Le patron de Siemens a fait l'éloge de Carola Rackete. Il a blâmé Alice Weidel et a attaqué Donald Trump. C'est naïf et peut-être même dommageable pour l'entreprise. Un PDG doit satisfaire les intérêts de ses investisseurs, ne pas faire part de ses convictions. [...]
A présent, la colère de Joe Kaeser se focalise sur les tirades "racistes" de Donald Trump à l'encontre de quatre femmes démocrates. Cela a valu au patron de Siemens les éloges de la Fédération de l'industrie allemande et d'environ 1000 faiseurs d'opinion [...].
Le patron de Siemens n'est pas un entrepreneur qui risque son propre argent. C'est un employé et il gère de l'argent qui ne lui appartient pas. A cet égard, il dépend des instructions des actionnaires. Ces derniers ne l'ont pas autorisé à exprimer son opinion politique. Une telle autorisation serait également peu probable, puisque la majorité de la société appartient à des étrangers, dont beaucoup ne sont pas intéressés par les opinions politiques de leur administrateur. Mais Joe Kaeser ne leur a pas demandé leur avis non plus. [...]
Un PDG doit satisfaire les intérêts de ses investisseurs. Il ne peut pas faire part de ses convictions. On ne peut pas exclure qu'il ait porté atteinte aux intérêts de l'entreprise en perdant des contrats américains. Sa déclaration, selon laquelle il exprimerait une opinion privée, est ridicule. Lorsque M. Kaeser parle en public, il parle toujours en tant que patron de Siemens. Si j'étais membre du Conseil d'administration, sa décharge de responsabilité m'irriterait profondément.
Les tweets contribuent à un développement qui se propage comme un champignon nucléaire dans les sociétés occidentales - la moralisation. "Agenouillez-vous et confessez que vous êtes une mauvaise personne !" Quiconque passe de l'économie moralisatrice au système politique ne devrait pas être surpris si, inversement, la politique s'étend au système économique. Il y a quelques mois, lorsqu'il s'agissait de fournir du ciment allemand pour l'éventuelle construction du mur de Donald Trump, plusieurs voix se sont élevées pour considérer cela comme moralement inacceptable.
Depuis Luhmann, nous savons que chaque fois qu'un sous-système social commence à corrompre d'autres sous-systèmes, il est en crise. Il est intéressant de noter que parmi les apologistes des tweets de Joe Kaeser, nombreux sont ceux qui dénoncent la banalisation de l'économie dans d'autres système sociaux mais l'approuvent lorsque cela profite à leur idéologie. Pourtant, dans le système économique, nous avons une valeur infiniment précieuse, car idéologiquement neutre : le marché. C'est la seule "valeur" sur laquelle une entreprise peut s'orienter dans un ordre libéral. Le client décide d'acheter un produit ou de ne pas l'acheter. Il remplace ainsi l'aveu conflictuel par l’échange pacifique.
Il est possible que M. Kaeser utilise les migrants et les politiciennes démocrates simplement pour un gain de moralisation populiste. Ensuite, c'est aux clients de décider une fois encore s'ils préfèrent le triomphe du Bien aux lois de la raison.
(Traduction libre Christian Hofer pour Les Observateurs.ch)
Welt.de
A noter que le "journal" le Temps fait évidemment l'éloge de Joe Kaeser.