Suis-je un enseignant moderne?

Par Jean-Paul Brighelli

Prof de Lettres depuis bientôt quarante ans, j’ai enseigné en collège, en lycée, en université et en prépa, en ZEP ou chez les bourgeois versaillais. Bref, je croyais savoir ce qu’est le métier — savoir si je l’exerce correctement est une autre histoire. Mais je suis vieux. Dépassé. Désespérément non-moderne. Je ne suis pas un prof 2.0.

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Écoles suisses: L’afflux d’enfants migrants va engendrer des problèmes et des coûts importants.

Les enseignants se disent prêts à assumer leur part de cet effort d'intégration. Mais à leurs yeux, les ressources existantes ne suffisent pas pour financer cette charge supplémentaire.

Les enseignants s'attendent à un nombre croissant d'enfants réfugiés en Suisse. Certains sont traumatisés, beaucoup sont non accompagnés et ils n'ont jamais été scolarisés ou plus depuis longtemps. Pour faire face, le corps enseignant formule différentes revendications.

La Confédération doit attribuer des fonds aux écoles, exigent le SER et le LCH. Communes et établissements scolaires doivent être considérés comme partenaires des autorités des migrations.
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Aubervilliers : un enseignant attaqué à l’arme blanche, l’agresseur invoque Daech

Un enseignant a été victime ce lundi matin d'une violente agression à l'arme blanche à l'école maternelle publique Jean Perrin d'Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis. Selon nos informations, le suspect, qui a pris la fuite, a crié "C'est Daech, c'est un avertissement". Le parquet antiterroriste est chargé de l'enquête.

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Je suis enseignante : les élèves sont intenables, leur niveau est accablant. C’est l’enfer

Dans l'Éducation nationale, les difficultés ne se concentrent pas que sur le collège. Alors que la réforme de Najat Vallaud-Belkacem a donné lieu à d'âpres débats ces dernières semaines, Sophie L., enseignante dans le primaire depuis septembre, dépeint une situation désastreuse dans les deux écoles où elle travaille. Elle envisage même de changer de métier.

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Des enseignants d’un lycée parisien exercent leur droit de retrait après plusieurs agressions

L'ensemble des professeurs d'un lycée professionnel parisien refusent d'assurer leurs cours depuis jeudi, après l'agression violente d'une CPE par des élèves, point d'orgue de violences quotidiennes au sein de l'établissement.

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Dans ce lycée, la théorie de Renaud Camus sur le Grand Remplacement se vérifie :

Merci à Danielle

Quand les pédagogos s’en prennent à Guillaume Tell

En un clin d’oeil

Résonances est le magazine mensuel de l’école valaisanne. Résonances peut parfois s’avérer fort intéressant et utile. Mais parfois c’est l’inverse. Le numéro de décembre 2013 est dédié à l’histoire suisse, à notre patrimoine culturel et contient l’exemple par excellence de ce que les théoriciens socio-constructivistes préconisent en matière d’enseignement de l’histoire. Le sujet dont il est question est signé par Pierre-Philippe Bugnard, professeur de didactique de l’histoire à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Fribourg (1). L’objet de son texte est l’étude du récit de Guillaume Tell de manière attractive ou dynamique. Selon les futurs employeurs, un des plus gros manques dont souffrent les jeunes en sortant de l’école est leur manque de motivation (2). Leur rend-on vraiment service en faisant en sorte de dynamiser les cours, de les rendre plus attractifs? Est-vraiment en cherchant à tout prix à plaire aux jeunes qu’ils apprennent à se motiver face à des situations inintéressantes?

Cette question fondamentale devrait être traitée. Mais ce n’est pas l’objet de ce billet. Alors, admettons que l’on puisse dynamiser les cours pour autant que cette dynamisation n’empiète pas sur l’acquisition de diverses connaissances et compétences. Est-ce là ce que propose notre auteur? (Cliquer sur les images pour les agrandir)

 

Grosso modo, on peut admettre que le plan de cours proposé par ce professeur de didactique de l'histoire peut se résumer en 4 phases bien distinctes:

1) les élèves sont mis au contact de la légende de Guillaume Tell

2)  la classe est séparée en 7 groupes. Chacun de ces groupes est chargé de vérifier la véracité de certains aspects du récit, de s'informer sur le contexte historique ou sur ce que la science historique en dit.

3) Une fois ces vérifications effectuées, chaque groupe va présenter au reste de la classe ses propres découvertes.

4) Une discussion peut s'engager sur l'utilité ou non de maintenir le mythe vivant ou non dans la classe.

A ce niveau, il est regrettable de constater qu'aucune indication n'est donnée quant au niveau auquel s'adresse cette démarche. Se situe-t-on au niveau de l'école obligatoire et plus précisément du cycle d'orientation, auquel cas, la démarche proposée permettrait de remplir un certain nombre d'exigences du plan d'étude romand (3) ou alors dans la scolarité post-obligatoire? L'enjeu est de taille puisque, suivant le public auquel on s'adresse, les obstacles et problèmes éventuels peuvent varier radicalement.

Encore et toujours les travaux de groupe

Comme à l'accoutumée lorsqu'on entre dans le paradigme socio-constructiviste, les élèves sont répartis dans des groupes. Or les travaux de groupe sont souvent générateurs de tout et n'importe quoi, surtout au niveau de la scolarité obligatoire. Si certains travaillent parfaitement bien de la sorte, d'autres en profitent pour bavarder et rigoler. Il faut bien comprendre que lorsque les élèves travaillent en groupe, l'environnement de classe évolue vers quelque chose de beaucoup plus agité et il devient plus difficile pour l'enseignant de repérer les éléments qui ne sont pas à leur affaire.  Certes, la nécessité de devoir présenter devant toute la classe les résultats obtenus est un moteur qui anime un certain nombre d'élèves, mais il est illusoire de penser que cela fonctionne avec tout le monde. Certains adolescents se sont appropriés le rôle de comique de service voir même d'empêcheur de tourner en rond. Ceux-là ne se gênent pas d'exhiber une prestation ridicule devant tout le monde. Ils vont donc profiter de ce temps libre qui leur est généreusement accordé pour faire tout et n'importe quoi. 

S'il est difficile de gérer l'aspect disciplinaire lors de travaux de groupe, s'assurer que tout le monde fasse sa part du travail au sein d'un groupe l'est au moins tout autant. Certains petits malins savent pertinemment qu'ils travaillent avec quelqu'un de plus consciencieux ou de plus doué qu'eux et laissent alors faire ces locomotives. Comme le but n'est pas qu'un seul élève travaille pour tous les autres, on peut essayer d'attribuer à chacun un rôle spécifique dans le groupe. Sans avoir aucune garantie que cette répartition soit respectée, ce qui ne change rien au problème. Dans les cas où cette répartition des tâches s'avère payante, le groupe fonctionne alors selon le principe de la division du travail et peut s'identifier à une chaine de montage. Dans ce cas, chaque élève ne réalise plus qu'une infime partie de ce qu'il réaliserait s'il devait travailler de manière individuelle. Nous y reviendrons.

Enfin, pour clore la problématique des travaux de groupe, il convient de donner à chaque groupe des activités de durée plus ou moins similaire. Sans quoi, lorsqu'un  groupe a terminé, il est probable qu'il se mette à bavarder à voix de plus en plus haute ou à chahuter. Cette remarque vaut prioritairement (mais pas uniquement) pour les élèves de l'école obligatoire qui ont la fâcheuse manie d'oublier qu'autour d'eux il y a des gens qui travaillent et à augmenter de manière significative le volume de leurs discussions. On peut certes leur demander de fournir un autre travail en attendant, mais le bien faible moteur de l'impératif de la présentation devant la classe est alors perdu. Le travail proposé par monsieur Bugnard démontre une complète abstraction de cet aspect de durée. La comparaison des activités que doit mener le groupe 2 (s'interroger sur les raisons qui poussent Tell à ne pas tuer le bailli tout de suite et pourquoi il met une deuxième flèche dans son habit) et le groupe 6 par exemple (s'enquérir de ce que disent les historiens sur Tell, les Trois Suisses, le pacte de 1291, le serment du Grütli, qu'est ce qu'en disent les historiens médiévaux, le récit a-t-il d'autres versions...) montre un décalage flagrant à ce sujet: alors que les premiers n'ont qu'à cogiter un petit moment sur la base de leurs propres connaissances (voir mener une petite recherche sur internet), les seconds vont devoir se frotter à des articles assez complexes du dictionnaire historique de la Suisse en ligne et synthétiser ces informations dans un texte. Ce travail est de nettement plus longue haleine que le premier. Au passage, si le but est de fournir une telle activité au niveau de l'école obligatoire, alors une large frange des élèves ne seront tout simplement pas capables de réaliser ce dernier travail (tout comme une partie des autres) dans des classes  où tous les niveaux sont confondus en histoire comme c'est le cas en Valais.

Quels objectifs?

Si les élèves sont en contact avec l'intégralité du récit de Guillaume Tell en début de travail, en revanche, ils ne reviendront jamais durant le cours proposé sur ce sujet dans sa globalité. Puisque nous vivons dans une société largement métissée, il est fort probable qu'une bonne part d'entre eux n'en aient tout simplement jamais entendu parler. Et comme à aucun moment les élèves ne reviendront sur l'ensemble de l'histoire, il est évident qu'en fin d'activité, certains élèves ne connaîtront toujours pas la légende dans son ensemble. Il est plutôt étonnant de travailler à déconstruire un sujet sans, au préalable, avoir au moins appris à connaitre ce sujet. Ce d'autant plus que l'idée de monsieur Bugnard semble d'être de mettre l'élève en face d'un véritable travail d'historien. Or le travail d'historien (et de tout chercheur d'ailleurs) ne consiste pas uniquement en la vérification d'hypothèses/résolution de questions. En premier lieu, il s'agit de poser ces questions/hypothèses et si le chercheur veut éviter de brasser de l'air inutilement, son premier devoir est une certaine maîtrise du sujet qu'il veut approfondir.

Une école qui traite équitablement ses élèves est une école où l'ensemble de ceux qui sont regroupés dans des niveaux similaires sont formés à atteindre les mêmes objectifs. Il est bien entendu possible de rajouter des objectifs supplémentaires pour les élèves ayant le plus de facilités, mais la base doit rester la même. Dans le cas présent, chaque groupe d'élèves a pour consigne de travailler sur quelque chose de bien spécifique: les groupes 2 et 3 par exemple ne se livrent à aucun travail de recherche documentaire. Leur rôle est d'évaluer sur la base de leurs représentations et connaissances préalables les raisons et/ou possibilités de tel ou tel événement. De son côté, le groupe 6 va sur le dictionnaire historique de la Suisse en ligne lire plusieurs articles, puis il synthétise les informations repérées dans une réponse englobante. Enfin, le groupe 1, lui, fait simplement une application de savoir faire informatique en googlisant quelques mots clés sur les arbalètes du Moyen-Âge. Tout au plus doit-il se livrer à une conversion d'unité supplémentaire (les pieds en mètres) pour répondre à la question qui lui est posée.

Les activités proposées ne sont donc pas, si l'on se fie à la taxonomie de Bloom, d'un degré de difficulté équivalent.

De plus, il est fort probable que si l'on se situe dans le post-obligatoire, alors les recherches sur internet sont des domaines déjà assez bien maîtrisés et qui ne méritent pas un entrainement particuliers en salle de classe.

Enfin, comme déjà relevé plus haut, puisque les élèves travaillent en groupe, il est probable que chaque élément du groupe se soit spécialisé sur une partie bien spécifique de la tâche à effectuer. Par exemple, il est peu probable que l'ensemble des élèves qui composent le groupe 6 aient lu la totalité des textes issus du dictionnaire en ligne, qu'ils aient chacun analysé ces textes, en aient extrait les informations importantes et se soient livrés à une synthèse. Il est plus probable que les responsabilités ont été dispatchées. En conséquence, les activités proposées ont beau pouvoir se targuer d'atteindre des degrés de cognition fort élevés, il est impossible d'affirmer que chaque élève a atteint le niveau maximal requis par l'activité, en l'occurrence celui de la synthèse. Certains en sont restés à l'analyse et, vraisemblablement, à la compréhension.

De là découle tout naturellement le problème suivant, à savoir le contenu sur lequel va porter l'évaluation. Puisque chaque groupe a travaillé sur des choses différentes et qu'au sein de chaque groupe une division du travail a eu lieu, comment vérifier si les objectifs d'apprentissage ont été atteints par les élèves? D'ailleurs quels sont-ils ces objectifs? Le récit de Guillaume Tell qui n'a pas été étudié? Les compétences de recherche? Le niveau cognitif? Si oui, lequel? L'évaluation? La synthèse? L'application? Et s'il existe un stade minimal que l'ensemble des groupes a dû atteindre, qu'est-ce qui permet de certifier que l'ensemble des élèves de chaque groupe a été confronté à ce niveau minimum? Peut-être que ce sont les présentations orales finales qui vont permettre de fixer les objectifs à évaluer, auquel cas, il faut bien admettre d'une part que l'ensemble des groupes n'a travaillé que de manière partielle ces objectifs et que le reste n'a été présenté que par les autres groupes sous la forme de mini-cours magistraux. Mais peut-on sérieusement penser qu'un professeur de didactique puisse admettre qu'un cours magistral dispensé par des élèves puisse être ce qu'il faut retenir de cette démarche in fine?

En bref, à moins d'un dispositif sous-jacent fort improbable qui n'aurait pas été décelé dans cette analyse, force est de reconnaître qu'il n'y a aucune prise sérieuse permettant d'estimer que chaque élève a été mis dans des conditions équivalentes pour s'approprier les mêmes objectifs d'apprentissage au cours de cette démarche.

Bien entendu, on peut tout à fait choisir de ne rien évaluer du tout. Mais dans ce cas, il serait fort aimable de préciser quand même les objectifs d'apprentissage visés. Travailler en groupe n'est pas un objectif suffisant en soi, les compétences de socialisation sont des compétences qui s'acquièrent naturellement sans avoir besoin d'enseignement ni d'entraînement spécifique comme nous l'avons déjà relevé ici (4).  Or c'est le seul stade où l'on peut considérer que l'ensemble des élèves a été traité sur un pied d'égalité.

Le final

La dernière phase du travail consiste en une présentation orale que fait chacun des groupes de ses propres découvertes. Ces exposés s'appuient sur des posters illustrant les démonstrations. Sauf que certains travaux ne demandent en fait aucune démonstration: lorsqu'il s'agit de synthétiser des propos d'historiens, il n'y a pas de démonstration. Mais peu importe, il ne s'agit que d'un détail. L'intérêt de cette dernière phase réside tout d'abord dans la manière dont ont évolué les opinions de chacun depuis les hypothèses de départ et dans les questions restées en suspens. Dans le cas où les élèves ne connaissaient pas Guillaume Tell, il n'y a pas d'hypothèse de départ. Puisque la quasi totalité de la démarche a soigneusement évité de leur faire apprendre ce qu'il y a à savoir au sujet de celui-ci, ces élèves pourront tout au plus s'accrocher à leurs propres recherches pour en arriver à des conclusions du type si oui ou non il est possible d'éloigner une barque lourdement chargée d'un seul coup de pied. Ceux qui n'auraient pas réussi à résoudre leur énigme pourront dire qu'il s'agit là d'une question encore en suspens, peut importe qu'ils aient eu un matériel adéquat pour y répondre ou non, qu'ils aient fait leur travail consciencieusement ou qu'ils aient profité de ce moment de récréation offert si généreusement par l'enseignant se lançant dans une tel projet.

Du côté des élèves qui connaissaient le mythe, le résultat aura été de casser celui-ci. S'il est encore possible de dire "finalement, pourquoi ne pas tenir comme à la prunelle de ses yeux au Suisse le plus connu dans le monde (…)", dans les faits la magie n'opère plus. Ce qui pose une nouvelle question autrement plus intéressante sur le sens de l'histoire à l'école: celle-ci a-t-elle vraiment pour but de briser les éléments et valeurs qui permettent de souder la communauté? Si la réponse est positive, alors peut-être faut-il aller jusqu'au bout du processus et demander aux élèves, après avoir travaillé sur l'utilisation du mythe au travers des âges, de se pencher sur l'utilisation contemporaine qu'en font des gens comme monsieur Bugnard. Qu'on demande clairement aux élèves de réfléchir sur les raisons qui poussent à hacher menu et réduire en confetti la mémoire du pays. Sans doute des motivations d'ordre politique risquent-elles d'apparaître. Des motivations au demeurant fort peu honorables puisqu'elles prétendent jouer la carte de la transparence tout en refusant de se dévoiler elles-mêmes.

Stevan Miljevic, le 30 décembre 2013

http://stevanmiljevic.wordpress.com

(1) http://www.unifr.ch/ipg/fr/equipe/pierre-philippe-bugnard consulté le 21 décembre 2013

(2) https://stevanmiljevic.wordpress.com/2013/12/09/lecole-valaisanne-teste-la-pedagogie-de-projet/

(3) http://www.plandetudes.ch/documents/10136/19192/Cycle+3+web+CIIP/75420548-b10b-4a5b-af1c-dd7d27b70ca5 page 15 consulté le 22 décembre 2013

(4) http://stevanmiljevic.wordpress.com/2013/12/09/lecole-valaisanne-teste-la-pedagogie-de-projet/

Rémunérer les enseignants au mérite?

 

En revanche, lorsque 6 Suisses sur 10 se permettent de penser que les enseignants devraient être payés en fonction des résultats de leurs élèves, je dis « stop » et ce pour plusieurs raisons. Il n’est pas anodin de poser une telle question et je suis convaincu que si au préalables, les sondés avaient été interrogé sur l’instauration dans leur propre domaine d’activité du salaire au mérite, je suis prêt à parier que le lynchage en règle aurait été évité. Si on paie les enseignants au mérite, il n’y a aucune raison qu’on ne fasse de même avec les bouchers, les cordonniers, les employés de commerce et autres éboueurs. En bref, tout le monde peut se retrouver à la même enseigne.

Ceci dit, il y a des raisons fonndamentales pour démontrer que le salaire au mérite de la profession enseignante n’est pas souhaitable. La première est que ce genre de salarisation n’aide pas forcément à obtenir de meilleurs résultats : on en a eu plusieurs démonstrations dans les milieux bancaires ou boursiers où ce sont justement les premiers de classe, ceux qui alignent du chiffre qui ont contribué à faire crasher tout le système et ce à plusieurs reprises. Et bien dans le milieu de l’enseignement c’est sensiblement pareil : Je peux vous certifier que le jour où les moyennes des élèves sont le critère décisif, alors celles-ci vont prendre l’ascenseur. Lorsqu’un enseignant prépare un examen, c’est lui qui décide du degré de difficulté de celui-ci. Par conséquent, il ne lui est pas bien difficile de remonter le niveau, tout du moins en apparence, si son salaire en dépend.

On m’objectera qu’il suffit de ne se référer qu’à des épreuves communes proposées par le canton pour évaluer les résultats. Par exemple des examens de fin d’année. Penser de la sorte c’est oublier qu’un certain nombre d’élèves ne gèrent pas bien les excès de stress et que leurs résultats sur une seule épreuve ne sont pas significatifs de leur valeur exacte. Ce qui nous ramène à la nécessité de faire plusieurs tests et donc au problème de leur conception. Bien entendu, on peut toujours penser que l’état peut aussi fournir de multiples épreuves chaque année, auquel cas il faudrait juste engager du personnel supplémentaire pour créer ces examens.

Mais même ce nouveau cas de figure n’est pas satisfaisant: si un enseignant peut aisément faire varier les moyennes par la conception des évaluations, sa marge de manœuvre au moment de la correction est à peu près aussi grande : combien de points vaut telle ou telle question ? Et comment doivent être distribués les points si un raisonnement n’est que partiellement correct ? Que se passe-t-il lorsque l’élève a raisonné de manière assez cohérente mais d’une manière totalement différente de celle qui était prévue à l’origine ? On peut bien fournir des corrigés précis, il est impossible d’évacuer totalement l’appréciation personnelle. Or, si celle-ci est motivée par des intérêts pécuniers, il est certain que ce n’est pas l’intérêt des enfants qui va primer mais celui de l’enseignant. Là aussi, la solution serait d’engager une armée de fonctionnaires supplémentaires responsables de corriger les épreuves. Tout en sachant que la fatigue et la lassitude aidant, au bout de la 50ème copie de la journée, la précision des corrections va aller en se dégradant. Mais bon, certains pourront toujours dire que statistiquement cela se tient et qu’aucun enseignant en particuliers ne serait lésé.

Ainsi donc, si on veut salarier les enseignants au mérite, il faut que les épreuves et leurs corrections soient unifiées au niveau cantonal au minimum. L’Etat-Providence, au demeurant fort gras dès maintenant, risque de continuer dans la voie de l’obésité.

Ce d’autant plus qu’il va falloir encore engager une armada de surveillants pour le déroulement des examens afin de garantir qu’il n’y ait pas de triche. Bien entendu, les épreuves devront être fournies à l’ensemble de ces surveillants au dernier moment afin les fuites. Et même dans ce cas on n’est pas à l’abri d’un surveillant qui connait l’enseignant des élèves engagés dans l’épreuve et qui, par conséquent, pourrait fausser les données d’une manière ou d’une autre.

Outre ces considérations organisationnelles, il existe toute une série de disciplines où même ces tentatives de tout contrôler sont vaines. Je pense à l’enseignement des langues notamment. Si les copies écrites peuvent effectivement être uniformisées dans leur correction, quid de l’expression orale ? Croit-on vraiment que l’enseignant responsable d’élèves fort médiocres va les noter à leur juste valeur et donc s’auto-flageller financièrement ?

Et si certaines disciplines échappent au processus, est-il cohérent de mettre l’ensemble des enseignants au même tarif ? D’ailleurs, l’ensemble des branches se valent-elles ? Un enseignant d’histoire-géo doit il avoir le même traitement qu’un enseignant de math ? Et les profs de chant ? Si oui, va-t-il falloir mettre des examens de fin d’année dans toutes les branches ? Même en économie familiale ? Cela ne risque-t-il pas de surcharger les élèves ? Et si non, comment peut-on justifier qu’à durée de formation équivalente certains enseignants soient favorisés par rapport à d’autres ?

Enfin, relevons qu’un minimum de bon sens est nécessaire : les enseignants qui travaillent dans des zones plus cosmopolites et/ou plus pauvres vont être largement défavorisés par rapport à leurs collègues travaillant dans des zones plus homogènes. Croire qu’on peut obtenir des résultats similaires en milieu multiculturel et en milieu ethniquement plus homogène est une fable gauchiste ! A l’inverse, estimer que quartiers riches et quartiers pauvres ont les mêmes possibilités revient à adopter des lubies droitistes complètement déconnectées de toute réalité.

En définitive, il n’est donc tout simplement pas possible de mettre sur pied une rémunération au  mérite de la profession enseignante : sauf bien sûr à vouloir engraisser l’état jusqu’à plus faim et à se heurter à de véritables casse-têtes. Au lieu de gaspiller le denier public à de telles inepties, ne serait-il pas plus judicieux d’améliorer les conditions –cadres dans lesquelles évoluent les élèves ?

Freysinger, la HEP et les médias

 

Et si par hasard elle n’a rien de concret à se mettre sous la dent, elle tord les faits et donne ainsi la parole à des gens complètement déconnectés de toute réalité à l’image de Marcelle Monnet-Terrettaz, pourvu que le propos soit incendiaire à l’encontre du conseiller d’Etat UDC. Avant Freysinger, aucun conseiller d’Etat n’avait jamais ni souhaité une bonne année, ni consulté directement le corps enseignant sur ce qui ne va pas dans l’école valaisanne, mais qu’importe, cela n’empêche pas cette dame de parler de « mobbing », d’enseignants traumatisés et « craignant pour leur place », ni même d’ailleurs le journaliste de dire que les enseignants « ne témoignent le plus souvent qu’à visage caché maintenant ». Il fallait oser.

Il y a également eu l’épisode Slobodan Despot durant lequel on a reproché à ce monsieur d’avoir une opinion divergente de celle de la majorité sur la guerre en ex-Yougoslavie. Quel crime ! Bien entendu, les médias, si peu enclins à critiquer les conséquences financières des délires socialistes ont voulu demander des comptes à Oskar sur le sujet. Quand même, oser dépenser ainsi l’argent du contribuable ! Peu importe si l’embauche d’un chargé de communication était devenue indispensable à cause, justement, de l’acharnement de la presse…

Enfin, on en vient à ce qui va être le sujet principal de ce billet : la possibilité offerte par le conseiller d’Etat à ceux qui échouent leur cursus HEP de pouvoir quand même enseigner en Valais.

 

Triés sur le volet

Analysons le traitement de cette affaire par la télévision romande : dans son reportage, la RTS donne la parole à Georges Pasquier, président du syndicat des enseignants romands, histoire de pouvoir se prévaloir d’une soi-disant expertise. Comme Pasquier roule pour les pédagogos, il propose une comparaison afin d’illustrer le cas et de se mettre tous ceux qui n’y comprennent ou n’y connaissent rien dans la poche : le cas serait comparable à celui de médecins non-diplômés pouvant toute de même exercer. A ce tarif-là, les bons parents auraient du souci à se faire pour leurs enfants envoyés à la boucherie chez des incompétents notoires, décrétés aptes au travail par simple caprice du chef du département.

Pour que la comparaison de Pasquier soit valide, il faudrait que les instituts de médecine se mettent à promouvoir la saignée dans leur cursus. Les méthodes pédagogiques imposées (et non proposées) par les HEP s’y apparentent : on peut difficilement trouver pire que le socio-constructivisme.

Administration, maison de fous, AsterixQue monsieur Pasquier suive une fois l’intégralité du cursus HEP avant de venir dire n’importe quoi à la télévision, sans nul doute changerait-il d’avis sur la question. Car il faut être clair, les heures passées sur les bancs des HEP s’assimilent plus à de la torture qu’autre chose : un dogmatisme sectaire qui frappe systématiquement d’anathèmes ceux qui ne veulent pas rentrer dans le moule, des heures interminables à traîner dans des salles de classe avec une absence quasi-totale de matière justifiée par la méthode pédagogique (ça c’est dans le meilleur des cas, dans le pire, c’est la promotion du socio-constructivisme), des cours qui n’ont strictement aucun sens pour un futur enseignant, de l’incompétence en veux-tu en voilà (je tiens à disposition de ceux qui ne me croiraient pas une ou deux preuves inattaquables). Bref, la HEP c’est une torture épouvantable et bon nombre d’enseignants passés par là se demandent, le plus sérieusement du monde, si le but de cette école n’est pas de tester la résistance nerveuse des futurs enseignants plutôt que l’apprentissage des fondamentaux du métier.

Mais revenons-en à notre reportage. Bien entendu, suite à la pseudo expertise de Georges Pasquier, on n’a donné la parole à personne qui pouvait aller dans le sens d’Oskar Freysinger. La moindre des déontologies aurait voulu qu’on invite également un opposant aux HEP à s’exprimer. Mais ça, la RTS a préféré en faire l’économie. Elle a ensuite interrogé Patrice Clivaz, directeur de la HEP Valais, et une enseignante opposée à la méthode Freysinger. Autant dire que la RTS a travaillé selon ses habitudes, avec une juste représentativité des diverses sensibilités…

A propos de cette enseignante, j’aimerai lui dire que je comprends ses craintes de dévalorisation du métier d’enseignant. Néanmoins, il paraît peu probable que Freysinger ait fait l’erreur de mettre sur un pied d’égalité ceux qui obtiennent leur diplôme et ceux qui s’en sortent sans. D’ailleurs, le règlement adopté stipule qu’il s’agit d’un travail à temps partiel et de manière limitée dans le temps… Et il ne fait pas de doute que les conditions salariales seront différentes également. Si cette enseignante a une réelle crainte de la dévalorisation du métier d’enseignant, qu’elle se penche plutôt sur le cas des passerelles, mises sur pied sous l’ère Claude Roch, qui permettent à des jeunes ayant effectué comme seul cursus estudiantin l’école de culture générale (3 ans) de se retrouver sur un pied d’égalité avec des gens qui, eux, ont fait le collège (5 ans) et éventuellement l’université (minimum 3 ans supplémentaires) moyennant quelques cours de rattrapage…

Bref, tout ça pour dire qu’une nouvelle fois, les médias ont usé et abusé de malhonnêteté dans le traitement qu'ils réservent au conseiller d’Etat Freysinger. Rien de bien nouveau sous le soleil.

En guise de conclusion, j’aimerais quand même m’attarder un petit peu encore sur cette décision prise par le chef du DFS valaisan. Il est évident que les étudiants qui passent entre les mains des fanatiques (pas tous quand même…) sévissant dans les HEP méritent une deuxième chance au vue des raisons évoquées jusqu’ici. Ceci dit, il faut faire attention : Oskar Freysinger compte s’appuyer sur les maîtres formateurs, praticiens de terrain, pour définir qui mérite une deuxième chance. Dans la majorité des cas, c’est une excellente idée, les gens de terrain sont bien éloignés des élucubrations de l’aréopage des bureaux et savent ce qui marche concrètement dans une salle de classe. Ceci dit, il existe également, au sein de ces experts de terrain, des gens peu recommandables, totalement incompétents, qui n’ont accepté ce poste que pour des raisons pécuniaires et pour combler un besoin d’autoritarisme flagrant. Fort heureusement, ils sont une infime minorité, mais peut-être serait-il bon, pour plus d’équité, qu’Oskar Freysinger se penche sur ce problème également.

Mais ceci ne saurait être qu’une solution transitoire. Sur le moyen/long terme, une réforme en profondeur de ce qui est enseigné dans les HEP est impérative. Sans quoi l’école valaisanne va droit à la catastrophe.

Caïn Marchenoir

 

Voir encore

Freysinger a de nouveau fauté

La taca taca tac tac tiqu’d'…Oskar Freysinger