Les fanatiques de l’hygiène publique

Jean Romain
Jean Romain
Ecrivain, philosophe, député PLR GC Genève

Depuis deux décennies, l’école est devenue une sorte d’hôpital de jour où l’élève est un patient permanent qu’il faut guérir de tous les maux : la mal-bouffe, la drogue, les caries dentaires, l’égoïsme, le stress, la tentation suicidaire, le développement durable, l’habillement, toutes choses utiles dont la liste est infinie, mais qui ont déteint sur une idée de l’échec scolaire.
Un « apprenant », objet de tous les soins des pédagogos, ne peut pas faillir, ne doit pas faillir. Il mettrait en cause le merveilleux système de « compétences » qui coûte une fortune et dont les résultats sont consternants.

 

Après les lieux publics fermés (ce qui est globalement une bonne chose) voici qu’on songe à interdire la fumée dans les lieux publics ouverts, parcs, piscines et plages. Un pas de plus dans la cohorte des interdictions. La troupe de ceux qui s’organisent pour gâcher la vie des autres avec une bonne conscience morale parfaite se densifie. Et les domaines d’action sont infinis : du tri des déchets, en passant par l’exigence de transparence, l’utilisation des euphémismes, jusqu’à l’enseignement, il y a de quoi faire pour les chevaliers du bien. Pour eux, le bien est la réponse anticipée à toutes les questions.

 

Derrière ces combats hygiénistes, une vision du monde : la médicalisation de toute la société. En fait, le Nouvel Ordre mondial veille pour que le mal disparaisse de la surface de la terre, ou alors éventuellement se cantonne à des niches aisément repérables comme le nazisme, le racisme et quelques autres qu’on prend bien soin d’entretenir au bain-marie pour montrer que le mal ne peut pas se trouver ailleurs. Il s’agit de lyncher ceux qui ne comprennent pas que le bien est inévitable, et ce qu’il y a d’amusant c’est que le lynchage à présent prend des marques progressistes. Mais la doxa est claire : il faut faire le bien, vouloir le bien, promouvoir le bien, « aller du bon côté », cela va de soi. Or tout ce qui est intéressant à discuter débute exactement où s’arrête ce qui va de soi. Consensus au poing, nos hygiénistes sont prêts à de nouveaux combats en faveur du bien, combats d’autant plus distrayants qu’ils sont totalement inefficaces puisque tout le monde les réclament.

 

Autre exemple du même tonneau : la médicalisation de l’école. Depuis deux décennies, l’école est devenue une sorte d’hôpital de jour où l’élève est un patient permanent qu’il faut guérir de tous les maux : la mal-bouffe, la drogue, les caries dentaires, l’égoïsme, le stress, la tentation suicidaire, le développement durable, l’habillement, toutes choses utiles dont la liste est infinie, mais qui ont déteint sur une idée de l’échec scolaire : les difficultés d’éducation sont interprétées en termes de difficultés d’instruction, dont la principale est l’échec scolaire. Cet échec est devenu insupportable pour cette vision hygiéniste ; « lutter contre l’échec » est justement son mot d’ordre. Et l’élève qui échoue doit être soigné car l’échec fait partie de l’anormalité. C’est une forme de maladie. Sa majesté l’élève échouerait ? Un « apprenant », objet de tous les soins des pédagogos, ne peut pas faillir, ne doit pas faillir. Il mettrait en cause le merveilleux système de « compétences » qui coûte une fortune et dont les résultats sont consternants.

 

Le bien a encore frappé !

Jean Romain

 

4 commentaires

  1. Posté par Jan Marejko le

    Le premier promoteur d’une campagne anti-tabac s’inscrivant dans un fanatisme de l’hygiène publique a été… Hitler.

  2. Posté par JeanDa le

    Bonjour,
    Ouais … en allemand on dirait « Jein ». Assez d’accord avec vous « globalement » 😉
    Mais vendredi dernier, dans un petit restaurant sympa au bord du lac, j’avais le choix entre la salle surchauffée après une journée de grand soleil et la très agréable terrasse ombragée … mais complètement enfumée vu l’absence quasi totale de vent. Je suis rentré chez moi après l’apéritif, les yeux rougis. « Globalement », il n’y a pas de vérités absolues 🙂
    Bonne soirée sans masque à gaz.

  3. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Ah… sacrée tyrannie du BIEN… « vous serez comme Dieu… » L’interdiction de fumer dans les lieux publics est une bonne chose, dites-vous. Vous précisez « globalement ». Que faut-il entendre de ce « globalement »? Partiellement? Qu’il y a quelques points noirs dans le globe? Parlez–en donc. J’admets cet interdit dans les lieux où les gens sont obligés de se rendre. Mais pas dans TOUS les établissements, du plus infâme troquet au club de luxe! Nul n’est libre d’ouvrir les portes de son établissement à une clientèle de fumeurs! Donc si « totalitaire » ne vient pas de « totalité », cet interdit est libéral… Oui, vous entrouvrez la porte au diable. Comme si vous disiez que la tyrannie du bien est haïssable en ajoutant « mais… globalement…
    Ceci dit, l’école causa mes pires tourments de père! Et à mes enfants aussi. Une maîtresse, pardon, une enseignante me dit un jour: « Abigaïl est mon rayon de soleil!  » Mais le rayon, constamment cité en exemple, était chargé de tous les « péchés » de la classe, et subissait tous les reproches. Ce que j’ignorais alors est qu’Abigail était en conséquence proscrite des autres. De plus j’ai été témoin de situations ubuesques, délirantes. C’était il y a vingt ans.
    Qui changera cela, et comment?

  4. Posté par Böse Birgitt le

    Il est bien connu que ce sont les consommateurs les coupables! L’eau polluée, la traçabilité de la viande + que douteuse, les pesticides, tous les produits chimiques… sont la faute des usagers!… Pour qu’on ne demande des comptes et des remboursements à qui de droit? …avec ce qu’on paie en assurance maladie!..ils ns en remettent une couche : c’est de notre faute et ils ns contraignent à touj. moins de liberté pendant qu’ils en usent eux tout à loisir, la liberté de nuire je voulais dire…

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