Ci-dessus EWS et N. Gobbi. Sera-t-il celui qui prendra sa place ?
.
Comment est perçue la candidature du Tessinois ? Quelles sont les chances réelles de ce membre de la Lega d'être élu au Conseil fédéral ? Et comment évaluer la stratégie de l'UDC ?
Nous en parlons avec un expert : Pascal Décaillet
Interview de Gregorio Schira et Marija Miladinovic
"Ce ne sera pas vraiment une partie facile, mais je suis prêt". C'est ainsi que s'est exprimé ces derniers jours le nouveau candidat au Conseil fédéral Norman Gobbi. Sera-t-il le premier Tessinois à s'asseoir parmi les "sept sages" après le PDC Flavio Cotti ? Quelles sont ses réelles chances d'y arriver ? Et comment nos compatriotes outre Gothard ont-ils pris la nouvelle de la candidature de Norman Gobbi ? Nous en avons parlé avec Pascal Décaillet, journaliste romand, grand expert de la politique fédérale et, entre autres, éditorialiste au Giornale del Popolo.
Commençons par la question la plus simple : le nom de Gobbi est-il connu ailleurs qu'au Tessin ?
Dans ma région, la Suisse romande, je peux vous dire que, parmi les gens, Norman Gobbi est un parfait inconnu. C'est certain : zéro pourcent de la population le connait. Mais cela ne veut pas dire que sa candidature n'est pas intéressante. Finalement, Madame Widmer-Schlumpf elle aussi était une parfaite inconnue. Il est vrai, je le reconnais, que ce fut un cas particulier (quasiment un coup d'Etat) alors que cette fois, il s'agit d'une candidature en règle, normale, qui ne pose aucun problème de légitimité. Mais ce n'est pas le peuple qui doit choisir, c'est l'Assemblée fédérale. Donc la popularité d'un homme politique ne compte que jusqu'à un certain point.
Probablement, mais si Gobbi n'est pas très connu, la lega dei Ticinesi, elle, est certainement mieux connue, comme son ton très dur à l'égard de Berne ainsi que les premières pages de leur hebdomadaire....
Chez nous, nous entendons aussi de temps en temps parler des premières pages du journal de la Lega. Je sais qu'il s'agit souvent de pages assez vulgaires, parfois contre les Conseillers fédéraux. Mais cela, selon moi, ne pèsera pas sur les épaules de Gobbi si sa candidature est finalement retenue pour le 9 décembre. D'autres choses sont plus importantes : par exemple, l'absence depuis 16 ans désormais, d'un Tessinois au Conseil fédéral. Pour le reste, Gobbi a une bonne réputation, il a déjà siégé au Conseil national et on sait que c'est quelqu'un avec qui on peut discuter...
Le problème lié à la Lega se trouve plutôt ailleurs. Et, à mon avis, il ne s'agit surtout pas d'un problème secondaire dans le cas d'une réelle candidature de Gobbi le 9 décembre. Comme je l'ai dit plus haut, ce n'est pas le peuple qui vote mais les 246 parlementaires. Ce sont des personnes qui n'ont pas les mêmes critères que ceux qui prévaudraient si l'élection se faisait au suffrage universel. Gobbi sera un candidat UDC mais en réalité il est membre de la Lega, donc candidat pour un poste devant revenir à l'UDC, mais qui appartient à un autre parti (ou mouvement), et ça, je crois, risque de ne pas plaire à beaucoup d'UDCs purs et durs... C'est un peu comme si pour ce poste, l'UDC proposait un représentant du MCG (Mouvement Citoyen Genevois). Je suis sûr que beaucoup ne voteront pas pour Gobbi puisqu'il n'est pas un pur UDC. Cela pourra être pour lui, un handicap.
Revenons au candidat Gobbi : en plus de ne pas être un grand nom de la politique suisse, il est surtout jeune et tessinois. Ces facteurs pourraient-ils jouer en sa faveur ou alors contre lui ?
Le fait d'être jeune n'est absolument pas un handicap [défaut]. D'après moi, ça pourrait plutôt être une force. Il suffit de voir Alain Berset, élu au Conseil fédéral à 39 ans : il est en forme, il parle bien les langues, il est très dynamique... des cartes que possède aussi Norman Gobbi, à mon avis. Le Tessinois possède tout ce qui est nécessaire.
Le fait d'être Tessinois ? Cela aussi, et surtout cela, joue en sa faveur. Aujourd'hui, tout le monde en Suisse est convaincu que l'heure est venue d'avoir un Conseiller fédéral italophone (qu'il vienne du Tessin ou des Grisons italiens). Que ce soit Gobbi maintenant ou quelqu'un d'autre dans un futur proche... ça je l'ignore. Mais la revendication "ethnique" italophone est totalement légitime et personne ne la conteste.
Notre dernière question concerne l'UDC, et en particulier sa stratégie : un ticket à trois avec un candidat de chaque région linguistique, une bonne idée ?
Une très bonne idée, une très bonne stratégie. Souvent les gens, surtout ici en Suisse romande, critiquent le fait que l'UDC soit en réalité un parti trop centré sur la Suisse alémanique et trop centraliste (au lieu d'être fédéraliste). Le parti de Brunner a toujours répondu qu'il avait des électeurs partout et qu'il était un parti national. Et en voici la preuve avec semble-t-il un signal fort et clair.
A ce point pourtant, un doute se fait sentir : Norman Gobbi est-il réellement un candidat qui a ses chances ou alors, n'est-il, pour l'UDC, qu'un argument en faveur de la stratégie dont nous avons parlé ci-dessus ?
Malheureusement, je crois que la deuxième hypothèse est la bonne. C'est comme dans le cyclisme : il y a les leaders et ceux qui font partie du peloton. Celui qui gagne n'est pas celui qui domine la course mais celui qui, au dernier moment montre sa force. Je crains que dans l'équipe [de candidats] de l'UDC, Gobbi fasse partie du peloton. Un bon équipier mais rien de plus.
Source GIORNALE del POPOLO (trad. en français D. Borer)