Si j’étais président…

Jean Romain
Jean Romain
Ecrivain, philosophe, député PLR GC Genève
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Que devrait faire idéalement le futur chef de l’école valaisanne puisque nouveau chef il y aura prochainement en Valais ?

Il faut commencer par redire que, comparativement aux autres cantons, l’école valaisanne ne va pas mal du tout ; les tests Pisa d’ailleurs la situent en bonne place, et il est important que cette excellence, toujours menacée, perdure dans les années à venir. Il en va de la crédibilité d’un canton qui n’a pas d’université et dont les étudiants sont appréciés. Cependant, le DECS devrait rapidement devenir le DICS, c’est-à-dire mettre l’accent non sur l’éducation mais sur l’instruction. En effet, la difficulté éducative que rencontrent bien des parents, le laxisme, le désarroi, l’interrogation sur les valeurs à promouvoir, les a poussés à demander à l’école de faire ce qu’elle n’a pas vocation de faire au premier chef : éduquer. L’école doit instruire ; l’éducation est d’abord l’affaire des familles : c’est dans la collectivité des citoyens qu’on instruit ; c’est dans l’intimité des familles qu’on éduque. Ce glissement progressif de l’instruction vers l’éducation a transformé le professeur en éducateur, ce qu’il n’est pas, et ce qu’il ne veut pas être.

 

Quatre mesures générales s’imposent globalement

  1. Redonner aux fondamentaux leur place centrale à l’école. En effet, commencent à apparaître des problèmes liés à la maîtrise de la langue maternelle : l’orthographe est moins sûre qu’elle ne l’était il y a dix ans encore; la grammaire, cette structure de base de l’expression non seulement verbale mais encore conceptuelle, commence à perdre de sa prépondérance ;  la compréhension des mots dans des phrases un peu complexes devient vacillante. Ces fondamentaux doivent être maintenus car il ne s’agit pas d’une branche à part, mais du tronc même de la formation, et des carences dans ces domaines finissent par se répercuter dans d’autres.
  2. L’autorité est ce qui fait grandir l’élève. Non seulement l’autorité de l’école mais aussi l’autorité à l’école. Le professeur est celui qui maîtrise un savoir et qui est capable de le transmettre pas à pas : c’est cela même le fondement de son autorité. Il ne faut pas obéir au professeur parce qu’il est professeur mais parce qu’il détient l’autorité de sa discipline. Dans un monde où partout cette notion a été contestée, l’école doit maintenir les repères essentiels et ne pas céder à l’air du temps.
  3. La formation des maîtres est un élément clé du système scolaire. Genève est mise, depuis plusieurs décennies, au goutte à goutte pédagogiste. Un des facteurs centraux de la péjoration de l’école provient directement des HEP et de l’IUFE, carcans idéologiques et passablement indigents, qui se prétendent les garants des « sciences de l’éducation ». Or, l’enseignement est un art pratique, et ceux qui sont incapables de l’exercer l’ont transformé en science. Le Valais doit demeurer, dans le cadre romand des HEP, à l’abri des idéologues qui affirment que « pour enseigner, il faut que vous fassiez le deuil de la branche que vous enseignez. ».
  4. Avec ces idéologues sont arrivés des programmes qui tirent la transmission du savoir vers le bas. Ce n’est effectivement pas le cas lorsque vous lisez les ambitions démesurées du PER, mais la méthode socio-constructiviste qui les accompagne comme méthode phare de l’enseignement ruine l’édifice. Le Valais ne doit pas se laisser prendre par la rhétorique d’intimidation qu’on réserve aux « conservateurs » qui n’entendent pas donner dans la bouillie pour chat du constructivisme.

 

Dans les trois ordres d’enseignement

Au primaire, le nouveau projet de loi que devra étudier de Grand Conseil est en fait un saucissonnage du contenu de E2000, rejeté massivement par le peuple : la notion d’équipe pédagogique ne doit pas remplacer celle du maître de classe ; le but de premier cycle primaire est plus que simplement « se familiariser avec le travail scolaire » : il s’agit d'apprendre le travail scolaire, de se plier à une première contrainte ; ou encore, étant donné la spécificité confessionnelle du Valais, on ne peut réduire l’objectif à un vague « épanouissement spirituel, dans le respect de la liberté de croyance et de conscience ». Ce type d’ idéologie nocive pour avoir été battue n’a pas rendu les armes, et le danger d’un tel projet est de déboulonner ce qui est encore solide dans cet ordre d’enseignement.

Au Cycle d’orientation, dont la structure doit être simplifiée au maximum, il convient de rester dans le cadre des exigences qui sont les siennes. Le risque au CO n’est pas d’en faire moins, mais d’en faire plus et, par ce fait, de ne pas faire ce qu’il faudrait. C’est une tendance à laquelle le Valais n’échappe pas : on veut pousser au mieux tous les élèves vers le haut, mais le faisant, on saute des marches de l’échelle, et on crée plus de problèmes qu’on en résout puisque rien n’est jamais vraiment acquis. C’est alors au degré suivant de compenser les lacunes. Là aussi, plutôt que multiplier les langues étrangères, il convient d’abord de former aux fondamentaux.

Au Collège, il convient de repenser l’organisation et le panachage du premier groupe des disciplines, en mettant l’accent sur les branches complémentaires dans la formation des jeunes esprits (mathématique, langue première, science humaine, assorti d’une ou deux langues secondes). La qualité de formation des étudiants meilleurs et moyens semble satisfaisante ; en revanche, de plus en plus d’étudiants semblent ne pas être à leur place : on peut se demander si le nombre d’échecs à la maturité dans un collège, dont a parlé la presse, est un simple accident.

Les autres domaines de l’enseignement (professionnel et tertiaire) exigent qu’on aille dans le même sens. Dans un canton périphérique et passablement malmené par deux lois fédérales en matière d’aménagement du territoire, il convient de ne pas baisser les bras sur l’autre richesse du pays : sa jeunesse. « Si j’étais président… » dit une chanson passablement démodée, moi, en tout cas, je mettrais l’accent sur ce qui fait l’identité de mon pays.

Jean Romain

4 commentaires

  1. Posté par Antonio Giovanni le

    « ..les fondamentaux, lire, écrire, compter et calculer.. » j’ajouterai mémoriser; la mémoire a été disqualifiée par quelques cuistres avant-gardistes qui pensaient que, grâce à leur pédagogie nouvelle, il était possible « d’apprendre sans mémoriser »; une cuistrerie bien sûr, mais elle a conditionné de prétentieuses méthodes d’enseignement qui ont dégradé l’organisation des connaissances chez les élèves; on n’a plus mémorisé des textes, qui servaient autrefois à entrer amitié avec les grands auteurs, leur pensée, leur vocabulaire et leur style, quelle que soit la langue d’ailleurs. Bien loin de regretter l’époque où de gens soi-disant cultivés nous assommaient de leurs références littéraires, il faut pourtant se demander: sans référence aux bons auteurs quelle langue parlerait-on ? Vous le savez comme moi: le sabir purement instrumental des té-cis!

  2. Posté par Eddie Mabillard le

    Merci, Monsieur Cain Marchenoir, vous avez entièrement raison au sujet de Roch. J’avais voté pour Madame Cilette Cretton pour contrer Roch, je n’ai jamais voté radical. Mais quand j’ai entendu Madame Cretton défendre la suppression des notes dans l’école vaudoise, c’était, je crois, à une causerie de midi à la bibliothèque cantonale à Sion, je me voyais plonger ma main dans l’urne pour ressortir mon bulletin.
    Avec un PDC à la tête de l’instruction publique vous avez aussi raison, à mon avis le moins mauvais, celui qui détruirait le moins nos valeurs serait Monsieur Tornay.

  3. Posté par Cain_Marchenoir le

    Je vous remercie pour votre intervention M. Mabillard, dans les grandes lignes je pense comme vous. Ceci dit, il y a un autre danger qui guette le DECS en Valais: l’arrivée à sa tête d’un PDC qui n’y connait strictement rien. Alors certes ca ira toujours moins loin que si EWK reprend le département, mais on continuerait alors dans la plus pure ligne de Claude Roch qui n’a strictement rien fait hormis laisser les grands théoriciens pédagogistes s’emparer gentiment de l’école….Vous pouvez discuter avec à peu près n’importe quel enseignant (sauf des Radicaux bien sûr…), il vous dira que Roch n’a jamais été à la hauteur de quoi que ce soit…

  4. Posté par Eddie Mabillard le

    Je postais récemment en réponse à Cain Marchenoir ce qui suit: Oui, Cain_Marchenoir, c’est une possibilité, peut-être une probabilité qu’Oskar n’ait pas le département de l’instruction publique, suivant ce que pensent et décident les trois PDC. Le PDC devrait se souvenir de l’époque de Monsieur Marcel Gros (PDC), quand il était chef du DIP de 1953 à 1969. C’est mon père qui était député socialiste qui me racontait : un député socialiste demanda, je pense, au début des années soixante, ne pourrions-nous pas prendre des contacts avec les chefs des DIP des autres cantons romands pour harmoniser quelque peu les programmes scolaires, pour que l’on ait des niveaux concordants, afin que les élèves Valaisans n’arrivent pas aux « technicums » aux universités et à l’épul, en étant prétérités. La réponse de Monsieur Gros fut cinglante : nous n’allons pas vendre notre âme au diable, en nous acoquinant avec «ces protestants genevois et vaudois ».
    Mais depuis, les aberrations de Genève, pollué par la France, se sont infiltrées jusqu’en valais et causant des dégâts considérables, qui ne se souvient pas des « maths modernes » du français renouvelé et autres âneries du genre, je n’ai pas connu cela, j’ai eu le paraphe de Monsieur Marcel Gros sur mon CFC en 1967.
    Je parle par contre en connaissance de cause, j’ai enseigné une branche technique au centre de formation professionnelle de Sion récemment, j’ai vu le niveau de français et de mathématiques, les élèves qui suivaient mes cours étaient tous issus du cycle A, ils n’arrivaient par exemple pas à résoudre une circonférence. Je me suis aperçu qu’ils avaient appris cela au cycle, mais ne se souvenaient plus. Donc ce qui leur manque c’est de la répétition, ma devise est “la répétition est la mère du talent”, je pense que comme dit Oskar l’on perd trop de temps pour des inepties ou des inutilités, vous n’aviez pas l’ordinateur vous les vieux schnocks qu’ils disent, oui j’ai vu le niveau de l’informatique incapable de faire un tableau Excel simple !
    Oskar veut insister sur les fondamentaux, lire écrire compter et calculer, avec cela ancré dans la tête, vous pouvez étudier tout le reste et n’importe quand dans votre vie. Évidemment qu’avec cela vous ne pouvez pas instiller d’idéologie comme le désirent les gauchistes.
    Alors oui Cain_Marchenoir, vous avez raison. Si le DIP, département clef s’il en est, échoit à la socialiste, ce sera la faillite de l’instruction en Valais, nous ne sommes encore pas mal classés aux tests PISA au niveau Suisse, bon il ne faut pas comparer avec Shanghai, Singapour, la Finlande, la Corée du Sud ou Hong Kong, mais avec EWK nous serons derrière la Lettonie d’ici quatre à huit ans !
    Vous avez entièrement raison Monsieur Jean Romain, votre article est plein de bon sens, ou comme disent les anglophones « common sense », vos articles sont toujours pertinents, bravo.

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