirmer sa légitimité ainsi que celle de leur État. C’est un signal populaire très fort. C’est pourquoi je peux vous dire : oui, je suis satisfait.
-
Intervention : En dépit du fait que ce processus politique se déroule dans des conditions d’intrusion terrestre ? Bien que cette intrusion ne soit pas manifestement déclarée, la Turquie continue de bombarder le territoire syrien. Existe-t-il une ligne rouge au-delà de laquelle vous perdriez patience en traitant ce fait comme une agression directe ? Et quelles sont les lignes rouges au-delà desquelles les ingérences de certains États, comme la Turquie et l'Arabie saoudite, vous amèneraient à prendre des mesures plus sévères ?
-
Le Président Al-Assad : La Turquie, en premier lieu, et l'Arabie saoudite ont dépassé toutes les lignes rouges dès les premières semaines ou les premiers mois de la guerre contre la Syrie. Depuis le début, toutes leurs actions sont à considérer comme des agressions ; agression politique, agression militaire en soutenant et en armant les terroristes, agression directe par bombardements ou intrusions militaires.
-
Intervention : Et Erdogan ?
-
Le Président Al-Assad : Depuis le début, Erdogan soutient directement les terroristes en les autorisant à se déplacer à l'intérieur du territoire turc pour mener des manœuvres individuelles ou bombarder le territoire syrien ; les finance en leur faisant parvenir les capitaux saoudiens et qataris ; fait commerce du pétrole volé par Daech ; continue à frapper de son artillerie l’armée syrienne pour leur permettre d’avancer en territoire syrien ; envoie des terroristes combattre aux côtés des autres terroristes en Syrie ; attaque un avion russe dans l'espace aérien syrien, ce qui constitue indéniablement une agression contre la souveraineté syrienne ; fait des déclarations qui ne sont rien d’autre que des ingérences dans nos affaires intérieures. Bref, toutes ces actions sont de véritables agressions qui font que nous avons perdu patience et avons, depuis longtemps, perdu espoir qu’il puisse changer.
-
Maintenant, la guerre contre Erdogan et l'Arabie saoudite consiste à combattre les terroristes. L’armée d’Erdogan n’est pas l’armée turque. L’armée d’Erdogan, ce sont les terroristes et c’est cette armée qui, aujourd’hui encore, agresse la Syrie. Frapper les terroristes en Syrie mène directement à la défaite d’Erdogan. Nous devons donc commencer par riposter en Syrie. Ce n’est qu’après les avoir vaincus en Syrie que nous pourrons vaincre le terrorisme. Le peuple turc n’est d’aucune façon notre ennemi. Nos relations redeviendront bonnes, à moins qu’Erdogan ne reste à son poste.
-
Question 3.10 : L'automne dernier, vous vous êtes rendu à Moscou à un moment problématique. Sur quoi exactement êtes-vous tombés d’accord avec le Président Poutine ? Y a-t-il eu des accords signés ? Ou bien persistez-vous à mener des concertations entre vous, en vous contentant de votre relation directe ?
-
Le Président Al-Assad : Cette visite a eu lieu à un moment particulier, moins de deux semaines après le début du soutien militaire russe aux Forces syriennes, lequel s’est indubitablement imposé à l'ordre du jour. Il n’y a pas eu d’accord ou de contrats signés, mais un échange de nos points de vue sur essentiellement deux sujets : l'opération militaire qui avait commencé vu la nécessité de frapper le terrorisme ; et comment mettre à profit l’opération militaire pour soutenir le processus politique qui redémarrerait à Genève ou ailleurs. Les questions du Président Poutine ont tourné autour des sujets sur lesquels vous m’avez interrogé. Nous n’avons pas discuté d’autre chose.
-
Question 3.11 : Monsieur le Président, je vous suis reconnaissant pour votre accueil et votre franchise. Aurais-je omis de vous poser une question que vous auriez aimé aborder ? Avez-vous quelque chose à ajouter ?
-
Le Président Al-Assad : Je voudrais d’abord vous remercier pour être venu en Syrie en ce moment précis. Et, à travers votre importante institution, j’aimerais transmettre les remerciements de chaque citoyen syrien à chaque citoyen russe pour le soutien que la Russie a offert à la Syrie pendant la crise, que ce soit politiquement, moralement, humainement et, dernièrement, militairement. C’est le citoyen russe qui fut le principal soutien du Président Poutine pour qu’il ait pu prendre cette dernière décision.
-
Aujourd’hui, en dépit des circonstances difficiles, nous vivons la joie de retrouver la ville de Palmyre qui représente un héritage de l’Humanité pour le monde entier. Nous sommes convaincus qu’en plus de la détermination de l’armée syrienne à la récupérer, la Russie a joué un rôle essentiel ainsi que l’Iran et les autres forces qui combattent aux côtés de la Syrie.
-
Encore une fois, merci à chaque citoyen russe à travers vous. Les liens que nous avons tissés depuis soixante ans sont désormais plus forts et plus solides. Nous espérons que la Russie jouera un grand rôle sur la scène internationale, pas seulement en Syrie, et qu’elle jouera un grand rôle dans la lutte contre le terrorisme et le rétablissement de l'équilibre politique dans le monde.
-
Merci
-
Docteur Bachar al-Assad
-
Président de la République arabe syrienne
-
30/03/2016
-
Source : SANA [Syrian Arab News Agency]
-
1ère partie publiée le 30/03/2016 : http://sana.sy/?p=361365
-
3ème partie publiée le 31/03/2016 : http://sana.sy/?p=361978
-
2ème partie filmée publiée par le site de la Présidence le 03/04/2016
-
https://www.youtube.com/watch?v=wF69duF9gKs
-
Traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
-
Mise en page de Michel Garroté pour Les Observateurs
-
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/entrevue-accordee-par-le-president-179617
-

Migrants musulmans et terrorisme islamique

islam-4

   
Y a-t-il un lien entre migrants musulmans et terrorisme islamique ? Le simple fait de poser cette question est déjà, en lui-même, politiquement incorrect, et, bientôt, illégal, interdit. Y a-t-il un lien entre migrants musulmans et terrorisme islamique ?, demandais-je. En effet, quel rapport peut-il y avoir entre, d’une part, plus d'un million de migrants musulmans qui, en 2015, sont parvenu à rejoindre l'Europe ; et d'autre part, les terroristes islamiques de l’EI & Consorts ? Le rapport entre les deux, c’est que les migrants qui rejoignent l’Europe sont musulmans. Et que les civils génocidés par l’EI en Syrie, en Irak et ailleurs, sont en grande partie des chrétiens. Or, si l’Union Européenne, le Conseil de l'Europe et l’Eglise catholique sont opposés à tout génocide, c’est les chrétiens qu’elle devrait accueillir en priorité, et non pas les migrants musulmans.
-
Le comble, c’est que l’Union Européenne, le Conseil de l'Europe et l’Eglise catholique veulent que les chrétiens restent en terre d'islam pour éviter la fin de la Chrétienté d’Orient. Mais l’Union Européenne, le Conseil de l'Europe et l’Eglise catholique, en revanche, veulent accueillir tous les migrants musulmans qui se dirigent vers l'Europe. On laisse les chrétiens se faire massacrer en terre d’islam et on accueille les musulmans en Europe avec le soutien de l’Eglise catholique. J’ai souvent écrit que l’islamisme est totalitaire et génocidaire. Et j’ai souvent écrit que l’idéologie issue de l’islamisme est comparable au communisme, au fascisme et au national-socialisme.
-
Enfin, j’ai souvent démontré, sources et preuves à l’appui (notamment grâce aux travaux de l’historienne Bat Ye’or), que depuis les années 1950, l’Union Européenne, le Conseil de l’Europe, le Parlement européen et l’Eglise catholique ont conclu des accords avec la Ligue Arabe (LA) et avec l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), accords qui stipulent la promotion de l’islam et la lutte contre toute critique de l’islam (critique surnommée « islamophobie ») et qui stipulent également la négation du droit d’Israël à exister. Cela fait donc plus de 60 ans que l’Europe, devenue post-chrétienne, anti-israélienne et islamophile, se rend complice du sort absolument catastrophique des chrétiens en terre d’islam ; et se rend complice des menaces existentielles qui pèsent, de plus en plus, sur Israël.
-
J’ajoute que ce qui s'est déroulé en 1975-1990 au Liban se déroule actuellement en Europe. Le simple fait d'écrire cela est déjà, en soi, politiquement incorrect, et, bientôt, illégal, interdit.
-
Michel Garroté, 17.2.2016
-

Bachar al Assad va-t-il gagner la guerre ?

Syrie-carte-1

   
L'armée régulière syrienne poursuit, lundi 8 février 2016, sa progression vers la frontière turque. Les milices islamistes (soutenues par le régime islamique turc, l'Arabie saoudite et le Qatar) estiment que l'avenir de leur djihad, débuté en 2011 contre Bachar al Assad, est en danger. En effet, l'armée régulière reprend pied dans la zone stratégique du nord de la Syrie pour la première fois depuis 2013. Elle est à cinq km de la ville sous contrôle islamiste de Tal Rafaat, ce qui la place à 25 km de la frontière turque.
-
Bachar al Assad veut reprendre totalement le contrôle d'Alep, la plus grande ville du nord de la Syrie. L'armée régulière syrienne a mis fin au siège par les milices djihadistes de deux localités situées à vingt km au nord d'Alep, Nouboul et Zahraa, ce qui lui a permis de couper le principal axe routier reliant les zones du nord d'Alep à la partie est de la ville, que les djihadistes contrôlent depuis 2012.
-
La reprise par l'armée régulière syrienne des villes de Mayer et de Kafin, au nord de Nouboul et de Zahraa, ouvre la route vers Tal Rafaat, prochain objectif de Bachar al Assad. Si Tal Rafaat tombe à son tour aux mains du gouvernement, il ne restera plus que la ville d'Azaz avant la frontière turque. La perte d'Azaz, qui est située à quelques km du poste-frontière de Bab al Salama, signifierait que les djihadistes ont perdu leur principal bastion du nord-ouest de la Syrie.
-
Michel Garroté
-

Le Colonel Jacques Hogard nous rapporte sans langue de bois, son voyage en Syrie tandis que les attentats avaient lieu à Paris

J’étais à Damas vendredi soir avec une importante délégation française composée notamment de cinq députés courageux et de quelques représentants non moins courageux de la « société civile », tous concernés par la situation de la Syrie aux avant-postes de la guerre contre « l’état islamique », quand est tombée la cascade de nouvelles tragiques nous parvenant de Paris où « Daech » venait de déclencher une suite d’attentats terroristes sans précédent contre la France et le peuple français.

Cette attaque terroriste, nous savions tous qu’elle aurait lieu mais nous n’en connaissions bien sûr ni l’heure ni le lieu, ni la forme ni l’ampleur qu’elle prendrait.

Le lendemain matin, la délégation française qui était arrivée en Syrie le mercredi précédent afin de s’informer sur le terrain de la situation, notamment celle des minorités chrétiennes, a été reçue dans un climat de grande franchise par le Président Bachar El Assad en personne.

Avec gravité et simplicité, celui-ci nous a présenté ses condoléances à l’intention des familles éprouvées et du peuple français ; il nous a dit aussi que nul n’était mieux placé que lui pour comprendre le drame que constituaient ces attaques faisant tant de victimes innocentes, tant la Syrie est en effet elle-même confrontée depuis cinq ans à des tragédies quotidiennes de cette nature.

Ce voyage en Syrie nous aura permis de rencontrer la quasi-totalité des autorités religieuses, du grand Mufti de Syrie au représentant du Patriarche syriaque-orthodoxe en passant par le Cheikh Hekmat Al Hajri, chef spirituel des Druzes de Syrie, mais aussi des autorités politiques du pays, du président du Conseil du Peuple syrien (l’équivalent de notre Assemblée nationale) au Président de la République arabe syrienne, en passant par un ou deux ministres ainsi que de nombreux députés, appartenant à toutes les confessions.

Il nous aura aussi permis de rencontrer de nombreux représentants de la société civile (dont de nombreux chrétiens), le président et les membres de la Chambre de commerce syrienne, des dirigeants de sociétés, des médecins et chirurgiens, le directeur des musées de Syrie…etc.

Enfin, nous aurons effectué trois visites très particulières :

Celle du village martyr de Maaloula, à 60 kilomètres au nord-est de Damas, où les habitants chrétiens ont été attaqués, violentés, chassés par les hordes sauvages du groupe islamiste Al Nosra qui en ont pris le contrôle de longs mois durant, de septembre 2013 à avril 2014, tuant, assassinant, pillant, brûlant, enlevant même des religieuses mais aussi des jeunes chrétiens (Trois d’entre eux, s’ils sont toujours en vie, sont toujours aujourd’hui entre leurs mains).

Ce que j’ai vu à Maaloula, les graves dommages causés aux très anciens monastères de Saint Serge – Saint Bacchus et de Sainte Thècle, les icônes volées ou bien dégradées par haine du christianisme, les souffrances infligées aux habitants par ces nouveaux barbares …m’a rappelé étrangement ce que j’ai moi-même vu au Kosovo et Métochie en 1999 où l’UCK persécutait les moines et moniales orthodoxes et brûlaient leurs monastères et leurs églises, tuait, enlevait, torturait les civils serbes, cherchant obstinément à faire du passé table rase.

Réaliser, comme nous l’ont rappelé les chrétiens rencontrés sur place, que ce fameux groupe islamiste Al-Nosra n’est autre que celui que le gouvernement français a choisi de soutenir en lui fournissant armes et munitions a de quoi susciter quelques interrogations très fortes !

Comment avons-nous pu, nous la France, nous fourvoyer de cette sorte ?

Au nom de quelle cause, au nom de quel principe avons-nous pu ainsi aider ces barbares, ces terroristes qui s’en prennent aux populations innocentes, de préférence d’ailleurs quand elles sont chrétiennes ?

Il faudra bien que des réponses claires soient données un jour.

Pour la vérité de l’Histoire et l’Honneur de la France.

Et puis, nous avons visité l’hôpital militaire de Tichrine à Damas. Le plus grand hôpital militaire du pays. Nous y avons vu de nombreux blessés, rescapés des rudes combats que mène l’armée syrienne contre les bandes islamistes, qu’elles se revendiquent d’Al-Nosra ou de Daech, peu importe d’ailleurs, car comment en effet faire la différence « entre bonnet vert et vert bonnet » ?

Nous y avons vu ces jeunes conscrits syriens dont certains sont dans leur cinquième année de service, marqués dans leur chair, devenus infirmes pour certains, mais tous frappés dans leurs âmes et dans leurs esprits par les horreurs auxquelles ils ont été confrontés.

Nous y avons vu aussi les bien tristes résultats de l’embargo pratiqué sur les médicaments et autres matériels médicaux indispensables au diagnostic et traitement des blessés de guerre…

Enfin nous nous sommes rendus à l’hôpital français de Damas, l’hôpital Saint Louis, dirigé par une jeune religieuse libanaise à la Foi rayonnante, sœur Lamia, et servi par une équipe exceptionnelle de médecins, de religieuses, d’infirmières et de personnel de soutien.

Cet hôpital est situé à quelques centaines de mètres du réduit islamiste du quartier de Jobar. Il en reçoit régulièrement son quota d’obus.

Mais surtout, dans une ambiance de tension extrême, d’où la conscience du danger n’est jamais absente, il fait un travail extraordinaire, avec de quasi bénévoles, dans un état de grand dénuement en médicaments et produits de première nécessité…Il sauve, traite, soigne, en particulier des enfants, de toutes confessions.

Mais il faut reconnaître que les enfants chrétiens sont particulièrement nombreux parmi eux. Il faut dire qu’Al-Nosra les vise tout particulièrement, comme ce jeudi dernier 12 novembre où une attaque à la bombe est déclenchée contre un bus scolaire transportant des écoliers quittant leur école. Bilan : 27 enfants morts ou blessés, estropiés à vie, ayant qui perdu deux jambes, qui perdu un œil, du fait des attaques terroristes de ces barbares… mais qui donc cela intéresse-t-il ailleurs qu’en Syrie ?

En remettant en perspective cette visite de quelques jours en Syrie, confrontés à la réalité de sa situation mais aussi de la nôtre aujourd’hui en France, il ressort clairement quelques enseignements élémentaires :

D’abord que notre politique étrangère, anti-syrienne et anti-russe, totalement inféodée aux Etats-Unis et à l’Union Européenne son fidèle vassal, est totalement à revoir.

C’est dans le nord de la Syrie et de l’Irak que se situe aujourd’hui « l’empire du Mal ». C’est donc là que nous devons frapper : à la source.

Mais jusqu’à présent notre obstination à vouloir frapper Daech (d’ailleurs assez timidement lorsqu’on compte le nombre d’interventions sur un an de notre aviation de chasse : moins de 260, pas même une par jour !) tout en soutenant activement Al-Nosra afin de faire chuter à tout prix le régime syrien, a surtout souligné notre grande incohérence !

Les Russes depuis le début de leur intervention récente, parce qu’ils sont déterminés et qu’ils y mettent les moyens (40 sorties/ jour en moyenne), mais aussi parce que leur aviation agit en coordination avec les troupes au sol, celles de l’armée syrienne et celles de ses alliés iraniens et du Hezbollah, ont une efficacité de très loin supérieure.

Les faits sont là :

En un an d’intervention alliée en Syrie et en Irak, Daech a continué à progresser et à s’étendre inexorablement.

Seule l’intervention russe, en trente jours, a enfin fait reculer pour la première fois les barbares.

Il serait donc temps d’en tirer les leçons et de se décider à rejoindre les Russes et d’apporter sans états d’âme un soutien franc et entier à l’Etat syrien dans sa lutte contre le cancer islamiste.

Certes cela nécessitera un certain courage : celui de modifier sensiblement nos alliances en commençant par mettre de la distance entre les monarchies pétrolières du Golfe, Qatar et Arabie Saoudite, fermes soutiens des terroristes et nous.

Et en osant dénoncer le double jeu de la Turquie d’Erdogan auquel Daech doit tant.

Il serait temps de constituer une seule et même coalition sincère et unie contre l’islamisme, cette forme moderne des grandes invasions barbares.

Ensuite, et tous nos interlocuteurs nous l’ont demandé instamment, il s’agit de mettre un terme, par tous les moyens, aux flux migratoires, qui en submergeant l’Europe, vident la Syrie et l’Irak. Pour cela, il faut bien évidemment éradiquer Daech, afin de ramener la paix et la concorde dans les régions que le califat a dévastées ces dernières années. Mais il faut aussi simultanément fermer nos frontières, refuser le principe même des immigrés clandestins et cesser de vouloir à tout prix en faire des « réfugiés politiques ». Cela nous a été demandé avec insistance par ces responsables conscients des grands troubles que ne manqueront pas de créer le laxisme et les atermoiements actuels.

Enfin, il faut parallèlement mettre un terme à l’islamisation de la France. Et ce n’est pas la soi-disant « laïcité républicaine » qui sera à même de le faire.

Celle-ci a en effet d’ores et déjà échoué. Elle a en effet montré combien elle n’est pas neutre mais systématiquement déséquilibrée, en faveur bien entendu de l’islam, sans doute au nom d’une certaine volonté d’accueil, généreuse mais follement utopique et dangereuse.

Il n’y a pas de laïcité qui fonctionne sans référence claire à une identité. Or celle de la France est chrétienne, n’en déplaise à certains hiérarques au pouvoir.

La France doit donc retrouver et assumer sans complexe son identité et sa culture chrétienne, son héritage judéo-chrétien, ses racines gréco-romaines. La défense de notre civilisation est à ce prix. Elle doit être réaffirmée pour être mieux défendue. La nature a horreur du vide ; du vide spirituel et culturel comme du reste.

Ce sont nos interlocuteurs syriens, les chefs religieux en particulier, qui nous ont recommandé le retour à notre identité comme meilleure garantie face à la décomposition de l’Etat, de la Nation et de la Patrie.

Alors halte au prosélytisme islamiste financé par nos pseudo « alliés » saoudiens, qataris ou turcs, halte aux minarets et aux écoles coraniques. Halte à la colonisation de notre pays. Accueillons en nombre raisonnable avec humanité ceux qui souhaitent s’intégrer sans faux semblant et arrière-pensées. Mais raccompagnons sans faiblesse dans leurs pays d’origine ceux qui ne veulent ni ne peuvent s’intégrer. C’est parmi eux que se trouve l’avant-garde du terrorisme islamiste dans notre pays, qui sera bientôt rejointe si nous n’y mettons bon ordre, par les djihadistes infiltrés parmi les flots d’immigrés.

En Syrie comme en France, le combat est même : il s’agit du combat sans merci que livrent les nouveaux barbares au monde civilisé pour le détruire et imposer leur loi infâme.

La Syrie de Bachar El Assad n’est certainement pas parfaite. Mais la France de François Hollande l’est-elle seulement ?

L’ennemi est commun, il est un et un seul. Son nom peut changer mais il s’agit du fondamentalisme wahhabite, que j’ai déjà personnellement vu à l’œuvre sur le sol européen au Kosovo il y a quinze ans et qui continue d’y prospérer sous l’œil bienveillant des Etats-Unis et de l’Union Européenne.

Il est temps d’ouvrir les yeux, de prendre conscience des graves dangers qui menacent les générations à venir. Celles de nos enfants et de nos petits-enfants.

Un sursaut est encore possible.

Comme l’a écrit récemment Philippe de Villiers, « il n’y a plus ni précaution à prendre ni personne à ménager. Il faut que les Français sachent ».

Je souhaite que le sacrifice de tous ces morts et blessés innocents, de Beyrouth, de Damas ou de Paris, ne soit pas vain. Je souhaite qu’il permette une prise de conscience amenant nos dirigeants à un sursaut salutaire, pour la défense de notre civilisation, de nos libertés, sans laquelle la vie ne vaut rien.

Colonel Jacques Hogard, 24 novembre 2015

Source, Merci à Sancenay

Syrie: l’armée progresse "quasiment sur tous les fronts" grâce aux Russes, déclare Bachar Al-Assad

 

Grâce à "la participation de l'armée de l'air russe (...), la situation s'est beaucoup améliorée et je peux dire que l'armée réalise des avancées sur quasiment tous les fronts", a déclaré Bachar Al-Assad ce weekend à la chaîne hong-kongaise Phoenix TV.

 

Extrait de: Source et auteur

Suisse shared items on The Old Reader (RSS)

Les très graves accusations d’Assad sur la responsabilité du gouvernement dans les attentats

 

Voici l’interview que Bachar al-Assad a donnée à Valeur Actuelles le 14 novembre. C’est effrayant.

BIEN SÛR, comme d’habitude, on lira tout ça avec recul et prudence, en ne gobant pas tout ce qui est dit, tout détenteur du pouvoir semant sa propagande. À chacun de réfléchir, et se faire sa propre opinion. Mais vous ne pouvez le faire qu’en entendant différents sons de cloche. C’est un peu comme quand la plupart des médias ne diffusent pas l’intégralité de la revendication de l’État Islamique, mais seulement des bribes – moi ça m’intéresse bigrement de savoir ce que ces barbares nous reprochent (en particulier « avoir pris la tête de la croisade » et « frapper les musulmans en terre du califat avec leurs avions » – puisqu’on a refusé d’aider Assad à faire le sale boulot à notre place…) et quelle propagande ils utilisent pour ne pas l’alimenter – la première image de leur vidéo de revendication des attentats n’est pas un Français qui prend un verre ou écoute un concert…

Comment souder la population avec Daech…

On évitera donc les fatwas visant à interdire d’écoute les propos des gens que nous n’aimons pas, véritable cancer de l’intelligence – sans doute ces belles âmes pensent-elle que, dépourvu de cerveau, vous ne pourrez pas faire la part des choses, et que, gentiment, vous goberez tout ce que dira votre Président, qui lui ne ment jamais… Il faut dire que ça marche souvent. Pour mémoire, Assad est le chef des troupes qui combattent sur le terrain Al-Qaïda, l’Armée Islamique et Daech… Et que l’armée syrienne a déjà perdu environ 90 000 soldats, dont on ne parle jamais… Le grave problème pour notre propagande, c’est que, quand on l’écoute, on voit bien qu’on a affaire un type qui est tout sauf fou…

Moi, j’aimerais beaucoup avoir un Président de la République dont les discours et agissements fassent qu’un homme comme Bachar al-Assad ne soit pas en mesure de pouvoir nous faire la leçon comme il la fait là, brillamment, en ayant parfaitement raison ! Je rêverais, que ce soit nous, par notre comportement honorable et respectable, qui puissions le faire, c’est difficile en ayant armé des islamistes et soutenu leurs financiers.

Comme disent les Russes, « Tout ce que les communismes disaient sur le communisme était faux. Mais tous ce que les communistes disaient sur le capitalisme était vrai ». Les pires saloperies que le gouvernement français a faites en Syrie – poursuivant une longue lignée, c’est souvent Bachar al-Assad qui vous en signalera l’existence, bien avant le Monde et Libération, s’ils le font un jour…

« Afin de faciliter l’action des forces libératrices [sic]… un effort spécial doit être fourni pour éliminer certains individus clés [et] procéder à des perturbations internes en Syrie. La CIA est préparée, et le SIS (MI6) tentera de provoquer des sabotages mineurs et des incidents [sic] en Syrie, en travaillant à l’aide de contacts avec des individus… un degré nécessaire de peur… des conflits frontaliers [mis en scène] fourniront un prétexte d’intervention… la CIA et SIS devraient utiliser… leurs capacités à la fois psychologiquement et d’action sur le terrain pour faire croître la tension ». [Rapport déclassifié des services secrets américains pour l’assassinat de trois officiels syriens, 1957]

Alors je ne demande qu’une seule chose, pour démêler le vrai du faux, une rigoureuse enquête publique et indépendante !

==================================

“La France ne peut lutter contre les terroristes en conservant ses liens avec le Qatar et l’Arabie Saoudite qui les arment”

Source : Valeurs Actuelles, 19/11/2015 : Entretien exclusif avec Bachar al-Assad

Samedi 14 novembre, après s’être entretenu avec des parlementaires et des intellectuels français, le président syrien a accordé à “Valeurs actuelles” un entretien exclusif. Il expose en quoi la politique étrangère de la France, alignée sur celle des États· Unis, l’a menée dans une impasse, y compris dans son combat contre les terroristes de l’État islamique.

Que diriez-vous des propos tenus par le président François Hollande : « Le président Assad est à l’origine du problème, il ne peut pas faire partie de la solution ». Considérez-vous qu’il s’agit d’une opinion générale ? Quelle serait votre réponse ?

Je répondrais tout d’abord par la question suivante : le peuple syrien a-t-il désigné le président Hollande pour être son porte-parole ? Accepteriez-vous, en tant que citoyen français, qu’une remarque pareille vienne d’un homme politique étranger, quel qu’il soit ? Ne serait-ce pas une offense au peuple français ? Nous voyons les choses de manière identique. N’est-ce pas insulter le peuple syrien que de tenir de tels propos ? Cela ne veut-il pas dire qu’il ne reconnaît pas ce peuple ?

La France a, par ailleurs, toujours été fière du patrimoine et des principes de la Révolution française, et peut-être aussi de la démocratie et des droits de l’homme. Or, le premier principe de la démocratie étant le droit des peuples à choisir leur président, c’est une honte qu’il dise, lui qui représente le peuple français, une chose qui va à l’encontre des principes de la République française et du peuple français. De même, il est honteux pour lui de tenter d’insulter un peuple civilisé riche d’une histoire de plusieurs milliers d’années comme le peuple syrien. Telle est ma réponse, mais je pense que cela ne changera rien à la réalité des choses en Syrie, car les faits ne seront pas altérés par de telles déclarations.

Incise : je redonne les résultats de ce sondage réalisé par le BBC en Syrie – à prendre avec recul, mais cela existe…

Assad disposerait d’un important soutien des 50 % de la population vivant sous son contrôle, ce qui peut sembler logique vu qu’il est le rempart contre Daech… Bref, “c’est compliqué”, alors l’ancienne puissance coloniale qui vient lui dire de partir…

Si vous aviez à adresser un message à MM. Hollande et Fabius, notamment à la suite des attentats de vendredi dernier à Paris, serait-ce: « Coupez immédiatement vos relations avec le Qatar et l’Arabie Saoudite ? »

Un tel message comporte plusieurs facettes : sont-ils indépendants pour que je leur adresse un tel message et leur appartient-il d’y répondre favorablement ? À vrai dire, la politique actuelle de la France n’est pas indépendante de celle des États-Unis. Adresser un tel message ne mènerait donc strictement à rien. Néanmoins, s’il m’appartient d’espérer certains changements dans la politique de la France, la première chose qui serait à faire, ce serait de redonner une politique réaliste à la France, une politique indépendante et amie du Moyen-Orient et de la Syrie.

La France devrait aussi prendre ses distances vis-à-vis de la politique américaine de deux poids deux mesures. Ainsi, si MM. Hollande et Fabius veulent soutenir le peuple syrien, comme ils le prétendent, notamment en faveur de la démocratie, ils feraient mieux de soutenir d’abord le peuple saoudien. Si vous avez un problème concernant la démocratie avec l’État syrien, comment pouvez-vous établir de bonnes relations et des liens d’amitié avec les pires États du monde et les plus sous-développés, tels l’Arabie Saoudite et le Qatar ? Une telle contradiction manque de crédibilité.

Enfin, il est normal qu’un responsable oeuvre dans l’intérêt de son peuple. La question que je pose dans ce message est la suivante: « La politique adoptée par la France durant les cinq dernières années a-t-elle été bénéfique au peuple français ? Qu’a gagné le peuple français à une telle politique ? » Je suis certain que la réponse serait: « Rien. » La preuve en est ce que j’ai dit il y a plusieurs années, à savoir que jouer avec la ligne de faille en Syrie, c’est jouer avec un séisme qui aura des répercussions dans le monde entier, notamment en Europe, parce que nous en sommes l’arrière-cour géographiquement et géopolitiquernent parlant. À l’époque, on avait dit: « Est-ce une menace ? » Je ne menaçais personne. L’attentat de Charlie Hebdo a eu lieu en début d’année, j’ai dit à l’époque que ce n’était que le sommet de l’iceberg.

Ce qui s’est produit vendredi en est une preuve supplémentaire. MM. Hollande et Fabius devraient par conséquent changer de politique dans l’intérêt de leur peuple, c’est alors que nos intérêts avec le peuple français convergeront notamment dans la lutte contre le terrorisme. Le message final consisterait donc à les appeler à être sérieux lorsqu’ils parlent de lutte contre le terrorisme. Tel est mon message.

Les experts français disent que les terroristes ont certainement été entraînés au Moyen-Orient. Nous ne disposons pas d’informations à ce sujet. Qu’est-ce qui serait nécessaire pour obtenir ce genre de collaboration entre Paris et Damas ?

Ce dont vous avez besoin, c’est d’abord de sérieux. Si le gouvernement français n’est pas sérieux dans son combat contre le terrorisme, nous ne perdrons pas notre temps à collaborer avec un pays, ou un gouvernement, ou une institution qui soutient le terrorisme. Il faut d’abord que vous changiez de politique et que celle-ci soit fondée sur le seul critère, et non plusieurs, de faire partie d’une alliance joignant des pays qui luttent uniquement contre le terrorisme et non des pays qui soutiennent le terrorisme et le combattent en même temps. Nous aimerions établir une telle collaboration, non seulement avec la France, mais avec n’importe quel État, mais une telle coopération doit se faire dans un environnement adéquat, s’appuyer sur certains critères et se faire dans des conditions précises.

Dans l’avenir, si le gouvernement change, serait-ce possible ?

En politique, il n’y a de place ni pour l’amitié ni pour les émotions. Il n’y a que les intérêts. C’est bien mon rôle en tant qu’homme politique. C’est aussi le leur en tant qu’hommes politiques dans leur pays. Il ne s’agit pas pour moi d’aimer ou de ne pas aimer Hollande. Ça n’a rien à voir. Mon devoir est de savoir ce qui est le mieux pour les Syriens. Il leur incombe d’oeuvrer dans l’intérêt de leurs compatriotes français. Dans l’avenir, nous n’avons aucun problème. Le problème est dans les politiques et non dans les émotions.

Vous avez rencontré le président Poutine. Je ne vous demanderai pas ce qu’il vous a dit. Mais j’aimerais vous poser la question suivante: si quelqu’un disait que Poutine est la dernière personne à défendre l’Occident, seriez-vous d’accord ? Serait-il vraiment le dernier chef d’État à défendre la civilisation occidentale chrétienne ?

Vous voulez savoir si je pense qu’il défend ou non l’Europe occidentale ?

Exactement.

C’est exact sur le plan réaliste. Lorsque vous parlez de terrorisme, il n’y a qu’une seule arène, c’est à la fois la Syrie, la Libye, le Yémen, mais aussi la France. Le tout constitue une seule arène. Donc, ce qui a incité à la coalition russe qu’ils avaient annoncée quelques mois avant d’envoyer leurs forces en Syrie est le fait que, si nous ne combattons pas le terrorisme en Syrie, ou peut-être dans d’autres endroits du monde, il frappera partout y compris en Russie.

C’est donc exact. Quand vous combattez le terrorisme en Syrie, vous défendez la Russie, l’Europe et d’autres continents. C’est tout à fait exact.

Ce fut notre opinion pendant des décennies, pendant que nous combattions les terroristes Frères musulmans dans les années 1970 et 1990. Nous avons eu cette impression et nous avons toujours réclamé une coalition internationale de lutte contre le terrorisme, car le terrorisme ne reconnaît pas de frontières politiques et ne s’intéresse pas aux procédures. Quelles que soient les mesures que vous avez prises en France après Charlie Hebdo, ce qui s’est passé à Paris corrobore cette théorie. C’est donc tout à fait exact. Quiconque combat le terrorisme quelque part, et Poutine n’est pas le seul à le faire, protège le reste du monde.

Voici une question un peu difficile. Il y a eu une conférence à Vienne, samedi, sur la Syrie, mais aussi, à Antalya, en Turquie, le G20, les 15 et 16 novembre. Divers présidents ont dit à plusieurs reprises: « La solution réside dans le départ de Bachar al-Assad. » Êtes-vous prêt, personnellement, à renoncer au pouvoir au cas où ce serait la meilleure solution pour protéger la Syrie ?

C’est une question à double volet. Concernant le premier, à savoir si je ferais tout pour satisfaire une demande étrangère ? Ma réponse est non. Je ne le ferais pas quelle que soit cette demande, peu importe qu’elle soit petite ou grande, importante ou non. Ils n’ont rien à voir avec la décision syrienne. La seule chose qu’ils ont faite jusqu’à présent, c’est de fournir du soutien aux terroristes par divers moyens et en leur procurant un refuge et un soutien direct. Ils sont en train de créer des problèmes et ne font nullement partie de la solution. Quoi qu’ils disent, nous ne répondrons pas, parce qu’ils ne nous intéressent pas, pour être franc.

Quant au second volet de votre question, en ce qui me concerne, en tant que Syrien, je réponds seulement à la volonté de la Syrie. Cela dit, une telle volonté doit bien entendu émaner d’un consensus de la majorité des Syriens. Le seul moyen de savoir ce que les Syriens veulent, c’est à travers les urnes.

Par ailleurs, pour qu’un président vienne au pouvoir ou le quitte, dans tout État qui se respecte, respecte sa civilisation et son peuple, cela doit se faire à travers un processus qui reflète sa Constitution. C’est la Constitution qui emmène un président au pouvoir et c’est la Constitution qui le fait quitter le pouvoir à travers le Parlement, les élections, le référendum et ainsi de suite. C’est le seul moyen pour un président de venir au pouvoir ou de le quitter.

Tous ces entretiens montrent que la seule solution pour la Syrie, mais aussi pour l’Irak et le Liban, c’est la partition. Nous en entendons beaucoup parler, comme vous le savez. De même que l’on parle de sécularité et de sectarisme. On dit beaucoup de choses un peu partout, et vous le savez mieux que nous, en ce qui concerne la Syrie, la région littorale, mais aussi l’Irak et le Liban, qu’en pensez-vous ?

Ils veulent donner l’impression dans les médias occidentaux que le problème dans la région est une guerre civile entre les diverses composantes, religions, ethnies, qui ne veulent pas cohabiter. Ils disent alors « Pourquoi ne divisent-elles pas leur patrie ? Elles pourront alors rester chacune dans leur région ». En fait, le problème est tout autre, car vous pouvez voir maintenant toutes ces composantes mener ensemble une vie normale, dans les régions qui se trouvent sous le contrôle du gouvernement.

Par conséquent, si la communauté internationale veut diviser, il faut tracer des lignes très claires entre ces composantes, qu’elles soient ethniques, confessionnelles ou sectaires.

Le cas échéant, si la région en arrive jusque-là, je vous dis qu’il y aura des mini-États qui s’engageront les uns contre les autres dans des guerres qui dureront des siècles. Toute situation de ce genre signifie des guerres permanentes.

Pour ce qui est du reste du monde, cela signifie davantage d’instabilité et de terrorisme qui pourraient être exportés dans le monde entier. Telle est la situation et c’est bien entendu très dangereux de réfléchir de la sorte. Nous ne voulons pas qu’il y ait un environnement social favorable à cette division. Si vous interrogez maintenant n’importe quel Syrien, qu’il soit pour ou contre le gouvernement, tout le monde vous dira qu’il soutient l’unité de la Syrie.

Vous avez évoqué la Constitution. Dans quelques mois, il y aura des élections en Syrie. Êtes-vous prêt à avoir des observateurs internationaux lors de ce scrutin ?

Oui. Mais nous avons bien précisé qu’une observation internationale ne signifie pas les organisations des Nations unies, qui n’ont franchement aucune crédibilité, car elles sont sous le contrôle des Américains et de l’Occident en général.

Donc, lorsque nous parlons d’observation internationale, de participation ou de coopération, cela veut dire certains États qui ont-été impartiaux durant la crise, qui n’ont pas soutenu le terrorisme et qui n’ont pas essayé de politiser leurs positions vis-à-vis des événements en Syrie. Tels sont les États qui peuvent participer à une telle coordination ou observation. Mais nous n’avons pas d’objection de principe.

Nous avons parlé du Qatar et de l’Arabie Saoudite, mais nous n’avons pas évoqué la Turquie, qui permet à des centaines de milliers de réfugiés de franchir ses frontières. Il semble même qu’elle permette le passage des djihadistes vers la Syrie. Comment voyez-vous donc le rôle de la Turquie ?

C‘est le rôle le plus dangereux dans la situation, car la Turquie a offert toutes sortes de soutien à ces terroristes et à toutes leurs variantes. Certains pays soutiennent le Front al-Nosra, lié à al-Qaïda. D’autres soutiennent Dae’ch. La Turquie, elle, soutient les deux organisations, ainsi que d’autres en même temps. Elle leur fournit des ressources humaines en recrutant des combattants, un soutien logistique, financier, des armements et une surveillance.

Même les manœuvres menées par l’armée turque sur les frontières durant les combats en Syrie avaient cet objectif. Les Turcs leur fournissent même l’argent collecté de partout dans le monde, à travers la Turquie. Dae’ch vend également le pétrole en Turquie. Il est donc clair que ce pays joue le pire des rôles dans notre crise. Cela est directement lié à Erdogan en personne, de même qu’à Ahmet Davutoglu, son premier ministre, les deux étant le reflet de leur véritable idéologie, celle des Frères musulmans.

On parle bien du pays en négociation pour enter dans l’union européenne, où vient d’avoir lieu le G20 pour lutter contre le terrorisme ?

Vous pensez qu’il est membre de la confrérie des Frères musulmans ?

Il n’appartient pas nécessairement à l’organisation, mais son épouse l’est à 100%. Il s’intéresse beaucoup à l’islam politique, un islam opportuniste qui n’a rien du vrai islam. C’est comme ça que nous voyons les choses, car il ne faut pas politiser la religion. C’est donc directement lié à lui et à son désir de voir les Frères musulmans gouverner le monde arabe tout entier, de manière à ce qu’il puisse le contrôler comme étant son grand sultan, ou plutôt son imam. Tel est le rôle que joue la Turquie.

Vous connaissez la situation dans laquelle nous nous retrouvons après les attentats du vendredi 13 à Paris, et même déjà lors de l’attentat de Charlie Hebdo, et même avant … Vous en avez parlé, mais je voudrais insister davantage là-dessus. Pensez-vous que la France ne pourra pas combattre le terrorisme tant qu’elle poursuivra ses relations avec le Qatar et l’Arabie saoudite ?

Oui. J’ajouterais même : vous ne pouvez pas combattre le terrorisme si vous n’entretenez pas des relations avec la force qui lutte contre Dae’ch et le terrorisme sur le terrain. Vous ne pouvez pas combattre le terrorisme en adoptant de mauvaises politiques qui soutiennent directement ou indirectement le terrorisme. Si vous ne disposez pas de tous ces facteurs, vous ne pourrez pas le faire. Et nous ne pensons pas que votre gouvernement l’a pu jusqu’à présent.

Propos recueillis par André Bercoff, Pierre-Alexandre Bouclay et Yves de Kerdrel

OB : On comprend pourquoi il faut impérativement “protéger” les Français de ce genre de propos et accusations, des fois que, sans tout gober, ils demandent des enquêtes sérieuses là-dessus…

Bien peu de médias ont réagi à tout ceci aujourd’hui, non plus… Triste époque.

======================================

Ce qu’Assad a dit à nos députés

La rédaction de Valeurs actuelles était présente lors de la rencontre entre le président syrien et les parlementaires français. Récit.

De Gaulle avait bien de la chance : vers cet Orient compliqué, plus question de voler avec des idées simples. Du 11 au 14 novembre, une délégation, comprenant des membres de l’Assemblée nationale, des entrepreneurs, des intellectuels et des journalistes, s’est rendue à Damas, à l’initiative de l’association SOS Chrétiens d’Orient qui fait un remarquable travail d’aide et de solidarité avec les minorités persécutées par les islamistes de Dae’ch, notamment en Syrie et en Irak, ainsi qu’une action prolongée auprès des réfugiés syriens au Liban et en Jordanie. Le samedi 14, nous étions reçus en audience particulière par le président syrien, Bachar al-Assad. Les journalistes de Valeurs actuelles étaient les seuls à assister à une conversation avec les parlementaires, emmenés par Thierry Mariani.

Comment celui que l’on donnait pour mort et enterré il y a trois ans est-il devenu aujourd’hui un partenaire incontournable de la gigantesque partie d’échecs qui se joue entre les États-Unis, la Russie, l’Iran, la Turquie et l’Europe ? Il a essayé de nous l’expliquer. Soyons clairs : tout le monde sait que Bachar al-Assad n’est pas un petit saint, tant s’en faut, et qu’il a recouru, plus souvent qu’à son tour, à des méthodes expéditives contre ses ennemis et surtout contre les éléments de son propre peuple. Mais les plus résolus des adversaires du numéro un syrien sont aujourd’hui convaincus que, dans les circonstances présentes, son départ signifierait à court terme la “dae’chisation” ou la partition de la Syrie. L’on doit écouter Bachar sans forcément l’approuver.

“Hollande et Fabius combattent le terrorisme d’une main et le soutiennent d’une autre.”

Ce qu’il a dit en substance à la délégation française, c’est qu’il ne comprenait pas les deux poids deux mesures de notre gouvernement. Pourquoi décréter sanctions et embargo total envers son pays alors que l’on commerce et fraternise avec l’Arabie Saoudite, pays où l’on décapite deux fois par semaine et où l’on flagelle plus souvent qu’à son tour, pays qui empêche les femmes de conduire et autres joyeusetés du même acabit ? Chacun sait qu’en 1982 son père, Hafez al-Assad, avait éradiqué les islamistes de Hama, faisant plusieurs milliers de morts. Ce qui n’avait pas empêché, deux ans plus tard, François Mitterrand de venir en visite officielle en Syrie. « Je ne demande pas à François Hollande de m’aimer. L’amour, c’est ce qui se passe entre un homme et une femme. Cela n’a rien à voir avec les relations d’État à État, ajoute-t-il, je lui demande simplement de considérer les intérêts de la France. Entre Dae’ch et le régime syrien, il faut choisir. »

Je pense à Manuel Valls qui vient de déclarer que les attentats en France s’organisaient, se préparaient et s’initiaient en Syrie. À la question de savoir s’il pouvait y avoir coopération entre notre pays et le sien concernant le renseignement et l’échange d’informations, il répond :

« Comment voulez-vous qu’il y ait coopération à partir du moment où vous refusez tout autre contact, où il n’est pas question de rouvrir votre ambassade et encore moins de faire une déclaration reconnaissant l’actuel régime syrien comme légitime ? À partir du moment où Hollande et Fabius font de mon élimination une condition sine qua non, ils ne peuvent pas me demander d’échanger avec eux. En fait, leur contradiction profonde, c’est qu’ils combattent le terrorisme d’une main et le soutiennent d’une autre, en fournissant armes et matériel à une opposition qui n’a strictement rien de modéré et encore moins de laïc. Nous avons actuellement en Syrie 20 000 djihadistes étrangers qui combattent au sein de Dae’ch, d’Al-Nosra ou autre, et vous savez parfaitement bien qui les finance. »

Et Bachar al-Assad d’enchaîner sur la question de la laïcité: « Les deux piliers du Moyen-Orient sont l’arabisme et l’islam. Comme des millions de mes compatriotes, je suis nationaliste arabe et laïc. Je vous le dis franchement : je me sentirai toujours plus proche d’un chrétien syrien que d’un musulman indonésien. L’Occident a combattu de toutes ses forces la nation arabe : aujourd’hui, elle a en face d’elle l’islamisme wahhabite et nous en payons tous le prix.»

André Bercoff

Je ne suis pas dans le secret des Dieux, mais en lisant ça, j’imagine que quelques confidences d’Assad ont dû conduire les journalistes de Valeurs Actuelles à aller fissa demander une interview à Squarcini, où l’ancien chef de la DST a confirmé que Manuel Valls a refusé de négocier avec Assad pour obtenir entre autres la liste des djihadistes français en Syrie… Qui sait quelles ont été les conséquences, et qu’est-ce qu’elles seront, vu qu’on ne négocie toujours pas avec lui…

Comme je disais, si on veut connaître les pires saloperies du gouvernement français…

 

 

Extrait de: Source et auteur

Suisse shared items on The Old Reader (RSS)

Sur la Syrie aussi Les Observateurs avaient raison


Syrie-femme-syrienne

 J’ai déjà eu l’occasion d’écrire que l’alliance de l’Occident avec tel ou tel pays musulman, cette alliance doit être considérée comme une alliance tactique à court terme, même si elle est renouvelable pendant un certain laps de temps. Face à l’Etat Islamique (EI) qui veut anéantir les chrétiens en terre d’islam, le régime syrien de Bachar al-Assad n’est pas notre allié stratégique à long terme. Il est, ou plutôt, il devrait être - seulement et provisoirement - un partenaire tactique à court terme.

J’ajoute - afin que les choses soient claires - que je n’ai jamais aimé le clan Assad, notamment parce que j’ai vu de mes yeux les monstruosités perpétrées par le clan Assad contre les Chrétiens au Liban dans les années 1975-1990. Cela dit, lorsque dans le milieu des années 1990, je me suis rendu en Syrie, j’ai été bien obligé d’admettre que la situation des Chrétiens y était bonne. C’est un paradoxe typiquement levantin. Le clan Assad a voulu chasser les Chrétiens du Liban afin de pouvoir annexer ce pays.

Et le même clan Assad, dans son propre pays, la Syrie, a ménagé - et ménage encore - certaines minorités, y compris les minorités chrétiennes, du fait que ce clan est lui-même une minorité (alaouite et donc chiite) dans un pays majoritairement sunnite. C’est dans cet esprit que je considère - aujourd’hui en 2015 - que le régime syrien de Bachar al-Assad n’est pas notre allié stratégique à long terme. Mais qu’il est un partenaire tactique à court terme.

A cet égard, le blog Les Observateurs et ses contributeurs ont été parmi les tous premiers à estimer que reprendre contact avec Bachar al-Assad était une nécessité face à l’expansion territoriale de l’Etat islamique (EI). Or, voici que l’idée fait son chemin y compris aux Etats-Unis. « Au final, il faudra négocier » avec Bachar al-Assad, a déclaré, dimanche 15 mars 2015, le secrétaire d'État américain John Kerry, sur CBS, évoquant une transition politique en Syrie.

Jamais un responsable américain n'était allé aussi loin pour reconnaître un rôle au président syrien. Cette déclaration de Kerry s'inscrit dans le cadre de précédentes déclarations de dirigeants américains. Cela constitue un indéniable changement de stratégie face au terrorisme djihadiste - notamment mais uniquement - celui de l’Etat islamique (EI).

Vendredi 13 mars 2015, le directeur de la CIA, John Brennan, a déjà admis que les États-Unis ne veulent pas d'un effondrement de l'État syrien, qui laisserait le champ libre aux extrémistes islamistes, dont le groupe État islamique (EI). « Aucun d'entre nous, Russie, États-Unis, coalition (contre l'EI), États de la région, ne veut un effondrement du gouvernement et des institutions politiques à Damas », a précisé vendredi John Brennan. « La dernière chose que nous voulons, c'est de leur permettre [aux djihadistes, NDLR] de marcher sur Damas», a ajouté le patron de la CIA.

Kerry avec ses déclarations - dimanche sur CBS - fait écho à la position de l'envoyé spécial de l'ONU sur la Syrie, Staffan de Mistura, qui a affirmé, il y a un mois, que « Bachar al-Assad fait partie de la solution » pour mettre un terme à la guerre civile syrienne. En clair, désormais, pour les Occidentaux, la transition politique passe par la mise en place d'un organe de gouvernement transitoire réunissant opposants et membres du régime syrien. Même la France commence à admettre - à mots couverts - qu'Assad ne peut pas être écarté du pouvoir.

Depuis plusieurs mois, Assad affirme sa disponibilité à prendre part à la guerre menée contre le terrorisme, notamment celui de l’EI. Jusqu'à maintenant, ses appels du pied sont restés - du moins officiellement - lettre morte. Mais pas tant que cela, car en réalité, les États-Unis avertissent déjà Bachar al-Assad - via l’Irak - des bombardements qu'ils lancent en Syrie contre l’EI.

Et des agents du renseignement de plusieurs pays ont renoué avec les services secrets syriens. Bref, tout ce que Les Observateurs ont écrit et proposé ces derniers mois est en train de se réaliser sur le terrain. Cela fait toujours plaisir de découvrir, même après coup, que l’on avait vu juste…

Michel Garroté

http://www.lefigaro.fr/international/2015/03/15/01003-20150315ARTFIG00105-syrie-nouvelle-evolution-de-la-position-de-washington-face-a-assad.php

http://fr.euronews.com/2015/03/15/john-kerry-nous-devons-negocier-avec-bachar-al-assad/

http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/International/2015/03/15/003-etats-unis-syrie-negociations-geneve-kerry.shtml

http://www.lesobservateurs.ch/2015/03/02/sur-le-retour-du-chemin-de-damas/

http://www.lesobservateurs.ch/2015/02/27/allo-damas-passez-moi-bachar-al-assad/

  

Ils massacrent les chrétiens et nous reprochent d’être islamophobes

Michel Garroté -- L’alliance de l’Occident avec tel ou tel pays musulman, cette alliance doit être considérée comme une alliance tactique à court terme, même si elle est renouvelable pendant un certain laps de temps. Face à l’Etat Islamique (EI) qui veut anéantir les chrétiens en terre d’islam, le régime syrien de Bachar al-Assad n’est pas notre allié stratégique à long terme. Il est, ou plutôt, il devrait être - seulement et provisoirement - un partenaire tactique à court terme (sur ce thème, lire ou relire Sur le retour du chemin de Damas et Allô Damas ? Passez-moi Bachar al-Assad !).

-

Ci-dessous, je publie une analyse en cinq parties qui tente d’évoquer l’essentiel :

CINQUANTE ANS DE DIALOGUE ISLAMO-CHRETIEN SANS AUCUN RESULTAT

ANTISEMITISME ET ISLAMOPHOBIE NE SONT PAS COMPARABLES

CE QUI SE PASSE VRAIMENT DU COTE D’ALEP (SYRIE)

LA FIN DES CHRETIENS EN TERRE D’ISLAM ?

MASSACRE DES CHRETIENS D’ORIENT - LES CHEMINS DE LA BARBARIE

-

CINQUANTE ANS DE DIALOGUE ISLAMO-CHRETIEN SANS AUCUN RESULTAT

Tout récemment, le pape François a reçu à Rome les Evêques d 'Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie et Libye). Dans le discours qu'il leur a remis, il a évoqué l’histoire d'une région marquée par de nombreuses figures de sainteté depuis Cyprien et Augustin, patrimoine spirituel de toute l’Eglise, jusqu’au bienheureux Charles de Foucauld, dont on fêtera l’an prochain le centenaire de la mort. Jusque-là ça va. Mais le pape ajoute : « Depuis plusieurs années l'Afrique du Nord connaît des évolutions significatives, qui permettaient alors d’espérer voir se réaliser certaines aspirations à une plus grande liberté et à la dignité et favoriser une plus grande liberté de conscience. Mais parfois aussi ces évolutions ont conduit à des déchaînements de violence » (Note de Michel Garroté - Le pape utilise des euphémismes ; car, en réalité, nous assistons à une éradication des chrétiens en terre d’islam).

« Je voudrais saluer particulièrement le courage, la fidélité et la persévérance des évêques de Libye, ainsi que des prêtres, des personnes consacrées et des laïcs qui demeurent dans le pays malgré les dangers multiples. Et à ce propos, je suis heureux de relever que l’Institut pontifical d’études arabes et islamiques, qui célèbre cette année son cinquantième anniversaire, est né à Tunis » (Note de Michel Garroté - Intéressant : un Institut pontifical d’études islamiques œuvre depuis cinquante ans ; et le résultat de ce « pontifical islamique », c’est qu’on massacre de plus en plus les chrétiens d’Orient).

« Soutenir et utiliser cette institution si nécessaire pour s’imprégner de la langue et de la culture permettra d’approfondir un dialogue en vérité et dans le respect entre chrétiens et musulmans. Le dialogue, vous le vivez aussi au jour le jour avec les chrétiens de diverses confessions ». Citant également l’Institut Œcuménique Al Mowafaqa (Maroc) qui promeut le dialogue œcuménique et inter-religieux, le Pape rappelle que ses hôtes « animent une Eglise de la rencontre et du dialogue, au service de tous sans distinction » (Note de Michel Garroté - Institut pontifical d’études arabes et islamiques par-ci ; Institut Œcuménique Al Mowafaqa par-là ; et depuis cinquante ans que ça dure, on détruit les églises en terre d’islam et on construit des mosquées en Europe ; un jour, l’Eglise catholique devra rendre des comptes pour cette hérésie et cette aberration que constitue ce catholicisme islamo-compatible, ce « catholislam »).

ANTISEMITISME ET ISLAMOPHOBIE NE SONT PAS COMPARABLES

Gilles William Goldnadel, dans Le Figaro, écrit : C’était sûr. Promis, craché. Rien ne serait plus jamais comme avant. Le 12 janvier au matin, les nuées pestilentielles de la haine, de l’intolérance, et du terrorisme intellectuel seraient emportées par un ouragan nommé Charlie. Certains, très peu nombreux, demeuraient fort sceptiques. Contre le vent qui soufflait, ils prophétisaient sans plaisir qu’il était douteux qu’un happening satisfait, un festival du consensus mou allant jusqu’à refuser de détester la haine et encore moins de la nommer, une escroquerie émotionnelle aux sentiments, ne fassent autre chose que bien rire les méchants. Ces mauvais prophètes maudissaient le roi et plus encore ses puissants opposants de ne pas avoir saisi l’occasion du malheur pour se libérer des fers que la religion de la préférence pour l’Autre avait posés sur les sujets de France.

La semaine dernière, dans ces mêmes colonnes, je disais que le seul scandale provoqué par les évidences affligeantes prononcées par le représentant censé représenter les juifs français résidait précisément dans le fait qu’elles aient pu faire scandale. Mais un autre habite dans le fait que les déclarations du même, le lendemain, n’aient déclenché, au rebours, aucun commentaire. Le président du CRIF s’est en effet rendu à l’Élysée, comme d’autres à Canossa, pour se réconcilier, sous égide présidentielle, avec le très estimable président Boubakeur qui avait cru devoir se sentir insulté par le lieu commun, la banalité, l’observation ingrate de l’identité religieuse des assassins de juifs. Bref, en la circonstance, c’étaient les musulmans qui faisaient figure d’offensés.

On revoyait ainsi se dérouler au même endroit, la même scène qui avait été jouée au lendemain du massacre de Toulouse, et où les acteurs de l’époque avaient lourdement insisté sur le «pas d’amalgame!». Quelques jours après, le grand rabbin de France avait regretté, mais un peu tard, la centralité de cette thématique qui masquait la réalité des responsabilités respectives. Cette fois-ci, le président du Crif s’est senti obligé de déclarer publiquement que «juifs et musulmans étaient ensemble victimes du racisme»… Je comprends bien, et je la souhaite autant qu’un autre, la nécessité de bonnes relations entre les enfants d’Israël et ceux d’Ismaël. Mais pas au prix d’un mensonge au moins par omission pour se faire pardonner une dure vérité.

Il n’existe aucune équivalence actuelle entre la souffrance juive et la souffrance musulmane. Les renvoyer dos à dos est une offense dangereuse à la cruelle vérité. Que le représentant du CRIF m’oblige à m’imposer au nom de la vérité due aux victimes de la haine islamiste, cet exercice ingrat qui sera considéré par certains comme constitutif de concurrence victimaire, m’afflige. Énoncer dans une même phrase que juifs et musulmans seraient victimes du même racisme donne à penser que, comme toujours, les racistes sont les non-juifs et les non-musulmans. Pour un peu les éternels franchouillards… Or dans la tragique circonstance actuelle, les tourmenteurs de juifs se recrutent au sein de l’islam radical.

Laisser également à penser qu’antisémitisme et islamophobie seraient les deux revers d’une même médaille ensanglantée relève de la dangereuse contrevérité. Comme l’a encore écrit mon cher Pierre André Taguieff dans ces mêmes colonnes «la symétrie entre islamophobie et judéophobie relève de l’escroquerie intellectuelle et morale.» «Point de musulmans assassinés en France parce que musulmans, point d’enfants musulmans tués en tant que musulmans. Point non plus en France, même après les tueries de janvier 2015, de manifestations islamophobes violentes avec des slogans comme « mort aux musulmans ! » ou « musulmans assassins ! ». Ni même avec un slogan du type « musulman, casses-toi : la France n’est pas à toi ! ». Dieu merci.

J’ai défendu ici même le droit et même le devoir qu’avait le président de l’instance représentative des juifs de France de dire la vérité sans faillir. Dans la tempête médiatique s’il le faut. Ce n’était pas la peine de s’y risquer sans savoir tenir fermement la barre. Mais je sais aussi d’où souffle le mauvais vent qui gonfle la tempête. Si les choses ont changé depuis le 11 janvier, ce n’est pas en mieux. © Gilles William Goldnadel - Le Figaro

CE QUI SE PASSE VRAIMENT DU COTE D’ALEP (SYRIE)

Alessandra Benignetti et Roberto Di Matteo, dans La Repubblica, relatent que le père Rodrigo Miranda, quarante ans, est un missionnaire chilien de l’Institut de la Parole incarnée qui a passé ces quatre dernières années en Syrie, dans l’enfer d’Alep. Curé à la Cathédrale de l’Enfant Jésus, il est venu en aide depuis 2011 à la population, en particulier durant les 3 ans de siège que la ville a connus, au milieu des violences, des morts et des enlèvements. Il est de retour à Rome depuis quelques mois, et c’est là que nous l’avons rencontré pour entendre son témoignage. C’est le récit d’un témoin direct de la bataille d’Alep qui a commencé en 2012, et qui, plus que toutes les autres, résume bien la tragédie vécue par la population, par ceux qui habitaient la cité autrefois la plus riche et la plus peuplée de Syrie, et qui d’un coup s’est retrouvée au cœur d’un conflit d’une extrême violence entre les rebelles et l’armée d’Assad ; un conflit qui a coûté la vie à des milliers de civils.

Une guerre artificielle

« Avec sa mosaïque de cultures et de religions, Alep a toujours été une ville symbole de la bonne cohabitation entre chrétiens et musulmans, » nous raconte Père Rodrigo, « la guerre est arrivée à l’improviste, et a frappé des personnes qui ne se seraient jamais attendues à une telle réaction face à un conflit qui a tout d’artificiel. » Cette dernière phrase nous intrigue un peu. « La population syrienne, nous explique-t-il, n’a jamais demandé un changement, ni politique ni culturel. Jamais. Ils étaient bien comme ils étaient. Je ne veux pas faire les louanges d’Assad, mais ce que je veux dire, c’est que le conflit a été le fruit d’un processus aussi rapide que violent. Parmi les combattants, seuls 2% sont syriens, les autres sont tous des étrangers, de 83 nationalités différentes ».

Les persécutions contre les chrétiens

Avant la guerre, les chrétiens d’Alep étaient au nombre d’environ 300’000. Des 4000 fidèles qui fréquentaient la paroisse de Père Rodrigo, il n’en reste que 25 aujourd’hui. Tous les autres ont fui, ou bien « ils ont été tués, surtout les femmes et les jeunes. Il y a eu beaucoup d’enlèvements, » nous explique le curé. En effet, les chrétiens de Syrie ont, plus que les autres, été pris pour cible par des groupes islamistes radicaux. « Cela survient du fait de leur grande influence dans de nombreux secteurs de la société, et parce qu’ils ont cette capacité au dialogue, cette faculté de s’ouvrir à l’autre, de le respecter [qui les rend si vulnérables]. Quand nous entendons dire que l’EIIL avance dans le nord de l’Irak ou de la Syrie, c’est parce que ces zones sont peuplées de chrétiens, et la réponse d’un chrétien est très différente de celles des autres [confessions]. » Sur le front humanitaire, la situation n’est guère meilleure : « j’ai parlé encore hier avec mes [anciens] paroissiens : ils manquent d’eau, de lumière et d’électricité depuis 12 jours. Les promesses des Nations Unies sont restées lettre morte ».

Un niveau de violence inouï

À quelques mètres de la paroisse de Père Rodrigo se trouvait l’Université d’Alep, qui a été le théâtre d’un violent attentat le 15 janvier 2013, attentat dans lequel des centaines de jeunes étudiants ont perdu la vie. « Il était midi, l’heure de pointe, lorsque les trois missiles sont tombés. L’université était pleine de monde, et la plupart étaient dehors, » nous raconte-t-il. « Après la frappe du premier missile, j’ai commencé à aider les personnes à côté de moi. Ensuite, alors que je courais vers l’université pour aller aider les autres, j’ai vu le 2e missile arriver. J’ai tenté de me réfugier entre un mur et quelques voitures. J’ai entendu un fracas, puis un long silence, et après… le désastre. Ça a été un massacre. Au début, poursuit-il, on nous a dit que les missiles avaient été tirés par l’armée d’Assad. Mais notre quartier était contrôlé par l’armée régulière. Ça voudrait dire qu’ils se seraient tirés sur eux-mêmes (?). Après, ils ont raconté que l’armée avait frappé par erreur. Mais si tu te trompes, tu le  fais une fois, pas trois. L’autre hypothèse est que ce sont les rebelles qui ont tiré, pour frapper l’armée qui contrôlait le quartier. » Mais ce dont se souvient le plus Père Rodrigo, c’est le « degré de violence exercée contre la population civile. » En écoutant son récit, il nous vient à l’esprit une question évidente, banale. N’avez-vous jamais eu peur ? Jamais, répond-il en souriant : « pendant ces secondes-là, on n’a même pas le temps d’avoir peur. On pense seulement à aider ».

Les mensonges des médias

« Ce que désire le peuple syrien par-dessus tout, c’est que dans les autres pays, on raconte ce qui se passe vraiment en Syrie. » D’après Père Rodrigo, la désinformation sur ce conflit a été tout simplement gigantesque. Nous lui demandons quel a été le plus gros mensonge. Sa réponse : « le fait de parler de ‘’régime’’, de vouloir cataloguer à tout prix comme ‘’dictateur’’ tous ceux qui ne font pas ce que [certains pays] veulent, » nous répond-il sans hésiter. « On ne peut pas appliquer la démocratie telle que nous l’entendons, à des pays où le substrat culturel est totalement différent : il faut respecter la diversité et la culture de l’autre, c’est comme cela qu’on garantit la paix. » Autrement, le risque est « une radicalisation toujours plus forte, » qui est prête à contaminer également l’Europe, comme cela se produit sous nos yeux aujourd’hui. © Alessandra Benignetti et Roberto Di Matteo La Repubblica, 2015 Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr

LA FIN DES CHRETIENS EN TERRE D’ISLAM ?

Répondant dimanche 1er mars à l’appel du Comité de Soutien aux Chrétiens d’Irak, nous étions, écrit Karim Ouchikh, Président du SIEL, plusieurs centaines de personnes à défiler silencieusement à Sarcelles pour soutenir la cause des chrétiens d’Orient, dans un département, le Val d’Oise, qui abrite la communauté Assyro-Chaldéenne la plus importante de France. Une foule compacte communiait avec ferveur à la pensée de ces chrétiens innombrables du Moyen-Orient, aujourd’hui persécutés, pourchassés, décimés, martyrisés. Leurs assassins sont connus : les barbares de l’Etat islamique qui opèrent en toute impunité aux confins de l’Irak, de la Syrie ou de la Libye. Leurs méthodes sont radicales : user de moyens toujours plus sanguinaires et spectaculaires avec une rage et une détermination qui font froid dans le dos. Leur but de guerre est évident : éradiquer toute présence chrétienne dans une vaste aire géographique qui a pourtant vu naître la religion du Christ, deux mille ans plus tôt. En Syrie, des centaines de chrétiens, de tous âges et de toutes conditions, sont déplacés ces jours-ci, déportés en zones inconnues, promis à un sort terrible que chacun pressent avec effroi au souvenir du martyr subi voici peu en terre libyenne par les 21 coptes égyptiens.

Quoique soutenue par la Conférence des évêques de France, la manifestation de solidarité ne fut guère relayée par les médias et peu de personnalités nationales s’y sont pressées, à l’exception notable de Mgr Lalanne, évêque de Pontoise, de François Pupponi (PS) et Jérôme Chartier (UMP), respectivement députés maires de Sarcelles et de Domont. En ce jour de recueillement, il ne fut pas question de rechercher la moindre responsabilité politique à ce drame historique : les apprentis sorciers qui, aux Etats-Unis comme en France, ont armé sans états d’âme les terroristes islamistes ou qui soutiennent toujours ces pétromonarchies qui financent inlassablement le djihad dans le monde, devront tôt ou tard répondre de leurs actes insensés.

Nul n’a davantage songé, à cet instant précis, à promouvoir quelque issue concrète que ce soit à cette tragédie inédite : les puissances historiques qui peuvent encore influer sur le cours des évènements, de la Russie aux Etats-Unis, de la France au Royaume-Uni, sans oublier les acteurs régionaux, de l’Egypte à la Turquie, auront tôt fait à se gendarmer effectivement, sans pouvoir éternellement se dérober à leurs responsabilités diplomatiques et militaires. Un seul mot d’ordre occupait alors les esprits en cette matinée du 1er mars : résister. Résister dans la prière et le recueillement.

Résister à la barbarie islamiste qui dévaste des contrées entières, avec une violence inouïe, en emportant tout sur son passage, églises, villages et vies humaines. Résister à une idéologie totalitaire qui veut tout abolir, y compris l’empreinte culturelle du passé, en saccageant musées, bibliothèques et mausolées. Résister à une entreprise de nature génocidaire qui voudrait éradiquer les particularismes locaux et les minorités religieuses, au premier rang desquelles les communautés chrétiennes dont la présence vénérable, entre le Tigre et l’Euphrate, à Kobané comme à Mossoul, se confond avec une terre biblique qui fut rien moins que le berceau sacré de l’humanité. Résister pour éviter que les chrétiens d’Orient ne sortent définitivement de l’Histoire. © Karim Ouchikh, Président du SIEL

MASSACRE DES CHRETIENS D’ORIENT - LES CHEMINS DE LA BARBARIE

Sur Boulevard Voltaire, Christian Vanneste écrit : L’opinion publique s’est davantage émue des destructions commises par les barbares de l’État islamique dans les musées et sur les sites archéologiques du nord de l’Irak que de l’enlèvement de 220 chrétiens syriens par ces fanatiques. Les deux événements font référence aux Assyriens. Mais l’identité du mot est trompeuse. Les Assyriens d’aujourd’hui sont des chrétiens d’Orient, les héritiers d’un schisme du Ve siècle devenu une hérésie à partir de la définition de la nature du Christ au concile d’Éphèse. Au sens strict, l’église assyrienne est indépendante, contrairement à sa sœur chaldéenne ralliée à la papauté catholique. Les Assyriens forment des communautés possédant une culture propre avec notamment la langue araméenne, celle du Christ, et la foi chrétienne. Leur histoire est celle d’une longue persécution depuis la conquête arabe et musulmane à laquelle une autre minorité, celle des Kurdes, a souvent prêté la main. 70 % des Assyriens de l’Empire ottoman auraient ainsi été massacrés en 1915-1916 dans le même temps que les Arméniens au cours d’un génocide méconnu qui aurait tué 750.000 personnes (Sayfo).

La relative indifférence de l’Occident à leurs souffrances actuelles tient sans doute d’une part à la banalisation des atrocités commises par les islamistes, mais d’autre part aussi à la peur panique des dirigeants occidentaux de paraître défendre particulièrement des chrétiens contre des musulmans dans un mélange explosif de croisade et de colonisation. Il y a des moments où la culpabilité excessive et la repentance hypocrite se font les complices de crimes bien réels et actuels. Les Kurdes et les yézidis, oui, mais les chrétiens, attention !

C’est pourquoi l’ampleur de la réaction au saccage iconoclaste des statues assyriennes a été beaucoup plus forte. Ces Assyriens-là, dont le comportement n’était guère humaniste, ont beau avoir disparu depuis des millénaires, il est politiquement correct et sans danger de se scandaliser de l’atteinte à leurs vestiges et à leur souvenir. Il y a dans cette attitude une certaine logique : la communauté des vivants assyriens continuera à transmettre ses traditions de l’Amérique à l’Australie en passant par l’Europe, là où la diaspora a trouvé refuge. En revanche, la destruction d’un patrimoine millénaire est définitive et paraît une stupide atteinte à l’Humanité, d’abord chez le coupable qui lui fait honte par sa bêtise, et dans le trésor de l’héritage humain, amoindri sans la moindre raison.

Sous les condamnations officielles pourront se dissimuler quelques idées plus perfides. D’abord, la plupart des statues détruites n’étaient que des copies. Ensuite, voilà une excellente raison pour les grands musées occidentaux de ne pas restituer leurs collections aux pays d’origine. Ces crétins de djihadistes ont brisé de magnifiques « taureaux ailés ». Ils ne toucheront pas à ceux de Paris ou aux lions de Berlin. Enfin, il est probable que le trafic des œuvres d’art volées dans les musées du territoire soumis au « califat », qui a grand besoin de ressources, « sauve » un certain nombre d’objets.

Ces deux événements rattachés à une identité assyrienne ambiguë rappellent une fois encore l’importance de cette notion d’identité. Ceux qui s’offusquaient naguère de l’emploi du mot pour désigner l’une des missions d’un ministère devraient y réfléchir. Ceux qui, chez nous, aiment tellement l’altérité qu’ils s’acharnent volontiers sur la tradition et l’héritage sont tout aussi destructeurs. Nier son identité construite par le temps pour revenir à une origine illusoire ou la dissoudre dans la confusion d’un présent métissé sont les deux chemins de la barbarie. La cultiver pour la faire croître et l’enrichir, c’est la voie royale de toute civilisation. © Christian Vanneste sur Boulevard Voltaire


Allô Damas ? Passez-moi Bachar al-Assad !


Syrie-Damas-1


Michel Garroté -- La crise syrienne me pose un problème. Je l’ai déjà écrit plusieurs fois. Je déteste le clan Assad. Notamment parce que j’ai vu de mes yeux les monstruosités perpétrées par le clan Assad contre les Chrétiens au Liban dans les années 1975-1990. Cela dit, lorsque dans le milieu des années 1990, je me suis rendu en Syrie, j’ai été bien obligé d’admettre que la situation des Chrétiens y était bonne. C’est un paradoxe typiquement levantin. Le clan Assad a voulu chasser les Chrétiens du Liban afin de pouvoir annexer ce pays. Et le même  clan Assad, dans son propre pays, la Syrie, a ménagé les minorités, y compris les minorités chrétiennes, du fait que ce clan est lui-même une minorité alaouite (et donc « chiite ») dans un pays majoritairement sunnite. Je sais très bien qu’actuellement le clan Assad fait à son propre peuple ce qu’il avait déjà fait pendant plus de quinze ans au peuple libanais.

Du reste, à l’époque, j’étais très seul dans ma défense des chrétiens libanais qui semblaient laisser le monde entier indifférent. Et n’ayant pas changé sur la défense des chrétiens en terre d’islam, je ne peux donc pas, aujourd’hui, prendre parti contre le clan Assad que je déteste, car si un califat islamique lui succède, les Chrétiens de Syrie n’auront plus qu’à faire leurs valises. Et qui les accueillera ? Personne. Encore un point à préciser dans ce contexte : oui, je sais, la Syrie est alliée à l’Iran et au Hezbollah. Cela dit, une Syrie laïque avec al-Assad est « moins pire » qu’un éventuel Califat sunnite syrien. Un tel califat serait génocidaire pour les syriens chrétiens, et, létal pour Israël.

Des djihadistes de l'Etat islamique ont enlevé ces trois derniers jours 220 chrétiens assyriens dans des villages situés dans le nord-est de la Syrie. Les enlèvements se sont produits lors de la capture d'une dizaine de villages situés non loin de la ville syrienne d'Hassaka. Cette région dans le nord-est de la Syrie est le théâtre d'affrontements entre djihadistes de l'Etat islamique et combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG).

Voici la réaction de Mgr Jacques Behnan Hindo, archevêque syrien catholique : « Par leurs politiques malheureuses, en particulier les Français (ndmg - Hollande) et les Américains (ndmg - Obama), avec leurs alliés régionaux, ont favorisé de facto la montée en puissance du Daesh (l’Etat islamique : EI). Maintenant, ils persévèrent dans l’erreur, commettant des fautes stratégiques grotesques. De plus, ils s’obstinent à interférer au travers d’interventions sans importance, au lieu de reconnaître que le soutien qu’ils apportent aux groupes djihadistes nous a porté à ce chaos et a détruit la Syrie, nous faisant régresser de 200 ans », conclut Mgr Jacques Behnan Hindo.

Dans ce contexte, rappelons que depuis 2013, la radicalisation des groupes d’opposants syriens armés continue et que le nombre de combattants étrangers augmente, qu’ils sont fortement disciplinés et bien entraînés. A cause de cela, les groupes les plus radicaux ont maintenant un avantage sur les factions soi-disant « modérées », ce qui explique que des groupes comme l’État Islamique aient réussi à créer leurs propres bastions, notamment dans le nord de la Syrie. La perméabilité des frontières de la Syrie facilite l’intrusion d’acteurs régionaux armés dans ce conflit et l’influence d’éléments extrémistes augmente. Et à ce propos, je continue de penser qu’en France en particulier et en Europe en général, les innombrables journalistes, analystes et experts qui formulent leurs opinions sur ce conflit, non seulement sont totalement incultes et lamentablement démagogues, mais en plus, ils sont terriblement arrogants et même insultants envers ceux qui ne pensent pas comme eux.

La semaine du 23 février 2015, les députés UMP Jacques Myard et PS Gérard Bapt, par ailleurs président du groupe d'amitié France-Syrie à l'Assemblée, ainsi que Jean-Pierre Vial, sénateur UMP de Haute-Savoie, président du groupe d'amitié France-Syrie au Sénat, et François Zocchetto, sénateur UDI de la Mayenne, ont séjourné en Syrie pour une mission : « Nous avons rencontré Bachar al-Assad pendant une bonne heure. Ça s'est très bien passé », a indiqué le député des Yvelines. « Nous ferons rapport à qui de droit », a-t-il dit. Les parlementaires se trouvaient auparavant au Liban.

La rupture officielle avec Damas n'ayant rien donné, et les menaces de ‘Etat Islamique (« Daesh ») se faisant de plus en plus insistantes, la ligne imposée par Paris est de plus en plus controversée. Ayant décidé de se faire une idée de la situation directement sur place, les quatre parlementaires ont rencontré, outre Bachar al-Assad, le mufti, les patriarches catholique, orthodoxe et arménien, ainsi que les représentants du croissant et de la croix rouges, et du lycée français.

De plus en plus de voix, même au sein des renseignements, s'élèvent contre le choix de la France, qui a conduit jusqu'à présent à une impasse. "On ne peut pas travailler sur Daesh et contre Daesh sans passer par la Syrie, donc une nécessaire reprise du dialogue est obligatoire », estime l'ancien patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini. Beaucoup de services aimeraient retourner à Damas, reconnait un diplomate européen, soulignant que Paris et Londres étaient, au sein de l'UE, dans une position encore extrêmement crispée vis-à-vis de toute reprise de contact, même minimale, avec Damas.

Les quatre parlementaires français ont été reçus par le vice-ministre syrien des Affaires Etrangères Fayçal Moqdad et ils se sont entretenus avec le chef de la diplomatie, Walid Mouallem. Ils ont dîné également avec le mufti de la République cheikh Ahmad Hassoun. Cette visite de parlementaires français constitue une première depuis la rupture des relations diplomatiques décidée en mai 2012 conjointement par la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne, sous l’impulsion d’Obama et Hollande. Depuis, la France ne cesse de réclamer le départ du pouvoir d'Assad en soutenant politiquement et militairement l'opposition islamique au président laïc syrien.

Alexandre Giorgini, porte-parole du Quai d'Orsay et donc porte-parole de l’incompétent Fabius, interrogé sur une éventuelle concertation de cette visite avec les services de son patron, a précisé qu'il s'agit d'une initiative de parlementaires qui, conformément au principe de séparation des pouvoirs, n'a pas été décidée en concertation avec le ministère des Affaires étrangères. « Comme l'a précisé M. Fabius le 15 février, les parlementaires concernés ne sont porteurs d'aucun message officiel », a ajouté Alexandre Giorgini. Il est vrai que depuis le milieu des années 1970, la France n’a cessé de signer des accords, d’abord avec la Ligue Arabe, puis avec l’Organisation de la Coopération islamique, accords conclus sur le dos des chrétiens en terre d’islam et sur le dos d’Israël.

Michel Garroté, 26 février 2015