Sondages manipulés. Quels sont les politiciens les plus proches du monde économique?

Albert Leimgruber
Rédacteur

 

« Il y a trois sortes de mensonges : les petits mensonges, les gros mensonges et les statistiques. » écrit Graham McNeill.

 

Durant la campagne électorale, deux classements ont retenu l’attention des citoyens. Le premier a été élaboré par l’usam (Union Suisse des arts et métiers), l’autre par le magazine Bilanz. Les deux classements voulaient évaluer les politiciens fédéraux défendant le plus les intérêts de la place économique suisse. Or, si le premier sondage plaçait les représentants de l’UDC et du PLR en tête, le second plaçait notamment l’UDC en queue de peloton.

 

La méthode de l’usam

Les objets figurant dans les bilans de session établis par l’usam entre la session d’hiver

2011 et la session d’hiver 2014 ont servi comme base pour la sélection des votes du

Conseil national. Dans un premier temps, à partir de l’analyse des bilans de session,

215 votes pertinents pour les PME ont été identifiés (concernant 169 thèmes différents) pour le Conseil national et 27 pour le Conseil des États (23 thèmes différents).

Les votes sélectionnés ont été pondérés par l’usam selon leur importance en termes de politique industrielle. Ainsi, les sujets qualifiés de plutôt insignifiants (ne concernant les PME de manière médiate ou indirecte seulement) ont obtenu le facteur de pondération de un, les sujets jugés peu importants (touchant les PME en partie ou uniquement certains secteurs) le facteur deux, les sujets concernant fortement et directement une partie des PME se sont vu attribuer le facteur 3 et les sujets jugés très importants, c’est-à-dire des votes touchant directement toutes les PME ont obtenu un facteur de pondération de quatre.

Dans leur dossier (1), les responsables de l’usam indiquent clairement la méthode de calcul.

La méthode de Bilanz

La méthode du magazine Bilanz a analysé 222 votes de la législature 2011-2015. Le magazine Bilan a tenu compte de cinq facteurs dans le choix des sujets (2) :

  1. Une suisse ouverte sur le monde
  2. Conditions-cadres stables et sécurité du droit
  3. Plus de concurrence
  4. Soutien à la place financière
  5. investissements pour l’avenir

Un soupçon s’installe quand l’on observe ces critères. Que signifie une Suisse « ouverte sur le monde » et des « conditions-cadres stables » ? De quelle nature sont les « investissements pour l’avenir » ?

La prétendue « ouverture » de la Suisse vise particulièrement les questions relatives aux rapports Suisse-UE. Il est évident que si l’on considère le soutien inconditionnel à chaque décision en relation avec l’UE comme favorable à l’économie, les verts se retrouvent en tête et l’UDC en que du classement. Or, pour la majorité des PME, les relations avec l’UE sont moins importantes que la lutte contre la bureaucratie quotidienne et l’abondance de normes et de règles contraignantes qui limitent les marges de manœuvre des petites entreprises. Ainsi, pour Bilan, le soutien à l’initiative populaire contre l’immigration de masse revient à un vote contre les intérêts de l’économie, alors même que le texte de l’initiative (donc l’article constitutionnel 121a) préconise de tenir compte des besoins économiques de la Suisse.

Si la « sécurité du droit » est effectivement une des conditions-cadres qui font la force de la place économique Suisse, cela ne veut pas dire que les lois ne peuvent être modifiées par la politique. Le magazine Bilanz qui se dit proche du monde économique utilise une formule vague et sujette à interprétation. Que signifie « sécurité du droit » dans la pratique ? La remise en question de certains accords bilatéraux met-elle plus en péril la sécurité du droit que l’introduction d’un salaire minimal ou la limitation des salaires des patrons ? Le terme « sécurité du droit » est donc sujet à interprétation suivant sa propre opinion politique. Une statistique se basant sur des appréciations subjectives et controversées ne peut donner un résultat sérieux et crédible.

Dernier point intriguant : les « investissements pour l’avenir ». En quoi cela consiste-t-il ? Le financement des crèches, le soutien à la culture et l’aide au développement ? Ces investissements sont-ils réellement un soutien pour l’économie ? Une fois de plus, Bilanz se paie le luxe du ridicule en attribuant des critères arbitraires à son étude.

 

Manipulation

Une statistique ne peut jamais être interprétée de façon neutre. Les personnes et organisations qui commandent de telles analyses veulent avant tout voir leurs points de vue confirmés. Si la méthode de Bilanz apparait carrément téméraire, elle a le mérite d’être claire : elle n’est que manipulation.

 

Albert Leimgruber, 30 septembre 2015

 

(1) http://www.sgv-usam.ch/fileadmin/user_upload/franz/2015/varia/20150108_kmu-rating_2011-14_2015-01-06_de_teil-fr.pdf

(2)

http://www.bilanz.ch/management/diese-nationalraete-kaempfen-fuer-die-wirtschaft-440738

 

Un commentaire

  1. Posté par Jean-Francois Morf le

    A propos de manipulation: le 9 février, les suisses étaient contre l’immigration de masse à une faible majorité du nombre de suisses mais à une majorité confortable du nombre des cantons.
    Les journalistes « bien pensants » nous parlent sans cesse de cette faible majorité, en oubliant systématiquement la majorité confortable des cantons souverains. Ils se foutent de la volonté des cantons, comme si la Suisse était déjà une dictature bananière!

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