Ce qu’on ne vous a pas dit sur PISA 2012

Stevan Miljevic
Enseignant

Les principaux résultats du PISA 2012 sont maintenant connus. On a pu se gargariser, bomber le torse et se frapper fièrement la poitrine à l’annonce du résultat des élèves suisses en mathématiques. Tant pis si la compréhension de texte et la science donnent des résultats plus modestes, on a pu se rassurer: notre système scolaire est en bonne place parmi les meilleurs du monde.

 

Une fois l'euphorie passée, on peut essayer de creuser un peu plus loin. En fournissant un accès direct à la base de données du PISA 2012 (1), l'OCDE fournit à tous les curieux d'intéressantes informations complémentaires: PISA, ce n'est pas seulement une moyenne, c'est aussi une batterie de questionnaires proposés aux élèves, aux directeurs d'établissement et aux parents. Sans compter bien entendu les rapports d'analyse fournis par l'organisation elle-même (2).

L'étude de ces données a tendance à donner des résultats plutôt surprenants que vous ne risquez pas de trouver dans la presse grand tirage tant ils ne sont pas en conformité avec les théories en vogue dans certains milieux influents. Nous verrons dans ce billet des aspects en lien avec 3 domaines bien distincts: la pédagogie, l'égalité homme-femme et l'immigration.

 

Les méthodes explicites traditionnelles au firmament

Si PISA n'a pas (encore) vocation à se pencher sur les meilleures pratiques pédagogiques, certaines données de la dernière évaluation sont quand même assez révélatrices. Il y a tout d'abord la domination absolue des pays asiatiques et ce dans l'ensemble des domaines étudiés. Or, il semble que le constructivisme ne soit absolument pas à l'ordre du jour dans ces contrées (3). Il faut donc conclure que, contrairement aux allégations délirantes des théoriciens constructivistes, un enseignement de type plus transmissif, direct et instructionniste, permet aux élèves d'atteindre les sommets en matière de connaissances comme de compétences. D'ailleurs, le rapport établi par l'OCDE sur les principaux résultats de l'enquête PISA reconnait que:

Les élèves qui ont déclaré que leur professeur de mathématiques pratiquait l'instruction dirigée (le professeur fixe par exemple, des objectifs clairs d'apprentissage et demande régulièrement aux élèves de faire part de leur avis ou raisonnement) et utilisait des évaluations formatives (le professeur informe, par exemple, les élèves de leurs forces et leurs faiblesses en mathématiques) se distinguent également par des valeurs très élevées dans les indicateurs relatifs à la persévérance, à l'ouverture à la résolution de problèmes et à la volonté de choisir des études ou une profession en rapport avec les mathématiques (4).

En clair, pour les non-initiés, un enseignement traditionnel allant du simple vers le complexe, complété d'un véritable et constant suivi du niveau de compréhension des élèves permet d'atteindre les plus hautes cimes de la performance.

Plus finement, un second élément de l'étude PISA permet de comprendre que le constructivisme est au mieux inefficace, au pire nuisible: l'évaluation PISA permet de classifier les élèves en 6 niveaux de performances bien distincts, allant de la capacité à tout juste comprendre une source d'information simple jusqu'aux niveaux 5 et 6 où les élèves "sont capables d'élaborer des modèles et de les utiliser dans des situations complexes"(5). Si on regarde en détail cette échelle, le terme "complexe" n'apparaît qu'au niveau 4 (6). (Cliquer sur les images pour les agrandir) 

Ce qui signifie qu'en moyenne, dans l'OCDE, 74% des élèves ne sont tout simplement pas capables de se dépatouiller dans des situations complexes par eux-mêmes en fin de scolarité obligatoire. Pour la Suisse, ce pourcentage s'élève à 56% (7).

Comment donc peut-on espérer qu'un tel pourcentage d'élèves puisse s'en sortir si on les met en face de situations complexes sans leur donner le B-A-BA des règles à utiliser au préalable comme le préconisent les constructivistes? Ce d'autant plus que s'il s'agit de l'école obligatoire, alors les élèves en question ont un niveau de développement plus bas que ceux testés par l'enquête PISA. Il est vrai qu'avec un bon coach (enseignant), ce pourcentage va diminuer, mais de là à le faire passer au-dessous des 30%, il y a un pas à franchir  qui semble totalement irréalisable. Est-il dès lors concevable de produire un enseignement qui laisse sur le bas côté de la route 3 élèves sur 10 à l'école obligatoire? La réponse est un non catégorique! Ce d'autant plus que ce n'est pas parce que les 7 autres sont capables d'aller du complexe vers le simple que cette méthode sera plus efficace qu'une méthode plus conventionnelle. Si on ajoute à cela que la pratique consistant à rentrer dans les connaissances/compétences par le complexe plutôt que par le simple est fort coûteuse en temps, inutile de préciser que la question de l'inefficacité de cette démarche ne se pose même plus.

 

Les revendications de genre déboutées

Alors que le féminisme et la théorie du genre ont le vent en poupe en Occident, PISA 2012 vient largement tempérer les vociférations anti-patriarcat. Pour rappel, la théorie du genre postule que les individus ne sont que le fruit d'une construction sociale et que si les filles et les garçons ont des goûts et des comportements différents, c'est uniquement parce que la société les a formaté de cette manière. En clair, si on change le formatage, alors la femme est un homme comme un autre (ou l'homme une femme comme une autre à choix). Une abondante littérature est pondue chaque année par de grands penseurs préconisant toute une panoplie de mesures visant à la neutralisation des stéréotypes genrés. Une brève recherche sur internet à ce sujet vous convaincra aisément de cet acharnement.

Certains pays nordiques (la Suède et la Finlande, notamment, pour ne pas les nommer) sont ainsi devenus les phares de la civilisation progressiste. On y enseigne aux enfants dès leur plus jeune âge que leur sexe biologique n'a strictement rien à voir avec leur identité de genre et qu'ils peuvent être du bord qu'ils veulent. Dans ces pays, le politique se fait un point d'honneur à traquer les discriminations en tout genre, allant jusqu'à tenter d'obliger les hommes à uriner assis sur les toilettes (8). Vu sous cet angle, les scandinaves ne pouvaient trouver qu'intolérable la traditionnelle infériorité des filles en mathématiques et donc mettre le paquet pour y remédier. C'est désormais chose faite puisque les filles obtiennent des résultats équivalents à ceux des garçons au test PISA.

Une lecture qui s'arrête à ce niveau de superficialité ne peut que se féliciter des efforts entrepris par les nordiques et leur emboîter le pas. Une hystérie collective s'empare du monde de la recherche, allant dans certains cas jusqu'à gémir sur l'utilisation de personnages trop masculins dans les manuels scolaires de mathématiques. Toute trace de testostérone doit être traquée et éradiquée du monde scolaire (et pas seulement).

Or il s'avère que les enquêtes PISA nous fournissent d'autres précieuses indications à ce sujet. En page 4 du premier rapport émis par l'OCDE sur le PISA 2012, une synthèse des principaux résultats de l'enquête affirme:

En mathématiques, les garçons ne devancent les filles que dans 37 des 65 pays et économies qui ont participé à l'évaluation PISA 2012; les filles devancent quant à elles les garçons dans 5 pays (9).

Mais ces 5 pays où les filles s'en sortent mieux, quels sont-ils? La Suède? La Norvège? La Finlande? Pas vraiment. En fait, les 5 pays en question sont la Jordanie, le Qatar, la Thaïlande, la Malaisie et l'Islande. Outre ces leaders incontestés du féminisme, Une petite dizaine de pays (dont les nordiques) obtiennent des résultats équivalents entre filles et garçons. Il s'agit notamment de l'Albanie, de la Bulgarie, des Emirats Arabes Unis et du Kazakhstan comme le démontre l'extrait de base de la base de données PISA 2012 suivant.

Ces modèles en matière de féminisation de la société caracolent ainsi largement devant l'ensemble des pays dits développés de l'OCDE (surtout les nordiques). Comme si cela ne suffisait pas, nombre d'entre eux n'ont tout simplement pas les capacités financières pour s'amuser à faire la promotion du féminisme à l'école. Ceci dit, peut-être ces pays ont-ils fournis un effort particuliers ces trois quatre dernières années afin de redorer un blason passablement terni par trop de patriarcat. Pour en avoir le coeur net, jetons un oeil sur la base de données de PISA 2006 (10). Rien n'y fait, les femmes en burqa du Qatar tenaient déjà alors le haut du pavé, tout comme les Jordaniennes ou les Bulgares. Quand aux autres, ils ne participaient alors tout simplement pas à l'enquête.

Des sociétés ultra-patriarcales permettent ainsi à leurs filles d'exploiter leur potentiel mathématique mieux que leurs garçons et ce alors même que les chantres du progressisme le plus féminisé qui soit rament loin derrière. Il est donc vain de vouloir impérativement transformer les petites filles en garçons comme les autres. PISA démontre sans contestation possible que si vraiment elles en ressentent le désir ou le besoin, les filles arrivent parfaitement à le faire par elles-mêmes.  Inutile de continuer à gaspiller de considérables moyens pour faire évoluer les choses. Entre parenthèse, remarquons que si l'on parle toujours de rendre les filles meilleures en mathématiques, jamais on ne se penche sur le cas des garçons complètement largués dans tous les pays et depuis le début de l'existence du PISA en matière de compréhension de l'écrit. Nos féministes en herbe ne sont donc pas dans l'égalité mais bien dans la discrimination anti-masculine.

 

L'immigration en question

Enfin, le PISA 2012 nous fournit également de précieux renseignements au sujet de l'impact de l'immigration dans les salles de classe. Avant tout, il faut signaler que seuls 3 ou 4 pays comptent une plus grande proportion de personnes issues de l'immigration dans leurs salles de classe (et donc dans leur société) que la Suisse, ce qui disqualifie complètement le discours suivant lequel certains partis politiques essaient de faire de notre pays une forteresse ethniquement pure et fermée sur elle-même. Tenir de tels propos alors qu'un quart de la population est étrangère relève de la simple diffamation envers les tenants d'une immigration contrôlée. Je précise cet avant-propos pour signaler que, du fait de la forte importance quantitative de l'immigration en Suisse, les réflexions suivantes ne sont pas forcément transposables dans d'autres contextes nationaux.

Commençons par comparer les performances des migrants avec les natifs helvétiques. En fait, vont être comparés les non-immigrants (enfants nés ici et dont un des parents au moins est suisse), les immigrés de seconde génération (enfants nés ici mais avec des parents étrangers) et les immigrés de première génération (enfants arrivés ici au cours de leur vie). Puisque PISA 2012 est majoritairement axé sur les mathématiques et qu'il s'agit là d'un domaine disciplinaire qui transcende les différences linguistiques, il parait opportun de l'utiliser pour illustrer le cas. Remarquez toutefois que ce qui est valable pour les mathématiques l'est aussi dans les deux autres domaines testés.

Les résultats sont assez significatifs: sans les migrants de première et seconde génération, les non-immigrants obtiennent un score de 550, soit largement plus que la moyenne du pays, moyenne déjà pourtant bien haute alors que les secondes générations obtiennent un 494 (ce qui les placerait grosso modo au niveau de la France et du Portugal et au niveau de la moyenne de l'OCDE) et les premières générations 475 (entre la Hongrie et la Croatie) (11).

On peut estimer raisonnable l'idée que les migrants de première génération sont moins performants: après tout, ils subissent un choc, mais surtout proviennent de pays dont les systèmes sont clairement évalués comme moins performants que le nôtre. Ceci dit, leur score est quand même assez faible malgré tout. En revanche, le résultat des secondes générations s'explique moins: après tout, ils ont suivi le même parcours scolaire que les enfants du crû et devraient donc arriver à des niveaux supérieurs. Se révèle ainsi l'impact du milieu familial et, par la même, la faillite retentissante du système multiculturel: on peut extrapoler que si ces familles avaient été suissisées/assimilées les résultats auraient de bonnes chances d'être fort différents. Certains objecteront que les secundos vivent peut-être dans des conditions matérielles moins bonnes que leurs camarades ou que le niveau d'instruction de leurs parents est plus faible. C'est peut-être vrai, mais, en définitive, ce sont des variables inhérentes au phénomène migratoire et, par conséquent, elles importent peu au niveau où se pose la réflexion, à savoir non pas sur ce que l'on peut faire pour aider les migrants à mieux réussir mais si l'immigration, dans toute son immédiateté, a des répercussions sur les performances des élèves.

Pour enfoncer le clou, PISA a également testé l'impact du taux de multiculturalisme dans les classes. Les résultats sont clairs: plus une classe est homogène plus ses résultats sont hauts. A l'inverse, plus une classe est métissée, composée d'élèves de cultures et de langues différentes, plus la performance s'effondre (12).

Ceci dit, ce constat ne suffit pas à dire que les migrants exercent une influence néfaste: après tout, on l'a vu un peu plus haut, les non-immigrants ont un niveau de performance tout à fait remarquable. Il se peut donc que les moyennes plutôt faibles des classes les plus multiculturelles n'aient pas d'impact négatif sur les Suisses et ne soient dues qu'à la pression sur la moyenne exercée par les résultats moins bons des migrants.

Le rapport "Untapped Skills, realising potential of immigrant students" édité par l'OCDE va pouvoir répondre à cette question. On trouve à la page 63 de ce rapport un tableau qui montre l'évolution des performances des non-migrants, des migrants de première et des migrants de deuxième génération en compréhension de l'écrit en fonction du pourcentage de personnes ne parlant pas la langue du test à la maison. Et les résultats sont décapants (13):

On constate que jusqu'à une proportion de 20% d'élèves ne parlant pas la langue du lieu à la maison, les différentes catégories d'élèves ne subissent pas de malus notoire. En revanche, dès qu'on dépasse la dose fatidique des 20%, les performances de tous sont revues largement à la baisse. Les victimes de cette multiculturisation de l'école sont l'ensemble des élèves, étrangers comme locaux sans distinction aucune!

Les politiques multiculturelles où chacun est invité à garder son mode de vie traditionnel (et donc sa langue d'origine au maximum) sont un échec retentissant. Une politique d'assimilation  donnerait selon toute vraisemblance des résultats largement supérieurs. Espérons que cela puisse donner quelques idées aux cantons qui paient des cours de langue aux jeunes migrants pour qu'ils apprennent leur langue d'origine et diminue ainsi encore largement les possibilités de parler la langue du coin à la maison!

En second lieu, on peut également déduire la nécessité de mieux dispatcher les migrants et d'éviter ainsi toute forme de concentration. Etant donné que pour diverses raisons, les nouveaux venus sont systématiquement concentrés en certaines régions (les villes) et à se regrouper pour des raisons évidentes de proximité culturelle, je ne sais pas comment on peut s'y prendre pour mieux répartir les migrants sur le territoire helvétique. Ce d'autant plus que nous ne sommes pas vraiment un pays de tradition aussi planificatrice que cela.

Enfin, force est de conclure que les principales victimes de cette situation sont les enfants des citadins, ceux-là même qui, traditionnellement, sont les plus ouverts au concept d'immigration incontrôlée. Leur choix est somme toute assez simple: soit ils continuent à prôner l'ouverture à tout-va, soit ils privilégient l'éducation des enfants. La balle est dans leur camp.

Stevan Miljevic, le 18 décembre 2013
https://www.stevanmiljevic.wordpress.com

Notes de bas de page:
(1) http://pisa2012.acer.edu.au consulté le 11 décembre 2013
(2) http://www.oecd.org/pisa/keyfindings/pisa-2012-results.htm consulté le 10 décembre 2013
(3)http://explicitementvotre.blogspot.fr/2013/12/a-lest-quoi-de-nouveau.html consulté le 13 décembre 2013
(4) http://www.oecd.org/pisa/keyfindings/PISA-2012-results-overview-FR.pdf consulté le 13 décembre 2013, p.22
(5) ibid p.4
(6) http://www.oecd.org/pisa/pisaproducts/Cadre%20d'%C3%A9valuation%20PISA%202012%20e-book_FR.pdf p.45 consulté le 18 décembre
(7) http://pisa.educa.ch/fr document "ergebnisse pisa2012" p.3
(8) http://www.lefigaro.fr/international/2013/04/26/01003-20130426ARTFIG00685-les-suedois-bientot-forces-d-uriner-assis.php consulté le 14 décembre 2013
(9) http://www.oecd.org/pisa/keyfindings/PISA-2012-results-overview-FR.pdf consulté le 9 décembre 2013
(10) http://pisa2006.acer.edu.au/index.php consulté le 13 décembre 2013
(11) http://www.oecd.org/edu/Untapped%20Skills.pdf p.134, consulté le 11 décembre 2013
(12) http://pisa2012.acer.edu.au consulté le 11 décembre 2013
(13) http://www.oecd.org/edu/Untapped%20Skills.pdf p.63, consulté le 11 décembre 2013

Un commentaire

  1. Posté par Antonio Giovanni le

    Le vin est tiré , il faut le boire…
    Et les sophistes qui poursuivent leur propagande anti-conformiste n’ont plus qu’à se plier humblement devant les faits: mais sont-ils ceux-là encore assez souples de corps et d’esprit pour s’incliner ?

Et vous, qu'en pensez vous ?

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