Plus de 43.000 illégaux ont été arrêtés depuis janvier dans les Alpes-Maritimes. À la gare de Menton-Garavan, les policiers de la PAF appuyés par les CRS contrôlent systématiquement les trains en provenance d’Italie.
«Depuis quelques semaines, nous assistons quand même à une dégradation des conditions de contrôle des clandestins, avec des rébellions plus fréquentes et beaucoup de faux papiers saisis», reconnaît le major Michel Prudent, patron de la brigade des chemins de fer. Le rythme des contrôles n’a jamais été aussi soutenu. Déjà 43.000 migrants interpellés dans les Alpes-Maritimes depuis le 1er janvier (contre 37.000 pour toute l’année 2016). Un millier d’arrestations par semaine en moyenne! Et un passeur serré chaque jour. «Nous avons arrêté 300 passeurs depuis janvier. Il y a très peu de récidivistes. On n’en voit jamais le bout!», lâche le commandant Lætitia Baronchelli, chef de la brigade mobile de recherche qui traque sans relâche les réseaux. Le préfet Georges-François Leclerc prédit 50.000 arrestations au total à la fin 2017. Son département aura, à lui seul, stoppé la moitié des clandestins interpellés en France cette année. Car la PAF locale les renvoie à 97 % en Italie, sous couvert de «non-admission». Une procédure éclair qui revient à considérer que les illégaux arrêtés n’ont jamais foulé le sol français. Ce système expéditif s’applique exclusivement dans des points de passage autorisés (les PPA) fixés par arrêtés ministériels. Et ces points-là, disséminés aux endroits stratégiques, sont contrôlés 24 heures sur 24.
La gare de Garavan constitue le point le plus important. C’est la première gare française après la frontière. «70% des interpellations ont lieu ici», affirme le commissaire Lallemand. Les migrants arrivés d’Italie se cachent parfois dans les placards techniques des wagons. «Ils étaient sept, l’autre jour, entassés dans ce réduit plein de fils électriques sous tension», confie, effaré, un agent de la PAF. Le record est de 108 migrants dans un train. Tous ceux qui sont expulsables sont dirigés vers le poste de Saint-Louis à Menton, avant leur remise aux autorités italiennes quelques centaines de mètres plus haut. La frontière est matérialisée par un grand triangle blanc peint sur le rocher. Matin et soir, c’est une noria indescriptible de voitures, de fourgons de police d’où sortent des silhouettes comme des ombres. «Les locaux de Saint-Louis ont été conçus pour 7000 éloignements d’illégaux par an au maximum. Alors imaginez avec un flux sept fois plus important…», déclare le commandant Hervé Bluteau, chef de poste chevronné. En attendant mieux, il faut tenir.
Ces délinquants notoires se sont mêlés aux jeunes migrants tunisiens frappés par le chômage qui les pousse à partir. Pas moins de 3000 migrants tunisiens seraient ainsi arrivés en Italie en septembre et octobre. «Il pourrait en réalité s’agir du double, car beaucoup de débarquements ont lieu sur des plages peu surveillées», avance une source bien renseignée. Et ceux-là, francophones, espèrent bien rester en France.
Dans la ville italienne de Vintimille, à deux pas de Menton, le climat s’est dégradé. Les migrants déambulent en ville, formant des grappes humaines par région ou par nationalité.
«Après trois ans de pression migratoire ininterrompue, on n’en peut plus. Pourtant, les Italiens ont une grande tradition d’accueil», assure Francesca, commerçante dans le centre-ville de Vintimille. Enrico Ioculano, le maire (Parti démocrate) de cette commune de 25.000 âmes, l’assure, de son côté: «La ville est épuisée.» Les violences sont devenues quotidiennes. Comme à Calais hier, désormais des rixes avec armes se produisent.
Les autorités locales se plaignent de phénomènes d’alcoolisation massive.
Des femmes sont harcelées et deux tentatives de viol ont suscité beaucoup d’émotion.
Des menaces de mort ont été proférées contre le maire. La police fait même état d’«alertes à la bombe» visant notamment la gare. Le questeur d’Imperia, chef-lieu du secteur, a dû dépêcher des renforts de policiers et de militaires par centaines. Au point que Vintimille compte désormais un uniforme pour 45 habitants. Sans parler des forces de l’ordre en civil. Des expulsions d’illégaux au profil de délinquant ont débuté le 11 octobre et le ministre de l’Intérieur à Rome met la pression sur Tunis pour que cesse l’hémorragie des repris de justice vers l’Italie.
Le Figaro