"En Suisse, la formation de policier reste axée sur la violence". "Selon David Pichonnaz, le soupçon à l'égard de l'étranger est exacerbé au sein de la police". Voici les grands enseignements qu'on peut tirer à lecture du dernier numéro de Migros Magazine. Ce journal ouvre en effet ses colonnes à un sociologue spécialisé dans l'étude des métiers relationnels, un homme qui s'est longuement penché sur la formation des policiers et leur rapport à leur métier. Ses conclusions sont sans appel, qui figurent ci-dessus. Violence, soupçon envers les étrangers, voici comment notre homme voit le policier suisse. En bon sociologue, M. Pichonnaz envisage une approche radicalement différente, basée sur le dialogue, proposant le policier en tant que médiateur social appelé à traiter les maux de notre société par la parole et non le geste. A l'appui de sa démonstration, le sociologue précise que sur le long terme, tout indique que la violence a énormément diminué. Pour le reste, le policier est essentiellement vu comme un être frustré, peu sûr de lui, se rassurant par son métier et l'image qu'il confère, celui du "gentil" contre les "méchants".
En bref, M. Pichonnaz nous livre la classique vision gauchiste de la police, une arme aveugle aux mains des puissants, présentant un fort penchant pour la répression, surtout à l'encontre des étrangers. Rien d'étonnant de la part d'un sociologue enseignant à l'Université de Lausanne. N'en déplaise au spécialiste, la réalité sur le terrain est très différente. La violence n'est de loin pas en baisse mais en dramatique augmentation, tout spécialement en intensité. L'exemple des banlieues françaises commence à inspirer les ghettos qu'on trouve de plus en plus fréquemment dans nos villes pour l'essentiel gouvernées à gauche, comme tout récemment à Lausanne où un policier municipal a dû fuir face à une nuée d'énergumènes fiers d'avoir défendu leur écosystème. En réalité, le policier est devenu l'exutoire de toutes les frustrations sociales, celui sur qui on peut taper pour exprimer son ras-le-bol, sa rancœur, son mal de vivre. Cette évolution sociétale appelle naturellement une réponse adaptée, ce que l'Académie de Police de Savatan propose. Conduite par le très efficace colonel Alain Bergonzoli, cette école dispense une formation adaptée aux réalités du terrain, certes assez éloignée de la vision barbe à papa de M. Pichonnaz mais conforme à l'environnement au sein duquel les policiers auront à travailler leur carrière durant.
Pour ce qui est de la fixation que les policiers feraient au sujet des étrangers, il faut relever que ce n'est sans doute pas la faute de la police si nos prisons sont essentiellement peuplées de gens venus de loin, surtout en ce qui concerne les cas de violences graves. Les faits sont têtus et il suffit de se promener aux abords de la gare d'Yverdon pour constater que les dealers attendant le client ne sont pas du coin. S'il arrive de plus en plus souvent aux policiers de devoir exercer la force, c'est bien parce que la clientèle a compris que la peur du gendarme n'est plus le début de la sagesse mais un sujet de rigolade.
M. Pichonnaz a néanmoins raison sur un point lorsqu'il parle de grande désillusion au niveau des jeunes policiers. La pratique actuelle a en effet un fort effet démobilisateur sur les recrues qui découvrent qu'exercer leur métier leur vaut plus de tracas que de soutien, parfois de la part de leur hiérarchie, toujours de la part du monde politique. Le courage dont les agents font preuve dans leur activité au quotidien est hélas fort rare chez ceux qui fixent leurs missions, rarement en première ligne lorsque la police a besoin de soutien. Dans ces conditions, exercer le métier de policier relève de plus en plus du sacerdoce. Respect à ces femmes et hommes qui ont fait d'une devise une mission, protéger et servir.
Concluons avec les propos du colonel Bergonzoli, confiés au Matin du 06 mars 2012 déjà : "Nous devons revenir aux fondements de notre métier, à ses valeurs: la protection des citoyens. Les gens ont de plus en plus peur. Nous sommes dans une Europe qui s’ouvre, nous devons accepter que les risques vont augmenter, et nous devons y répondre".
Yvan Perrin