HEP Vaud et Valais: un premier bilan pas vraiment convaincant

Les organismes qui, aujourd’hui, ne sont pas soumis à évaluations régulières se font de plus en plus rares. Surtout lorsqu’ils engendrent des frais de fonctionnement importants, de l’ordre de plusieurs millions annuellement. De plus, si cette somme est à la charge de la collectivité, alors les pouvoirs publics ont le devoir moral de s’intéresser à la manière dont l’argent du contribuable est utilisé.

Dès lors que des manquements sont constatés, que l’efficacité n’est pas au rendez-vous, alors les pouvoirs publics sont invités à mettre de nouveaux moyens en oeuvre  afin de corriger le tir et de faire en sorte que l’argent public serve à une cause bien défendue. Les Hautes Ecoles Pédagogiques ne font pas exception à la règle (coût annuel en Valais: 17.2 millions de francs suisses (0)). Elles doivent aussi rendre des comptes et accepter de se remettre en question si le besoin s’en fait sentir. Il n’est bien entendu pas ici question de remettre en cause leur existence, mais bien plutôt leur manière de fonctionner ainsi que les contenus qu’elles dispensent. Les cantons qui ont décidé d’engager des moyens conséquents pour bonifier la formation des enseignants et, par là même, celle des futures générations, sont en droit d’attendre qu’on fasse au mieux pour les satisfaire.

J’ai déjà à plusieurs reprises remis en question sur ce site le fonctionnement des HEP, notamment leur fâcheuse tendance à orienter les futurs enseignants vers des styles d’enseignement désormais clairement identifiés comme peu efficaces tels que le constructivisme ainsi que la méthode conscientisante qu’elles mettent en branle pour y parvenir. Plusieurs articles se basant sur diverses recherches y ont été consacrés, je n’y reviendrai pas (1).

Mais dans les faits, y a-t-il moyen de vérifier que ces critiques se justifient ici en Suisse romande? Je le crois et c’est d’ailleurs la raison qui me pousse à écrire ce billet. Je l’ai déjà dit et je le répète, la seule véritable manière de juger de la qualité de la formation des enseignants est d’interroger les résultats des élèves. Si les enseignants sont bons, alors les élèves le deviennent aussi. S’il est évident que de nombreux critères entrent en compte, tels que le niveau socio-culturel, le goût de l’effort ou le soutien des parents, plusieurs études d’envergure suggèrent que l’effet enseignant est le plus important de tous (2).

En testant les élèves, on peut donc se faire une idée de l’efficacité de la formation des enseignants. Malheureusement, à ce jour, il semble qu’aucun canton n’ait mis sur pied un tel dispositif d’évaluation. Qu’à cela ne tienne, il existe malgré tout un outil performant pouvant nous donner quelques pistes intéressantes: les études PISA. Elles sont d’autant plus pertinentes qu’elles permettent d’établir un comparatif pour les cantons de Vaud et du Valais avant l’introduction des HEP (2001) par le biais du PISA 2000 et 8 ans après par le PISA 2009, l’analyse cantonale du PISA 2012 n’étant malheureusement pas encore disponible.

S’il est évident que 8 ans ne sont pas suffisants pour que les HEP puissent déployer l’intégralité de leur effet, en revanche, il est tout aussi certain que cela doit suffire à faire une première estimation. Au vue du nombre d’enseignants passés par là, et qu’en Valais, la HEP ait pris également à sa charge la formation continue des enseignants ainsi que l’animation pédagogique (3) (il serait étonnant que cela ne soit pas pareil sur Vaud, mais connaissant mal le système je ne peux le garantir), il ne me parait pas raisonnable d’estimer qu’aucun impact ne se soit fait sentir jusqu’ici. Si cette formation est bonne, alors les résultats obtenus par les jeunes Valaisans et Vaudois doivent s’être un peu bonifiés durant ce laps de temps.

Voyons donc ce que nous disent les résultats de ces deux PISA. En préalable, il faut préciser que lors du PISA 2000 n’ont été testés pour le Valais que les élèves francophones. Pour être juste, il faut donc écarter du PISA 2009, le résultat des élèves germanophones et s’en tenir à la même population qu’en 2000. Il convient aussi de préciser que le rapport romand pour l’an 2000 contient quelques petites inexactitudes concernant le Valais puisque les graphiques ne donnent pas tout à fait les mêmes résultats que ceux qui sont déclarés dans le texte (4).  Afin de choisir quelles performances étaient les bonnes, je me suis appuyé sur la présentation fournie par le DIP genevois récapitulant les résultats de l’ensemble des cantons romands (5). Les résultats sont synthétisés dans les tableaux suivants:

Pour le canton du Valais:

Valais francophone PISA 2000 PISA 2009
Lecture 518 522
Mathématiques 551 553
Sciences 521 525

Si une toute légère augmentation se fait sentir, elle n’est cependant pas significative. D’un point de vue statistique, il n’est pas possible de conclure que cette augmentation est le fruit d’un meilleur travail et peut tout à fait n’être que le résultat des inévitables variations de résultats survenant d’une année  à l’autre. Pour illustrer ce cas, constatons qu’en 2006, le PISA donnait des résultats peu concluants. La HEP et le département valaisan de l’éducation émettaient alors un document considérant une différence de 8 points comme non significative statistiquement (6). De son propre aveu, la HEP valaisanne admet donc que la différence de performance survenue dans le laps de temps qui nous intéresse ne peut pas être considérée comme un progrès et que donc les élèves sont restés stables.

Au canton de Vaud la situation est plus tranchée: si la lecture et les sciences sont restées stables, en revanche les mathématiques se sont effondrées (-18 points) depuis l’entrée en fonction de la Haute Ecole Pédagogique.

Vaud PISA 2000 PISA 2009
Lecture 498 501
Mathématiques 538 520
Sciences 490 490

D’autres facteurs sont vraisemblablement en cause, mais il n’empêche que 8 ans après la délégation de la responsabilité de la formation des enseignants aux Hautes Ecoles Pédagogiques, le résultat n’est guère brillant puisque, dans le meilleur des cas, les élèves n’ont fait que maintenir leur niveau de performance de 2000 alors que dans le pire, le niveau moyen s’est effondré significativement.

Les différences de performances enregistrées au niveau suisse entre le PISA 2009 et le PISA 2012 ne laissent pas augurer d’un spectaculaire renversement de perspective puisque les mathématiques comme les sciences n’ont pas amené de changements marquants au niveau suisse. Il reste cependant la lecture où notre pays s’est distingué par une très forte progression. Reste à savoir si Vaudois et Valaisans ont participé activement à cette remontée, si d’autres facteurs n’entrent pas en jeu et si cette progression va rester dans le temps. Toujours est-il qu’en l’état de nos connaissances, il n’est pas possible de dire que les HEP ont fourni un plus certain au niveau de l’apprentissage des élèves.

De mon point de vue, il ne peut en fait que difficilement en être autrement: on sait (même si on tente de l’ignorer) depuis l’étude de Jeanne Chall en 2000 (7) que les méthodes d’enseignement traditionnelles sont plus efficaces que les pratiques socio-constructivistes largement répandues dans les Hautes Ecoles Pédagogiques. Comme les jeunes enseignants ne sont pas stupides, il s’ensuit qu’ils n’utilisent que peu ce genre de méthodes dans leur pratique professionnelle et reprennent à leur compte les trucs et astuces des anciens qui ont fait leurs preuves. Tout au plus ajoutent-ils quelques pincées des quelques éléments pertinents dispensés dans les HEP, ce qui laisse augurer, je pense, un potentiel d’amélioration fort limité. Au final, est-ce vraiment ceci que les décideurs avaient à l’esprit lorsqu’ils ont décidé de consacrer un budget important à la formation des enseignants? C’est peu probable.

Surtout si l’on prend en considération ce que nous disent les recherches quantitatives actuelles: si le socio-constructivisme est moins efficace que les méthodes traditionnelles, celles-ci peuvent être largement bonifiées par la greffe des pratiques prônées par la pédagogie explicite (8). De plus, d’autres études amènent également à penser que les méthodes de transmission des savoirs proposées par les HEP peuvent elles aussi être largement améliorées grâce aux enseignements de la pédagogie explicite (9).

Si donc les décideurs romands en charge de la formation cherchent réellement à faire au mieux, la solution à adopter crève les yeux: il est impératif qu’au moins une HEP se distingue des autres par les contenus proposés ainsi que par les moyens de les transmettre. Ce d’autant plus que les plaintes formulées par les étudiants devant suivre le cursus HEP sont légions. Il n’y a aucune logique à garder une formation qui ne satisfait pas ceux qui en bénéficient et qui ne permet pas d’augmenter significativement les résultats des élèves? Un tel changement serait salutaire puisqu’il permettrait d’établir une comparaison dont tout le monde pourrait tirer profit (sauf bien sûr les idéologues): si cette manière de faire s’avère efficace, alors l’ensemble des écoles pédagogiques pourront s’en inspirer. Dans le cas contraire, il ne sera jamais trop tard pour faire machine arrière ou pour tester autre chose.

Stevan Miljevic, le 13 mai 2014

stevanmiljevic.wordpress.com

(0) https://www.vs.ch/navig/navig.asp?MenuID=32168&RefMenuID=0&RefServiceID=0 p.147 consulté le 12 mai 2014

(1) https://stevanmiljevic.wordpress.com/2014/03/11/pourquoi-les-formations-a-lenseignement-sont-des-usines-a-mediocrite/ et https://stevanmiljevic.wordpress.com/2014/01/29/de-nouvelles-lois-necessaires-pour-encadrer-lenseignement/ notamment

(2) voir par exemple la méga analyse de Fraser (1987), celle de Wang, Haertel et Walberg (1993) ou celles de Hattie (2003 et 2012) citées par Gauthier, Bissonnette, Richard, Castonguay dans "Enseignement explicite et réussite des élèves", de Boeck, Bruxelles, 2013, p.10 à 18

(3) http://www.hepvs.ch/index.php?option=com_content&task=blogcategory&id=152&Itemid=860 consulté le 11 mai 2014

(4) http://www.vs.ch/NavigData/DS_13/M14180/fr/pisa-2000-Rapport-Romand.pdf consulté le 10 mai, par exemple, le texte parle d’une performance de 546 en mathématiques alors que les graphiques disent, eux, 551.

(5)  ftp://ftp.geneve.ch/Dip/pisa2003_dip.pdf consulté le 10 mai 2014

(6) http://www.vs.ch/NavigData/DS_314/M6694/fr/Portrait%20du%20canton%20du%20Valais%20-%20Comparaison%20sur%20l’ensemble%20du%20canton.pdf  p.13 consulté le 12 mai 2014

(7) Jeanne Chall "The Academic Achievement Challenge", 2000, cité dans Hollingsworth et Ybarra "L’enseignement explicite, une pratique efficace", Chenelière Education, 2013, Montréal, p.5

(8) Faut-il encore présenter le Visible Learning de John Hattie?

(9) Castonguay et Gauthier "La formation à l’enseignement, atout ou frein à la réussite scolaire?", Presses universitaires de Laval, 2012, p.84

Pourquoi les formations à l’enseignement sont des « usines à médiocrité »

Il y a quelques temps de cela, les chercheurs Clermont Gauthier et Anthony Cerqa de l'université de Laval ont publié un papier fort intéressant sur la formation des enseignants. (1)

Comment les enseignants perçoivent leur formation

La réflexion débute avec un petit résumé de The New Teacher Project (TNTP), enquête menée auprès d'enseignants américains expérimentés travaillant dans des milieux fort défavorisés. Cette recherche visait, entre autre, à identifier les principaux facteurs ayant contribué à améliorer la qualité de leur enseignement. Comme vous pouvez le constater sur le diagramme suivant, la formation initiale d'enseignant est arrivée à la dernière place de l'ensemble des facteurs proposés:

Capture d’écran 2014-03-07 à 16.50.27 (2)(cliquer sur l'image pour agrandir)

Près d'un enseignant sur deux affirme donc que sa formation initiale ne l'a en rien aidé à devenir un meilleur enseignant. C'est beaucoup, ce d'autant plus que, comme toujours lorsqu'il s'agit de répondre à une demande critiquant l'institution, un certain nombre d'enseignants n'osent pas dire ce qu'ils pensent réellement. On pourra toujours rétorquer que la majorité des enseignants affirme que cette formation  a été utile mais la manière de poser les questions ne pouvait pas amener à une autre réponse. Prenons un exemple simple pour illustrer le cas: si un cursus de formation est à 95% inutile et qu'on retrouve quand même 5% de choses utiles, toute personne honnête ne peut pas dire que cela ne l'a pas aidé à bonifier sa pratique. En revanche, si on pose la question différemment, par exemple en demandant aux gens si le retour d'investissement personnel engagé dans cette formation dans son ensemble vaut la peine, le taux de réponses négatives sera revu largement à la hausse. On réalise ainsi à quel point le score obtenu par les formations initiales dans cette enquête est faible.

Alors certes il s'agit de formations ayant eu lieu aux Etats-Unis qui n'ont peut-être rien à voir avec ce que l'on fait dans nos contrées. On va y venir. Ce qui n'empêche pas de penser qu'une telle enquête devrait, elle aussi, être menée chez nous. Le but étant de récolter des informations précises, les questions posées devraient être plus précises et ne pas servir d'alibi pour bomber le torse et déclarer fièrement que nos formations sont formidables. De telles données pourraient déjà nous éclairer sur la perception qu'ont les enseignants du parcours formatif qu'ils ont du suivre.

Des usines à médiocrité

Mais revenons-en au papier de messieurs Gauthier et Cerqua. La deuxième partie du document porte sur une enquête menée par le National Council on Teacher Quality (NCTQ), think tank US militant en faveur d'une amélioration de la qualité des enseignants, au sujet de la qualité de la formation des enseignants US (3). La recherche a porté sur 1130 établissements et  2420 programmes de formation différents, soit la quasi unanimité des formations possibles aux Etats-Unis.

Les résultats sont assez stupéfiants puisque le NCTQ arrive à la conclusion que les cursus de formation d'enseignants sont des usines à médiocrité. La raison en est que:

Tout se passe comme si le choix avait été fait, depuis les années 1970, d'écarter les dimensions techniques directes au profit d'une préparation au métier plus lointaine et de nature conscientisante. La technique est mal vue dans les facultés d'éducation et on ne l'enseigne tout simplement pas parce qu'on craint une sursimplification de ce qui est considéré autrement plus complexe. L'accent dans les programmes est plutôt mis sur la conscientisation, la mise au jour des croyances personnelles, la sensibilisation aux stéréotypes, la formation de l'identité professionnelle. On ne transmet ni n'entraîne aux habiletés pédagogiques, on met plutôt les étudiants en situation de développer leur jugement professionnel par l'analyse réflexive. Ainsi, on croit que chacun devrait construire les bonnes stratégies par lui-même (4).

En Suisse nous subissons exactement le même genre de traitement: dans les HEP, les futurs-enseignants ne sont quasi jamais entrainés à des techniques précises: la majeure partie du travail consiste à remplir des rapports ennuyeux au possible à l'aide d'une grille de critères, à pratiquer la pensée réflexive, à expliquer le cheminement suivi dans sa pratique etc.  Les stages pratiques se font aussi dans cet esprit puisque l'étudiant doit également remplir des rapports expliquant ce qui a changé dans sa pratique. Le résultat d'une telle approche est que des outils qui peuvent s'avérer fort efficaces en situation d'enseignement en arrivent à être très mal connus de la part des enseignants en formation. Si les HEP veulent atteindre un certain degré d'efficacité, elles doivent changer leur mode de fonctionnement.

Dogmatisme et stress

Les méthodes enseignées comportent également de nombreuses incongruités dont nous avons déjà parlé: certains didacticiens ne jurant que par l'approche constructiviste n'ont de cesse de promouvoir situation-problèmes, enquête ou autre pédagogie de la découverte bien que la démonstration de la quasi totale inefficacité de celles-ci soit aujourd'hui clairement établie (5). Suivant le didacticien, de nombreuses heures sont ainsi perdues à s'intéresser à ces élucubrations. Comme la manière de les enseigner est tout aussi inefficace, certains étudiants en arrivent à subir une forte charge de stress totalement inutile: ils ne comprennent pas où veulent en venir ces formateurs ayant usé de moyens sans aucune pertinence pour les amener à des savoir-faire qu'ils n'arrivent pas à appréhender tant ils défient le bon sens et l'intelligence. Et ce alors que leur avenir professionnel est en jeu. Ce qui amène certaines personnes à se demander si les Hautes Ecoles Pédagogiques n'ont pas pour objectif de tester la résistance des futurs enseignants plutôt que de leur enseigner le métier.

Fort heureusement pour le candidat ainsi malmené, cette méthode de travail a un fort taux de tolérance à la médiocrité et même des savoir-faire très partiellement acquis peuvent être synonyme de réussite. Il ne peut d'ailleurs pas en être autrement avec de telles pratiques. Mais cela n'empêche pas des situations d'échec intermédiaires qui peuvent être fort angoissantes puisqu'il n'est pas possible de savoir à priori la manière dont un formateur va réagir au travail rendu. Certes, l'étudiant dispose d'une grille des critères à atteindre avant la rédaction de son rapport, mais ceux-ci sont généralement formulés de manière si vague qu'il n'est pas possible d'être certain de les avoir rempli.

Un tremplin du constructivisme social

Outre ces aspects didactiques, la lutte contre les stéréotypes peut prendre au moins deux différentes formes dans les cursus de formation à l'enseignement: la lutte contre les stéréotypes de genre et l'interculturalité (6). Dans les deux cas, il sera assené aux enseignants en formation que les identités, qu'elles soient de genre ou culturelle ne sont en fait nullement déterminées par la biologie, le milieu naturel ou tout autre facteur tendant à différencier durablement, mais qu'il ne s'agit en fait que de phénomènes socialement construits.

Selon le philosophe Ian Hacking, spécialiste de la question, dire d'un phénomène qu'il est "socialement construit" revient à soutenir que son existence n'est pas inévitable, que sa genèse est tributaire d'événements qui auraient pu ne pas survenir. Ce constat le conduit à formuler quatre clauses se situant au principe de toute les théories constructivistes:

- Dans l'état actuel, X - l'objet "socialement construit" - est tenu pour acquis, X apparaît comme inévitable

- X n'a pas besoin d'exister, ou n'a pas besoin d'être comme il est en quoi que ce soit. X, ou X tel qu'il est aujourd'hui, n'est pas déterminé par la nature des choses; il n'est pas inévitable

- Tel qu'il est, X est assez médiocre

- Nous nous sentirions beaucoup mieux si l'on pouvait se débarrasser de X, ou tout au moins le transformer radicalement. (7)

Ce constat permet d'affirmer que le constructivisme social, loin d'être une vision scientifique cherchant à comprendre le fonctionnement du réel est en fait une vision militante du monde. Une vision militante qui n'a pas son pareil pour promouvoir les intérêts des minorités au détriment de ceux de la majorité et/ou du bien commun.

Derrière cette prétention de lutte contre les stéréotypes et préjugés que l'on retrouve dans les différents instituts de formation à l'enseignement se cache donc une vicieuse vision fortement politisée, terreau fertile pour les revendications LGBT et le lobby  immigrationniste notamment.

Conclusion

La méthode d'enseignement ainsi que les contenus des instituts de formation sont donc largement contestés/contestables. Tout le monde y gagnerait à ce que toute cette démarche conscientisante soit remplacée par quelque chose de plus efficace et moins fastidieux à la fois et que les contenus cessent d'être orientés vers des divaguations dont l'inefficacité est maintenant maintes fois prouvée. De même, les essais d'implanter une vision de monde aussi politiquement orientée que les cursus se cachant derrière la lutte contre les stéréotypes et les préjugés n'ont pas leur place dans ces institutions. L'école doit enseigner le respect, pas la promotion de revendications communautaires.

Au final, si une remise en cause sérieuse était effectuée, que les multiples rapports cédaient leur place à des tests, que les méthodes d'enseignement se calquaient sur ce qui a été démontré comme efficace par des enquêtes empiriques (8) et que la politisation des enseignants cédait la place à quelque chose de plus neutre, la longueur du parcours de formation se verrait drastiquement réduite. Ce qui n'irait pas sans poser d'autres problèmes puisque le critère retenu par les institutions européennes dans les accords de Bologne comme élément clé de l'attribution des crédits de formation est le temps que l'étudiant passe à étudier.

Dans le même temps, puisque même les plus fumeux théoriciens du domaine de l'enseignement reconnaissent que certaines pratiques sont plus chronophages que d'autres, il n'y a aucune raison objective de penser que de telles modificiations ne peuvent pas être introduites. Le contraire serait même plutôt choquant.

Stevan Miljevic, le 11 mars 2014

http://stevanmiljevic.wordpress.com

(1) http://www.formapex.com/formation-professionnelle/1108-la-faiblesse-de-la-formation-des-enseignants-conscientiser-au-lieu-dentrainer?616d13afc6835dd26137b409becc9f87=4d34101224fa8bcc8a53050fda55c277 consulté le 5 mars 2014

(2) http://tntp.org/assets/documents/TNTP_Perspectives_2013.pdf consulté le 7 mars 2014

(3) http://www.nctq.org/dmsView/Teacher_Prep_Review_2013_Report consulté le 7 mars 2014

(4) http://www.formapex.com/formation-professionnelle/1108-la-faiblesse-de-la-formation-des-enseignants-conscientiser-au-lieu-dentrainer?616d13afc6835dd26137b409becc9f87=4d34101224fa8bcc8a53050fda55c277 consulté le 5 mars 2014, p.69

(5) http://visible-learning.org/fr/

(6) http://www.hepl.ch/files/live/sites/systemsite/files/filiere-sec1/programme-formation/liste-modules-secondaire1-2013-14-fs1-hep-vaud.pdf consulté le 8 mars 2014

(7) Razmig Keucheyan "Le constructivisme, des origines à nos jours", Hermann, Paris, 2007, p.67 à 69

(8)http://stevanmiljevic.wordpress.com/2014/01/29/de-nouvelles-lois-necessaires-pour-encadrer-lenseignement/

De nouvelles lois nécessaires pour encadrer l’enseignement

Ce qui est scientifique et ce qui ne l'est pas

Avant d'être reconnue comme scientifique, toute hypothèse doit être vérifiée empiriquement. Au final, et dans la mesure du possible, elle doit être testée dans des conditions s'approchant au maximum de celles de la réalité étudiée. Les sciences de l'éducation permettent de tester facilement dans le réel les dires des chercheurs afin de définir si ceux-ci doivent être classés dans la case science ou dans celle des opinions du café du commerce. 

Pour savoir si une pratique pédagogique est effectivement efficace, il suffit de mettre en parallèle un nombre suffisant de classes travaillant le même sujet. Certaines classes s'appuient sur telle méthode à tester alors que d'autres servent de groupe témoin. Un certain laps de temps est accordé et, au final, une évaluation commune est réalisée. Les résultats obtenus par les élèves à cette évaluation détermineront si oui ou non l'hypothèse posée était pertinente. Bien entendu, il faut que le nombre de classes soit suffisant pour pallier à la possibilité d'une mauvaise distribution des élèves (certaines classe ayant recueilli plus d'élèves à haut potentiel que d'autres). Il faut également des observateurs dans toutes les classes pour s'assurer que l'enseignant a rigoureusement respecté la méthode qui lui était attribuée, les observations des élèves eux-mêmes ou des enseignants n'étant pas scientifiquement fiables. Enfin, les performances des élèves doivent être rigoureusement quantifiées.

Une telle démarche a certes un coût financier, mais si on veut réellement promouvoir des pratiques efficaces pour instruire nos jeunes, il n'y a pas d'autre alternative. Enfin si, il en existe une. Elle consiste à aller jeter un oeil ailleurs là où les enquêtes en question ont été menées. Les Américains et les Canadiens sont des champions en la matière. Eux ne prennent pas (plus?) pour parole d'Evangile les élucubrations d'experts. Et leurs résultats devraient être connus par tous les décideurs du monde de l'enseignement.

Ce que dit la science en matière d'enseignement

Des dizaines et des dizaines d'études ont été réalisées, compilées et recompilées par des chercheurs outre-Atlantique. Et toutes ou presque arrivent à une conclusion commune: les pédagogies constructivistes sont largement moins efficaces que les pratiques dirigées et instructionnistes (1). Il ressort ainsi clairement que les pédagogies de la découverte, du projet et toute autre pédagogie qu'on dit centrée sur l'élève sont largement inférieures aux autres formes de pédagogie. Il faut donc éviter de tomber dans le piège émotionnel consistant à penser que centré sur l'élève signifie que l'enseignement sera plus adapté aux besoins de l'enfant. C'est à peu près autant vrai que de penser qu'en passant tous les caprices d'un enfant on l'aide à se construire. 

Puisque les pédagogies constructivistes sont formellement identifiées comme inefficaces par des expérimentations sérieuses, il s'agit maintenant d'agir sur les décideurs pour qu'ils prennent en compte ce que disent les véritables démarches scientifiques et cessent de s'appuyer sur des propos de bistrot pour donner de nouvelles orientations à l'école. L'ensemble des données à disposition ne laisse plus le bénéfice du doute et il est inadmissible que le Plan d'Etude Romand, par exemple, continue de faire la part belle à ce genre de théories (2). La formation des nouveaux enseignants doit également être repensée. Il n'est en effet pas pensable que les HEP continuent de disséminer la bonne parole constructiviste. Sauf bien entendu si on estime que cette formation ne vise pas à l'efficacité des enseignants.

Mais qu'est-ce donc que cette pédagogie explicite dont l'écrasante majorité des études relève la supériorité? Dans les grandes lignes, elle peut être décrite de la manière suivante: Tout d'abord, il s'agit pour l'enseignant d'aligner les objectifs qu'il compte faire atteindre à ses élèves, ce qu'il va leur enseigner, ce qu'ils vont faire et ce sur quoi il va les évaluer. En clair, il s'agit pour lui d'être cohérent du début à la fin du processus. En second lieu, le savoir va être découpé en petites tranches allant du plus simple vers le plus complexe. Les objectifs qui vont être travaillés durant le cours vont ensuite être annoncés aux élèves. Un élève qui sait ce qu'il va étudier sait aussi plus facilement où se situent ses éventuels manques. Une fois cette introduction passée, l'enseignant entre dans la phase dite du modelage: il va, par le biais de démonstrations et présentations, s'efforcer de rendre clair l'ensemble du raisonnement en expliquant les quoi, pourquoi, comment, quand et où faire. En d'autres termes, l'enseignant branche un haut parleur sur son cerveau et fait connaitre aux élèves l'ensemble des étapes intellectuelles qu'il doit réaliser pour arriver à ses fins. Durant cette période, il faut bien entendu prendre le temps d'écouter les élèves, leurs incompréhensions et autres questions et d'y répondre.

Une fois cette étape réalisée, la classe passe en mode pratique dirigée: l'enseignant donne aux élèves des petites tâches courtes à résoudre pour vérifier que les élèves ont bien compris le contenu de sa présentation. Cela peut se faire par oral comme par écrit, le but étant simplement de vérifier la bonne acquisition de la matière. Tant que les élèves n'ont pas, dans une grande majorité (80%), atteint un bon niveau de connaissance/compétence, alors l'enseignant continue la pratique dirigée, voire complète son modelage. Lorsqu'il est sûr que la grande majorité maitrise le nouveau savoir, l'enseignant peut lâcher les élèves en pratique autonome dans des problèmes à résoudre. Cette dernière étape ne signifie pas que l'enseignant cesse ses interactions avec les élèves jusqu'à la correction, bien au contraire, il est important qu'il continue, à un intervalle dont il juge de la pertinence, à questionner ses élèves afin de savoir exactement où ils en sont et de leur donner les feedbacks nécessaires en cas de besoin. Attendre les corrections ne suffit pas. Enfin, l'enseignant doit prévoir de nombreuses évaluations pour surveiller l'avancement de ses protégés.

Voilà pour ce qu'il en, dans les grandes lignes, des contenus pédagogiques (il n'est pas question ici de gestion de classe par exemple) qui devraient être transmis dans les cursus de formation des enseignants: ce qui a été effectivement testé et validé comme efficace. Pour plus de détails à ce sujet, je vous invite à lire l'excellent ouvrage "Enseignement explicite et réussite des élèves, la gestion des apprentissages" de Clermont Gauthier, Steve Bissonnette, Mario Richard et Mireille Castonguay paru aux éditions De Boeck.

Et en matière de formation des enseignants…

Reste maintenant à se pencher sur la manière dont ces éléments devraient être transmis aux futurs enseignants. Actuellement, une nouvelle fois, ce sont bien souvent des méthodologies constructivistes qui prédominent: les enseignants en formation sont régulièrement invités à travailler par groupe sur des sujets, à lire des textes écrits par d'éminents penseurs et à discerner par eux-même ce qui leur sera utile pour leur pratique avant d'écrire un rapport à ce sujet. Le tout étant agrémenté d'autres rapports mettant en évidence les moments cruciaux que l'étudiant vit dans sa formation.

Une nouvelle fois le recours à la science aide à discerner  ce qui est efficace de ce qui ne l'est pas. Mireille Castonguay et Clermont Gauthier se sont attelé à la tâche et ont collecté les études sérieuses menées au sujet de formations continues dispensées à des enseignants. Par étude sérieuse, il faut comprendre celles qui ont testé l'efficacité de la formation des enseignants en évaluant les résultats obtenus par les élèves de ceux-ci une fois la formation terminée. Il s'avère que

La moitié des études (4 sur 8) ayant fait usage en totalité ou en partie des résultats des élèves pour déterminer l'efficacité de l'enseignement indiquent que des approches de type structuré et explicite parviennent davantage que d'autres approches à améliorer les pratiques pédagogiques des enseignants visant à favoriser les gains d'apprentissage de leurs élèves. Dans l'autre moitié, les études ne précisent pas d'approche spécifique ou présentent des conclusions contradictoires (3).

et que

lorsque l'efficacité de la formation continue n'est pas évaluée sur la base des améliorations des gains d'apprentissage des élèves, mais à partir d'autres critères, alors les approches privilégiées sont de type constructiviste (4).

Tout est dit ou presque. Il est en effet possible de rétorquer qu'une formation continue n'est pas du même type qu'un cursus de formation initiale à l'enseignement. Mais Castonguay et Gauthier ont également analysé 8 études résumant 26 programmes de formation initiale à l'enseignement dits efficaces. Là aussi, une sélection a été faite pour s'intéresser plus particulièrement aux études  ayant évalué l'efficacité de l'enseignement à partir des effets des programmes sur les apprentissages des élèves. Seuls deux études répondaient sérieusement à ce critère (Evertson, Hawley et Zlotnik, 1984; IRA, 2004) et allaient dans le même sens que ce qui a été dit précédemment en plébiscitant la pédagogie explicite (5).

En résumé, les études menées et s'appuyant sur une vérification empirique stricte et minutieuse des résultats des élèves vont dans ce domaine aussi largement dans le sens d'une pédagogie directive, instructionniste et systématique alors que le constructivisme n'est soutenu que par des observations non scientifiques. Autrement dit, les futurs enseignants et leurs élèves sont utilisés un peu comme des rats de laboratoire, des expérimentations sont faites sur eux sans qu'y ait de raison sérieuse de penser qu'elles fonctionnent.

La solution

Si la Suisse veut continuer à pouvoir se vanter de son système de formation et même le bonifier, elle doit de se doter de nouveaux outils. Plus précisément, il s'agit de mieux encadrer le processus de formation des enseignants, les plans d'étude ainsi que les moyens mis à disposition des enseignants pour exercer leur métier. Puisque l'harmonisation en cours contourne la souveraineté des cantons, il s'agit de légiférer au niveau fédéral de manière à ce que les plans d'études et ouvrages distribués dans les classes soient fondés sur les résultats de recherches empiriques sérieuses d'envergure et non sur le bon vouloir de quelques théoriciens, fussent-ils désignés comme experts. La jeunesse helvétique mérite ce qu'il y a de meilleur et rien d'autre. De leur côté, les cantons ne doivent autoriser à titre de formation pédagogique que les éléments dûment certifiés comme étant les plus efficaces par ces mêmes enquêtes. Les taux d'efficacité en question doivent également être présentés aux nouveaux enseignants. De plus, les méthodes utilisées pour cette formation doivent découler elles aussi de ces recherches. Et puisque manifestement un certain nombre de formateurs dans ces instances ne savent pas comment fonctionnent les formateurs efficaces, une formation continue de pédagogie explicite devrait être dispensée à chaque formateur HEP en activité.

La Suisse a tout à gagner à ce que de telles lois sont adoptées. Fort simples à écrire et à comprendre, elles mettront à disposition des élèves les meilleurs moyens qu'il soit tout en respectant scrupuleusement la liberté pédagogique des enseignants. Tout le monde y gagnerait….Sauf bien sûr quelques théoriciens. Mais est-ce vraiment là quelque chose d'important?

 Stevan Miljevic, le 29 janvier 2014

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(1) pour en avoir quelques exemples, voir http://stevanmiljevic.wordpress.com/2013/11/06/pour-un-enseignement-de-qualite/ et si ce n'est toujours pas suffisant, faites le moi savoir je vous en citerai d'autres.

(2) voir à ce sujet: http://stevanmiljevic.wordpress.com/2014/01/16/quid-de-la-liberte-pedagogique-dans-le-plan-detude-romand/

(3) Castonguay et Gauthier "La formation à l'enseignement, atout ou frein à la réussite scolaire?", Presses universitaires de Laval, 2012, p.84

(4) Ibid. p.85

(5) Ibid. p.55-56

Contes et légendes pédagogiques

 On ne sait jamais, sur un malentendu, certains de ceux-ci pourraient adhérer au propos. Des trésors d'inventivité sont ainsi déployés pour tordre suffisamment la réalité afin de faire valider leurs analyses. Une des techniques les plus prisées pour garder une position dominante consiste à accuser autrui de tout et n'importe quoi, peu importe si le propos n'a aucun fondement.

Petit florilège de mythologie constructiviste:

La première des fables systématiquement rabâchée consiste à faire croire que face à un enseignement qualifiable de traditionnel, les élèves sont passifs. S'ils sont passifs, alors les conditions optimales d'apprentissage ne sont pas remplies. Si le raisonnement est mené à son terme, un élève passif ne peut tout simplement rien apprendre! Un légume aux yeux écarquillés et dont l'activité neuronale s'apparente à un encéphalogramme plat ne peut en aucun cas retenir quoi que ce soit. Cette accusation est-elle fondée? Imaginons un instant un enseignant qui ne procéderait que par la simple modalité du cours magistral. L'élève désireux d'apprendre devrait, mémoriser l'ensemble des savoirs exposés par l'enseignant pour pouvoir ensuite les reproduire. Il est totalement impossible de mener ces opérations dans un état de passivité. Il est vrai que ce type d'enseignement peut amener les élèves à se désintéresser de ce que le maître dit. Encore faut-il savoir pourquoi. La raison est simple: on ne leur donne pas les instruments nécessaires pour suivre le cours qui leur passe ainsi par dessus la tête. Dans le corps enseignant, à peu près tout le monde le sait et si une partie du cours consiste en un exposé magistral, l'élève est automatiquement mis en activité plus tard par le biais d'exercices. C'est le minimum syndical.

En revanche, lorsqu'on met des élèves en face d'une situation de découverte complexe le décrochage d'élèves va être nettement plus important. Qui dit découverte dit que les outils de résolution de cette situation ne sont pas donnés au préalable. De nombreux élèves se trouvent ainsi dans l'incapacité de réaliser ce que l'on attend d'eux. Dès lors, le taux de passivité vis-à-vis du cours explose littéralement. Il est donc faux de prétendre qu'un enseignement normal génère automatiquement de la passivité. Et il est tout aussi faux d'avancer que l'entrée dans les savoirs par la découverte prônée par le constructivisme permet de pallier  cet éventuel manque. L'inverse est bien plus vrai.

Une deuxième légende pédagogique consiste à affirmer que la répétition d'exercices tue la pensée autonome et la créativité. Les élèves confrontés à ce genre d'enseignement ne seraient bons qu'à réagir de manière pavlovienne à l'image de bêtes dressées à adopter un certain comportement en réaction à un certain stimuli. En fait, tout (ou presque) nous démontre le contraire. Il suffit de penser au musicien de génie qui a passé des heures et des heures à répéter ses gammes, au sportif d'élite ayant entraînement après entraînement réalisé inlassablement les mêmes gestes. Les plus grands joueurs d'échecs sont ceux qui ont mémorisé le plus de parties. Qui oserait sérieusement prétendre que ces milliers d'heures de répétition les ont rendu inaptes à la créativité? Certainement pas les récents développements des sciences cognitives: les travaux du professeur Weisberg, psychologue cognitiviste, sont en  effet  parvenus à la conclusion qu'

il y a des preuves qu'une immersion profonde est nécessaire dans une discipline avant de produire quelque chose d'une grande nouveauté (1)

Dont acte. Cette conclusion peut être étendue à la pensée critique: il n'est pas possible de penser un sujet de manière critique sans en avoir une parfaite maîtrise. Lorsqu'un individu connaît sur le bout des doigts le sujet qu'il veut traiter, il libère de la place dans sa mémoire de travail et peut donc utiliser celle-ci à plein régime pour l'analyse critique. Sans ce prérequis, le cerveau ne peut tout simplement pas être aussi efficace. (2)

La troisième fable consiste à faire croire que les pédagogies de la découverte (constructivisme et socio-constructivisme) sont des révolutions singulièrement novatrices, qu'elles sont issues des dernières avancées de la recherche. Or, quiconque creuse un peu se rend vite compte que ce n'est pas du tout exact. Saint Thomas d'Aquin (1225-1274) déjà évoque, dans un écrit consacré à l'enseignement, cette forme d'acquisition du savoir dans les termes suivants:

lorsque la raison naturelle parvient d’elle-même à la connaissance de ce qu’elle ignorait, ce qui s’appelle : invention (3)

Cela fait donc au moins 750 ans que des penseurs se sont déjà penchés sur la question. Niveau innovation on a déjà vu mieux. Il ne sera pas fait ici mention de la prétendue efficacité des pédagogies constructivistes, le sujet a déjà été traité à plusieurs reprises. (4)

La quatrième illusion savamment distillée dans les instituts de formation est la foi inébranlable dans les travaux de groupe. Non seulement les futurs enseignants sont formatés à penser "travail de groupe", mais ils sont également, à de nombreuses reprises, sollicités à travailler eux-mêmes de la sorte. Le dogme est si fort que certains enseignants se permettent même de noter collectivement les travaux réalisés en groupe, pratique complètement inacceptable puisque personne ne peut être tenu responsable des actes d'autrui. Dans les faits, selon la méga-analyse de John Hattie faisant office de référence actuellement car portant sur 80 millions d'élèves, la pédagogie coopérative arrive juste à se maintenir à la moyenne des différentes influences envisageables (effet d'ampleur de 0.41 pour une moyenne à 0.40) et même derrière l'impact que peut avoir la taille de l'école (effet d'ampleur 0.43) sur les résultats des élèves (5). Ces résultats sont largement inférieurs à ceux que peuvent obtenir des enseignants clairs dans leurs explications (effet d'ampleur 0.75), donnant de nombreux feedbacks (effet d'ampleur 0.73) et pratiquant des évaluation formatives (petites feuilles et autres dispositifs du genre pas forcément notés mais permettant à l'enseignant de vérifier par écrit où en sont ses élèves (effet d'ampleur 0.9). Ainsi donc, si les travaux de groupe ne pénalisent pas dans l'ensemble les élèves, ils ne sont aucunement une solution pour les faire progresser. Et donc, puisque leur utilisation s'avère limitée dans les cas où les enseignants usent de méthodes explicites, autant dire que les travaux de groupe ne sont en tout cas pas à recommander, surtout si l'ensemble des nuisances qu'ils peuvent engendrer  sont prises en compte (6).

Cette liste est bien entendue non exhaustive. Certains des points traités prêteraient à rire s'ils n'étaient malheureusement pas assénés en dogmes dans des institutions à prétention universitaire! Des institutions se réclamant de la science mais qui justement ignorent les règles les plus élémentaires de la recherche scientifique (la preuve empirique à large échelle) ainsi que les résultats de cette même science quand celle-ci contredit leurs dogmes….

Stevan Miljevic, le 11 janvier 2014

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(1) http://www.formapex.com/sciences-cognitives/640-et-la-creativite-le-point-sur-la-recherche-en-sciences-cognitives-sur-la-creativite-la-fin-dun-mythe consulté le 9 janvier 2014

(2) http://www.formapex.com/sciences-cognitives/788-la-pratique-conduit-a-la-perfection-mais-seulement-si-vous-pratiquez-au-dela-du-point-de-perfection consulté le 9 janvier 2014

(3)Saint Thomas d’Aquin, De l’enseignement (De Magistro), Klincksieck, 2003, p.37

(4) on pourra par exemple relire ceci: http://stevanmiljevic.wordpress.com/2013/11/06/pour-un-enseignement-de-qualite/

(5) http://visible-learning.org/hattie-ranking-influences-effect-sizes-learning-achievement/ consulté le 11 janvier

(6) Voir à ce sujet les discussions au sujet de l'article ici http://stevanmiljevic.wordpress.com/2013/12/29/quand-les-pedagogos-sen-prennent-a-guillaume-tell/

HEP : Zorro est arrivé !

Situé à la croisée des chemins entre Idéologie et Nocivité , à des milles et des milles de ces doux rivages dénommés Bon Sens et Efficacité, le petit monde de Pedagogia coule jusqu’ici des jours tranquilles. Ou disons plutôt que la caste dominante des socio-constructivistes y règne en maître, imposant à la plèbe de se concentrer dans des camps nommés HEP desquels elle ne pourra s’échapper qu’en adoptant leurs croyances et dogmes, fussent-ils complètement déconnectés de la réalité.

 

Mais, dans les bas-fonds de Pedagogia, la colère gronde. Nombreux sont ceux qui en ont assez de faire le poing dans la poche et désirent qu’éclate au grand jour la vérité. Sans oser toutefois entreprendre une quelconque action d’envergure tant il est vrai que les décideurs de Pedagogia tiennent leur destinée professionnelle entre leurs mains. Malheur à celui qui ose remettre en cause la validité des dogmes, son avenir dans la profession qu’il a choisie ne tient plus qu’à un fil et son excommunication est imminente.

Mais aujourd’hui est un grand jour à Pedagogia, un jour qui changera peut-être le cours de l’Histoire. Don Mathias Reynard, notable excédé par la situation, s’est décidé à enfourcher son fier destrier et à revêtir l’habit du justicier masqué. Alléluia, le petit peuple va enfin pouvoir respirer ! Sortez canons à confettis et serpentins, jouez fifres et tambours !

Pour tous, sans privilèges!Car, comprenez-vous, don Reynard sait de quoi il cause : ayant lui-même dû subir les affres du camp, il sait exactement où frapper. Enfin presque ! Il semble en effet, d’après une rumeur plus que persistante, que sa position de notable à Berne ait permis à don Reynard d’esquiver de nombreuses et douloureuses heures dans le camp. Allez savoir pourquoi, mais ce statut lui aurait permis d’éviter la présence physique à la HEP et de ne rendre que les travaux écrits demandés à tous. Pourtant, logiquement, si quelqu’un peut bénéficier d’une remise de peine, que sa présence n’est pas obligatoire, alors le bon sens nous fait dire que les autres également peuvent parfaitement réussir dans les mêmes conditions. Mais comme on vous l’a déjà dit, Pedagogia et Bon Sens sont deux royaumes fort distants l’un de l’autre. Pour tous, sans privilèges comme on dit dans la famille de don Reynard !

Mais après tout, ne nous plaignons pas : si la noblesse de cour commence à se soucier du sort des bouseux, c’est plutôt bon signe. Qui sait, peut- être don Reynard a-t-il en secret décidé de renoncer à ses privilèges et d’exiger l’égalité avec ses congénères…

Ceci dit, il ne faudrait pas être dupe non plus. Quelles que soient les intentions réelles de don Reynard, il risque de rencontrer beaucoup de peine dans l’entreprise de salut public qu’il dit vouloir initier : il ne faudrait pas oublier que don Reynard est un fervent pratiquant de la religion Gauche et que c’est cette même religion qui guide les pas des grands maîtres socio-constructivistes de Pedagogia. Les fondements sont les mêmes, à savoir un humain divinisé, mis au centre de toutes les préoccupations, un humain bon par nature, qui ne demande qu’à s’améliorer, un humain complètement conditionné par le groupe dans lequel il évolue… Dans ces conditions, on voit mal notre Zorro en herbe remettre en cause sérieusement le catéchisme socio-constructiviste sauf à se renier lui-même.

Plus difficile encore sera la tâche de don Reynard s’il compte raccourcir de manière conséquente le temps d’immersion dans le camp : le temps de torture, les crédits à obtenir sont codifiés au niveau international (accords de Bologne), résultat d’une internationalisation soutenue envers et contre tout par sa famille religieuse (Gauche). Alors bon, à moins, là aussi, de se renier complètement, il lui sera difficile de faire quoi que ce soit qui aille plus loin que la suppression des crédits supplémentaires aux standards en vigueur que le camp HEP de la province Valais a scandaleusement mis sur pied pour on ne sait quelle raison.

En définitive, à moins de trahir tous ses idéaux (ce qu’on souhaite de tout cœur tant les réformes s’avèrent urgentes et indispensables en la matière), qu’ils soient de nature idéologiques ou internationalistes, en prônant la mise sur pied d’une formation cantonale (voir éventuellement intercantonale) avec des standards locaux eux aussi, en rupture donc totale avec la grande camaraderie transfrontalière socialiste, l’épopée de don Mathias Reynard en Zorro risque fort de prendre les traits du sergent Garcia...

 

 

 

Freysinger, la HEP et les médias

 

Et si par hasard elle n’a rien de concret à se mettre sous la dent, elle tord les faits et donne ainsi la parole à des gens complètement déconnectés de toute réalité à l’image de Marcelle Monnet-Terrettaz, pourvu que le propos soit incendiaire à l’encontre du conseiller d’Etat UDC. Avant Freysinger, aucun conseiller d’Etat n’avait jamais ni souhaité une bonne année, ni consulté directement le corps enseignant sur ce qui ne va pas dans l’école valaisanne, mais qu’importe, cela n’empêche pas cette dame de parler de « mobbing », d’enseignants traumatisés et « craignant pour leur place », ni même d’ailleurs le journaliste de dire que les enseignants « ne témoignent le plus souvent qu’à visage caché maintenant ». Il fallait oser.

Il y a également eu l’épisode Slobodan Despot durant lequel on a reproché à ce monsieur d’avoir une opinion divergente de celle de la majorité sur la guerre en ex-Yougoslavie. Quel crime ! Bien entendu, les médias, si peu enclins à critiquer les conséquences financières des délires socialistes ont voulu demander des comptes à Oskar sur le sujet. Quand même, oser dépenser ainsi l’argent du contribuable ! Peu importe si l’embauche d’un chargé de communication était devenue indispensable à cause, justement, de l’acharnement de la presse…

Enfin, on en vient à ce qui va être le sujet principal de ce billet : la possibilité offerte par le conseiller d’Etat à ceux qui échouent leur cursus HEP de pouvoir quand même enseigner en Valais.

 

Triés sur le volet

Analysons le traitement de cette affaire par la télévision romande : dans son reportage, la RTS donne la parole à Georges Pasquier, président du syndicat des enseignants romands, histoire de pouvoir se prévaloir d’une soi-disant expertise. Comme Pasquier roule pour les pédagogos, il propose une comparaison afin d’illustrer le cas et de se mettre tous ceux qui n’y comprennent ou n’y connaissent rien dans la poche : le cas serait comparable à celui de médecins non-diplômés pouvant toute de même exercer. A ce tarif-là, les bons parents auraient du souci à se faire pour leurs enfants envoyés à la boucherie chez des incompétents notoires, décrétés aptes au travail par simple caprice du chef du département.

Pour que la comparaison de Pasquier soit valide, il faudrait que les instituts de médecine se mettent à promouvoir la saignée dans leur cursus. Les méthodes pédagogiques imposées (et non proposées) par les HEP s’y apparentent : on peut difficilement trouver pire que le socio-constructivisme.

Administration, maison de fous, AsterixQue monsieur Pasquier suive une fois l’intégralité du cursus HEP avant de venir dire n’importe quoi à la télévision, sans nul doute changerait-il d’avis sur la question. Car il faut être clair, les heures passées sur les bancs des HEP s’assimilent plus à de la torture qu’autre chose : un dogmatisme sectaire qui frappe systématiquement d’anathèmes ceux qui ne veulent pas rentrer dans le moule, des heures interminables à traîner dans des salles de classe avec une absence quasi-totale de matière justifiée par la méthode pédagogique (ça c’est dans le meilleur des cas, dans le pire, c’est la promotion du socio-constructivisme), des cours qui n’ont strictement aucun sens pour un futur enseignant, de l’incompétence en veux-tu en voilà (je tiens à disposition de ceux qui ne me croiraient pas une ou deux preuves inattaquables). Bref, la HEP c’est une torture épouvantable et bon nombre d’enseignants passés par là se demandent, le plus sérieusement du monde, si le but de cette école n’est pas de tester la résistance nerveuse des futurs enseignants plutôt que l’apprentissage des fondamentaux du métier.

Mais revenons-en à notre reportage. Bien entendu, suite à la pseudo expertise de Georges Pasquier, on n’a donné la parole à personne qui pouvait aller dans le sens d’Oskar Freysinger. La moindre des déontologies aurait voulu qu’on invite également un opposant aux HEP à s’exprimer. Mais ça, la RTS a préféré en faire l’économie. Elle a ensuite interrogé Patrice Clivaz, directeur de la HEP Valais, et une enseignante opposée à la méthode Freysinger. Autant dire que la RTS a travaillé selon ses habitudes, avec une juste représentativité des diverses sensibilités…

A propos de cette enseignante, j’aimerai lui dire que je comprends ses craintes de dévalorisation du métier d’enseignant. Néanmoins, il paraît peu probable que Freysinger ait fait l’erreur de mettre sur un pied d’égalité ceux qui obtiennent leur diplôme et ceux qui s’en sortent sans. D’ailleurs, le règlement adopté stipule qu’il s’agit d’un travail à temps partiel et de manière limitée dans le temps… Et il ne fait pas de doute que les conditions salariales seront différentes également. Si cette enseignante a une réelle crainte de la dévalorisation du métier d’enseignant, qu’elle se penche plutôt sur le cas des passerelles, mises sur pied sous l’ère Claude Roch, qui permettent à des jeunes ayant effectué comme seul cursus estudiantin l’école de culture générale (3 ans) de se retrouver sur un pied d’égalité avec des gens qui, eux, ont fait le collège (5 ans) et éventuellement l’université (minimum 3 ans supplémentaires) moyennant quelques cours de rattrapage…

Bref, tout ça pour dire qu’une nouvelle fois, les médias ont usé et abusé de malhonnêteté dans le traitement qu'ils réservent au conseiller d’Etat Freysinger. Rien de bien nouveau sous le soleil.

En guise de conclusion, j’aimerais quand même m’attarder un petit peu encore sur cette décision prise par le chef du DFS valaisan. Il est évident que les étudiants qui passent entre les mains des fanatiques (pas tous quand même…) sévissant dans les HEP méritent une deuxième chance au vue des raisons évoquées jusqu’ici. Ceci dit, il faut faire attention : Oskar Freysinger compte s’appuyer sur les maîtres formateurs, praticiens de terrain, pour définir qui mérite une deuxième chance. Dans la majorité des cas, c’est une excellente idée, les gens de terrain sont bien éloignés des élucubrations de l’aréopage des bureaux et savent ce qui marche concrètement dans une salle de classe. Ceci dit, il existe également, au sein de ces experts de terrain, des gens peu recommandables, totalement incompétents, qui n’ont accepté ce poste que pour des raisons pécuniaires et pour combler un besoin d’autoritarisme flagrant. Fort heureusement, ils sont une infime minorité, mais peut-être serait-il bon, pour plus d’équité, qu’Oskar Freysinger se penche sur ce problème également.

Mais ceci ne saurait être qu’une solution transitoire. Sur le moyen/long terme, une réforme en profondeur de ce qui est enseigné dans les HEP est impérative. Sans quoi l’école valaisanne va droit à la catastrophe.

Caïn Marchenoir

 

Voir encore

Freysinger a de nouveau fauté

La taca taca tac tac tiqu’d'…Oskar Freysinger