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Quitter la Goutte d'Or dans le 18ème arrondissement de Paris, Mireille* n'y aurait jamais songé. Mais après deux agressions en un mois, sur elle et sur sa fille de quinze ans, elle y réfléchit : "la première fois c'était un dimanche soir, j'ai vu trois de ces jeunes sur le trottoir et j'ai senti une menace alors nous avons fait demi-tour, mais juste après l'un d'eux a sauté à la gorge de ma fille, peut-être pour lui prendre son collier; Elle s'est dégagée, s'est mise à pleurer, nous sommes parties en courant. le lendemain nous avons déposé plainte, mais désormais je ne suis plus tranquille dans la rue, et elle non plus. Elle trouve très injuste de ne plus pouvoir se promener librement dans son quartier".
Deux pétitions, plus de 1 500 signatures. D’un commun accord, des habitants et commerçants des XVIIIe et Xe arrondissements, résidants des quartiers Goutte-d’Or, Barbès, la Chapelle et Marx Dormoy, ont décidé d’alerter élus et autorités sur l’insalubrité qu’ils dénoncent déjà sans relâche. Mais également sur l’insécurité, liée, disent-ils, à la présence depuis des mois, de groupes d’enfants des rues, une soixantaine de mineurs marocains âgés de 14 à 17 ans, toxicomanes pour la plupart, auxquels se sont jointes récemment de très jeunes filles.
Les textes ont été remis mardi soir au maire (PS) du XVIIIe, Éric Lejoindre. « Il y a trois semaines, deux personnes ont été physiquement agressées, rue Affre, en plein après-midi. Des plaintes ont été déposées. Ce décompte est loin d’être exhaustif, écrivent les habitants. Et nous notons une nette dégradation, marquée par l’apparition de problèmes bien plus graves : Violence, cambriolages, prostitution et augmentation du trafic de drogue. »
« Toutes les personnes impliquées dans le quartier, ajoutent-ils, s’accordent à dire que nous sommes assis sur une véritable poudrière », terminent-ils, avant de demander « la réalisation d’un diagnostic global, et de la mise en place de nouvelles solutions en collaboration avec les pouvoirs publics, les associations et les habitants ».
Les enfants refusent la prise en charge
La situation, que sont venues aborder ce mercredi, devant les habitants, Dominique Versini, adjointe d’Anne Hidalgo en charge de l’accueil des réfugiés et de la protection de l’enfance et Colombe Brossel, adjointe à la sécurité, semble se dégrader au fil des semaines. D’autant que la plupart des enfants refusent toute prise en charge.
Au mois de décembre, les mêmes avaient pourtant annoncé la mise en œuvre d’un ambitieux plan d’urgence, sous convention avec le Centre d’action sociale protestant (CASP) pour la prise en charge des mineurs marocains, doté d’une enveloppe de près de 700 000 €.
Une situation qui se dégrade, malgré l'action des autorités
Depuis un peu plus d'un an, ces enfants arrivent à la Goutte d'Or. Des Marocains pour beaucoup, entre 8 et 17 ans pour la plupart, majoritairement des garçons mais depuis quelques semaines des filles aussi s'installent dans le quartier. Des "enfants des rues", polytoxicomanes, qui sniffent de la colle ou prennent des médicaments, se bagarrent violemment, dorment dehors.
Au mois de décembre dernier, la Ville de Paris a débloqué près de 700.000 euros pour un plan d'urgence. Un centre d'accueil a ouvert, des éducateurs vont à leur rencontre pour les convaincre de se faire aider, d'être pris en charge, accompagnés. Selon la mairie du 18ème arrondissement, une quarantaine auraient ainsi rejoint le circuit de l'Aide sociale à l'enfance. Mais depuis un peu plus d'un mois, de nouveaux mineurs sont arrivés. "C'est très compliqué", explique le maire socialiste du 18ème, Eric Lejoindre, "nous travaillons avec la préfecture de police, avec la Ville de Paris, mais ces enfants refusent toute prise e charge et en l'état actuel de la loi, nous ne pouvons pas les obliger à rejoindre un centre d'accueil de jour ou de nuit". Le maire se trouve donc sans les outils juridiques pour faire face à cette situation, et demande à la ministre de la Justice de réfléchir à un texte permettant une prise en charge de ces enfants, sans leur consentement.
«Votre combat est perdu d’avance»
« On n’en peut plus. Les enfants sont passés sous la coupe réglée des trafiquants adultes… Et ce sont eux les plus violents », déplore une habitante de la Goutte d’Or. « Votre combat est perdu d’avance : sur un ou deux gosses que vous parviendrez à sortir de la rue, combien y resteront ? Le basculement criminogène de notre quartier est extrêmement inquiétant. Il est tenu depuis longtemps par les mafias, mais elles, comme elles ont intérêt à voir la police le moins possible, elles nous laissent à peu près tranquilles ! » Les riverains étaient nombreux, mercredi soir à la mairie du XVIIIe, pour cette nouvelle réunion publique d’information sur les mineurs marocains de la Goutte-d’Or. Et le sentiment d’impuissance régnait. Malgré les efforts entrepris par la Ville, la police, le parquet des mineurs et les associations mandatées, désormais très présentes aux côtés des enfants. Tous soulignent les mêmes difficultés pour approcher ces enfants en errance. « Comment imposer des soins à des jeunes qui n’en veulent pas ? », reconnaît le maire (PS), Éric Lejoindre.
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