Jean Raspail – Aventurier de l’ailleurs, de Philippe Hemsen

Francis Richard
Resp. Ressources humaines

Jean Raspail (1925-2020) occupe une place particulière parmi les écrivains que j'aime: j'ai quasiment lu tous ses livres, sans être jamais déçu, bien que n'étant pas naturalisé patagon...

 

Le jour de sa mort j'ai écrit un article sur ce blog pour le saluer bien amicalement et publier le poème sur son roman Sire, que je lui avais transmis en 1993, lors d'un sinistre bicentenaire 1.

 

Certes je ne l'ai approché que quelques fois, lors de séances de signatures ou de conférences de Connaissance du Monde. Mais j'ai toujours eu un bon contact avec ce grand homme.

 

Comme le dit Érik Orsenna, dans sa préface, Jean Raspail n'est pas l'homme d'un seul livre, Le camp des saints, qui lui valut d'être ostracisé, injustement, par des esprits médiocres.

 

Thomas d'Aquin disait: Timeo hominem unius libri (je crains l'homme d'un seul livre). Je crains que ceux qui réduisent Jean Raspail au seul Camp des saints ne comprennent rien à rien...

 

La biographie de Philippe Hemsen est bienvenue et complémentaire. Elle dresse le portrait d'un homme que seuls ses proches ont connu, qui ne transparaît pas totalement dans ses textes.

 

Cette biographie devrait donner envie de le lire. Un futur académicien français 2, ami de son père, après avoir lu son premier roman, écrit à 21 ans, avait dit qu'il ne serait jamais écrivain...

 

Au cours de son existence, Jean Raspail, écrira une trentaine de livres... Mais, avant que d'écrire, cet homme sera lecteur et acteur. En effet, il organisera, dès 1949, une expédition de scouts.

 

Avec trois autres jeunes gens il parcourra en deux canots 4'565 km, depuis Trois-Rivières au Canada jusqu'à La Nouvelle-Orléans en Louisiane, sur les traces du père Jacques Marquette.

 

Un lieu marquera Jean: le village abandonné de Sagonnik, dont il emportera en souvenir l'affiche de toile, datant de 1923, interdisant de pénétrer dans cette réserve indienne sur le lac Huron...

 

Après cette épopée, Philippe Andrieu, étant encore son adjoint, il entreprendra fin 1951 3, un autre voyage scout, Terre de Feu 4-Alaska avec quatre jeunes gens à bord de deux véhicules.

 

Lors de ce voyage, il s'intéressera à un peuple en voie de disparition, les Alakalufs des canaux fuégiens 5. Ce ne sera pas la dernière fois qu'il s'intéressera à la tragédie d'une ethnie qui disparaît...

 

Lors d'un troisième voyage, au Pérou, en 1954, il s'enquerra du sort des Urus du lac Titicaca et gardera le pénible souvenir de s'être mal comporté avec eux pour obtenir des images...

 

En 1956, il ira au Japon. Avec Guy Morance, compagnon des voyages précédents, il rencontrera un troisième peuple en voie de disparition, sur l'île d'Hokkaido, les Aïnous, de race blanche.

 

Il avait écrit des récits de ses voyages. Cette fois, pour parler du Japon, qui lui est resté pour partie hermétique, il écrit un roman, Le vent des pins, bien accueilli par le public et la critique.

 

Celui qui ne serait jamais écrivain va écrire des récits, puis des romans, enfin des chroniques quand il sera confronté à une autre actualité que celle d'organiser ses voyages et conférences.

 

Un temps, après la parution du Camp des saints 6, il s'engage très à droite, ce qui lui vaut amitiés et inimitiés. La politique n'est pas faite pour lui. Il se doit à son oeuvre et à ses thèmes:

 

La réalisation de soi, loin des foules et des masses, dans et par la fidélité de ce qui aurait pu être...

 

Pourquoi lire Jean Raspail? Philippe Hemsen répond très bien à cette question dans l'épilogue.

 

En résumé:

  • Parce qu'il donne à rêver.
  • Parce qu'il nous apprend à sortir, et pour commencer à sortir de nous-mêmes, pour nous perdre peut-être, nous perdre ailleurs, au loin, pour mieux nous retrouver...
  • Parce qu'il est le romancier de l'individualité qui se construit en puisant sa force, sa détermination, sur l'exacte conscience de ses racines, à la fidélité desquelles il doit de pouvoir s'élever davantage.
  • Parce qu'il a su créer un monde.
  • Parce qu'il fut le témoin des évolutions sociétales, civilisationnelles et culturelles d'une bonne partie du monde et de la France en particulier, au cours des soixante années qui séparent 1950 de 2010.
  • Parce que, avec chaque peuple qui disparaît [dont il garde le souvenir avant qu'il ne s'efface], c'est toute une conception du monde et de l'univers qui disparaît. Et une langue spécifique.

 

Francis Richard

 

1 - Je fais partie de ceux qui, à son appel dans Le Figaro, se sont retrouvés le soir du 20 janvier 1993 à la Basilique Saint-Denis et le lendemain 21 janvier sur la place de la Concorde pour commémorer la mort du roi Louis XVI.

2 - André François-Poncet.

3 - Il s'est marié le 14 février 1951 avec Aliette Pénet, avec laquelle il aura deux enfants, Quentin et Marion.

4 - La Patagonie, qui va fasciner Jean Raspail et dont il s'autoproclamera Consul général, comprend la Terre de Feu.

5 - Fuégiens: de la Terre de Feu.

6 - En 1973.

 

Jean Raspail - Aventurier de l'ailleurs, Philippe Hemsen, 400 pages, Albin Michel

 

Livres de Jean Raspail chroniqués sur ce blog (créé le 24 mai 2008):

 

Le Camp des Saints, Robert Laffont (2011)

Les veuves de Santiago, Via Romana (2011)

La miséricorde, Robert Laffont - Bouquins (2015), Équateurs (2019)

Terres saintes et profanes, Via Romana (2017)

 

Publication commune LesObservateurs.ch et Le blog de Francis Richard

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