Un de nos lecteurs a travaillé au dépôt de munitions de Miramas il y a quelques années, il témoigne :
- Pouvez-vous nous parler de votre « carrière » militaire ?
Je me suis engagé à l’âge de 18 ans, en me rendant dans un CIRAT (Centre d’Information et de Recrutement de l’Armée de Terre), aujourd’hui appelé CIRFA. Là on m’a envoyé passer des tests à Lyon, pendant 3 jours, pour vérifier mon aptitude. A la fin de ces 3 jours, ils nous proposaient soit un contrat de 1 an (VDAT – Volontaire De l’Armée de Terre), soit un contrat de 3 ans (EVAT – Engagé Volontaire de l’Armée de Terre). J’ai été pris pour un contrat VDAT au début. Suite à cela je suis retourné au CIRAT, là on m’a fait choisir mon régiment, j’ai pris le 4ème Régiment du Matériel; basé à Nîmes, mais avec un détachement à Miramas (13). Je l’ai intégré, et de suite on m’a envoyé faire ma FGI (Formation Générale Initale), qu’effectuent tout militaire nouvellement engagé. Après 2 mois de formation, je suis retourné à Miramas. Au bout de quelques mois je suis assez vite passé EVAT, j’ai signé un contrat pour plusieurs années.
- Quel était votre rôle au sein du détachement de Miramas ?
Comme tout soldat, j’étais polyvalent. Mais officiellement j’avais signé pour être magasinier. Chose que je faisais souvent au dépôt de munitions. Aprés avoir passé une formation d’un mois à l’ESAM de Bourges, j’étais egalement devenu aide-pyrotechnicien. Le vol de détonateurs, d’explosifs etc, qui ont eu lieu ce matin : ça me parle, vu que cette formation m’a appris à savoir les utiliser. Au régiment j’étais aussi parfois de garde au dépôt munition.
- Parlez-nous de ce dépôt de munition…
Il s’agit d’une zone immense, de + de 200 hectares, avec dessus des dizaines de petites maisons contenant des munitions, et fermées d’un simple cadenas et d’un petit plomb… Abritant aussi bien des munitions pour FAMAS -le fusil d’assaut utilisé à l’armée-, qu’aux grenades, missiles, et comme on la vu aujourd’hui : de détonateurs et d’explosifs. La journée, des civils et militaires travaillent sur cette zone. Ils gèrent les stocks de munitions nécessaires aux opérations extérieures (OPEX). Cette zone, appelée ZMS pour Zone Militaire Sensible, est entourée de 2 grillages. Toute la journée, deux militaires de garde (ils sont 5 au total), equipés de leur FAMAS, font des rondes en Peugeot P4 entre les 2 grillages. A l’aide d’un Talkie-Walkie, il pointent des bornes sur un parcours qui change à chaque fois.
- Comment se passe la garde dans ce dépôt ?
Il y a un groupe la semaine, et un autre le week-end. A l’epoque le week-end c’était du vendredi matin au lundi matin, et on était payé 60€ pour le week-end complet. On effectuait quelques rondes entre les 2 grillages dans la journée, et entre 2 rondes on jouait à la playstation, sur PC portable, ou on regardait un film… La semaine pareil. C’était à l’époque, ça a dû changer (j’espère…).
Lorsque des personnes de gardes partent manger, le nombre de militaires qui reste à l’intèrieur du dépôt est restreint. Il m’est arrivé plusieurs fois de rester seul à l’intérieur de cette maison, situé à l’entrée de cet entrepôt de 200 hectares, et entouré de routes ! De toute façon, la journée, du portail du dépôt on ne voit pas l’autre bout. Il y a des caméras, mais seulement à l’entrée, le reste est complétement vide. C’est de la folie.
- Pensez-vous qu’il y a eu des dysfonctionnements au niveau de la sécurité ?
Ce matin j’ai été stupéfait de lire qu’il avait suffit de découper les 2 grillages, et que l’intérieur de la zone n’était pas équipée de caméras ! Je vois que rien n’a changé depuis 5, 10 ou 15 ans ! Surtout qu’à l’époque, on n’était pas en vigipirate… La garde c’est 5 militaires dans une petite maison au début de la zone, des « sentinelles ZMS », qui ne font plus de rondes après une certaine heure le soir. Et la nuit la sécurité est assurée par des maîtres chiens, qui patrouillent à pied avec un pistolet automatique et un Talkie-Walkie. C’est vraiment archaïque… Le véritable moyen de dissuasion, comme beaucoup de régiments en France : les panneaux « Zone Militaire » attachés tout le long du grillage. Un manque cruel de moyens et de personnels !
Pour moi le principal problème est le manque de personnel, et paradoxalement, la rotation de celui-ci. C’est un flux incessant de militaires qui passent. J’ai signé au début pour 1 an, et au bout de 6 mois je rentrais dans ce dépôt. Alors que moins d’un an avant j’étais encore lycéen ! L’armée fait trop confiance : depuis mon départ des dizaines de personnes sont passées dans ce dépôt. On ne connaît pas le passé, ni les intentions de certains. 3 jours est bien peu suffisant pour connaitre une personne, à qui on fournira un FAMAS quelques semaines plus tard.
Pour trouver des détonateurs et des explosifs au milieu de dizaines de « maisons », alors que toutes n’en ont pas, je pense qu’il faut un peu connaître les lieux. Ce dépôt de munitions existe depuis des dizaines d’années, et j’imagine que les mêmes munitions se trouvent au même endroits depuis toujours. J’ai d’ailleurs vu des caisses avec des étiquettes « Plan Marshall » dessus, ça ne date pas d’hier…
- Pour finir, des anecdotes à raconter ?
Oui beaucoup. La 1ère qui me vient à l’esprit, et qui va bien avec le sujet : rien que les 3 jours à Lyon pour passer les tests, on était 3 dans une chambre. Le soir un des jeunes nous a clairement dit qu’il était là pour apprendre le maniement des armes et que ça lui servirait un jour pour faire des braquages. Je ne sais pas ce qu’il est devenu, ni même s’il a été pris par l’armée… mais son cas ne doit pas être un cas isolé malheureusement.
Quelques semaines plus tard, lors de ma Formation Initiale, on nous apprend que l’armée est apolitique, et laïque. Normal. Mais ça n’empêchait pas un jeune musulman d’origine Sénégalaise d’étendre son tapis tous les soirs pour faire sa prière dans la chambre. Les cadres ne disaient rien, ils laissaient faire.
J’ai aussi le souvenir de cette fille, jeune engagée, qui m’avait confié un jour à Miramas que si un jour il y avait la guerre entre les Français et les Algériens, elle serait avec ces derniers. Cette fille avait le droit de porter un FAMAS, et on avait également travaillé ensemble dans le fameux dépôt munitions…
Ces cas commencent à dater, mais je pense que depuis une bonne dizaine d’années le ver est dans le fruit. Ce que je raconte ici c’était bien avant les Merah, les frères Kouachi etc. Beaucoup de personnes pourraient avoir besoin de ce dépôt pour s’équiper, que ça soit pour du grand banditisme ou des attentats terroristes.
Source : De Fdesouche.com