Le divorce entre l’Europe et la démocratie est consommé

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire

 

Pour qu’il y ait démocratie, il faut qu’il y ait un Démos, un Peuple. Ceci implique d’abord qu’une grande partie de la population se sente mobilisée. On peut admettre qu’un nombre important d’électeurs s’abstienne lors d’un référendum à la suisse, sur une question qui ne sensibilise qu’une part de l’opinion, l’autre laissant le choix à ceux qui s’y intéressent. Mais lorsqu’il s’agit de se faire représenter et qu’une large palette de listes offre une grande diversité d’opinions, l’abstention est un premier signe du retrait de la population du jeu démocratique. Il en perd évidemment de sa légitimité. Presque 60% d’abstentions, cela signifie que l’élection n’est pas considérée comme valable par une majorité d’électeurs. En second lieu, la démocratie est le régime qui repose sur l’expression d’une volonté générale. C’est la conclusion qui est tirée des élections présidentielle et législative, lorsqu’un écart de voix entre deux options en désigne une pour gouverner le pays. Les élections européennes sont totalement étrangères à ce principe. La proportionnelle disperse les voix entre de multiples positions idéologiques qui ne sont pas des choix de gouvernement. Chaque pays vote en fonction d’un contexte politique qui lui est propre. Les Allemands ont voté pour le parti de Mme Merkel, les Français contre celui de M.Hollande et aussi contre une Europe dont ils ne veulent pas. Les Portugais ont préféré les socialistes de l’opposition à la droite au pouvoir. Les Grecs ont voté contre l’Europe, mais à l’extrême-gauche. Pas la moindre volonté générale dans une prétendue Union Européenne qui n’existe pas politiquement. Le Parlement Européen est un décor. L’Inde avec 1,2 Milliards d’habitants vient de voter. Le BJP nationaliste y a battu le Parti du Congrès assez nettement. La volonté générale s’est exprimée. Enfin, à défaut de dessiner immédiatement une majorité de gouvernement, illusoire dans les institutions européennes, on peut au moins s’en tenir à l’idée d’une représentation des citoyens. Or, les électeurs Français ont élu des gens qu’ils ne connaissent nullement sur la base de circonscriptions artificielles. Aucun lien réel ne sera maintenu dans les cinq ans qui viennent entre les élus et les électeurs. Ces derniers ignoreront les activités de leurs députés et ceux-ci pourront négliger leurs électeurs. Or, la démocratie doit reposer sur une relation de proximité totalement absente ici.

Ce tableau particulièrement sombre d’une non-démocratie s’achève, en France, par la nette victoire d’un parti, le Front National,  qui refuse justement ce système et n’a dans le fond pour but que d’aller au Parlement Européen pour en casser le décor. Que l’un des pays fondateurs de la construction européenne ait envoyé un tel message devrait provoquer dans notre caste politique une intense et salutaire réflexion. Dans le noyau dur d’origine, il y a le gagnant, l’Allemagne, et le perdant, la France. Cet échec n’est pas dû à l’Europe, mais à la politique menée par l’oligarchie médiocre et prétentieuse qui nous gouverne. L’Europe, et singulièrement l’Euro, sont devenus pour la France des pièges, trappe à désindustrialisation, trappe à déclin, trappe à identité. Le score du Front National exprime ce double sentiment de rejet des politiques menées nationalement et de refus de l’Europe telle qu’elle se construit. L’Europe est déjà disloquée entre les fondateurs dont l’enthousiasme a fondu, les sceptiques qui n’étaient rentrés que sur la pointe des pieds et sont prêts à ressortir et les rescapés des dictatures qui ont retrouvé les contraintes de la crise après avoir goûté à la liberté et à la croissance. Il n’y a guère que les candidats à l’entrée à connaître encore la ferveur européenne. A court de pauvres arguments pour appâter l’électeur repu ou déçu, on a fait miroiter l’élection par le Parlement du Président de la Commission. Mais celle-ci demeurera, heureusement, l’émanation des gouvernements nationaux. Et si aucune majorité nette ne se dégage, il est possible qu’aucun des candidats pressentis ne soit l’heureux élu. L’élection qui s’est terminée aujourd’hui a donc un mérite, celui d’avoir montré que l’Europe est un simulacre, voire une caricature de  démocratie. Puissent les vainqueurs du jour être capables de provoquer une rupture véritable. Mais la force de ce système absurde est précisément d’anesthésier le résultat, fût-il significatif, obtenu dans un pays. La non-démocratie européenne est bien protégée contre les risques de la vraie démocratie.

Christian Vanneste, 25 mai 2014

2 commentaires

  1. Posté par jessica le

    Démocratique l’UE quand les “pontes” arrogants et suffisants clament haut et fort que de toute façon le Parlement à très peu de poids, de plus c’est la majorité qui décide, donc les pro UE, et que tous les autres ne servent strictement rien et ne changeront rien sinon à faire un peu de bruit ? Cette UE qui méprise les minorités et refusent de tenir compte de leurs demandes? Beaucoup ne sont pas contre le principe de l’UE, mais contre ce qu’elle est devenue et devient chaque jour un peu plus, une sphère, une caste, une dictature qui, sous la direction de la finance et de la grande industrie, dirigée en grande partie par les USA au travers de leurs puissants lobbies, décident et imposent *leurs* décisions à tous les pays, que cela leur plaisent ou non.
    Cette UE qui méprise la suisse et sa démocratie, alors que nous VERSONS à hauteur de 1,257 milliards de francs à plusieurs projets visant à « réduire les disparités économiques et sociales au sein de l’UE élargie » entre autre. http://www.erweiterungsbeitrag.admin.ch/fr/Home/La_contribution_suisse. Cette UE que nos politiques soutiennent financièrement et idéologiquement. M. Vaneste c’est cela que vous approuvez ? Une europe confiée aux ex banquiers de Goldman Sachs ?
    L’idéal de l’UE a été pourri par toutes ces dérives, c’est devenu une véritable mafia. Soit on y adhère soit on la refuse. Les citoyens européens sont dégoutés et les élections dont le système dilutif et différent dans chaque pays est fait pour. http://ec.europa.eu/budget/figures/interactive/index_fr.cfm et http://ec.europa.eu/budget/mff/resources/index_fr.cfm. 55’000 fonctionnaires sont salariés par l’UE (dont 751 députés 28 ministres et 28 commissaires) sans compter les “conseillers externes pour un coût de plus de 8 milliards. 55’000 employés (http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/11/21/20002-20121121ARTFIG00671-55000-fonctionnaires-europeens-dans-le-collimateur.php) soit plus de 2’000 employés par pays. (27 pays) que font ils ?
    Se renseigner et se documenter sur le fonctionnement de l’UE est long et fastidieux mais indispensable pour avoir une idée du véritable panier de crabes qu’est l’UE. Les suisses ont 100% raison de refuser d’y adhérer mais y réussiront ils avec un gouvernement qui fait tout son possible pour l’y faire entrer, de gré ou de force ?

  2. Posté par Pierre Cocasse le

    Les Reding, Ashton, Baroso sont totalement responsables de la situation actuelle de l’UE… des enfoirés de première ! …et c’est à ça qu’ils auraient voulu que la Suisse adhère ? …il n’y a plus qu’à attendre que l’UE disparaisse, plus vite ce sera, mieux ce sera .

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