L’UDC veut contrôler le financement des mosquées et interdire le voile aux mineurs
Débat entre Elisabeth Baume-Schneider, conseillère aux Etats socialiste jurassienne, et Céline Amaudruz, vice-présidente de l'UDC et conseillère nationale genevoise.
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Tania Sazpinar: Après l’interdiction de la burqa dans l’espace public suisse, l’UDC devrait publier cette semaine un papier de position sur l’islamisme. C’est une information publiée aujourd’hui (20 juin) par nos confrères du Matin Dimanche. Le plus grand parti de Suisse souhaite entre autres interdire le port du voile aux mineures, expulser les imams qui appellent à la violence ou encore contrôler strictement le financement des mosquées.
Tania Sazpinar: Céline Amaudruz, après le succès de l’initiative pour l’interdiction de se voiler le visage, vous aviez dit que la lutte contre l’islamisme radical n’était plus forcément votre priorité, qu’est-ce qui a changé depuis début mars?
Céline Amaudruz: Je ne sais pas d’où vous tenez que ce n’est pas notre priorité. La priorité, nous avons plusieurs thèmes, et effectivement nous avons préparé un document de fond sur l’islam et l’islamisme en Suisse.
L’UDC souhaite par ce document apporter des réponses sur les dangers que l’extrémisme islamique peut faire peser sur un pays, à savoir qu’on perdrait peut-être notre état de droit, et on a pu voir cela dans certains pays, en France, en Angleterre mais aussi en Suède, où il y a des petits quartiers, ou des sociétés parallèles, plutôt, qui se créent, dans lesquelles la charia s’applique à la place de la Constitution. Et là, aujourd’hui, nous venons avec un document, qui entend répondre par cinq points très importants – ce n’est pas comme vous dites simplement sur le voile pour les mineures – et j’aimerais d’abord les citer:
1) l’interdiction de l’islam politique, parce que c’est bien ça qui est un problème,
2) l’oppression des femmes et des filles: nous voulons mettre un terme à la discrimination et à la maltraitance que les femmes subissent, et c’est là qu’il y a le point que vous venez d’évoquer,
3) les mosquées qui peuvent être incubateurs de l’extrémisme: nous voulons prévenir la radicalisation et faire très attention à ce qui se passe au sein des mosquées,
4) les plaques tournantes islamiques de la Suisse, donc prévenir les influences et les flux financiers, savoir d’où vient cet argent (on voit ce problème à Genève),
5) la difficile intégration des immigrés musulmans, donc la politique de tolérance zéro et renforcement des forces réformatrices.
Tania Sazpinar: Donc plusieurs angles. Elisabeth Baume-Schneider, qu’est-ce qui vous gêne dans ce papier de position de l’UDC?
Elisabeth Baume-Schneider: Bon, je n’ai pas passé mon dimanche à lire ce paquet de propositions, d’ailleurs je ne l’ai pas…
(Céline Amaudruz: Il va sortir cette semaine.)
Elisabeth Baume-Schneider: Oui, d’accord, mais j’ai écouté ce programme, qui ne m’étonne guère. Je rappelle à Mme Amaudruz, ce n’était pas une promesse, mais elle avait mentionné lors du débat sur l’interdiction de la burqa qu’il n’y avait pas de calendrier caché, qu’il y avait une volonté de répondre à chaque problématique en son temps, et là, après une victoire à une majorité assez modeste au mois de mars, on est reparti avec toujours cette même obsession de stigmatiser ou d’ostraciser.
Parce que je pense que cette question du port du voile chez les mineures est tout autre que le malaise qu’on pouvait ressentir (que moi je ne ressentais pas) par rapport à l’islam qui avait le visage caché, tandis que là, la Constitution suisse mentionne la liberté de croyance. La pluralité religieuse n’est pas dangereuse, et je pense que là, de nouveau, on fait un amalgame, parce que la tolérance zéro j’y suis également favorable, mais je ne vois pas de quel droit on pourrait affirmer qu’en interdisant le port du voile pour les mineures on protégerait les femmes de tous les malheurs du monde.
Donc je ne comprends pas, comme je disais, cette obsession à absolument stigmatiser une communauté et à vouloir éradiquer tous les signes d’appartenance à cette communauté religieuse en voulant protéger les personnes contre elles-mêmes.
[...]
Céline Amaudruz: […]
Tania Sazpinar: Gouverner c’est prévoir, ça vous convainc?
Elisabeth Baume-Schneider: Le fait d’anticiper me convainc tout à fait. Le fait de ne pas tolérer de maltraitance ou de soumission de la femme ni le radicalisme islamique, j’y souscris également. Par contre, cette médiatisation, cette volonté de faire peur, d’ostraciser avant de dialoguer avec les communautés pour trouver les bonnes solutions, là je ne signerais pas. Ce que je reproche à l’UDC, c’est de systématiquement médiatiser un programme politique avant de vérifier si véritablement problème il y a, si véritablement les communautés religieuses sont confrontées comme ils le disent aux difficultés mentionnées, parce que mentionner comme un mantra que la charia va remplacer la Constitution suisse, franchement ce n’est pas ce soir que je vais y croire. […] Il faut dialoguer avec ces communautés, il faut interdire, vous avez raison, ce risque que certains imams aillent trop loin. Je n’étais pas de votre côté pour la dernière votation – elle a été acceptée, ça veut dire qu’on a les outils à disposition pour agir par rapport au terrorisme, même de manière préventive. Donc, de grâce, attendez, et sortez vos papiers lorsque les faits sont documentés et pas uniqueent lorsqu’on redoute ce qui n’a encore pas lieu d’être redouté.
Tania Sazpinar: On verra si ce papier de position donne lieu à une initiative. Merci à toutes les deux.
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P.S. Le papier de position de l’UDC a été publié le lendemain:
Défense de l’État de droit contre une idéologie totalitaire