Les incidents se sont multipliés dans de nombreux quartiers à Nantes, laissant craindre un embrasement incontrôlable.
La tension ne retombe pas à Nantes (Loire-Atlantique), trois jours après la mort d’Aboubakar Fofana, tué par balle par un CRS, dans le quartier du Breil. D’autant plus que ce dernier a changé sa version des faits, ce vendredi : c’est par accident qu’il a tiré sur le jeune homme, alors qu’il avait d’abord invoqué la légitime défense. D’après les pompiers, une « bonne cinquantaine » de voitures – dont celle de la maire (PS) Johanna Rolland – ont encore été brûlées dans la nuit de jeudi à vendredi.
Plus inquiétant, la fièvre gagne à présent tous les quartiers « sensibles » de la cité des Ducs de Bretagne. À la Bottière par exemple, à l’est de la ville, une station-service a fait l’objet d’une tentative d’incendie. Un autre drame a été évité de peu au lycée professionnel Léonard-de-Vinci : une quinzaine d’individus se sont introduits dans le logement de fonction de l’agent d’accueil de l’établissement, où se terraient sa femme et son fils de 21 ans.
Une quinzaine d’individus voulaient « cramer le lycée ».
Glenn, qui rentrait tout juste de soirée, filmait « discrètement » l’incendie de sa Citroën C4 dans la rue : il voulait « avoir des preuves » devant son assureur. Sur sa vidéo, on entend alors clairement les incendiaires appeler à « cramer le lycée »… puis passer à l’action, en répandant du carburant au sol de l’appartement de sa famille.
« Je me suis alors manifesté, en leur demandant de nous laisser sortir… Quand ils ont vu qu’il y avait du monde, ils se sont enfuis », raconte Glenn. « Je ne sais pas ce qu’il se serait passé si je n’avais pas été là : ma mère – qui est malvoyante – se serait certainement mise dans un coin, et ils ne l’auraient pas vue. »
Ce vendredi, le lycée gardait donc les stigmates de la nuit précédente : une voiture, brûlée à l’intérieur de l’enceinte, a noirci toute un pan de la façade. Les élèves de Terminale n’ont au passage pas pu consulter les résultats du bac…
Mais à vrai dire, l’établissement n’a pas été le seul visé dans le quartier : un bulldozer a aussi été mis à feu sur un chantier de construction de logements sociaux et d’une crèche. Sur le parking d’une résidence voisine, les restes d’une voiture calcinée sont encore présents…
« Cette histoire, c’est un exutoire »
Babacar, responsable informatique de 38 ans, avait lui pris soin de garer sa belle BMW sur le parking sécurisé de son employeur. Depuis le troisième étage de son immeuble, ce nouvel habitant du quartier a eu une « vue privilégiée » sur l’incendie, qu’il a d’ailleurs filmé et posté sur Twitter…
D’emblée, il prévient : il « ne va pas pleurer » sur le sort du jeune de 22 ans tué au Breil, qui était d’abord, pour lui, « un délinquant qui s’exposait à des représailles policières ». « Cette histoire, c’est un exutoire », s’agace-t-il. « Tout est bon pour se défouler : si ce n’était pas ça, cela aurait été le premier jour de l’an ou une défaite au foot. »
Un peu plus loin, Issa est lui venu déposer ses trois enfants à l’école primaire Urbain Le Verrier, qui a elle aussi été dégradée lors de cette funeste nuit. S’il « peut comprendre » l’accès de colère des jeunes, ce chômeur de 30 ans estime d’abord qu’il s’agit d’un problème de « maturité ». « La génération a perdu un des siens, mais ce n’est pas de cette façon qu’il faut réclamer justice… Il faut le faire de façon pacifique : le coupable sera condamné. »
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