Les Tunisiens choisissent la loi des hommes contre la loi de Dieu

Mireille Vallette
journaliste

Les concessions d’Ennahda ont permis le vote d’une constitution moderniste, la garantie droits humains et la progression de l’égalité entre hommes et femmes. Mais tandis que les modernistes luttent ainsi en Tunisie contre les Frères musulmans, nos sociétés ne cessent de leur faire de la place.

 

 On ne boudera pas notre plaisir ! Après les calamités du Printemps arabe et le succès des Frères musulmans d’Ennahda, les constituants tunisiens nous réchauffent le cœur. Dans les cris et la fureur souvent, ils ont voté article par article, puis globalement, un texte empli de lumières séculières et humanistes, mêlé à quelques ombres menaçantes. La Constitution tunisienne reste la première à ne pas criminaliser l’apostasie.

Rappelons cette victoire majeure dans l’environnement intégriste: les constituants ont rejeté l’islam et le Coran comme source du droit. La liberté de conscience est garantie, donc la possibilité de changer de religion et de se déclarer sans. Mais le risque d’être condamné pour « atteinte au sacré » est maintenu par un amendement de dernière minute.

L’article 6 est emblématique de cet affrontement entre obscurantistes (majoritaires dans l’assemblée) et modernistes.

(On ne sait si cet étrange sabir est lié à la traduction): L’État est gardien de la religion. Il assure la liberté́ de croyance et de conscience et le libre exercice du culte et garantit la neutralité des mosquées et lieux de culte par rapport à toute instrumentalisation partisane.

L’Etat s’engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance, et à protéger les sacrés, interdisant toute atteinte au sacré.

Comme il s’engage à interdire les appels à l’accusation d’apostasie et l’incitation à la haine et à la violence, en s’y opposant.

Renforcer l’identité « arabo-musulmane »

Comme l’avait voulu Bourguiba en 1959, la Tunisie est une République. L’Etat est basé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit (des humains), et dessine les contours d’une vraie démocratie, même s’il est précisé que l'islam reste sa religion et l'arabe sa langue.

Il était difficilement imaginable, vu la force de frappe d’Ennahda, d’imaginer un texte totalement laïque et égalitaire. Ainsi l’Etat est chargé de renforcer « l’identité arabo-musulmane », notamment dans l’enseignement. Des cours, en sciences et en médecine, sont encore donnés en français.

Les droits humains sont confirmés en principe sans restrictions (hors l’atteinte au sacré): liberté d’expression, d’association, de réunion, de pensée, de création, droit de grève et imprescriptibilité du crime de torture. Un échec pourtant: le maintien de la peine de mort.

Les femmes et les hommes modernistes ont obtenu l’égalité des «citoyens et citoyennes» et l’égalité des chances dans les différentes responsabilités. L’Etat doit garantir les droits acquis, les développer et œuvrer à la parité dans les assemblées élues. Il doit aussi prendre des mesures contre la violence. (art. 45) Cet article est unique dans les pays arabes.

Parmi les articles discriminatoires, l'article 73 stipulait dans le projet initial qu’un candidat à la présidence de la République devait obligatoirement être Tunisien de naissance, musulman et pas possesseur d’une deuxième nationalité. Au final, il peut être double national s’il promet d’abandonner sa deuxième nationalité.

Précieux héritage mâle

Les islamistes ont dû aussi mettre de l’eau dans leur vin par l’acceptation d’une répartition du pouvoir entre chef de l’Etat et assemblée. Ils auraient voulu que celle-ci soit très largement décisionnaire.

La manière dont le côté parfois schizophrène du texte peut être utilisé par les islamistes est illustré par un conseiller d’Ennahda. Il invoque par exemple l’article1 qui fait de l’islam la religion du pays pour conclure: «En matière d'héritage, actuellement, la femme touche la moitié de ce que touche l'homme, et si jamais quelqu'un voulait changer cela, grâce à l'article 1, on pourrait s'y opposer car cela irait à l'encontre des lois de l'Islam ».

A l’issue de ce processus, Ennahda a cédé la place à un gouvernement d’indépendants. La première étape est gagnée, mais le processus fragile. Les Frères musulmans n’ont pas abandonné leur projet théocratique et ils ont placé des leurs à d’innombrables fonctions. Mais les plus grands dangers aujourd’hui résident dans la multiplication des conflits sociaux et les attentats de groupes djihadistes armés.

Schizophrénie occidentale

Le banc et l’arrière banc de nos progressistes occidentaux soutiennent avec force les modernistes … tout en accordant des concessions sans fin aux obscurantistes dans nos sociétés.

L’Europe confie la responsabilité d’innombrables mosquées à ces Frères musulmans ou à leurs frères jumeaux turcs et ne se soucient pas le moins du monde de savoir ce qui est enseigné. Elle laisse se déployer un projet théocratique dans toute la société : autorisation du foulard, du niqab, des prières au travail, de la non mixité, des rites alimentaires, des exigences dans les hôpitaux. Nos progressistes refusent aussi de voir la pression croissante pour le respect de rites violents tel le ramadan dès le plus jeune âge.

La bigoterie semble devenue une nouvelle valeur de la démocratie.

Témoin de cette incroyable acceptation de la régression religieuse islamique, le discours de cet imam de Roubaix pour la fête de fin de ramadan 2013 devant 6000 à 7000 fidèles. Ceux-ci, nous apprend la Voix du Nord du 8 août, occupent un terrain aimablement prêté par la mairie.

Le journaliste relate comme la chose la plus naturelle du monde : «  Après la prière traditionnelle durant laquelle l’imam a rappelé les fondamentaux de l’islam, mis en garde contre les foudres divines en cas de déviance et invité les mères de famille à voiler leurs filles et à obéir à leur mari, les fidèles se sont dispersés pour conclure en famille ce mois de ramadan. »

Demain, les combattants de l’obscurantisme devront-ils se réfugier en Tunisie ?

 

Mireille Vallette, 27 janvier 2014

3 commentaires

  1. Posté par riadh le

    La Tunisie a fait un pas important pour conserve sa société civile (et civilisé).
    Mais merci de ne pas y introduire des débats étrangers (européens), car c’est franchement casse gueule et rarement juste.
    un tunisien.

  2. Posté par John Simpson le

    Mireille vos sujets laissent à penser que vous êtes monomaniaque…Vous semblez vraisemblablement obsédée par l’Islam alors que celui-ci n’a pas de poids réel dans les société européenne contrairement à la propagande que vous soutenez. Le lobby sioniste est bien plus néfaste à cause de son influence au sein des exécutifs…

  3. Posté par sofia le

    bonjour, toutes les religions on été comprise avec ce que l’homme voulait seulement comprendre et voir . Mais en prenant le temps de lire vraiment les détails cachés ont apprend bcp de chose …et les raisons du pourquoi…comme il en font tout un plat pour la loi concernant l’héritage de la femme dans l’islam…c’est que normalement c’est l’homme qui devrait prendre la charge de la maison….et de ses enfants …pas la femme. Son argent des héritages avant est un bien pour elle que elle peut en faire ce que elle en veut même la garder caché a vie sans que son mari ne puisse y toucher. Tout comme l’argent de son travail que elle a si elle travail elle peut en faire ce que elle veut sauf l’homme que lui une grande part de ses revenu acquis doivent être pour la maison, pour sa femme et ses enfants. Les gens veulent modifier cela…du au fait que il veulent soit prendre la part de la femme …soit aussi car l’homme etant rendu plus faignant la femme veut pouvoir avoir acces a l’héritage surtout si elle se retrouve veuve ou divorcée si elle a des enfants a charges. ect ect aller lire …que ce soit sur les juifs…sur les chrétiens…sur les musulmans …sur le bouddisme ….sur tout et en détail pour vraiment comprendre le pourquoi .

Et vous, qu'en pensez vous ?

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