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WikiLeaks annonce que des documents provenant de divers ministères saoudiens révèlent que l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie avaient conclu une entente secrète, dès 2012, pour renverser le gouvernement syrien. Barack Hussein Obama, la France et la Grande-Bretagne avaient également été impliqués dans l’accord secret de 2012. Des alliés d’Obama au Moyen-Orient, tels que les Saoudiens, avaient même agi de manière plus agressive, allant au-delà des mesures convenues avec Obama.
Résultat : l’Etat Islamique (EI) progresse un peu partout ; les mesures désormais prises contre lui, y compris par l’Arabie saoudite et le Qatar, sont dérisoires ; la Turquie est, de fait, devenu le principal allié de l’Etat Islamique. Car le Califat de l’Etat Islamique est devenu un concurrent de l’Arabie saoudite et du Qatar au Proche et au Moyen Orient, mais pas un concurrent du Califat turc en Asie mineure.
A ce propos, Mgr Pascal Gollnisch, évêque, directeur de l’Œuvre d’Orient et vicaire général pour les Chrétiens d’Orient, a récemment été interviewé par La Nef sur l’Etat islamique (EI) et son financement. Ci-dessous, quelques extraits adaptés de l’interview :
Quels sont les soutiens de l’Etat Islamique ?
Il faut déjà écarter la thèse complotiste qui a cours dans certaines régions proche-orientales selon laquelle l’Occident serait derrière l’Etat Islamique. C’est évidemment faux. Pour l’Arabie Saoudite et le Qatar, le soutien qu’ils ont pu lui fournir est terminé. Car un homme comme al-Baghdadi qui se proclame calife menace immédiatement tous les pouvoirs sunnites (Arabie, Maroc, Jordanie…). Mais le rôle de la Turquie n’est pas clair. Selon moi, elle joue un triple jeu : avec l’Occident ; avec les Kurdes ; avec les sunnites. C’est par la Turquie que transitent aujourd’hui armes, munitions, djihadistes, pétrole, etc. Personne ne maîtrise non plus les mouvements financiers dont son territoire est la plaque tournante.
Comment situez-vous l’islamisme de l’Etat Islamique par rapport à l’islam ?
Il est sûr que Daech se réclame de l’islam, et que le « padamalgam » (ndmg - pas d’amalgame entre islam et terreur islamique) se révèle insuffisant pour comprendre la situation. Il faut d’abord que se développe une théologie qui montrerait en quoi cette radicalisation n’est pas fondée. Et cela, seuls les musulmans eux-mêmes peuvent le faire. Car on peut manipuler le Coran dans tous les sens et lui faire dire ce que l’on veut. Il ne suffit pas que le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman) fasse une déclaration. La première cause tient au fait qu’il n’y a plus de hiérarchie dans l’islam sunnite depuis 1922 et à la disparition du sultan. Si al-Baghdadi affirme qu’il est le nouveau Calife, qui peut lui rétorquer que non ?
L’autre cause est que la séparation entre le politique et le religieux n’est pas claire en islam : l’Arabie Saoudite et le Qatar, alliés de l’Occident, ne sont pas des champions des droits de l’homme ! Enfin, le laïcisme qui a cours en Occident provoque un retour du religieux sous une forme violente. Ici, on est dans l’athéisme d’État. Et l’islam est un monothéisme à vocation universaliste, mais sans incarnation, sans rédemption. Le Christ a lavé les pieds de ses disciples ; l’islam, lui, ne connaît ni la kénose ni le pardon. Le christianisme a commencé à se répandre par la persécution des chrétiens eux-mêmes ; l’islam s’est propagé par la conquête armée et violente. On voit toute la différence originaire, conclut Mgr Pascal Gollnisch.
Michel Garroté, 2 juillet 2015