Couchepin: «On n’a pas besoin d’être xénophobe pour s’interroger…»

Dans l’Illustré.

"- Mais qu’est-ce qui explique la particularité de cette situation en Europe?

La liberté économique. En Suisse, on n’a pas cherché à protéger des secteurs qui n’étaient plus concurrentiels au niveau international. Je me rappelle qu’à la fin de la guerre de 39-45, 200 000 personnes travaillaient dans l’industrie textile. Sauf erreur, il en reste aujourd’hui 5000. L’industrie horlogère comptait jusqu’à 90 000 employés dans les années 50. Même si le secteur est florissant, il en emploie un peu plus de 50 000 aujourd’hui et s’est repositionné sur l’horlogerie de luxe. On a laissé l’économie se développer naturellement. Certaines industries ont disparu, d’autres sont nées. Par ailleurs, on n’a pas tapé fiscalement sur la tête des entreprises qui réussissent, et depuis la libre circulation, on a trouvé le personnel nécessaire pour faire face aux besoins des industries.

- Mais tous ces facteurs sont-ils si différents de ce qui se fait ailleurs?

Déjà, nous n’avons pas de salaire minimum, même pour ceux qui auraient une capacité de gains faible, quitte à compléter leur salaire par un appui de l’Etat. Par conséquent, nous faisons le pari du plein-emploi. La France a fait un autre choix, estimant qu’en dessous d’un certain salaire, votre dignité commande de ne pas travailler. Corollaire: il y a plus de chômage. Nous n’avons pas défendu d’industries obsolètes; la France a défendu les charbonnages, et chaque fois qu’une entreprise craque, la région ou l’Etat central vole à son secours.

[...]

- Fait-on mieux que les autres?

Bien sûr! Mais les mois qui viennent sont dangereux car les socialistes, en particulier, nous proposent de faire comme les autres. C’est-à-dire introduire des rigidités qui conduiront inéluctablement à une perte de compétitivité et une augmentation du chômage: le salaire minimum, l’initiative 1:12. Et puis je pense aussi que s’il est juste de souhaiter le développement des énergies durables, nous sommes en train de gaspiller des sommes considérables dans leur subventionnement. Si on paie aux gens l’énergie à prix coûtant, ils n’ont aucun intérêt à chercher à être plus efficaces. Ce n’est pas sain du point de vue de l’innovation. L’Allemagne a mis 50 milliards sans adapter les réseaux et maintenant, ils doivent battre en retraite.

[...]

- Quels dangers nous guettent-ils?

La dégradation des conditions-cadres, que l’on affecte mal l’argent disponible pour les pouvoirs publics. La question qui se pose ensuite est de savoir si la conjoncture favorable, dépendant comme je l’ai dit de l’immigration, peut continuer ainsi. On n’a pas besoin d’être xénophobe pour se demander s’il est raisonnable de voir arriver l’équivalent de deux villes comme La Chaux-de-Fonds chaque année. Je n’ai pas de réponse concrète, mais il faudra chercher une solution consensuelle, qui ne soit pas considérée comme agressive par nos partenaires étrangers."

9 commentaires

  1. Posté par Bruno Bertez le

    Titre : Interview de Pascal Couchepin dans L’Illustré par Frédéric Vassaux
    http://www.illustre.ch/illustre/article/pascal-couchepin-%C2%ABnotre-force-c%E2%80%99est-la-libert%C3%A9-%C3%A9conomique%C2%BB

    Le texte de Couchepin est remarquable de clairvoyance, ce qui est rare, et de simplicité. On n’est pas dans le pathos français qui cherche à faire prendre des vessies pour des lanternes par la pseudo-complexité de la pensée.
    Dégustez-le, faites le lire à vos amis et ennemis. Ces derniers, sans espoir de les convaincre bien sûr, ils resteront ignorants… mais un peu moins!
    Couchepin va à l’essentiel: atteignable par la pensée classique, mécanique!… atteignable par l’économie fondée sur le bon sens et l’évidence.
    Hélas, je suis désolé de dire que c’est insuffisant. L’économie n’est pas un ensemble de juxtapositions dont la logique est accessible par l’analyse/synthèse, l’économie est un ensemble d’interrelations organiquement liées et de façon complexe, organiques, dialectiques à partir d’un élément central, le profit ou encore, le surproduit… Et le surproduit suisse est menacé!
    L’économie suisse marche bien, parce que c’est encore une économie de liberté! Mais la société suisse se modifie en profondeur, elle évolue, comme il le dit, vers plus de rigidité, moins de liberté. Ce qui signifie à terme moins d’incitation à produire des richesses, à prendre des initiatives. Une économie est le reflet productif d’une société, Je n’insiste pas…
    Second point, en système capitaliste, le potentiel de développement dépend de la taille du profit, de la taille du surproduit et de la masse d’épargne que l’on peut mobiliser. Retenons le terme surproduit, c’est à dire ce qui excède les besoins courants, cela suffit à comprendre ce qui va se passer.
    La Suisse évolue vers le socialisme à l’intérieur et la banalisation à l’extérieur. Cela veut dire que deux grandes forces vont se conjuguer pour réduire le surproduit.
    En perdant sa spécificité financière et bancaire, la Suisse va perdre un surproduit qui va dépasser très largement la mesure faite par les parts dans le GDP ou autre mesure simple, car fonctionnellement le surproduit, dans une économie, a un effet induit multiplicateur colossal, et le plus souvent non vu, non perçu. Le surproduit est ce pourquoi on se fatigue, c’est un moteur et un objectif!
    On devine que les taux d’intérêt très bas, historiquement bas, toujours bas en Suisse ont rapport avec l’excès d’épargne et de surproduit. On devine que le pouvoir d’achat élevé a rapport avec la propagation des salaires élevés du secteur rentier privilégié que constituent la banque et la finance.
    On devine que le faible chômage a rapport avec ces deux éléments ci-dessus, il suffit de lire la fable des abeilles de MANDEVILLE pour comprendre comment la richesse des uns se propage aux autres et irrigue tout un système.
    Nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions sérieuses.
    Il est grand temps que les élites suisse se mettent au travail et :
    -Cherchent à comprendre les origines du miracle, de la spécificité suisse, qu’ils abandonnent l’idée que la Suisse est exceptionnelle, tout est produit dans un système, changez les conditions de production du système et tout, peu à peu, change.
    -Isolent dans le système suisse ce qui est organiquement, dialectiquement, à l’origine de la production d’un système aussi performant, avec niveau de vie élevé, chômage faible, inflation nulle, éducation et apprentissage, modèles, etc…
    -S’interrogent sur les conséquences des mutations actuelles sur les principes de base constitutionnels, sur la possibilité de maintien de l’autosuffisance alimentaire, le statut de l’agriculture, la possibilité de garder une défense populaire, etc.
    Nous soutenons que la tension sur les ressources et revenus qui domine les autres pays d’Europe, le chômage, les tendances inflationnistes, tout cela va, au fil des décennies, apparaitre en Suisse.

    La contraction du surproduit, l’euthanasie de la rente, la lutte pour maintenir le taux de profit va produire en Suisse les mêmes effets que ceux qu’elle produit dans le monde entier, elle va produire un système diffèrent, banalisé, dont le modèle, hélas, se trouve chez les voisins.
    Déjà on voit des LIDL et ALDI, déjà on sent le malaise dans la société, les lignes de fracture, déjà on voit la montée des formations politiques qui incarnent la préservation. Tout cela est déjà en route, peu à peu la boule de neige va prendre de la vitesse.
    Les sociétés n’évoluent pas en linéaire, mais en géométrique, en tout ou rien, en effets de seuil.
    Dans une perspective de long terme, une perspective générationnelle, il faut oser être audacieux, radical. C’est ce qui est caché, enfoui, qui gouverne le long terme, ce ne sont pas les paramètres de surface.
    Nous avançons l’idée que ce qui produit la liberté suisse, c’est la prospérité, c’est l’existence d’un surproduit hors normes, d’un taux de profit du système exceptionnel. C’est quand il y a du surplus à partager, du grain à moudre, de la graisse, de l’huile dans les rouages, que le système est fluide, qu’il peut se permettre le luxe de la liberté.
    Nous avançons donc l’idée que la liberté suisse est non pas une cause, mais une conséquence, un produit de sa situation spécifique. Supprimez la spécificité et les rouages gripperont, le système se rigidifiera, le dirigisme compensera le libre jeu des rouages, la tentation, tendance socialiste, se développera, en un cercle vicieux.
    Bien sûr, cette analyse est non conformiste. Elle opère un renversement. Cependant, l’histoire récente vient la valider, tout comme la comparaison avec le Luxembourg. Est-ce un hasard si le Luxembourg, qui se trouve dans une position comparable à la Suisse, grâce à sa spécificité financière et grâce au surproduit dont il bénéficie, présente des caractéristiques sociales, niveau de vie, liberté, etc. comparables à la Suisse. L’histoire proche à venir fera apparaître aux consciences les plus sceptiques le bien-fondé de cette analyse.

  2. Posté par Marie-France Oberson le

    @Michel de Rougemont qui écrit :
    « Et rappelons-nous que certains secteurs ne restent fonctionnels que par l’apport d’étrangers récemment arrivés »
    ………………………………………………………..
    Je voudrais juste rappeler que la Haute Savoie a le taux de chômage le plus bas des départements français et que le canton de Genève le taux de chômage le plus élevé des cantons romands…….
    Dans ce pourcentage de chômeurs genevois, ne peut-on trouver le potentiel nécessaire au fonctionnement de certains secteurs?

  3. Posté par Hervé le

    @Michel de Rougemont « Et rappelons-nous que certains secteurs ne restent fonctionnels que par l’apport d’étrangers récemment arrivés (santé, informatique, maisons de retraite, construction, tourisme, agriculture) ou par les frontaliers (horlogerie). »
    Rassurez-vous, aucun patriote n’entend gêner ces secteurs en rendant l’embauche difficile. Comme je l’ai évoqué, si seules étaient admises en tant que résidentes permanentes des gens dont la justification économique pour l’ensemble de la collectivité (et non pour les seules personnes intéressées à faire du dumping par ce biais) était établie, le débat se poserait avec une acuité bien moindre. Il était tellement clair que la droite économique allait se servir de la libre circulation dans ce sens-là, alors même que les contingents n’étaient pas épuisés (M. Couchepin évoquait ce fait comme un argument devant même prouver que l’on avait rien à craindre de la libre circulation). La gauche en proie à la naïveté béate qu’on lui connaît, servant quant à elle d’idiote utile aux libéraux et trahissant à fond « l’ouvrier »… Si elle avait été réveillée, elle aurait conclu avec la droite nationale une alliance « contre nature », soit-disant, mais qui eût été salutaire.

  4. Posté par Michel de Rougemont le

    Peu de politiciens savent s’exprimer de manière aussi claire.,. ça lui a aussi valu des ennuis!

    Notons que M. Couchepin, s’il soulève la question de la dimension de l’immigration, se garde bien d’y donner une réponse concrète. On peut penser que c’est parce qu’il n’y a pas de solution simple et sans douleur.
    Car non, les nouveaux arrivés ne sont pas venu sur le banc du chômage, l’emploi en Suisse a crû de manière spectaculaire.
    Et rappelons-nous que certains secteurs ne restent fonctionnels que par l’apport d’étrangers récemment arrivés (santé, informatique, maisons de retraite, construction, tourisme, agriculture) ou par les frontaliers (horlogerie).
    Alors si l’on veut restreindre l’entrée de ceux-ci il faudra accepter de limiter ou réduire ces prestations-là.
    Lesquelles, de combien, à qui ?
    Il est plus facile de faire la liste du linge sale que de le laver.

  5. Posté par Antonio Giovanni le

    « Un grand merci à Pascal Couchepin… »? Mais où était-il quand J.Schwarzenbach a lancé l’initiative contre l’emprise étrangère, rejetée le 7 juin 1970? Encore en culotte courtes ? Or, il y a belle lurette que l’idée, dont il fait aujourd’hui son miel, était dans l’air, agitée par ceux qu’il s’est plu, alors, à vilipender par idéologie partisane; ramener la couverture à lui quand tout un chacun a déjà ouvert les deux yeux, c’est le panier après les vendanges, plutôt style radical..au fond que PLR ! Pourquoi la Suisse devrait-elle moins bien assurer sa prospérité que les pays anarchiques dont les richesses sont confisquées par une oligarchie tribale, tout heureux d’expédier leurs nationaux en Suisse ?

  6. Posté par Marie-France Oberson le

    « On n’a pas besoin d’être xénophobe pour se demander s’il est raisonnable de voir arriver l’équivalent de deux villes comme La Chaux-de-Fonds chaque année. »
    ……………………..
    Imaginons les même propos tenus par un certain Christophe Blocher ou un certain Oskar Freisinger ! … Et pourtant ces deux-là, il y a longtemps qu’ils mettent en garde à propos de cette immigration massive ! Si on les avait écoutés plutôt que de les mettre à ban !
    Il ne fait pas bon avoir raison trop tôt. Et il est facile ensuite, quand le problème nous saute à la figure de venir, la bouche en chemin d’œuf, prétendre qu’il faut trouver une solution quand il est peut-être trop tard !

  7. Posté par Hervé le

    Les entreprises ont besoin de main-d’oeuvre, or on laisse entrer des chômeurs ou, à tout le moins, des gens qui ne peuvent subvenir à leurs besoins ! Certains ressortissants de l’UE arrivés de fraîche date seraient ainsi à la charge du service social de la Ville de Lausanne, qu’on m’explique quel avantage décisif l’économie suisse peut bien retirer d’une telle situation. Autre cas : un ressortissant turc, vendeur de poisson dans un supermarché, marié, 4 enfants, Madame n’exerçant aucune activité lucrative : où est la pertinence économique d’une telle situation ? Avec en prime, vous l’aurez deviné, zéro assimilation puisque de toute façon il n’y a aucune base légale pour l’exiger. Alors en effet, il n’est pas raisonnable de voir arriver l’équivalent de 2 villes comme La Chaux-de-Fonds chaque année et il y a quelques remèdes évidents à mettre en oeuvre, le premier consistant à ne laisser s’établir que des personnes économiquement « auto-portantes » et à ne verser d’aides sociales qu’aux seuls ressortissants suisses. Il me semble que M. Couchepin a largement les capacités intellectuelles pour s’apercevoir que l’immigration est subventionnée au moins aussi largement que les énergies renouvelables, avec des conséquences infiniment plus dommageables pour le pays.

  8. Posté par Marcel Rubin le

    Un grand merci à Pascal Couchepin: enfin quelqu’un – et quelqu’un qui a du poids en raison de son image et de sa réputation – qui « remet l’Eglise au milieu du village. Les socialistes Suisses (romands en particulier) devraient ouvrir les yeux sur les désastres économiques engendrés par les mesures mises en œuvre chez nos voisins d’outre-Jura par leurs « camarades », avant de nous recommander stupidement de les copier pour nous conduire au déclin.

  9. Posté par hausmann conrad le

    les politiciens PLR qui tiennent la chambre immobilière et toutes les entrprises de bétonnage sont aussi responsables de cette immigration massive et cette surpopulation et densification qui va détruire la Suisse.La fuite en avant de cet économisme va entrainer notre perte d’ identité avant notre perte tout court.

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