Sur la Syrie aussi Les Observateurs avaient raison

Michel Garroté
Politologue, blogueur


Syrie-femme-syrienne

 J’ai déjà eu l’occasion d’écrire que l’alliance de l’Occident avec tel ou tel pays musulman, cette alliance doit être considérée comme une alliance tactique à court terme, même si elle est renouvelable pendant un certain laps de temps. Face à l’Etat Islamique (EI) qui veut anéantir les chrétiens en terre d’islam, le régime syrien de Bachar al-Assad n’est pas notre allié stratégique à long terme. Il est, ou plutôt, il devrait être - seulement et provisoirement - un partenaire tactique à court terme.

J’ajoute - afin que les choses soient claires - que je n’ai jamais aimé le clan Assad, notamment parce que j’ai vu de mes yeux les monstruosités perpétrées par le clan Assad contre les Chrétiens au Liban dans les années 1975-1990. Cela dit, lorsque dans le milieu des années 1990, je me suis rendu en Syrie, j’ai été bien obligé d’admettre que la situation des Chrétiens y était bonne. C’est un paradoxe typiquement levantin. Le clan Assad a voulu chasser les Chrétiens du Liban afin de pouvoir annexer ce pays.

Et le même clan Assad, dans son propre pays, la Syrie, a ménagé - et ménage encore - certaines minorités, y compris les minorités chrétiennes, du fait que ce clan est lui-même une minorité (alaouite et donc chiite) dans un pays majoritairement sunnite. C’est dans cet esprit que je considère - aujourd’hui en 2015 - que le régime syrien de Bachar al-Assad n’est pas notre allié stratégique à long terme. Mais qu’il est un partenaire tactique à court terme.

A cet égard, le blog Les Observateurs et ses contributeurs ont été parmi les tous premiers à estimer que reprendre contact avec Bachar al-Assad était une nécessité face à l’expansion territoriale de l’Etat islamique (EI). Or, voici que l’idée fait son chemin y compris aux Etats-Unis. « Au final, il faudra négocier » avec Bachar al-Assad, a déclaré, dimanche 15 mars 2015, le secrétaire d'État américain John Kerry, sur CBS, évoquant une transition politique en Syrie.

Jamais un responsable américain n'était allé aussi loin pour reconnaître un rôle au président syrien. Cette déclaration de Kerry s'inscrit dans le cadre de précédentes déclarations de dirigeants américains. Cela constitue un indéniable changement de stratégie face au terrorisme djihadiste - notamment mais uniquement - celui de l’Etat islamique (EI).

Vendredi 13 mars 2015, le directeur de la CIA, John Brennan, a déjà admis que les États-Unis ne veulent pas d'un effondrement de l'État syrien, qui laisserait le champ libre aux extrémistes islamistes, dont le groupe État islamique (EI). « Aucun d'entre nous, Russie, États-Unis, coalition (contre l'EI), États de la région, ne veut un effondrement du gouvernement et des institutions politiques à Damas », a précisé vendredi John Brennan. « La dernière chose que nous voulons, c'est de leur permettre [aux djihadistes, NDLR] de marcher sur Damas», a ajouté le patron de la CIA.

Kerry avec ses déclarations - dimanche sur CBS - fait écho à la position de l'envoyé spécial de l'ONU sur la Syrie, Staffan de Mistura, qui a affirmé, il y a un mois, que « Bachar al-Assad fait partie de la solution » pour mettre un terme à la guerre civile syrienne. En clair, désormais, pour les Occidentaux, la transition politique passe par la mise en place d'un organe de gouvernement transitoire réunissant opposants et membres du régime syrien. Même la France commence à admettre - à mots couverts - qu'Assad ne peut pas être écarté du pouvoir.

Depuis plusieurs mois, Assad affirme sa disponibilité à prendre part à la guerre menée contre le terrorisme, notamment celui de l’EI. Jusqu'à maintenant, ses appels du pied sont restés - du moins officiellement - lettre morte. Mais pas tant que cela, car en réalité, les États-Unis avertissent déjà Bachar al-Assad - via l’Irak - des bombardements qu'ils lancent en Syrie contre l’EI.

Et des agents du renseignement de plusieurs pays ont renoué avec les services secrets syriens. Bref, tout ce que Les Observateurs ont écrit et proposé ces derniers mois est en train de se réaliser sur le terrain. Cela fait toujours plaisir de découvrir, même après coup, que l’on avait vu juste…

Michel Garroté

http://www.lefigaro.fr/international/2015/03/15/01003-20150315ARTFIG00105-syrie-nouvelle-evolution-de-la-position-de-washington-face-a-assad.php

http://fr.euronews.com/2015/03/15/john-kerry-nous-devons-negocier-avec-bachar-al-assad/

http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/International/2015/03/15/003-etats-unis-syrie-negociations-geneve-kerry.shtml

http://www.lesobservateurs.ch/2015/03/02/sur-le-retour-du-chemin-de-damas/

http://www.lesobservateurs.ch/2015/02/27/allo-damas-passez-moi-bachar-al-assad/

  

2 commentaires

  1. Posté par Papilou le

    Sans Bachar…. guerre totale dans la région et génocide des « minorités » en particulier des chrétiens!! Il faut dénoncer inlassablement le double jeu des américains, véritables semeurs de troubles, guerres et toutes sortes d’intrigues sur la planète!
    per C.S.P.B

  2. Posté par Antonio Giovanni le

    Donc il doit y e avoir au moins un et une en Europe qui doit reconnaître s’être aveuglée c’est la France d’abord avec son Hollande de président et Mme Ashton qui répétait les litanies américaines comme elle sait si bien le faire, puisque elle ne sait rien faire d’autre.
    Kerry disait pourtant « La Syrie sans Bachar ..après la guerre. » ou est donc la véritable intention US?

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.