Fin 2016, Jean-Luc Addor déposait une interpellation visant à faire en sorte que la Suisse fasse le nécessaire pour accorder protection à Julian Assange.
Son argumentaire consistait à dire que puisque le Conseil Fédéral se gargarise de protéger les défenseurs des droits humains, il fallait accorder également à Assange une attention particulière. L'article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme précise en effet que le droit "de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit" est un droit humain fondamental.
Au regard de cette définition, il est impossible de nier à Assange la qualité de défenseur des droits humains puisque son site Wikileaks est, de par essence, une création visant à permettre de chercher, recevoir et répandre des informations. Wikileaks n'a d'ailleurs pas d'autre vocation que celle-là.
Mais il en va tout autrement pour le Conseil Fédéral. Pour celui-ci, si certaines actions d'Assange "peuvent viser à la promotion indirecte des droits de l'homme, il n'avait pas l'intention de lier ses révélations directement à la promotion et la protection des droits de l'homme". Par conséquent, il ne mérite pas de protection particulière.
Autrement dit, soit le Conseil Fédéral se permet de nier la substance même de Wikileaks et de lui attribuer une autre utilité que celle de " chercher, recevoir et répandre des informations", soit il nie que l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, à savoir "Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit" protège le droit de "chercher, de recevoir et de répandre" des informations comme le fait Wikileaks.
Tout aussi grave, le Conseil Fédéral se permet de lire dans les pensées de Julian Assange afin d'affirmer ce qu'il a ou non l'intention de faire. C'est ce que l'on appelle un "procès d'intention", ce qui correspond grosso modo à un des niveaux les plus faibles et malhonnêtes qui puissent être atteints en guise d'argumentation.
Pour Lesobservateurs.ch, Cain Marchenoir, le 6 mars 2017