L’Inutile Odyssée de Solar Impulse

Après un premier décollage en mars 2015, l'avion solaire Solar Impulse de Bertrand Piccard vient de boucler son tour du monde.

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Les médias s'extasient comme de bien entendu, mais pas les Suisses. Le trait est forcé. Est-ce l'adage voulant que nul ne soit prophète en son pays? Ou est-ce parce que les Helvètes, à l'inverse des contrées ponctuellement visités par Solar Impulse 2, ont eu droit de bout en bout à la couverture médiatique de l'interminable épopée?

Bertrand Piccard fascine autant qu'il repousse. La mise en avant imprègne son être, ses envolées lyriques sonnent faux, son enthousiasme semble aussi inébranlable qu'artificiel mais suscite le rêve chez ses sponsors. Comme le dit un humoriste, Solar Impulse était un gros porteur: il fallait bien l'envergure d'un 747 pour transporter autour du globe à la fois le pilote et son ego. La dernière étape fut retardée d'une semaine pour cause de maux d'estomac de Bertrand Piccard ; pas question de laisser son siège à André Borschberg pour le dernier vol symbolique. Il faut bien l'admettre, Solar Impulse n'était plus à une semaine près.

La caravane Solar Impulse demanda un budget de 170 millions de francs pour transporter péniblement un pilote à une vitesse moyenne de 50 km/h, trimballant autour du monde - dans des avions au kérosène - la plus grande partie d'une équipe de 150 personnes... Solar Impulse a incontestablement réussi un tour de force, faire croire qu'il s'agissait d'écologie.

La plus grande partie du défi de pilotage consistant à rester éveillé, ne restait que l'aspect énergétique ; mais là encore, Solar Impulse démontra surtout les limites de son modèle. Comme le releva un authentique scientifique, un physicien, par ailleurs entrepreneur et pilote lui-même:

[Ce] projet ne représente pas la voie du futur, ni en matière de vol ni en matière d'approvisionnement en énergie. Il démontre au contraire les limites du photovoltaïque. (...) Solar Impulse 2 est la preuve que le photovoltaïque ne permet pas de fournir suffisamment d'énergie, ni pour l'aviation ni pour la technologie de pointe. Pour cela, il faut des sources d'énergie disponibles en grande quantité, à la fois fiables et peu coûteuses. L'énergie solaire dépend de l'heure de la journée, de la saison et de la météo.

Je suis pour les technologies propres et observe tout d'un œil critique. (...) Bertrand Piccard n'a pas pu apporter la preuve à son message "Le futur est propre". Il a surtout réussi à faire sa propre publicité.

Le verdict est sévère, mais pertinent. Bertrand Piccard a beau s'extasier à l'antenne de futurs projets de drones solaires lancés par l'industrie, s'en attribuant quasiment la paternité, ils n'ont aucun rapport avec sa tournée mondiale. On sait depuis longtemps que l'humain est le point faible d'un vol longue durée. L'existence de futurs drones solaires automatisés doit bien plus aux progrès technologiques des drones qu'à Solar Impulse.

Tous les records n'ont pas vocation à servir à quelque chose, mais tous n'ont pas non plus cette prétention. Faire péniblement le tour du monde cent fois moins vite que ce que propose déjà au grand public l'aviation commerciale pour un prix bien moindre, sans parler du confort et de la fiabilité? En l'occurrence, et malgré l'insistance du messager, le message véhiculé par Solar Impulse est parfaitement déprimant. Comme le résume un internaute:

Les pionniers utilisent les meilleures technologies disponibles pour faire mieux que ce qui existe: plus haut, plus vite, plus fort, plus commode, plus satisfaisant, moins cher, etc. Ceux qui veulent montrer qu’on peut faire presque aussi bien que ce qui existe, bien que moins haut, moins vite, moins fort, moins commode, moins satisfaisant et plus cher, mais en respectant des préceptes idéologiques, ne sont pas des pionniers, mais des saltimbanques prosélytes.

Il y a indéniablement du prêcheur chez Bertrand Piccard. Il met l'écologie au service du spectacle, lève des fonds comme un candidat aux primaires, étale un enthousiasme en téflon. Mais il est en décalage croissant avec le réel.

Le vrai problème de Solar Impulse est d'être resté en vol bien trop longtemps. Le monde a eu le temps de tourner. Comme dans ces histoires de science-fiction où la capsule d'un héros se dégèle dans une autre époque, Solar Impulse a décollé dans l'insouciance et atterri dans la crise. L'année 2003 des débuts du projet paraît si loin! La population européenne s'est bien malgré elle réveillée des chimères du réchauffement climatique pour se retrouver confrontée à des problèmes autrement plus concrets, dangereux et urgents - crise économique, crise de la dette publique, crise des migrants, État islamique, terrorisme. Foin de toutes les prévisions millénaristes sur le peak oil, le pétrole n'a jamais été aussi abondant.

Bertrand Piccard et André Borschberg pouvaient bien essayer de prévoir la météo sur plusieurs jours, ils n'avaient aucune chance d'intégrer ces paramètres dans leurs équations. Reste à Solar Impulse la satisfaction d'avoir établi une performance d'un nouveau genre, que nul ne disputera de sitôt. En bouclant un tour du monde en moins de deux ans, ils améliorent de plus d'un an le précédent record établi par Magellan il y a quatre siècles - lui qui, déjà à son époque, fit le tour du monde grâce à une autre énergie renouvelable, le vent.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur Lesobservateurs.ch, le 27 juillet 2016

22 commentaires

  1. Posté par Mady le

    En ce qui concerne « l’épisode » du drapeau suisse, je demande bien comment une Conseillère peut-elle traiter ainsi notre drapeau. Le jeter parterre derrière elle comme un vulgaire chiffon. Quel non-respect !! Et quel comportement !! J’en suis écoeurée.

  2. Posté par Gaston Siebesiech le

    @Pierre-Henri Reymond, oui notre vice-présidente est au-dessus de ça! Et puis c’est sa tournée d’adieu. Lisez l’interview à 10’000 mètre du Blick d’aujourd’hui! Et en plus nous payons avec nos impôts les voyages des reporter du Blick, c’est vrai que Zofingen est en Argovie…!
    Imaginez à la place de DL, Ueli Maurer, le « schnab » que cela ferait !

  3. Posté par Joseph Maybach le

    @Gaston Siebesiech
    Je le trouve beaucoup plus proche de Roger Montandon que de Thor Heyerdahl, mais c’est personnel.

  4. Posté par Joseph Maybach le

    À part l’épisode méprisant du drapeau je ne serai pas trop sévère avec la DL, imaginez la MCR dans le même rôle, elle se serait présentée en burka !

  5. Posté par Gaston Siebesiech le

    Bertrand Piccard est un peu le Thor Heyerdahl des années 60. Souvenez vous du Kontiki, du Ra et Ra2. L’expédition Ra2 fit naufrage, le papyrus engorgé d’eau en fut la cause.
    Malgrés tout de jolis exploits comme pour Piccard mais écologiquement/économiquement avec une impacte nettement plus modérée.
    Ra n’était il pas le dieu soleil egyptien!

  6. Posté par Gaston Siebesiech le

    Real, « moi François Holland.. » .. capitaine de pédalo , y pense avec la Royale, non pas la flotte, la ministre de l’écologie.

  7. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    @Gaston Siebesiech Ouah !!! MERCI pour le lien ! C’est effarant ! Elle traite cet emblème comme un vulgaire chiffon. Et encore. On ne ferait pas cela chez soi avec une panosse. Mais enfin, ce geste révélateur de la vérité de l’être. De Doris Leuthard.

  8. Posté par aline le

    En revenant d’Abu Dhabi notre CF girouette DL fait un appel depuis son jet privé grand luxe à la population suisse d’être plus économe dans l’avenir.

  9. Posté par Gaston Siebesiech le

    Le plus grand « moteur » de cet engin volant n’est pas le soleil. Seul l’utilisation intelligente et obligatoire des courants aériens ont permis de le faire avancer. Piccard l’avait déja fait en ballon autour du globe.
    Si l’on représentait en % l’effet des courants, jetstreams et le solaire comme moteur de cette aventure il y aurait une grande désillusion. Ainsi les compagnies aériennes utilisent elle aussi comme Solar Impulse cet effet et gagnent ou perdent plus d’une heure sur un vol transatlantique selon sa direction et par conséquent d’énergie/argent.

  10. Posté par Marie-France Oberson le

    @Derek Doppler le 27 juillet 2016 à 11h22
    Vous êtes suisse ? dommage…et que faites-vous sur ce territoire ennuyeux, sans coeur , sans âme?
    Vous êtes français ? Jaloux !!

  11. Posté par Marie-France Oberson le

    Je trouve cette analyse un peu sévère…
    C’est vrai que Picard a un égo assez développé. Mais on reproche aux Suisses de ne pas assez se « vendre », de ne pas assez se mettre en avant. Allez un peu de pub ne nous fait pas de mal. De plus, il est assez bon que le monde sache que nous avons de grandes écoles qui n’ont rien à envier à celles du reste du monde (je crois savoir que les étudiants de l’EPFL étaient impliqués dans la recherche pour la conception de l’engin ; )
    Allez, chers compatriotes, même si pour l’instant ce bidule semble ne vouloir servir à rien, comme jadis le bathyscaphe du grand-père de Bertrand, Auguste, le professeur Tournesol (si Hergé était encore vivant peut-être écrirait-il un nouveau « Tintin » sur le sujet?), il est bien possible que dans quelques années de recherches, ce genre d’avions puisse transporter quelques passagers sur des moyens courrier.
    Il est assez réjouissant d’imaginer qu’un jour peut-être pas si lointain, on pourra faire la nique aux pays producteurs de pétrole..
    Notre époque carburant au pétrole, on a l’impression que cet exploit est inutile, mais peut-être disait-on la même chose à propos du premier vol en montgolfière des frères Montgolfier puis plus tard du 1er avion des frères Wright qui ne vola que 39 mn.. On allait plus vite , plus loin et plus longtemps avec des chevaux tirant les diligences ! Il a fallu des pionniers comme eux pour arriver à nos Boeings et autres Airbus !Qui l’imaginait à l’époque ?
    Oui, cet exploit se déroule dans une période de turbulences: Le monde occidental n’est pas à la fête. Mais un peu de rêve ne va pas lui faire du mal !
    la seule chose que je peux reprocher c’est qu’il n’ait pas atterri à Payerne.

  12. Posté par pierre frankenhauser le

    Ils se font mousser leur futur soi-disant meilleur, grâce à SI2. Et je demande bien ce qu’ils sont allés faire chez les enturbannés mohamétans. Décoller et atterrir de l’aérodrome de Payerne, là où le projet a principalement pris forme pendant toutes ces années, n’était visiblement pas assez sexy pour ce pro du marketing. Mais les rois du pétroles rapportent plus que les agriculteurs de la Broye vaudoise.
    Le seul point positif que je retiendrai, ce sont les progrès technologiques et les découvertes scientifiques boostés par cette aventure. Batteries, isolation thermique, cellules photovoltaïques, nutrition, sommeil, etc.

  13. Posté par Gaston Siebesiech le

    @ Pierre-Henri Reymond: https://youtu.be/k7jnzzx5y1c dès 2:20:13 …
    Le monsieur, au chapeau pas très diplomatique, ramassera enfin le drapeau, merci à lui. Mais après que quelqu’un lui marche dessus en reculant.
    Un détail dans cette histoire, peut être !?!

  14. Posté par thierry le

    Exploit plus égocentrique qu’utile… Qu’est ce que ça apporte à la population? Rêve, frustration, dégoût. Je n’ai aucunement suivi cet « exploit » comme je ne suis aucun évènement de ce genre. Gaspillage de fric, alors que des millions de personnes crèvent de faim dans la pauvreté la plus totale (s’ils ne sont pas bombardés avant!). J’aurais préféré que ces 170 millions soit redistribués à ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté en Suisse! Ca aurait été 170 millions de fois plus utile.

  15. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Suivant l’information communiquée par Gaston Siebesiech j’ai visité le site de Solar Impulse. Il y en a plusieurs ! Je n’y ai pas trouvé trace de Doris Leuthard avec un drapeau suisse ! Veut-il être plus précis, ou fournir un lien ?

  16. Posté par JOUFFLU le

    Il faut également préciser qu’à la vitesse ou vole l’avion solaire il doit soigneusement étudier le sens du vent car sinon il n’avance pas, il recule.

  17. Posté par Gaston Siebesiech le

    Il est vrai que son altesse, le prince de Monaco n’avait rien à proposer.

  18. Posté par Gaston Siebesiech le

    Cher Aline et ce n’est de loin pas tout !
    La cheffe de l’UVEK, vice-présidente de la confédération se permet sur la tribune avec leurs éminences et après une photo avec les deux héros et le drapeau suisse qu’elle avait pris avec (bravo) de jeter notre drapeau, comme un torchon au sol, derrière elle !!!
    Un scandale, la honte du jamais vu. A voir sur le site solarimpulse.com video de l’arrivée à Abu Dabi
    2:20:13-15
    Suite à ce geste scandaleux, le peuple suisse est en droit d’attendre des excuses et sa démission.
    Nos administration ont mis à disposition de sieur Piccard des hangards et l’infrastructure de Payerne et Dübendorf. Pas un mot de sieur icard…

  19. Posté par aline le

    Wow, quel analyse pertinente, tout le contraire de ce qu’on lit dans les médias bisounours. Ils sont dans le délire absolu et ne posent aucune question critique. L’ hypnotiseur et aéronaute Bertrand Piccard n’est de loin pas un pionnier de l’aviation, il a surtout prouvé que son engin ne vole que par le beau temps et le moindre coup de vent déstabilise et abime son jouet. Quelle arnaque! Et notre CF se déplace en jet privé pour agiter le drapeau suisse à Abu Dabi.

  20. Posté par Derek Doppler le

    En ce qui concerne le taux de retour énergétique de ce cirque technologique aussi odieux qu’ennuyeux -mais exactement à l’image de #shitzerland, territoire sans plus de cœur, âme ou identité hors des règlements communaux concernant le tri des déchets- l’autre exalté prométhéen n’a pas fini de tourner pour tenter d’atteindre le seuil de rentabilité (dans 750 ans?)

  21. Posté par Robcla le

    Un peu sévère, mais vrai. Et très drôle… Ceci dit, il ne faut jamais enterrer une technologie. Imaginons que l’on découvre des batteries bien plus puissantes, et/ou qui potentialisent l’énergie ?

  22. Posté par RealrscognizeReal le

    Exact!
    On peut aussi faire le tour du monde en pédalo et promouvoir l’écologique.

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