La théorie du genre m’a rendue anorexique

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste

Aujourd'hui, en prenant mon petit-déjeuner, je méditais sur la théorie du genre, belle théorie qui nous explique que ce que nous sommes et faisons ne vient pas de nous. Ça vient de la culture, des parents, de la société. Nous croyons agir comme des mâles ou des femelles selon notre nature profonde. Eh bien, pas du tout ! C'est à la crèche que j'ai appris à devenir une femelle en faisant de la broderie. Et si, maintenant, je fais le trottoir, c'est à cause de la broderie. Le mouvement qui m'a porté de mon lit au trottoir n'a rien de naturel ; il est culturel. Il ne vient pas de moi, mais de ce qu'on m'a insidieusement suggéré en me faisant faire de la broderie. C’est ainsi que je suis devenue une prostituée.

 

Je méditais sur ces choses en sirotant mon café crème. Et tout à coup, je suis presque tombée de ma chaise. Etait-ce naturel de prendre un petit déjeuner ? Etait-ce moi qui voulais mordre dans un croissant ? Pétrifiée devant la profondeur abyssale de ce questionnement, j'ai renoncé à finir mon petit-déjeuner et je n'ai même pas fini mon café crème. Non mais, qui commande ici ? La culture ou ma nature profonde ? N'est-ce pas parce qu'on m'a dit de prendre un petit-déjeuner que j'en prends un, comme on m'a dit de devenir une femme en me faisant faire de la broderie à la maternelle ? Or moi, je ne veux pas obéir à quiconque, je veux être libre.

 

Impressionné par mes matinales méditations, j'ai décidé de me mettre en quête de mon moi profond pour savoir enfin qui j’étais et ce que je voulais. C'est vrai ça, c'est pas drôle de devoir toujours se mettre entre parenthèses, de faire le trottoir alors que notre moi profond veut conduire un quarante tonnes avec des tatouages sur de gros biceps.

 

Donc je me suis mis en quête de mon moi profond. Très dur de se lancer dans une telle quête ! A chaque fois que je faisais quelque chose, j'avais l'impression que ce n'était pas moi qui le faisais. Je sentais qu'on m'avait dit de le faire. C'est ainsi que progressivement, j'ai non seulement arrêté de prendre mon petit déjeuner, mais aussi mon déjeuner et enfin mon dîner. Bref j'ai arrêté de manger. C'était pénible mais j'étais fière car je n'obéissais plus à ce "on" qui m'avait dit de devenir une femme à la maternelle, puis m'avait imposé de mordre dans un croissant tous les matins. J'étais d'autant plus fière que j'avais eu des cours de philosophie où j'avais entendu parler d'un certain Heidegger. Selon cet éminent philosophe, la modernité nous soumet à la dictature du "on" justement. Toute seule dans ma chambre et avant de descendre dans la rue, je prenais Heidegger à témoin en lui disant : "Voyez, grand maître, je suis devenue libre !" Plus tard, j'ai laissé tomber le "grand maître". Et aussi le trottoir.

 

Plus les jours passaient, plus je jouissais de ma liberté. Outre un strict jeûne, je ne dormais même plus dans mon lit mais dans une armoire. Au bout de quelques semaines j'étais devenue squelettique ou anorexique sans savoir si c'était l'un ou l'autre. Mais le pire était le manque de sommeil. Je n'arrivais plus à soulever mes paupières. Est-ce pour cela que je n'ai pas trouvé mon moi profond ? Quoi qu'il en soit, je ne sais toujours pas si je suis une femme ou un homme, et la nuit, ça m'angoisse.

Jan Marejko, 11 février 2014

3 commentaires

  1. Posté par Renaud le

    Faudrait que les ministres retournent en loges étudier plus sérieusement les niveaux de l’être.
    La liberté de l’être est d’un niveau largement supérieur au sexe et au genre et ne consiste pas à en changer au gré de la fantaisie.

  2. Posté par Michel de Rougemont le

    La « théorie du genre » est à l’anthropologie ou à la sociologie ce que Lyssenko a été à la génétique: une théorie élaborée sur le désir du résultat.

  3. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Voici une belle occasion de me goberger! Des observateurs pour une fois! en leur reservant un texte qu’ils n’ont pas jugé bon de publier. Dont j’avais des raisons d’être fier puisque j’en ai découvert le contenu tout seul. Seulement cette fois, avant de commencer, je rends hommage à celui qui m’a ouvert une porte. A-D Grad qui, dans son livre « Moïse l’hébreu » déclare que l’hébreu est la langue de la science de l’être.
    Chaque lettre y a un nom, et une valeur. Selon cette économie, le mot désignant « père » vaut trois. Le mot désignant « mère » vaut 41. Le total fait 44! Or l’enfant, iod (10) + lamed (30) + daleth (4) équivaut à la somme de père et mère! Et ce en hébreu, pas en chinois,ni en araméen et encore moins en grec! Encore une louche? D’actualité.Mais celle là est de Grad! Adam vaut 45, Eve vaut 19 et IHVH vaut 26! 45 moins 19 = 26. Conclusion? Dieu est dans la différence. C’est un sacré mystère! Je suis fondée m’interroger! La religion n’est-elle pas un moyen d’évacuer, au même titre que l’antiracisme, le mystère? Les dogmes sont plus confortables que l’angoisse du mystère. Et, quelle que soit l’orientation, nul n’échappe à cette réalité. Incontournable! C’est à tort qu’on associe le veau d’or au fric et aux masses de pognon! J’ose même dire qu’à cet égard le Pape est d’une indigence navrante.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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