Par Mireille Vallette
La semaine contre le racisme se termine. Les méfaits de la Suisse discriminante et xénophobe ont tenu une nouvelle fois la vedette.
L'Office du tourisme de Neuchâtel illustre par ces photos des visites guidées "sur les traces de l’esclavage" dans le canton. Elle font partie des manifestations organisées durant la Semaine contre le racisme.
Parmi les infinies facettes du racisme, les autorités ont choisi pour 2018 «Le verbal et le non-verbal blessant dans le paysage politique suisse». Une expression modernisée et jargonneuse pour une vieille antienne: haro sur les affiches de l’UDC, du MCG, etc. et sur les commentaires venimeux qui polluent la Toile. Les victimes? Selon le Bureau de l’intégration genevois, des «minorités ethno-raciales et/ou religieuses».
Lors de cette dixième «Semaine Sainte», les fidèles étaient invités comme d’habitude à communier dans la dénonciation des discriminations et autres propos xénophobes, et à dénoncer avec ardeur leurs auteurs.
Les organisateurs, animateurs et intervenants multicolores partagent avec leur public la même conviction: dans notre pays, les noirs sont purs et blancs, alors que nombre de blancs sont vils et noirs. Cette vision manichéenne ne laisse pas la moindre place à la divergence. Comment tolérer qu’un dissident vienne défendre dans l’une de ces innombrables manifestations ce point de vue: l'immigration pose quelques problèmes? Ne prendrait-on pas le risque qu’il propage son discours de haine en soulevant des thèmes aussi nauséabonds qu’identité ou islamisation, voire qu’il s’offusque de l’aimable coutume de femmes couvertes des chevilles aux cheveux?
Comment imaginer une seconde laisser un orateur relever ce paradoxe: nous sommes les seules sociétés à biberonner à l’égalité dès la maternelle, mais les seules coupables de racisme? Inversement, nombre d’immigrés originaires de pays qui enseignent le rejet et n’ont pas eu la chance de participer à des «Semaines contre le racisme» semblent avoir comme par magie abandonné leurs préjugés en abordant nos contrées, et être tout soudain atterrés de découvrir les nôtres.
Comment alors expliquer que parmi les requérants d’asile ou dans les prisons, se déroulent moult rixes et signes de racisme, par exemple entre Somaliens et Afghans ou Irakiens, Maghrébins et Noirs, Russes et Noirs, mais aussi Noirs et Noirs (ethnies ou pays) ? A la prison de Champ-Dollon, suite à des rixes «ethniques» où il y a eu un mort, la prière musulmane a dû être pacifiée: elle a lieu en alternance un vendredi pour les albanophones et un autre pour les Maghrébins.
Chez nous, les immigrés sont invités à rester tournés vers leur culture d’origine, le nouveau credo voulant qu’ils seront mieux réceptifs à la nôtre. Or, comme le remarque la journaliste Elisabeth Lévy, l’histoire de l’Occident est justement celle de l’émancipation des individus de leur groupe social, religieux, ethnique. Cette fixation sur les "cultures d'origine"ne comprend pas leur critique ni l’exigence d’évolution, contrairement à ce que fait depuis des lustres la culture des "pays d'accueil".
Malgré ces conflits racistes, je n’ai jamais vu un débat, une vidéo, une soirée consacré à ce sujet. Les participants au cérémonial annuel reprennent en chœur un discours de victimisation et de valorisation des immigrés qui a pour corollaire, voire comme fondement, le dénigrement de nos démocraties. Côté «victimes», cet incessant rappel de la culpabilité de l'Occident augmente la rancœur, l’agressivité et le rejet, un phénomène désormais en pleine croissance.
Le canton de Neuchâtel montre à quel point cette volonté de dénigrer, en l’occurrence le «canton d’accueil», atteint des sommets. Il invite ses immigrés et leurs soutiens à des visites guidées «Sur les traces de l’esclavage à Neuchâtel». Oui, les nouveaux historiens ont trouvé que des hommes d’affaire du cru ont financé des transports d’esclaves. Et même que des intellectuels défendaient l'esclavage! Les immigrés doivent donc savoir que ce fléau figure aussi sur la longue liste des actions scélérates de la Suisse. Mais ils ne doivent en aucun cas connaitre les ombres de leur passé et en parler: il est ainsi inconcevable de consacrer la moindre discussion à l’esclavage arabo-musulman.
J’ai aussi scruté le programme genevois de l’hymne à la diversité. J’y ai patiemment cherché une voix dissonante dans la collection de films, vidéos, dégustations multiculturelles, contes venus d’ailleurs, multiples moments d’émotion liés aux douleurs de l’exil et aux périlleux chemins qui y mènent.
Eh bien, j’en ai trouvé UNE... La mienne.
Albana Krasniqi, directrice de l’Université populaire albanaise (UPA) m’a en effet invitée à une table ronde. Une initiative courageuse, voire audacieuse. J’y côtoyais Hélène Agbémégnah, membre d’INES, un «think tank issu de l’immigration», et le socialiste Marko Bandler, responsable de la cohésion sociale à Vernier. Le public ? Essentiellement des familiers de l’UPA, un «milieu hostile» pour moi, celui avec lequel j’aime le plus débattre.
Le débat s’est passé dans la paix, sinon l’harmonie. Il a montré qu’il est possible pour des dissidents de la pensée de s’inscrire en faux face au politiquement correct sans déchainer les passions. Marko Bandler a involontairement illustré combien effectivement la défense des immigrés va de pair avec l’éreintement de la Suisse (ses inutiles «mythes fondateurs», ses incroyables exigences de naturalisation, etc). Il a cependant admis que «l’entre soi» de cette semaine antiraciste n’est pas très constructif.
Quant aux citoyens qui n’entendent ni durant cette Semaine, ni dans le débat public en général des voix qui portent leurs critiques et leurs réticences face à l'immigration, ils s’expriment dans les urnes. Et c’est ainsi que les fervents adversaires du «populisme» leur donnent avec ce genre d'exclusions un sérieux coup de pouce.
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