Michel Garroté -- L’alliance de l’Occident avec tel ou tel pays musulman, cette alliance doit être considérée comme une alliance tactique à court terme, même si elle est renouvelable pendant un certain laps de temps. Face à l’Etat Islamique (EI) qui veut anéantir les chrétiens en terre d’islam, le régime syrien de Bachar al-Assad n’est pas notre allié stratégique à long terme. Il est, ou plutôt, il devrait être - seulement et provisoirement - un partenaire tactique à court terme (sur ce thème, lire ou relire Sur le retour du chemin de Damas et Allô Damas ? Passez-moi Bachar al-Assad !).
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Ci-dessous, je publie une analyse en cinq parties qui tente d’évoquer l’essentiel :
CINQUANTE ANS DE DIALOGUE ISLAMO-CHRETIEN SANS AUCUN RESULTAT
ANTISEMITISME ET ISLAMOPHOBIE NE SONT PAS COMPARABLES
CE QUI SE PASSE VRAIMENT DU COTE D’ALEP (SYRIE)
LA FIN DES CHRETIENS EN TERRE D’ISLAM ?
MASSACRE DES CHRETIENS D’ORIENT - LES CHEMINS DE LA BARBARIE
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CINQUANTE ANS DE DIALOGUE ISLAMO-CHRETIEN SANS AUCUN RESULTAT
Tout récemment, le pape François a reçu à Rome les Evêques d 'Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie et Libye). Dans le discours qu'il leur a remis, il a évoqué l’histoire d'une région marquée par de nombreuses figures de sainteté depuis Cyprien et Augustin, patrimoine spirituel de toute l’Eglise, jusqu’au bienheureux Charles de Foucauld, dont on fêtera l’an prochain le centenaire de la mort. Jusque-là ça va. Mais le pape ajoute : « Depuis plusieurs années l'Afrique du Nord connaît des évolutions significatives, qui permettaient alors d’espérer voir se réaliser certaines aspirations à une plus grande liberté et à la dignité et favoriser une plus grande liberté de conscience. Mais parfois aussi ces évolutions ont conduit à des déchaînements de violence » (Note de Michel Garroté - Le pape utilise des euphémismes ; car, en réalité, nous assistons à une éradication des chrétiens en terre d’islam).
« Je voudrais saluer particulièrement le courage, la fidélité et la persévérance des évêques de Libye, ainsi que des prêtres, des personnes consacrées et des laïcs qui demeurent dans le pays malgré les dangers multiples. Et à ce propos, je suis heureux de relever que l’Institut pontifical d’études arabes et islamiques, qui célèbre cette année son cinquantième anniversaire, est né à Tunis » (Note de Michel Garroté - Intéressant : un Institut pontifical d’études islamiques œuvre depuis cinquante ans ; et le résultat de ce « pontifical islamique », c’est qu’on massacre de plus en plus les chrétiens d’Orient).
« Soutenir et utiliser cette institution si nécessaire pour s’imprégner de la langue et de la culture permettra d’approfondir un dialogue en vérité et dans le respect entre chrétiens et musulmans. Le dialogue, vous le vivez aussi au jour le jour avec les chrétiens de diverses confessions ». Citant également l’Institut Œcuménique Al Mowafaqa (Maroc) qui promeut le dialogue œcuménique et inter-religieux, le Pape rappelle que ses hôtes « animent une Eglise de la rencontre et du dialogue, au service de tous sans distinction » (Note de Michel Garroté - Institut pontifical d’études arabes et islamiques par-ci ; Institut Œcuménique Al Mowafaqa par-là ; et depuis cinquante ans que ça dure, on détruit les églises en terre d’islam et on construit des mosquées en Europe ; un jour, l’Eglise catholique devra rendre des comptes pour cette hérésie et cette aberration que constitue ce catholicisme islamo-compatible, ce « catholislam »).
ANTISEMITISME ET ISLAMOPHOBIE NE SONT PAS COMPARABLES
Gilles William Goldnadel, dans Le Figaro, écrit : C’était sûr. Promis, craché. Rien ne serait plus jamais comme avant. Le 12 janvier au matin, les nuées pestilentielles de la haine, de l’intolérance, et du terrorisme intellectuel seraient emportées par un ouragan nommé Charlie. Certains, très peu nombreux, demeuraient fort sceptiques. Contre le vent qui soufflait, ils prophétisaient sans plaisir qu’il était douteux qu’un happening satisfait, un festival du consensus mou allant jusqu’à refuser de détester la haine et encore moins de la nommer, une escroquerie émotionnelle aux sentiments, ne fassent autre chose que bien rire les méchants. Ces mauvais prophètes maudissaient le roi et plus encore ses puissants opposants de ne pas avoir saisi l’occasion du malheur pour se libérer des fers que la religion de la préférence pour l’Autre avait posés sur les sujets de France.
La semaine dernière, dans ces mêmes colonnes, je disais que le seul scandale provoqué par les évidences affligeantes prononcées par le représentant censé représenter les juifs français résidait précisément dans le fait qu’elles aient pu faire scandale. Mais un autre habite dans le fait que les déclarations du même, le lendemain, n’aient déclenché, au rebours, aucun commentaire. Le président du CRIF s’est en effet rendu à l’Élysée, comme d’autres à Canossa, pour se réconcilier, sous égide présidentielle, avec le très estimable président Boubakeur qui avait cru devoir se sentir insulté par le lieu commun, la banalité, l’observation ingrate de l’identité religieuse des assassins de juifs. Bref, en la circonstance, c’étaient les musulmans qui faisaient figure d’offensés.
On revoyait ainsi se dérouler au même endroit, la même scène qui avait été jouée au lendemain du massacre de Toulouse, et où les acteurs de l’époque avaient lourdement insisté sur le «pas d’amalgame!». Quelques jours après, le grand rabbin de France avait regretté, mais un peu tard, la centralité de cette thématique qui masquait la réalité des responsabilités respectives. Cette fois-ci, le président du Crif s’est senti obligé de déclarer publiquement que «juifs et musulmans étaient ensemble victimes du racisme»… Je comprends bien, et je la souhaite autant qu’un autre, la nécessité de bonnes relations entre les enfants d’Israël et ceux d’Ismaël. Mais pas au prix d’un mensonge au moins par omission pour se faire pardonner une dure vérité.
Il n’existe aucune équivalence actuelle entre la souffrance juive et la souffrance musulmane. Les renvoyer dos à dos est une offense dangereuse à la cruelle vérité. Que le représentant du CRIF m’oblige à m’imposer au nom de la vérité due aux victimes de la haine islamiste, cet exercice ingrat qui sera considéré par certains comme constitutif de concurrence victimaire, m’afflige. Énoncer dans une même phrase que juifs et musulmans seraient victimes du même racisme donne à penser que, comme toujours, les racistes sont les non-juifs et les non-musulmans. Pour un peu les éternels franchouillards… Or dans la tragique circonstance actuelle, les tourmenteurs de juifs se recrutent au sein de l’islam radical.
Laisser également à penser qu’antisémitisme et islamophobie seraient les deux revers d’une même médaille ensanglantée relève de la dangereuse contrevérité. Comme l’a encore écrit mon cher Pierre André Taguieff dans ces mêmes colonnes «la symétrie entre islamophobie et judéophobie relève de l’escroquerie intellectuelle et morale.» «Point de musulmans assassinés en France parce que musulmans, point d’enfants musulmans tués en tant que musulmans. Point non plus en France, même après les tueries de janvier 2015, de manifestations islamophobes violentes avec des slogans comme « mort aux musulmans ! » ou « musulmans assassins ! ». Ni même avec un slogan du type « musulman, casses-toi : la France n’est pas à toi ! ». Dieu merci.
J’ai défendu ici même le droit et même le devoir qu’avait le président de l’instance représentative des juifs de France de dire la vérité sans faillir. Dans la tempête médiatique s’il le faut. Ce n’était pas la peine de s’y risquer sans savoir tenir fermement la barre. Mais je sais aussi d’où souffle le mauvais vent qui gonfle la tempête. Si les choses ont changé depuis le 11 janvier, ce n’est pas en mieux. © Gilles William Goldnadel - Le Figaro
CE QUI SE PASSE VRAIMENT DU COTE D’ALEP (SYRIE)
Alessandra Benignetti et Roberto Di Matteo, dans La Repubblica, relatent que le père Rodrigo Miranda, quarante ans, est un missionnaire chilien de l’Institut de la Parole incarnée qui a passé ces quatre dernières années en Syrie, dans l’enfer d’Alep. Curé à la Cathédrale de l’Enfant Jésus, il est venu en aide depuis 2011 à la population, en particulier durant les 3 ans de siège que la ville a connus, au milieu des violences, des morts et des enlèvements. Il est de retour à Rome depuis quelques mois, et c’est là que nous l’avons rencontré pour entendre son témoignage. C’est le récit d’un témoin direct de la bataille d’Alep qui a commencé en 2012, et qui, plus que toutes les autres, résume bien la tragédie vécue par la population, par ceux qui habitaient la cité autrefois la plus riche et la plus peuplée de Syrie, et qui d’un coup s’est retrouvée au cœur d’un conflit d’une extrême violence entre les rebelles et l’armée d’Assad ; un conflit qui a coûté la vie à des milliers de civils.
Une guerre artificielle
« Avec sa mosaïque de cultures et de religions, Alep a toujours été une ville symbole de la bonne cohabitation entre chrétiens et musulmans, » nous raconte Père Rodrigo, « la guerre est arrivée à l’improviste, et a frappé des personnes qui ne se seraient jamais attendues à une telle réaction face à un conflit qui a tout d’artificiel. » Cette dernière phrase nous intrigue un peu. « La population syrienne, nous explique-t-il, n’a jamais demandé un changement, ni politique ni culturel. Jamais. Ils étaient bien comme ils étaient. Je ne veux pas faire les louanges d’Assad, mais ce que je veux dire, c’est que le conflit a été le fruit d’un processus aussi rapide que violent. Parmi les combattants, seuls 2% sont syriens, les autres sont tous des étrangers, de 83 nationalités différentes ».
Les persécutions contre les chrétiens
Avant la guerre, les chrétiens d’Alep étaient au nombre d’environ 300’000. Des 4000 fidèles qui fréquentaient la paroisse de Père Rodrigo, il n’en reste que 25 aujourd’hui. Tous les autres ont fui, ou bien « ils ont été tués, surtout les femmes et les jeunes. Il y a eu beaucoup d’enlèvements, » nous explique le curé. En effet, les chrétiens de Syrie ont, plus que les autres, été pris pour cible par des groupes islamistes radicaux. « Cela survient du fait de leur grande influence dans de nombreux secteurs de la société, et parce qu’ils ont cette capacité au dialogue, cette faculté de s’ouvrir à l’autre, de le respecter [qui les rend si vulnérables]. Quand nous entendons dire que l’EIIL avance dans le nord de l’Irak ou de la Syrie, c’est parce que ces zones sont peuplées de chrétiens, et la réponse d’un chrétien est très différente de celles des autres [confessions]. » Sur le front humanitaire, la situation n’est guère meilleure : « j’ai parlé encore hier avec mes [anciens] paroissiens : ils manquent d’eau, de lumière et d’électricité depuis 12 jours. Les promesses des Nations Unies sont restées lettre morte ».
Un niveau de violence inouï
À quelques mètres de la paroisse de Père Rodrigo se trouvait l’Université d’Alep, qui a été le théâtre d’un violent attentat le 15 janvier 2013, attentat dans lequel des centaines de jeunes étudiants ont perdu la vie. « Il était midi, l’heure de pointe, lorsque les trois missiles sont tombés. L’université était pleine de monde, et la plupart étaient dehors, » nous raconte-t-il. « Après la frappe du premier missile, j’ai commencé à aider les personnes à côté de moi. Ensuite, alors que je courais vers l’université pour aller aider les autres, j’ai vu le 2e missile arriver. J’ai tenté de me réfugier entre un mur et quelques voitures. J’ai entendu un fracas, puis un long silence, et après… le désastre. Ça a été un massacre. Au début, poursuit-il, on nous a dit que les missiles avaient été tirés par l’armée d’Assad. Mais notre quartier était contrôlé par l’armée régulière. Ça voudrait dire qu’ils se seraient tirés sur eux-mêmes (?). Après, ils ont raconté que l’armée avait frappé par erreur. Mais si tu te trompes, tu le fais une fois, pas trois. L’autre hypothèse est que ce sont les rebelles qui ont tiré, pour frapper l’armée qui contrôlait le quartier. » Mais ce dont se souvient le plus Père Rodrigo, c’est le « degré de violence exercée contre la population civile. » En écoutant son récit, il nous vient à l’esprit une question évidente, banale. N’avez-vous jamais eu peur ? Jamais, répond-il en souriant : « pendant ces secondes-là, on n’a même pas le temps d’avoir peur. On pense seulement à aider ».
Les mensonges des médias
« Ce que désire le peuple syrien par-dessus tout, c’est que dans les autres pays, on raconte ce qui se passe vraiment en Syrie. » D’après Père Rodrigo, la désinformation sur ce conflit a été tout simplement gigantesque. Nous lui demandons quel a été le plus gros mensonge. Sa réponse : « le fait de parler de ‘’régime’’, de vouloir cataloguer à tout prix comme ‘’dictateur’’ tous ceux qui ne font pas ce que [certains pays] veulent, » nous répond-il sans hésiter. « On ne peut pas appliquer la démocratie telle que nous l’entendons, à des pays où le substrat culturel est totalement différent : il faut respecter la diversité et la culture de l’autre, c’est comme cela qu’on garantit la paix. » Autrement, le risque est « une radicalisation toujours plus forte, » qui est prête à contaminer également l’Europe, comme cela se produit sous nos yeux aujourd’hui. © Alessandra Benignetti et Roberto Di Matteo La Repubblica, 2015 Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr
LA FIN DES CHRETIENS EN TERRE D’ISLAM ?
Répondant dimanche 1er mars à l’appel du Comité de Soutien aux Chrétiens d’Irak, nous étions, écrit Karim Ouchikh, Président du SIEL, plusieurs centaines de personnes à défiler silencieusement à Sarcelles pour soutenir la cause des chrétiens d’Orient, dans un département, le Val d’Oise, qui abrite la communauté Assyro-Chaldéenne la plus importante de France. Une foule compacte communiait avec ferveur à la pensée de ces chrétiens innombrables du Moyen-Orient, aujourd’hui persécutés, pourchassés, décimés, martyrisés. Leurs assassins sont connus : les barbares de l’Etat islamique qui opèrent en toute impunité aux confins de l’Irak, de la Syrie ou de la Libye. Leurs méthodes sont radicales : user de moyens toujours plus sanguinaires et spectaculaires avec une rage et une détermination qui font froid dans le dos. Leur but de guerre est évident : éradiquer toute présence chrétienne dans une vaste aire géographique qui a pourtant vu naître la religion du Christ, deux mille ans plus tôt. En Syrie, des centaines de chrétiens, de tous âges et de toutes conditions, sont déplacés ces jours-ci, déportés en zones inconnues, promis à un sort terrible que chacun pressent avec effroi au souvenir du martyr subi voici peu en terre libyenne par les 21 coptes égyptiens.
Quoique soutenue par la Conférence des évêques de France, la manifestation de solidarité ne fut guère relayée par les médias et peu de personnalités nationales s’y sont pressées, à l’exception notable de Mgr Lalanne, évêque de Pontoise, de François Pupponi (PS) et Jérôme Chartier (UMP), respectivement députés maires de Sarcelles et de Domont. En ce jour de recueillement, il ne fut pas question de rechercher la moindre responsabilité politique à ce drame historique : les apprentis sorciers qui, aux Etats-Unis comme en France, ont armé sans états d’âme les terroristes islamistes ou qui soutiennent toujours ces pétromonarchies qui financent inlassablement le djihad dans le monde, devront tôt ou tard répondre de leurs actes insensés.
Nul n’a davantage songé, à cet instant précis, à promouvoir quelque issue concrète que ce soit à cette tragédie inédite : les puissances historiques qui peuvent encore influer sur le cours des évènements, de la Russie aux Etats-Unis, de la France au Royaume-Uni, sans oublier les acteurs régionaux, de l’Egypte à la Turquie, auront tôt fait à se gendarmer effectivement, sans pouvoir éternellement se dérober à leurs responsabilités diplomatiques et militaires. Un seul mot d’ordre occupait alors les esprits en cette matinée du 1er mars : résister. Résister dans la prière et le recueillement.
Résister à la barbarie islamiste qui dévaste des contrées entières, avec une violence inouïe, en emportant tout sur son passage, églises, villages et vies humaines. Résister à une idéologie totalitaire qui veut tout abolir, y compris l’empreinte culturelle du passé, en saccageant musées, bibliothèques et mausolées. Résister à une entreprise de nature génocidaire qui voudrait éradiquer les particularismes locaux et les minorités religieuses, au premier rang desquelles les communautés chrétiennes dont la présence vénérable, entre le Tigre et l’Euphrate, à Kobané comme à Mossoul, se confond avec une terre biblique qui fut rien moins que le berceau sacré de l’humanité. Résister pour éviter que les chrétiens d’Orient ne sortent définitivement de l’Histoire. © Karim Ouchikh, Président du SIEL
MASSACRE DES CHRETIENS D’ORIENT - LES CHEMINS DE LA BARBARIE
Sur Boulevard Voltaire, Christian Vanneste écrit : L’opinion publique s’est davantage émue des destructions commises par les barbares de l’État islamique dans les musées et sur les sites archéologiques du nord de l’Irak que de l’enlèvement de 220 chrétiens syriens par ces fanatiques. Les deux événements font référence aux Assyriens. Mais l’identité du mot est trompeuse. Les Assyriens d’aujourd’hui sont des chrétiens d’Orient, les héritiers d’un schisme du Ve siècle devenu une hérésie à partir de la définition de la nature du Christ au concile d’Éphèse. Au sens strict, l’église assyrienne est indépendante, contrairement à sa sœur chaldéenne ralliée à la papauté catholique. Les Assyriens forment des communautés possédant une culture propre avec notamment la langue araméenne, celle du Christ, et la foi chrétienne. Leur histoire est celle d’une longue persécution depuis la conquête arabe et musulmane à laquelle une autre minorité, celle des Kurdes, a souvent prêté la main. 70 % des Assyriens de l’Empire ottoman auraient ainsi été massacrés en 1915-1916 dans le même temps que les Arméniens au cours d’un génocide méconnu qui aurait tué 750.000 personnes (Sayfo).
La relative indifférence de l’Occident à leurs souffrances actuelles tient sans doute d’une part à la banalisation des atrocités commises par les islamistes, mais d’autre part aussi à la peur panique des dirigeants occidentaux de paraître défendre particulièrement des chrétiens contre des musulmans dans un mélange explosif de croisade et de colonisation. Il y a des moments où la culpabilité excessive et la repentance hypocrite se font les complices de crimes bien réels et actuels. Les Kurdes et les yézidis, oui, mais les chrétiens, attention !
C’est pourquoi l’ampleur de la réaction au saccage iconoclaste des statues assyriennes a été beaucoup plus forte. Ces Assyriens-là, dont le comportement n’était guère humaniste, ont beau avoir disparu depuis des millénaires, il est politiquement correct et sans danger de se scandaliser de l’atteinte à leurs vestiges et à leur souvenir. Il y a dans cette attitude une certaine logique : la communauté des vivants assyriens continuera à transmettre ses traditions de l’Amérique à l’Australie en passant par l’Europe, là où la diaspora a trouvé refuge. En revanche, la destruction d’un patrimoine millénaire est définitive et paraît une stupide atteinte à l’Humanité, d’abord chez le coupable qui lui fait honte par sa bêtise, et dans le trésor de l’héritage humain, amoindri sans la moindre raison.
Sous les condamnations officielles pourront se dissimuler quelques idées plus perfides. D’abord, la plupart des statues détruites n’étaient que des copies. Ensuite, voilà une excellente raison pour les grands musées occidentaux de ne pas restituer leurs collections aux pays d’origine. Ces crétins de djihadistes ont brisé de magnifiques « taureaux ailés ». Ils ne toucheront pas à ceux de Paris ou aux lions de Berlin. Enfin, il est probable que le trafic des œuvres d’art volées dans les musées du territoire soumis au « califat », qui a grand besoin de ressources, « sauve » un certain nombre d’objets.
Ces deux événements rattachés à une identité assyrienne ambiguë rappellent une fois encore l’importance de cette notion d’identité. Ceux qui s’offusquaient naguère de l’emploi du mot pour désigner l’une des missions d’un ministère devraient y réfléchir. Ceux qui, chez nous, aiment tellement l’altérité qu’ils s’acharnent volontiers sur la tradition et l’héritage sont tout aussi destructeurs. Nier son identité construite par le temps pour revenir à une origine illusoire ou la dissoudre dans la confusion d’un présent métissé sont les deux chemins de la barbarie. La cultiver pour la faire croître et l’enrichir, c’est la voie royale de toute civilisation. © Christian Vanneste sur Boulevard Voltaire