Varoufakis: Nous avons rendue publique la façon non démocratique dont l’Europe prend des décisions [vidéo]

Entretien exclusif - YANIS VAROUFAKIS sur ECORAMA

Défaite des frondeurs de Syriza aux dernières législatives, relations avec Alexis Tsipras, faiblesse du gouvernement français, coulisses des négociations entre la Grèce et ses créanciers, plan d'aides voué à l'échec, avenir politique : Yanis Varoufakis, ancien ministre des Finances grec, revient sur son expérience du pouvoir et livre son analyse de la politique économique du gouvernement français. Pour lui, "Les réformes de M. Macron ne marcheront pas"

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Source et article ICI

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Merci à Pierre H

“C dans l’air”, 22 septembre : “Référendums, béquilles de la politique”

Nos lecteurs nous informent (merci à Marie-France) :

NDMF : De grands démocrates ! Parce que des maires  (PS et républicains) ont osé consulté leurs administrés sur divers sujets .. le référendum serait de la démagogie !

A la minute 1:02:35, à la question d'un téléspectateur à propos du modèle suisse, l'un des intervenants se fait une joie perverse de rappeler que "La Suisse a voté contre les minarets .. vous voyez le danger !"

Vidéo ICI

La démocratie et la démographie tuent l’Afrique – Par Bernard Lugan

L’Afrique sud saharienne est frappée par deux maladies mortelles, la démographie et la démocratie [1].

Le mal démocratique est la conséquence du « one man, one vote ». La raison en est simple : les fondements individualistes de la démocratie moderne sont incompatibles avec les réalités communautaires des sociétés africaines. Là est la cause principale des conflits qui ravagent le continent au sud du Sahara. Contrairement à ce que psalmodient les tenants de la doxa, ce ne sont ni la question du développement, ni les problèmes économiques qui sont à l’origine des guerres africaines [2] – même si, ici ou là, minerais rares ou précieux peuvent en être le carburant – mais le Politique. Ainsi :

- Au Soudan du Sud, comme les Dinka sont les plus nombreux, ils sont assurés de détenir le pouvoir, ce que les Nuer refusent. La guerre ne cessera donc pas.

- Au Mali, les Touareg, moins de 5% de la population, sont écartés du pouvoir par la mathématique électorale. Alors que le règlement de la crise passe par la reconnaissance de cette réalité, la seule solution proposée fut la tenue d’élections. Or, pas plus au Mali qu’ailleurs, le scrutin n’a réglé le problème nord-sud car l’ethno-mathématique électorale n’a fait que confirmer la domination politique des plus nombreux, en l’occurrence les Sudistes. D’autant plus que pour ces derniers, les ennemis ne sont pas tant les islamistes que les séparatistes touareg.
- En Afrique du Sud, les Blancs (environ 8% de la population) n’ont ethno-mathématiquement parlant aucune chance de l’emporter dans des élections face aux Noirs. A ce clivage racial vient s’ajouter une fracture ethnique qui fait qu’au sein de l’ANC, le parti de gouvernement, les plus nombreux parmi les Noirs, à savoir les Zulu (environ 25%) l’ont ethno-mathématiquement emporté sur les Xhosa (environ 18%). L’avenir du pays s’inscrira donc automatiquement à l’intérieur de cette réalité.

- Au Rwanda, les Tutsi (10% de la population) ont ravi le pouvoir aux Hutu (90%) à la faveur du génocide et ils le conservent grâce à des pratiques politiques dignes de la grande époque du système communiste. Si des élections libres étaient organisées, le régime tutsi serait électoralement balayé par l’ethno mathématique.

Le problème politique africain se résume donc à une grande question : comment éviter que les peuples les plus prolifiques soient automatiquement détenteurs d’un pouvoir issu de l’addition des suffrages ?
La solution réside dans un système dans lequel la représentation irait aux groupes, l’Etat-nation de type européen étant remplacé par l’Etat-ethnique.

Deux problèmes se posent cependant :

1) Les ethnies les plus nombreuses peuvent-elles accepter de renoncer à un pouvoir fondé sur le « One man, one vote » qui leur garantit pour l’éternité une rente de situation tirée de leur démographie dominante ?

2) Les gardiens occidentaux du dogme démocratique pourront-ils accepter cette révolution culturelle sapant les fondements de leur propre philosophie politique ?

[1] La première ayant été traitée dans un précédent numéro de l’Afrique Réelle, c’est à la seconde que cet éditorial est consacré.
[2] Bernard Lugan Les Guerres d’Afrique, Le Rocher, 2013. Prix de l’UNOR (Union nationale des Officiers de réserve).

 

Source Novopress

Ecole obligatoire et harmonisation scolaire : remettre les pieds sur terre de toute urgence

L’harmonisation scolaire décidée au niveau romand se déroule d’une bien curieuse façon. Jugez-en par vous-même.

Dès 2003, une déclaration d’intention politique exprimant la volonté des différents départements de l’instruction publique d’harmoniser les contenus de l’école obligatoire était signée. Ce document n’ayant pas de portée juridique concrète, les responsables d’alors se sont lâchés et ont formulé toute une série de vœux n’ayant à peu près aucun fondement sérieux. Par exemple, on a vu apparaitre les notions de « pensée créatrice », de « réflexion » ou autre « démarche critique » découplée des connaissances à acquérir. Or, les expériences menées dans le domaine des sciences cognitives démontrent qu’il n’est tout simplement pas possible de faire preuve de créativité, d’esprit critique ou autre sans faire appel à des connaissances précises dans les domaines d’étude en question. Essayez juste pour voir de faire preuve de créativité au piano sans connaitre vos gammes ou de poser une réflexion critique au sujet de la physique quantique sans en connaitre les fondements. C’est tout simplement impossible.

La déclaration en question a, en outre, été jusqu’à prescrire des attitudes pédagogiques (« différencie ses démarches pédagogiques selon les dispositions intellectuelles et affectives des élèves ») qui, elles non plus, ne trouvent aucun fondement sérieux dans les données empiriques à disposition à ce jour et ne relèvent que de la théorie et non du fait avéré (scientifiquement ou non).

Dans le même temps, la constitution fédérale subissait elle aussi quelques modifications enjoignant à harmoniser les contenus (art 62 al.4). Mais ces exigences sont en fait fort peu développées et ne touchent que des compétences fondamentales dans les branches principales.

Avec l’entrée dans le processus d’harmonisation proprement dit, la donne changea quelque peu. Le concordat HarmoS du 14 juin 2007  fixe à son tour les finalités de la scolarité obligatoire dans l’espace romand. Et là, c’est la surprise puisque les exigences précédemment citées n’apparaissent tout simplement pas dans l’accord en question ! HarmoS se borne à fixer des finalités acceptables par tout un chacun. Prenons le cas des sciences humaines et sociales (histoire-géographie) pour exemplifier la chose : HarmoS exige l’acquisition d’une « culture scientifique permettant de connaître et de comprendre les fondements de l’environnement physique, humain, social et politique » (caractères mis en gras par moi). Autrement dit, des connaissances de base et pas des pseudos compétences analytiques (celles-ci existent mais en tout cas pas de la manière dont certains voudraient les faire exister, mais c’est un autre sujet), de la pensée créatrice ou je ne sais quelle autre démarche critique. La seule explication crédible à ce revirement de situation qui me vienne à l’esprit est la suivante : conscients que certaines formulations poseraient vraisemblablement problème devant les parlements cantonaux, voir devant le peuple en cas de référendum, les décideurs du moment se sont résolus à ne pas risquer l’échec et ont donc supprimé de l’accord tout ce qui pouvait prêter à discussion. Il fallait bien cela pour qu’HarmoS, déjà fortement contesté dans certains milieux puisse passer la rampe. Si quelqu'un  a autre chose à proposer, je suis preneur...

Une fois HarmoS accepté et l’écueil démocratique évité, les autorités scolaires ont à nouveau changé leur fusil d’épaule. La déclaration de 2003 est notamment réapparue avec toutes ses exigences délirantes. Pire encore, la conférence intercantonale des départements de l’instruction publique (CIIP) s’est attribuée le droit de mettre sur pied le plan d’étude romand  (PER) (HarmoS ne précise en effet pas qui est responsable de le faire) et s’est livrée à un véritable feu d’artifice puisqu’elle impose toute une série de démarches pédagogiques totalement invalidées par l’ensemble des tests empiriques menés à ce jour. De plus, ce que l’on appelle « compétences transversales » du type « pensée créatrice » dont il a été question plus haut réapparaissent en force et se voient même renforcées acquérant un rôle central dans le PER. Enfin, l’acquisition de connaissances, pourtant centrale dans le domaine des sciences humaines et sociales notamment selon HarmoS, est largement diluée voir même remplacée. Pour illustrer le cas, signalons qu’il est aujourd’hui possible, en suivant scrupuleusement le PER, de finir son école obligatoire sans avoir jamais entendu parler de Staline. Certains se demandent peut-être comment c'est possible. C’est bien simple, le PER s’acharne plus à obliger les enseignants à procéder de telle ou telle manière qu’à fixer des objectifs d’apprentissage. Il est plus question d'imposer le constructivisme que de décrire précisément ce qui doit être acquis. Vous ne me croyez pas ? Et si je vous dis que le plan d’étude impose l’utilisation de bandes dessinées ou autres films pour enseigner l’histoire et que les thèmes à aborder sont à choix ? Ou alors qu’en géographie, il est impératif pour les élèves de « repérer des éléments essentiels liés au risque dans une illustration ou un film » en travaillant sur le thème des changements climatiques? Dans celui-là et pas un autre donc…Pire encore, en ce qui concerne le vocabulaire à acquérir quelques exemples sont donnés et le reste est signifié par l’utilisation des … Ce qui démontre clairement le niveau d'importance accordé aux connaissances dans le plan d'étude romand.

De manière globale, l’ensemble de ce qui est exigé par le PER en histoire-géographie notamment ne se décline pas sous forme de connaissances tel que le préconise HarmoS mais se décline sous forme de pseudos compétences qui n’en sont pas vraiment mais servent de prétexte à imposer une méthode de travail aux enseignants.

Pour couronner le tout, et pour être bien sûr que personne ne fasse autre chose, la CIIP a pris à sa charge de créer des moyens d’enseignement sur mesure. Là aussi, la démarche est totalement hallucinante puisqu’il n’est pas possible pour un autre organisme de proposer un livre alternatif. La démarche a été tentée en mathématiques, mais s’est heurtée à un refus catégorique. Même l’éducation nationale française n’a pas de si grandes prérogatives et ne centralise pas autant. Un comble pour un pays qui se veut libéral comme la Suisse…

En résumé, le processus d’harmonisation de l’enseignement obligatoire en Romandie, c’est :

  • Le contournement de la démocratie
  • L’imposition de méthodes pédagogiques parmi les plus inefficaces existantes
  • Le quasi abandon des connaissances
  • La centralisation la plus absolue et le monopole de la production des moyens d’enseignement

L’avenir s’annonce décidément radieux si on ne remet pas immédiatement les pieds sur terre…

 

Stevan Miljevic, le 6 juillet 2015

Initiatives populaires: Avenir Suisse veut affaiblir notre démocratie

Avenir Suisse propose d'abord d'instaurer un examen de la validité des initiatives par la Chancellerie fédérale avant la récolte de signatures. Il s'agirait ensuite d'augmenter le nombre de signatures à 4% du corps électoral, soit 210'000 signatures contre 100'000 actuellement.

Lukas Ruehli, Gerhard Schwarz et Tibère Adler, soit la tête d'Avenir Suisse, devant la presse à Zurich ce 7 avril.

Lukas Ruehli, Gerhard Schwarz et Tibère Adler, soit la tête d'Avenir Suisse, devant la presse à Zurich ce 7 avril.

Il faudrait aussi introduire un référendum obligatoire sur la législation de mise en oeuvre des initiatives. Elle permettrait d'éviter les manoeuvres tactiques lors de la concrétisation d'une initiative, estime Avenir Suisse.

Source

Démocratie à la française : Avec 1,3%, le PCF a 3 fois plus d’élus que le Front National à 25%

Sous son seul nom, le PCF atteint 1,3% des suffrages pour ces élections départementales de 2015. Sous la bannière conjointe Front de Gauche, il réalise 4,73% des voix. Soit un total de 6%.

Le Front National, avec plus de 5 millions de voix, réalise un score de 25,19%. Pourtant, au soir du second tour, le groupuscule communiste obtenait 167 conseillers départementaux quand le FN en obtenait 62, c’est-à-dire 3 fois moins.

Source

Nous vivons en oligarchie et non en démocratie.

Par Liliane Held-Khawam

Le choc des civilisations du 21ème siècle est bien moins celui du fait religieux que de celui de l’abandon de la démocratie en Occident!  Plus le mondialisme avance et plus la démocratie recule. La financiarisation à outrance des moindres recoins de la société inverse toujours plus les priorités de celle-ci pour finir par l’asservir.

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Cesla Amarelle: “Juges étrangers: vitaux pour la démocratie”

L’initiative «Le droit suisse prime le droit étranger» attaque la Cour européenne des droits de l’homme et ses juges. C’est une diatribe populiste mensongère pour saper l’Etat de droit.

Par le passé, tous les grands hommes de pouvoir (de Gaulle, Jefferson, Roosevelt, etc.) y sont allés de leur diatribe pour contrer l’interprétation des lois par les juges, surtout lorsque celles-ci touchent à la constitutionnalité. Aujourd’hui, ce sont surtout les populistes qui cherchent depuis 2004 à imposer leur loi. Ils cherchent en particulier à faire appliquer des règles d’automaticité pour le renvoi des délinquants étrangers qui anéantissent tout pouvoir d’appréciation des juges. Dernière volonté en date pour imposer l’automaticité des renvois: une initiative pour faire prétendument primer le «droit national» sur le «droit international» qui cherche à éradiquer la Convention européenne des droits de l’homme et ses juges.

Entre 1974 et la fin 2013, seul 1,6% de l’ensemble des requêtes enregistrées contre la Suisse ont abouti à un constat de violation. Par ailleurs, lorsqu’une affaire est déclarée recevable (ce qui est très rare), la Cour parvient dans 83% de ces cas à un constat de violation. Dans le cadre des affaires suisses, seuls 60% des affaires considérées comme recevables aboutissent à un constat de violation (sic! oui "seulement" 6 cas sur 10). Ensuite, la Suisse n’est nullement menacée dans sa souveraineté par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette cour n’est ni «réformiste» ni «cassatoire», elle est juste «violationniste», c’est-à-dire qu’elle se contente de constater une violation de la CEDH lorsqu’elle l’observe et laisse les cours nationales faire le nécessaire. Elle n’a pas vocation à jouer la «quatrième instance».

Enfin et plus généralement, il importe de reconnaître l’importance considérable des juges et de certaines de leurs jurisprudences pour la vie des Etats démocratiques modernes. En Suisse, le retard par rapport aux autres Etats européens dans l’introduction du droit de vote des femmes a été causé par la démocratie directe, en particulier par le refus d’introduire le suffrage féminin sur le plan fédéral en 1959. Une fois introduit en 1971, le Tribunal fédéral va finir par contraindre le demi-canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures à appliquer le suffrage féminin. Les électeurs de ce canton avaient en effet massivement refusé en 1959 et confirmé ce refus en 1990 sur le plan cantonal.

Sur www.hebdo.ch retrouvez tous les billets de cesla amarelle dans son blogLe dessous des cartes


L’auteure

Cesla Amarelle enseigne actuellement les droits humains, le droit de la libre circulation des personnes et le droit des migrations. Elle est également conseillère nationale (PS/VD) et présidente de la Commission des institutions politiques.

(ND Christian Hofer: En clair, absolument rien en faveur des Suisses)

 

Nos remerciements à Theo Theo

La vie réelle en démocratie également donne tort aux constructivistes

La transmission culturelle par l'école est fortement contestée. Décriée car rendant les élèves passifs et donc incapables d'apprendre quoi que ce soit et décriée car autoritaire, donc non démocratique. Ces deux aspects comptent parmi les plus importantes sources de justification sur lesquelles se basent les adeptes des pédagogies dite "actives" ou "constructivistes" pour imposer leurs méthodes.

Qu'en est-il concrètement? S'agit-il de faits avérés qui appellent réellement modification ou est-on en face de croyances quasi religieuses promulguées par une secte d'intégristes pédagogistes? Essayons d'y voir un peu plus clair. Pour y parvenir, des situations de la vie de tous les jours vont être convoquées. Après tout, puisque les constructivistes estiment qu'il faut traiter les élèves comme des citoyens à part entière dans l'enceinte scolaire, il n'y a guère de raison de penser qu'on ne peut se servir d'exemples tirés de la vie quotidienne des citoyens pour illustrer la pertinence ou non de certaines pratiques scolaires.

Le premier de ces exemples est la publicité. La pub est omniprésente dans notre monde, à la télé, dans la rue comme dans nos boites aux lettres. Dans la plupart des cas, nous ne nous intéressons pas franchement à elle et la subissons d'une manière plutôt passive. Or, puisque les différentes entreprises continuent à nous bombarder de messages publicitaires, il faut conclure que cela fonctionne et qu'elles en tirent bénéfice. Les sommes gigantesques investies dans le domaine permettent d'affirmer sans trop d'hésitations que les résultats obtenus sont à la hauteur de l'investissement. Par conséquent, il nous faut bien conclure que, même si nous subissons la publicité passivement, celle-ci parvient à modifier nos comportements dans le sens désiré par le commanditaire du message. Autrement dit, même dans des situations de passivité présumée très prononcée, nous ne sommes pas inactifs contrairement à ce qu'affirment les constructivistes puisque nous assimilons un message suffisamment fort pour changer(ou renforcer) nos habitudes.

Cette entrée en  matière ne doit toutefois pas nous inviter à considérer qu'un élève amorphe est un élève qui apprend avec assiduité, bien au contraire. Elle invite simplement à ne pas confondre illusion de passivité avec inactivité. Lorsqu'un élève écoute avec attention son enseignant, il n'est pas si inactif que cela et son activité mentale est largement supérieure à ce que prétendent les constructivistes. Bien sûr, il convient de distinguer entre un élève amorphe et un élève attentif, distinction que les constructivistes peinent donc à faire étant donné leur affirmation, ce qui, vous le conviendrez, n'aide pas à supposer que ces gens soient des enseignants hors pair.

En passant, ce genre de déformations grossières sont assez courantes dans la rhétorique constructiviste. Je pense par exemple à la vieille métaphore de la cruche. Qui n'a jamais entendu dire que, dans la pédagogie traditionnelle, on voyait l'esprit de l'enfant comme une simple cruche à remplir? Or, la métaphore d'origine, tirée des textes du père Jouvency au XVIIème siècle est en réalité beaucoup plus subtile: "Le maître n'oubliera pas que l'esprit des enfants est comme un petit vase d'étroite embouchure, qui rejette la liqueur qu'on y jette à flots et qui reçoit celle qu'on y introduit goutte à goutte." (1) En clair, ce que ce jésuite exprimait était la nécessité de tenir compte des limites imposées par l'architecture cognitive des élèves, ce qui, vous le conviendrez, n'a pas grand chose à voir avec la manière dont les constructivistes présentent la chose. Je laisse à chacun le soin d'apprécier la nécessité de ce type de stratagèmes lorsqu'on est sûr de son fait et que ce qu'on a à dire est réellement pertinent...

Fermons cette parenthèse pour revenir au sujet de base de ce billet et intéressons nous à l'information telle que nous la vivons dans notre société. La presse écrite ou le journal télévisé sont d'excellents exemples de transmission que nous vivons au quotidien. Dans les deux cas, il n'est pas question de construction des savoirs par le lecteur ou téléspectateur et, pourtant, dans les deux cas, ceux-ci arrivent à emmagasiner les informations qui leur sont données. Ils arrivent également à changer leur représentation du monde et de son fonctionnement sur la base de ces canaux d'information, ce qui exclut l'idée que ces connaissances n'ont pas un bon impact sur leur développement. Qu'on soit clair, le propos n'est pas ici de savoir si la presse écrite ou la télévision fournisse une information adéquate. Je ne traite pas des contenus. Il s'agit simplement de constater que ces vecteurs communicatifs sont amplement suffisants pour qu'un apprentissage se fasse et que rien n'exige une participation plus active au sens constructiviste du terme pour y arriver.

Passons maintenant à l'aspect démocratie. Les constructivistes se targuent de fournir un modèle éducatif plus démocratique. En fait, il s'agit là d'une énorme confusion. L'effacement du maître en tant que figure autoritaire n'a absolument rien de plus démocratique puisque toutes les démocraties fonctionnent à l'aide d'institutions autoritaires telles que la police par exemple. Personne, hormis quelques extrémistes, n'oserait prétendre que la dotation en forces de l'ordre d'un pays le rend antidémocratique puisque cela rejetterait à peu près toutes les nations dans le camp des dictatures. De même aucun de ces mêmes pays ne fonctionne sans hiérarchie puisque le principe même des démocraties telles que nous les vivons consiste à déléguer le pouvoir de gouverner à des instances législatives, exécutives et judiciaires et que ces instances se trouvent à la tête de hiérarchies (notamment l'exécutif) nécessaires au fonctionnement d'un état moderne. Il y a donc grave confusion entre démocratie et nivellement égalitaire et collectiviste dans les écrits des théoriciens constructivistes. Je rappelle en passant que la réalisation la plus aboutie en terme d'état collectiviste et égalitaire (l'URSS) s'est immédiatement muée en une société outrancièrement hiérarchisée et policée. Le fait que cette création se soit emparée du constructivisme éducatif pour en faire le pilier de son système de formation n'est aucunement du au hasard (2).

Plus encore que la confusion entretenue vis-à-vis de ce qu'est une démocratie, j'affirme que, paradoxalement, l'enseignement constructiviste est fondé sur des bases qui ne sont pas compatibles avec la pratique de la démocratie telle que nous la vivons. Dans notre société, le citoyen vote sur des projets et élit des représentants. Or, ces projets et les orientations de ces représentants doivent être présentés aux citoyens pour que ceux-ci puissent se décider en pleine connaissance de cause et choisir ce qui leur convient le mieux. Nous n'avons ni le temps ni la compétence de construire nos savoirs à propos de ces sujets. Cela demanderait, en effet, à chaque citoyen de passer par chaque fonction  touchant à chaque projet ou chaque programme politique, ce qui est totalement impossible. L'usage de la démocratie exige donc la transmission par les candidats ainsi que divers intervenants plus ou moins experts dans leur domaine des informations nécessaires aux citoyens pour que ceux-ci puissent faire des choix raisonnables. Penser qu'on pourrait fonctionner sur la base d'une philosophie de construction des savoirs est irréaliste car cela exigerait de chaque citoyen un degré de formation impossible à obtenir mais également la mise sur pied d'un système assez similaire à celui de l'esclavage pour dégager le temps nécessaire à la construction de ces savoirs si celle-ci était possible. Autant dire que lorsque les constructivistes prétendent faire de l'école le lieu de la vie réelle, ils sont complètement à côté de la plaque. Sauf bien sûr à considérer la praatique citoyenne comme relevant de l'échange de bistrot avec ses pairs.

Il est même possible d'aller plus loin en affirmant que si les pratiques transmissives ne sont pas aptes à fournir les savoirs et savoir faire nécessaires dans le cadre scolaire comme le soutiennent les constructivistes, elles ne sont alors pas non plus capables de fournir au citoyen les outils mentaux sur lesquels repose le bon fonctionnement de la démocratie puisque, comme on l'a vu, la pratique de celle-ci se base sur la nécessité de la transmission par les candidats et les experts des éléments nécessaires à la prise de décision démocratique!

Autant dire tout de suite que nier la transmission à l'école ne favorise en aucun cas la pratique de cette même transmission dans la vie extra-scolaire. L'inverse aurait même tendance à être beaucoup plus réaliste.

Stevan Miljevic, le 23 octobre 2014, pour les Observateurs et sur le net

(1) Clermont Gauthier, "De la pédagogie traditionnelle à la pédagogie nouvelle" in Gauthier, Tardiff "La pédagogie, théories et pratiques de l'Antiquité à nos jours", 3ème édition, Gaëtan Morin, p.101

(2) https://stevanmiljevic.wordpress.com/2014/09/14/heures-de-gloire-du-constructivisme-lurss-des-annees-20/

De vrais démocrates : ils veulent que l’on revote !

Des personnalités veulent un nouveau scrutin

Le clown Dimitri et d'autres personnalités suisses annoncent la couleur: il veulent lancer une initiative pour contrer le scrutin du 9 février et l'initiative de l'UDC.

La résistance s'organise contre le texte de l'initiative de l'UDC sur l'immigration de masse que le peuple a acceptée le 9 février dernier. Le groupe «Sortons de l'impasse» veut lancer une nouvelle initiative pour annuler le texte du 9 février.

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Commençons par respecter notre démocratie !

VoibletPar Claude-Alain Voiblet

Depuis le 9 février dernier, l’UDC constate qu’il ne se passe plus un jour sans que les médias s’époumonent, ouvrant largement leurs lignes à toute une série de critiques, réclamant un nouveau vote sur le maintien de la libre circulation des personnes, quitte à ne pas donner suite au vote du peuple suisse en faveur d’un contrôle migratoire plus strict. A ce jeu-là, ce que déclame tout politicien européen ou suisse qui revendique son hostilité au succès de notre pays, devient parole d’évangile dans la majorité de nos médias.

Revenons dans notre pays et là aussi le contraste est parfois hallucinant. Ainsi sur les ondes de la Radio Suisse Romande, Nicolas Hayek insistait pour relever que notre pays doit montrer sa fierté, avoir confiance en lui et ne pas céder aux pressions extérieures. Il relevait que la Suisse fait beaucoup d’efforts pour les autres pays européens, mentionnant notamment nos financements successifs au Gothard pour améliorer le trafic au sein de l’Union européenne. Quelques heures après la diffusion de ces paroles pleines de sens, Patrick Aebischer, président de l’EPFL, réclamait à hauts cris sur les ondes de ce même média, un vote dans les trois ans sur notre allégeance à la libre circulation des personnes !

S’exprimant dans la presse le 23 juillet, le secrétaire d’Etat Yves Rossier, en charge des négociations avec l’Union européenne, conclut une longue interview en mentionnant que : « Si on ne trouvait pas de solution pour l’immigration, cela pourrait mettre une fin à toutes les collaborations existantes avec l’UE. Il faudrait alors se demander si ce ne serait pas une bonne idée de consulter le peuple ». A lire de tels propos, notre parti constate que le peuple suisse doit s’attendre à ce que sa diplomatie cède immédiatement à toutes les pressions européennes en poursuivant, avant toute vraie négociation, l’objectif de faire revoter le souverain sur sa relation avec l’UE !

Notre parti tient à rappeler que le mandat du secrétaire d’Etat est en priorité de défendre les intérêts de la Suisse en recherchant la meilleure solution dans le respect des décisions institutionnelles. Il ne lui appartient pas d’alimenter le débat sur notre politique intérieure.

A ce stade, la Suisse et ses négociateurs en particulier, devraient se rappeler que l’accord sur la libre circulation des personnes prévoit une clause de révision permettant notamment de tenir compte d’importants changements dans les flux migratoires en Suisse et au sein de l’Union européenne.

L’UDC tient à rappeler que le 9 février dernier le peuple suisse a pris la décision de durcir la politique migratoire pour répondre à l’évolution démographique de ces dix dernières années, apportant ainsi une réponse claire. Aujourd’hui il appartient en priorité à notre gouvernement et son administration de mettre en œuvre ce choix indiscutable du peuple suisse.

Source

Lorsqu’une certaine conception de la démocratie démolit l’école.

L'école au service de l'économie?

Il est de coutume dans certains milieux d'accuser le monde économique de tous les maux. Certes, nombreux sont les patrons qui sont loin d'être des modèles de vertu et dont la conception du monde ainsi que les actes appelleraient correctif. Mais de là à accuser les tenants du néolibéralisme économique de mener l'école droit dans le mur, il y a de nombreux pas que je ne suis pas prêt à franchir, et ce pour plusieurs raisons.

La première de celle-ci réside dans la notion de performance: si l'école dérivait vraiment sous l'emprise d'un néo-libéralisme économique sauvage, alors les théories en vogue dans le monde de l'éducation seraient orientées vers le rendement. Or, je l'ai déjà montré à de multiples reprises, la quasi-totalité des études empiriques sérieuses démontrent qu'à peu près tout ce dont on fait la promotion en guise de méthode d'enseignement dans les institutions de formation comme dans les lieux de pouvoir de l'éducation va à l'encontre de l'idée de performance. On gaspille des quantités invraisemblables de ressources à faire l'apologie de ce qui ne fonctionne pas et qui a été objectivement mesuré comme tel. Vu sous cet angle, il faut bien admettre que le monde économique, sauf à le penser comme totalement schizophrène, ne peut tout simplement pas faire l'apologie des pratiques socio-constructivistes.

La deuxième objection majeure à un éventuel pilotage de l'école par un vil complot économiquement néo-libéral réside dans les contenus scolaires. L'école telle qu'elle est promue aujourd'hui, se gargarise de remplacer les connaissances par des compétences (historiennes, sociales, géographiques etc). Or, outre le fait qu'il n'est pas prouvé qu'une partie de ces compétences existent réellement, un bref regard sur la nature de ces prétendues compétences ainsi que sur les exigences fournies par le monde professionnel démontre une forte inadéquation entre les deux. Quand le monde de l'entreprise demande de maitriser les fondamentaux (lire, écrire, compter), de la discipline, du respect et de la motivation, l'école répond par le développement d'éventuelles compétences sociales (fort contestées par certains chercheurs qui prétendent que celles-ci se développent naturellement. De ce point de vue, l'école n'invente pas l'eau chaude, elle la chauffe!), en se pliant aux envies des élèves par le biais de dispositifs pédagogiques dont l'inefficacité n'est plus à démontrer (on ne doute pas un instant que cela puisse contribuer à aider les jeunes à se motiver dans les situations difficiles...) , en développant des "compétences" requises à peu près nulle part ou en laminant l'autorité sous couvert de mettre l'élève au centre,  il y a de quoi s'interroger.

Ce d'autant plus que même en ce qui concerne ces fameuses "compétences sociales", l'école semble avoir oublié qu'une bonne culture générale commune permet de communiquer, et par conséquent de tisser des liens avec des gens qui n'ont pas les mêmes centres d'intérêt que soi. Ce qui peut s'avérer, dans la pratique, un gain substantiel en terme de cohésion entre les gens. Pour échanger et avoir des relations pacifiées avec autrui, il vaut mieux avoir des choses à se dire plutôt que d'avoir été soumis à des mises en situation de communication vides et sans aucun intérêt. Ca aussi, le tissu économique ne saurait s'en passer pour s'épanouir.

L'affaissement de la méritocratie scolaire constitue un pas de plus qui éloigne l'école des intérêts de l'entreprise. Durant une longue période, l'école a été cette institution formidable qui promulguait l'égalité des chances. Dans ce contexte, tous devaient avoir, dans la mesure du possible, des chances à peu près égales au départ. On acceptaient que les plus bosseurs et les plus talentueux s'en sortent mieux et soient récompensés. Bien sûr, rien n'a jamais été parfait, les conditions à domicile ne laissant pas à chacun des chances parfaitement égales. Mais l'école faisait ce qu'elle pouvait pour articuler égalité et mérite. Aujourd'hui, fortes sont les tensions qui vont à l'encontre du mérite. On veut de l'égalité non à l'entrée du processus scolaire, mais à la sortie! Il n'est plus question que chacun puisse réussir également, mais que chacun doive réussir également. La nuance est de taille puisqu'il s'agit ni plus ni moins que du nivellement total par le bas: le fainéant ou le moins doué doit impérativement obtenir le même succès que le génie travailleur. C'est dans cette optique que certains ont voulu supprimer les notes (stigmatisantes pour ceux qui réussissent moins bien) ou que toute compétition doit être éradiquée du cadre scolaire au profit de dogmes coopératifs. A cela s'ajoute la suppression de tout ce qui demande du travail (l'appropriation de connaissances par mémorisation) au profit de compétences analytiques bien souvent trop facilement acquises.

Enfin, last but not least, les entreprises d'aujourd'hui ne sont plus celles d'hier et n'ont plus forcément besoin de travailleurs formés à réaliser une manoeuvre technique et à la répéter indéfiniment. Elles ont besoin de gens capables de réfléchir, de prendre certaines décisions et pas uniquement de compétences techniques. Or, c'est bien plus la somme des connaissances qui permet cette réflexion, une somme de connaissances qui amène le développement d'une pensée sur le contexte dans lequel doivent s'exercer les compétences techniques et donc une application adéquate de celles-ci. Alors certes, les connaissances scolaires ne sont pas celles qui sont demandées par le monde de l'entreprise, mais il a aussi été démontré que plus un individu possède de connaissances, plus il en apprend d'autres rapidement. De ce point de vue là aussi on peut donc avec plus ou moins de certitude affirmer que le monde entrepreneurial n'a pas grand intérêt aux transformations entreprises visant à remplacer les connaissances scolaires par d'hypothétiques compétences.

L'ensemble de ces éléments tend à démontrer que le problème de l'école d'aujourd'hui, ce n'est pas le néo-libéralisme économique sauvage comme certains aiment à le désigner. Pour tout dire, cette manière de voir les choses aurait plutôt tendance à masquer une autre cause beaucoup plus vicieuse: l'entrée en force de la démocratie dans les salles de classe. Vicieuse, elle l'est car quiconque ne fait pas l'effort d'une réflexion ne peut qu'y voir quelque chose de positif, or ce n'est pas le cas. Depuis bien longtemps l'école a à faire avec la démocratie. Ce qui semble plutôt normal dans un régime de type démocratique. Mais une innovation de taille (ou plutôt deux) s'est introduite subrepticement.

L'entrée en force d'une certaine forme de démocratie

Jusqu'ici, on considérait que l'école était le lieu qui préparait l'enfant/ado à sa future vie de citoyen démocrate. L'école n'était pas un lieu de démocratie mais un lieu où on donnait à un individu encore incapable d'exercer ses prérogatives démocratiques, une formation qui lui permettrait plus tard de se comporter en citoyen vertueux. L'idée était que le jeune en formation n'avait pas encore la raison nécessaire pour exercer ses droits de citoyens. Cette raison était acquise par le biais de l'apprentissage de la soumission à l'autorité, par l'apprentissage d'une somme de connaissances permettant d'une part de comprendre le monde et d'autre part d'en acquérir d'autres, par la valorisation de l'effort démontrant qu'on n'obtient pas tout sur la base d'un claquement de doigts, par la mise en avant du principe d'unicité nécessaire au fonctionnement harmonieux d'une communauté etc. En somme, on faisait comprendre au jeune que tout droit, pour pouvoir être exercé, est relié à des devoirs, en l'occurrence, l'acquisition de la raison par les étapes souvent fastidieuses décrites plus haut.

Aujourd'hui le renversement est de taille puisqu'on veut que la démocratie ne soit plus une des principales finalités du monde scolaire mais un moyen.  On part donc du principe que l'enfant est déjà possesseur de la raison nécessaire à l'exercice démocratique avant même qu'il n'ait été formé à celle-ci. Dans le même temps, c'est un des buts principaux de l'école qui s'évanouit. Autant dire que dans ces conditions, c'est l'existence de l'institution scolaire elle-même qui, à long terme, est menacée: si l'enfant est un être raisonnable à priori, alors il n'a pas besoin d'être formé pour cela, il peut lui-même s'auto-éduquer.

Un des corollaires à cette entrée en force de la démocratie dans les salles de classe est le minage de l'autorité. Et ce à tous les échelons. En premier lieu, les enseignants sont de plus en plus invités à ne pas user de méthodes répressives et/ou incitatives pour contrer les comportements inadaptés. On les forme à développer des modèles d'auto-régulation des élèves: ceux-ci se lient par un contrat ou je ne sais quoi d'autre et ce n'est plus l'enseignant qui détient l'autorité en matière comportementale. En second lieu, c'est l'autorité de l'expertise face au savoir qui explose littéralement: on ne veut plus d'un modèle où l'enseignant a une autorité en tant que détenteur d'un savoir qu'il doit transmettre, on veut des élèves qui construisent eux-mêmes leurs savoirs, fussent-ils quasi inexistants. En aucun cas l'enseignant ne doit être considéré sur un plan hiérarchique, la seule chose qui vaille c'est l'égalité de tous les citoyens scolaires. Dans ces conditions ne reste plus qu'à l'enseignant à se transformer en animateur d'un club d'égaux.

Puisque l'élève est un être dont on considère que la raison est aboutie, alors il doit pouvoir lui-même choisir ce qu'il veut éventuellement apprendre. Le cours traditionnel où l'institution scolaire définit les savoirs nécessaires à l'usage de la raison passe donc par perte et profit pour être remplacé par des projets choisis par l'élève où il oriente lui-même ses apprentissages par les choix qu'il fait. Dans la mesure du possible, dans cet ordre d'idée, l'institution scolaire ne devrait pas non plus fixer les rythmes de déroulement des activités: puisque l'élève sait ce qui est bon pour lui, alors il sait aussi à quel rythme il doit faire ce qu'il a à faire et, par conséquent, les enseignants sont appelés à différencier, lorsqu'il en reste, les contenus. Il en va de même bien entendu pour la motivation des élèves: si un élève n'est pas motivé, alors il ne faut surtout pas le brusquer: vu qu'il est raisonnable par définition, il sait ce qu'il a à faire. En conséquence, il faut impérativement mettre sur pied des activités motivantes pour lui. Et cela justement alors qu'un des apprentissages fondamentaux à l'exercice d'une démocratie harmonieuse consistait à faire comprendre aux jeunes qu'ils était un groupe, une entité qui faisait les mêmes choses. Dans cette optique, on ne peut que comprendre pourquoi la vie en société se polarise de plus en plus et que les gens ont de plus en plus de peine à cohabiter avec ceux dont ils ne partagent pas les idées.

A bien y regarder, l'ensemble des changements qu'introduit cette manière de voir la démocratie dans l'école introduit une deuxième innovation fondamentale: l'éradication de l'idée de devoirs. Seuls sont mis en avant les droits: les élèves doivent avoir le droit de s'autogérer, le droit à des activités qu'ils ont choisi, le droit à des méthodes considérées comme motivantes (ce qui n'est même pas vrai mais c'est un autre sujet), le droit d'apprendre à leur rythme, le droit qu'on s'adapte à eux (et non l'inverse), le droit d'avoir des apprentissages sans effort etc. Il n'est quasiment plus question de devoirs puisqu'il ne faut surtout pas demander d'étudier certaines choses à la maison (ce serait discriminatoire pour certains...), qu'il faut supprimer ou modifier les matières considérées comme ennuyeuses, que l'acceptation et le respect de l'autorité ne sont plus d'actualité etc. Ou plutôt disons que les seuls devoirs qui restent sont ceux quoi ont trait à la lutte contre le racisme, contre les discriminations etc. Des devoirs fortement connotés idéologiquement donc.

Non seulement donc, nous ne sommes plus face à une école au service de la démocratie mais face à la démocratie au service d'une école bien en peine de définir ses finalités. Qui plus est, la démocratie en question est l'émanation d'une conception bien spécifique, celle qui ne fait que promouvoir des droits sans jamais (ou presque) rattacher ceux-ci à des devoirs. Une sorte de conception effectivement ultra libérale mais  au niveau social et non d'un point de vue économique. Sous couvert donc de mettre l'enfant au centre se cache en définitive une conception très idéologisée et politique du monde. Une vision dont on a pas encore pu bien mesurer les conséquences puisque l'école actuelle tend à fabriquer des jeunes qui pourraient croire que tout leur est dû et qu'ils n'ont aucun effort à fournir, qui n'auraient plus aucune notion de l'unicité d'une société avec tout ce qui en découle (augmentation de la violence contre ceux qu'on perçoit comme différents ou pensant différemment, aucune volonté de rechercher le bien commun etc), qui ne seraient plus forcément aptes à raisonner correctement (agir comme si la raison existait à priori, c'est agir de sorte à empêcher celle-ci d'émerger) que cela soit dans leur vie personnelle, professionnelle comme citoyenne. Autant dire que si le corps enseignant et la société se plient aux exigences de cette école-là, on n'est pas sorti de l'auberge...

Stevan Miljevic, 25 avril 2014