Sea, sexe and school

Jean Romain
Jean Romain
Ecrivain, philosophe, député PLR GC Genève

L’école, chez nous, est la caisse de résonance de tous les malaises sociaux ; la sexualité, à un autre titre, focalise bien des passions et des tabous dans nos démocraties. Et lorsqu’on parle de sexualité à l’école, le mélange est détonant.

 

L’initiative pour la « protection contre la sexualisation à l’école maternelle et primaire» a abouti. Je la soutiens. Je vais faire un court détour avant d’y arriver

J’ai enseigné durant 37 années. La nature des disciplines enseignées a des impacts très différents sur les élèves. Le maître de littérature, par exemple, contrairement au prof de philosophie ou de maths fait un métier plus délicat parce que les élèves, dans leur grande majorité, ont une relation particulière avec leur langue maternelle et avec sa littérature, alors qu’ils ont le plus souvent une relation très intellectuelle, voire distante même, avec la philosophie ou les mathématiques. Lorsque vous étudiez un poème, la majorité des élèves est capable d’établir une relation forte avec lui. Un peu comme ils pourraient en avoir avec une musique qui leur importe et leur parle. Une sorte d’intimité secrète s’établit entre la poésie, la langue et l’élève. Cette intimité n’est pas la même avec la géographie ou la physique, par exemple.

Lorsque l’élève écrit et qu’il s’implique dans son explication de texte, sa prose c’est lui ! Lorsqu’il résout une équation, son langage est celui du prof. Une mauvaise note en philosophe a un impact psychologique bien moindre qu’une mauvaise note en dissertation : dans son esprit, même si vous y mettez toutes les précautions, la première note juge son travail ; la seconde le juge lui-même. Parce qu’il a établi peu à peu une relation d’intimité avec la langue et sa littérature, et c’est sa confiance au prof de français qui fait passer les remarques qu’il prend pour des brûlures.

La sexualité est à l’origine de l’intimité ; c’est peut-être même là que se joue originellement l’impression (ou probablement une partie en tout cas) d’intimité de l’être humain. Les parents sont essentiels dans cette découverte parce que l’enfant a confiance en eux. La confiance est la clé de ce processus parce que toute intimité est mystérieuse, elle échappe à la claire raison, à l’explication. Elle fait appel à des couches plus opaques de l’individu, plus contradictoires aussi, plus terribles parfois. Si nous ne restons pas aux seuls aspects physiques de la sexualité, nous pénétrons dans le domaine du secret. Un psychanalyste des profondeurs aurait des choses intéressantes à nous révéler sur cette dimension du secret.

Or, à l’école des tout-petits, ce sont des intervenants extérieurs qui se chargeraient de l’éducation sexuelle. Des étrangers pour l’élève, des personnes avec qui aucune confiance ne s’est établie préalablement. Des gens « froids ». Que des intervenants extérieurs se chargent des diverses préventions (drogue, alimentation, hygiène dentaire, jeux du foulard, circulation routière, …) fort bien ! D’ordinaire, aucune intimité n’est en jeu dans ces domaines. Mais la sexualité est d’une autre nature parce qu’une d’une autre implication. On ne doit pas parler de scatophile ou de zoophilie comme des témoignages l’attestent. Nous pénétrons à pas comptés dans le domaine du secret, de l’intimité, et ce domaine est d’abord celui des familles à cet âge précoce.

Qu’on le leur laisse !

Jean Romain

7 commentaires

  1. Posté par Laura le

    « Il faut distinguer ce qui ressortit à la prévention (effectivement un des rôles de l’école) de ce qui ressortit à l’éducation sexuelle, qui est une transmission de valeurs. »
    J’applaudis! C’est effectivement là que doit se situer le débat. Et la limite est parfois difficile à définir…
    Ainsi, prévenir les adolescents que la pornographie à laquelle ils sont confrontés massivement sur internet est une représentation biaisée de la sexualité, cela relève-t-il de la prévention ou de la transmission de valeurs?

  2. Posté par Jean Romain le

    Remarques en vrac :

    1. Les mutilations invalidantes sont punies par la loi chez nous.

    2. Le jeu du foulard (je m’en suis occupé au GC) est terrible : il s’agit, avec un foulard ou une cordelette, de s’asphyxier pour décupler les sensations. Des adolescents sont décédés en s’y adonnant.

    3. Il faut distinguer ce qui ressortit à la prévention (effectivement un des rôles de l’école) de ce qui ressortit à l’éducation sexuelle, qui est une transmission de valeurs.

    4. Hier soir, sur la télé locale Léman bleu, le débat s’est amorcé entre ma position que je défendais et celle de deux socialistes : vous avez deux visions, d’une part le tout-étatique socialiste, de l’autre un partage entre l’Etat et la famille, qui s’affrontent.

  3. Posté par Laura le

    L’Etat (par l’intermédiaire de l’école) n’a effectivement pas à s’immiscer dans l’intimité de ses citoyens (ici, les élèves).
    En revanche, la prévention, contre les abus sexuels (qui concernent aussi les plus jeunes) et en matière de santé sexuelle (plutôt à partir de l’adolescence), me paraît elle avoir tout à fait sa place à l’école publique.

  4. Posté par Bernd Palmer le

    « Que pensez-vous de l’éducation sexuelle donnée par des tenants de la clitoridectomie … »
    L’éducation publique n’a ni le devoir ni la vocation de s’aligner sur les cas que nous considérons comme extrêmes, elle doit se baser sur notre culture sociale qui nous est donnée par le vécu au sein de notre famille et de son entourage. Ce sont les « valeurs » intrinsèques de notre culture.
    Pour les cas extrêmes, c’est au niveau des parents qu’une éducation s’impose; on ne peut pas demander à un petit enfant de s’opposer à sa famille.

  5. Posté par c.hausmann le

    Toutes les sociétés sont basées sur un certain nombre d’ hypocrisies: sociales,sexuelles etc.Et d’ affirmer que les parents doivent faire l’ éducation sexuelle en est une.

  6. Posté par christophe le

    PARFAITEMENT! Renforçons le rôle de la Famille au lieu de la dissoudre dans l’idéologie.

  7. Posté par Géo le

    « Les parents sont essentiels dans cette découverte parce que l’enfant a confiance en eux.  »
    Et pour ceux qui ont des parents imparfaits, que préconisez-vous ? Que pensez-vous de l’éducation sexuelle donnée par des tenants de la clitoridectomie ou même de la circoncision religieuse ? Personnellement, j’ai des doutes…

    « diverses préventions (drogue, alimentation, hygiène dentaire, jeux du foulard, circulation routière, …)  » Inventaire à la Prévert. Ou je me trompe fort, ou le jeu du foulard est clairement un jeu sexuel et cela se dit sûrement entre copains dans la cour d’école…

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