France: un goût de 2017

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens
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Le premier tour des élections présidentielles française est sous toit. Dans une soirée qui semble annoncer le match retour de l'élection de 2017, Emmanuel Macron se retrouve au second tour face à Marine Le Pen.

Résultats à 21h40, capturés sur France 2

Tour d'horizon

Emmanuel Macron. À tout seigneur tout honneur, le président sortant a joué sa partition "jupitérienne" jusqu'au bout, faisant à peine campagne, tout absorbé qu'il était au chevet de l'Ukraine en guerre. La sauvegarde de l'Europe et donc du monde libre s'imposait face à la trivialité de sa réélection. Le corps électoral ne lui en a pas tenu rigueur, puisqu'il fait un meilleur score qu'en 2017 (24,01% à l'époque).

Il faut se résoudre à admettre que la crise des Gilets jaunes, l'inflation, l'immigration, la criminalité, la gestion du COVID et les non-vaccinés qu'il fallait "emmerder" et les scandale de Benalla à McKinsey n'ont pas déplu tant que cela aux Français. Tout porte à croire que le leader de La République en Marche se succèdera à lui-même dans deux semaines.

Marine Le Pen. Opposant "mondialistes" et "patriotes" et se réclamant de ces derniers, la candidate du Rassemblement National semble avoir été pardonnée par l'électorat de sa piteuse prestation de 2017 ; elle a en tout cas été en deuxième place dans les sondages tout au long de la campagne (hormis deux semaines de ce que qualifierai "d'illusion Pécresse"). Mieux préparée qu'il y a cinq ans, elle a réussi à rassembler sur son nom le "vote utile" à droite, faisant nettement mieux qu'en 2017 (21,30% alors). Sa campagne économiquement à gauche et centrée sur le pouvoir d'achat a fait mouche alors qu'une inflation déferle sur l'Europe depuis quelques mois, encore aggravée par la hausse des prix de l'énergie consécutive à la guerre en Ukraine.

La fille du chef historique du Front National se présente comme la seule opposition crédible à Emmanuel Macron. La tâche sera malgré tout difficile pour rassembler une majorité autour d'elle.

Jean-Luc Mélenchon. Le tribun d'extrême-gauche a rassemblé sur son nom le "vote utile" de gauche (renvoyant Mme Taubira et sa primaire populaire au placard) et obtient une belle troisième place, mais à peine mieux qu'en 2017 (19,58%). Capitalisant - si j'ose dire - le mécontentement révolutionnaire propre à la gauche et courtisant sans vergogne dans les rangs des immigrés, il se fait le chantre de la France "plurielle et métissée". C'est l'anti-Zemmour par excellence. Commentant l'élection avec la verve dont il est coutumier, il répéta à plusieurs reprise qu'il ne voulait pas que ses électeurs donnent "la moindre voix" à Mme Le Pen, quoi que sans appeler à voter Macron. Les Français insoumis iront-ils à la pêche le 24 avril?

Le principal défaut de M. Mélenchon est dans la durée: il accuse 70 ans aujourd'hui et avait préalablement annoncé que ce scrutin serait son dernier, Mais aucune personnalité dans son entourage ne semble avoir la carrure pour lui succéder. Lorsque Macron libèrera enfin les lieux en 2027, la tentation d'un dernier tour de piste sera grande... À 75 ans!

Éric Zemmour. Le journaliste politique entré dans l'arène quelques mois plus tôt fait une percée remarquée avec un score de 7% et son mouvement Reconquête, malgré tout en-deçà de ce que les sondages (et l'enthousiasme populaire, et l'intérêt médiatique suscité) avaient laissé espérer. C'est donc une déconvenue relative, même si la performance force le respect. Le mouvement lancé par Éric Zemmour a patiné lorsque la Guerre en Ukraine a éclaté et que les médias ont fait leur choux gras d'une proximité idéologique supposée avec Vladimir Poutine. De plus, si ses thèses sur le Grand Remplacement remportent l'adhésion du public, elles ne suffisent pas à se concrétiser dans les urnes face à des problèmes plus immédiats, comme le pouvoir d'achat.

M. Zemmour parvient malgré tout à faire meilleure figure que les partis historiques PS et Les Républicains pour sa première participation. Il appelle à voter pour Mme Le Pen au second tour.

Valérie Pécresse. L'accident industriel des Républicains entraîne le parti historique de la droite française dans une déroute qui l'est tout autant. Probablement personne dans les hautes sphères du parti - les mêmes brillants esprits qui ont magouillé en coulisse pour amener une si piètre candidate à représenter leur mouvement - n'avait imaginé un score final aussi piteux, en-deçà des 5% et donc du remboursement des frais de campagne. La défaite de Pécresse n'est pas que la sienne mais celui du système qu'elle incarne. On compare douloureusement son score de ce soir avec les 20,01% de François Fillon en 2017, pourtant empêtré dans ses affaires.

Comme M. Zemmour l'avait prédit en l'appelant "Madame 20h02" pour le moment où elle appellerait à voter pour Macron, Valérie Pécresse, qui s'en était défendu pendant toute la campagne, a bien appelé à voter pour Emmanuel Macron.

Yannick Jadot. Le mouvement français Europe-Écologie-les-Verts atteint un score qui ne lui permet pas non plus d'espérer un remboursement des frais de campagne. M. Jadot fait un score relativement médiocre mais en accord avec ce que son mouvement peut espérer dans une élection de personne, les Verts hexagonaux ne brillant pas particulièrement par la qualité de leurs tribuns. On ne peut comparer son score à celui de 2017 puisque celui qui était déjà le candidat de son mouvement avait choisi de se retirer de l'élection et de soutenir la candidature socialiste de Benoît Hamon.

Anne Hidalgo. Perdue au milieu des "petits candidats", la Maire de Paris prouve que nul n'est prophète en son pays. Réunissant sur sa campagne autant la détestation que le ridicule, elle fait nettement moins bien que le campagnard Jean Lassalle, le communiste Fabien Roussel ou le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, signant par là-même la déchéance finale du Parti socialiste français. Ses dirigeants auraient eu la prudence de ne pas engager de frais de campagne exagérés au vu du risque de ne pas atteindre 5% des suffrages ; cela sauvera peut-être les socialistes de la banqueroute.

Un remake de 2017?

La France a changé, le monde a changé, les deux pas en bien, et les crises se succèdent. La politique française semble rejouer en finale le scénario de 2017. Pourtant, les lignes ont bougé. L'arrivée de Reconquête et la désintégration des Républicains entre les centristes sauce Pécresse et les patriotes sauce Ciotti finiront de réorganiser la droite selon de nouvelles lignes, qui seront sans doute dévoilées au gré des alliances pour les législatives. La recomposition de la droite que Zemmour appelle de ses vœux aura lieu, mais sous l'égide de Marine Le Pen. Les socialistes sombrent et ne paraissent plus en mesure de se relever. Ce qui en reste sera sans doute phagocyté par la France Insoumise, plus quelques écologistes pour le recyclage, évidemment.

On attendra avec impatience un débat de l'entre-deux tours entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Espérons qu'il aura lieu.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 10 avril 2022

3 commentaires

  1. Posté par antoine le

    Le sujets qui interpellent mais qui n’ont malheureusement PAS été abordé :
    – Inflation
    – Endettement de l’Etat (700 milliards de plus en 5 ans seulement …)
    – Insécurité
    – Manque de places dans les prisons (promesse de M. Micron non tenue d’augmenter de 7’000 places)
    – Immigration hors de contrôle, aussi bien à travers la Méditerranée que la Manche …
    – OQTF – Ordre de Quitter le Territoire Français : réalisé à peine à 10%
    – Révision complète des services sociaux, il y a trop de morts outre-mer qui touchent des allocs.
    https://www.capital.fr/economie-politique/au-maghreb-ces-morts-qui-continuent-a-toucher-leur-retraite-francaise-1357583
    – etc …
    Le fossoyeur, M. Micron, aura encore 5 ans pour terminer son  »œuvre » … !!

  2. Posté par Serguei le

    Si les Français votent à nouveau pour Macron, l’enfer continuera, mais a vitesses supérieures… et droit dans le mur afin qu’il n’en reste plus rien de ce peuple.

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