Morituri, de Yasmina Khadra

Francis Richard
Resp. Ressources humaines

Morituri 1 se passe en Algérie, pendant la décennie noire (1992-2002). Ce livre est né le 1er novembre 1994, lorsque l'auteur a été témoin de l'explosion d'une bombe artisanale dans le cimetière du village de Sid Ali:

Je venais de vivre le tout premier attentat terroriste de ma carrière 2.

 

En 1997, ce polar paraît, sous son pseudonyme de Yasmina Khadra, aux éditions Baleine, qui se dépêchèrent de le publier sans les corrections d'usage, avec une préface inappropriée.

 

L'édition actuelle est une version revue et corrigée, augmentée de quelques dizaines de pages.

 

Le narrateur est le commissaire Llob, dont le lieutenant s'appelle Lino. Il est marié à Mina et a deux enfants, un garçon et une fille. Il est le bon flic du quartier, constamment disponible et désintéressé.

 

Ce matin-là Brahim Llob est convoqué par son patron, qui lui donne l'ordre de le représenter à l'inauguration de la nouvelle résidence du gendre de monsieur Ghoul Malek.

 

Ledit gendre a juste de quoi se nourrir de sandwiches et s'acheter une douzaine de slips par plan quinquennal. Pourtant sa demeure n'a rien à envier au château de Versailles...

 

Dans la foule il croise des gros bonnets, parmi lesquels Sid Lankabout, l'écrivain arabophone, qui mène une chasse aux sorcières contre ceux, tel Brahim, qui écrivent dans la langue de Camus; et Haj Garne, l'un des plus dangereux flibustiers des eaux troubles territoriales...

 

Le maître de céans finit par le repérer et par le présenter, mais le commissaire n'a pas sa langue dans sa poche et ne se fait guère de relations solides dans ce monde qui n'a rien à voir avec son Algérie.

 

Le lendemain, au commissariat, il reçoit Aït Méziane, le comique national, un camarade d'enfance. Celui-ci lui tend une enveloppe qui contient une lettre de menaces, signée Abou Kalybse.

 

Plus tard, il reçoit une invitation à passer voir Ghoul Malek, le tsar révéré de la République, auquel il se présente un peu avant vingt-deux heures:

Tout porte à croire que ma fille a été enlevée. La dernière fois qu'on l'a vue, elle était avec une amie, dont les coordonnées sont au dos de la photo. J'ignore ce qu'elle était allée chercher aux Limbes Rouges. Ce n'est pas un endroit pour elle ni pour les filles de bonne famille.

 

Malek lui demande de la retrouver et d'être discret...

 

Aux Limbes Rouges, un cabaret, Sabrine n'est pas connue. L'adresse au dos de la photo est celle du Cinq Étoiles, un hôtel flambant neuf.

 

Anissa, l'amie de Sabrine, n'est pas son amie... Elle la connaît, parce qu'elle se fait remarquer... et suggère de s'adresser aux Limbes Rouges...

 

Retour aux Limbes Rouges ! Sans résultat, sinon de soulever la rogne de Ghoul Malek. En effet les Limbes Rouges, c'est sélectif et réservé: Llob ne doit pas y retourner; de plus il avait demandé d'être discret et ne veut pas entendre parler de Lino...

 

Renseignements pris par l'inspecteur Serdj, Sandrine Malek a dix-sept ans, est lycéenne à Descartes, Alger, et a été vue avec un certain Mourad Atti, proxénète à ses heures extra-pénitentiaires...

 

Quand Llob et Lino mettent, grâce à Serdj, la main sur Mourad, celui-ci leur dit travailler pour Haj Garne... lequel rive son clou vite fait bien fait à Llob quand celui-ci vient le voir chez lui:

Je suis le monument vivant de la pourriture. Et je t'emmerde. Parce que ton insigne de flic, c'est juste pour te numéroter, connard.

 

Brahim part avec Lino, puis, pris de remords, revient en mettre une au flibustier. Ce qui lui vaudra d'être tancé par son directeur à son retour au commissariat, parce que le Haj Garne a le bras long... Ce qui ne le démonte pas le moins du monde et ne l'empêche pas de clouer le bec à son dirlo...

 

Tous les principaux personnages présentés, l'histoire se déroule tambour battant, jalonnée d'actes commis par les terros. Un certain nombre de ces personnages vont ainsi passer de vie à trépas, d'où le titre du livre.

 

Mais au-delà de cette histoire policière, où le commanditaire des crimes sera confondu à la fin, c'est un portrait sans concession de l'Algérie d'alors qui est dressé par l'auteur.

 

Un exemple? L'éclairage sur le pays que donne le commissaire Dine, un collègue sur la touche, au commissaire Llob:

La mafia politico-financière. Toute cette putain de guerre terroriste, c'est elle qui l'a provoquée et c'est elle qui l'entretient...

 

Francis Richard

 

Morituri, Yasmina Khadra, 256 pages, Mialet Barrault

 

1 - Ave, César, morituri te salutant: Salut, César, ceux qui vont mourir te saluent (devise des gladiateurs).

2 - Il était alors chef du bureau de reconnaissance de la 2e région militaire (de septembre 1993 à septembre 2000).

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Parus chez Julliard:

 

L'équation africaine (2011)

Les anges meurent de nos blessures(2013)

La dernière nuit du Raïs (2015)

Dieu n'habite pas La Havane(2017)

Khalil (2018)

 

Parus chez Mialet-Barrault:

 

Pour l'amour d'Elena(2021)

Les vertueux(2023)

 

Publication commune LesObservateurs.ch et Le blog de Francis Richard.

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