Loi sur le travail: les humains derrière les caisses

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Derrière le triomphe de la consommation sans interruption, les oubliés de l’ultra-libéralisme.

S'il est un reproche que l'on pourra épargner aux Observateurs c'est bien celui de succomber aux vieilles lunes d'une gauche sur le tard, la nôtre, désespérément arrimée à ses mythes fondateurs tandis que change le monde.

Pour tout dire, l'équipe de la Rédaction est plutôt du genre à avoir le poil qui se hérisse à chaque fois qu'une Ada Marra, ou consort, a le malheur de contracter ses cordes vocales. Rédaction qui en est encore à considérer que, toute proportion gardée et à dose raisonnable, le capitalisme a plus fait pour les damnés de la terre que le socialisme ne pourra même jamais l'imaginer dans ses rêves les plus fous. Ceci étant, ni l'un ni l'autre ne sont des solutions absolues, la réponse devant avant tout rester à l'homme.

Remplir les panses et les comptes en banque est une chose, mais la fin de la misère matérielle ne saurait se substituer à la misère sociale d'un total esclavage de son emploi du temps à la cause de sa survie économique. Il est des heures où l'homme a besoin d'échapper aux contingences du travail pour se retrouver en famille, en société. Travailler pour vivre et ne pas vivre pour travailler.

Ainsi, quand on entend un tenancier d'échoppe (dès 04:10) vanter son business plan en assurant que le travail de nuit touche à

"90% des femmes au foyer",

l'on se prend à penser que l'Alliance du dimanche a peut-être mis le doigt sur quelque chose.

L'on aura beau répliquer que noctambules, étudiants en révision et autres nocturnes seront toujours demandeurs, hors certaines saisons particulières, le poids de ce type d'emploi reposera le plus souvent, en fin de compte, sur les épaules des classes économiquement plus fragiles.

Nous ne disons pas qu'il n'existe pas de personnes ravies de travailler de nuit, mais que le risque est grand qu'à force de se généraliser, le travail de nuit ne devienne une condition incontournable de l'accès à toute une gamme d'emplois. Et puis il y a le dimanche, la famille.

 

De la définition du sujet

De l'autre côté, les partisans du oui noient habilement le poisson en prétendant souligner une incohérence dans le droit actuel, qui permet en effet de vendre des cervelas mais pas de saucisses à rôtir. Il faut comprendre que nous en sommes déjà à la moitié du salami et que les partisans des trois-huit ont parcouru une bonne partie du chemin qui les séparait de leur objectif.

Nier que la présente loi n'est autre que le cheval de Troie d'un total débridage des horaires de travail à venir est une posture, certes compréhensible, mais qui ne plaide guère en faveur de la rectitude intellectuelle, par exemple, d'un Fathi Derder, prétendant, toujours sur la RTS (dès 06:58), que la votation ne fait que concerner l'assortiment des rayons d'une vingtaine de négoces autoroutiers.
On sait la gauche hostile à bien des égards, mais pas stupide, au prix comptant de la démocratie, au point de lancer un référendum sur la place des saucisses de veaux sur les étals. Au passage, la tirade du Conseiller Derder sur les minarets (dès 20:06) et le populisme de la gauche tient plus de la performance du communicant professionnel que du véritable homme d'idée.

oui aux saucisses

Reste sans doute que la principale faiblesse des référendaires, et la raison prochaine de l'échec qui semble se profiler à l'horizon, aura été de n'avoir trouvé que la gauche pour les défendre. Ecrasé entre les deux inflations bipolaires parlementaristes de la gauche et de la droite, le christianisme social a cessé d'exister depuis belle lurette: le PDC n'en finissant plus de balancer entre deux errances morales, l'UDC ne sachant se défaire de ses origines comptables et la gauche, depuis toujours, se vouant à d'autres dieux. Partant, l'alliance des églises à la suite du parti socialiste ne fait que paraître incongrue, sinon masochiste.

 

Cohérence

Car enfin, comment admettre la moindre once de bonne foi de la part d'une formation politique s'opposant avec si peu de raisons à l'initiative des familles au prétexte qu'elle viserait exclusivement les femmes, ce qui est faux et, par ailleurs, symboliquement réducteur.
Opposition qui revient directement à priver les femmes, ou les hommes, au foyer de la possibilité de défiscaliser le temps qu'ils passeraient à garder leur enfant à domicile, et ce même à temps partiel. Les réticences à défiscaliser les allocations familiales, à défendre le travailleur autochtone devant les phénomènes de dumping du fait des vagues successives d'immigration, ne plaident certainement pas en faveur de la pureté d'intention du parti socialiste. Parti qui se retrouve, en fin de compte, dans la même posture que celle qu'il croit opportun de reprocher à la droite, "communicant en marketing politique".

Si l'on pouvait concevoir que, sur un point et sur un point seulement, le PS pouvait avoir raison, ce ne serait que pure coïncidence et accident fortuit. Le parti socialiste se moque de la mère au foyer comme d'une guigne, qu'il exige de voir au charbon à flux tendu pour éviter qu'une trop grande liberté ne vienne "occasionner des pertes de recettes fiscales de l'ordre de 1,4 milliard de francs par an (environ 400 millions de francs pour la Confédération et environ 1 milliard de francs pour les cantons)" (source). La première idée du parti socialiste à l'intention de l'homme, du travailleur, c'est d'aménager sa capacité à fournir l'Etat en impôts frais. C'est avant tout cela le "plan de société" dont parle Ada Marra.

 

Quelles solutions ?

La solution est toute trouvée et par ces mêmes shops qui réclament de bénéficier de l'acceptation de cette loi: Depuis des décennies, l'essence, qui est la première raison d'être de ces commerces, est vendue par des automates. Automates qui donnent d'ailleurs pleine et entière satisfaction dans l'approvisionnement de snacks et autres douceurs, voire de fondue à Fribourg et de raclette en Valais. Si la liberté de commerce et la satisfaction ininterrompue d'une insatiable clientèle étaient bien l'intention avouée des partisans de la loi, force est de constater qu'ils se rangeraient aisément à cette solution éminemment progressiste et conciliante. Or, curieusement, elle ne semble pas les satisfaire en l'occurrence.

 

RTS Forum 28.08.2013

Débat politique

Interview du commerçant

 

Voir encore

24h/24, 7 jours/7: Faut-il laisser la gauche avoir raison toute seule ?

Un commentaire

  1. Posté par Le pragmatique le

    D’une façon générale le suisse est structuré. Toutes choses étant égales par ailleurs, celui qui ne pourra acheter une saucisse à rôtir a 3 h du matin, se munira la veille d’une boîte de raviolis de préférence achetée plutôt que volée.

    Personne n’en parle dans les débats: est-il indispensable que ces gens s’exposent à des braquages et schengeries diverses, tout ça pour gagner 20.- / heure. C’est des métiers devenus dangereux la journée, j’ose pas imaginer la nuit. Il faudra prévoir des tubes rocket dans les stations.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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