Imposition des entreprises: la Solution Bof-Bof

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

"Consolider l'AVS" et "Résoudre le problème fiscal": c'est en ces termes que le peuple suisse est amené à se prononcer le 19 mai, une nouvelle fois, sur le texte de la réforme fiscale des entreprises.

votation du 19 mai 2019,fiscalité,retraite
Sauvés. Nous sommes sauvés.

À lire le site des partisans du texte, la RFFA (selon sa dénomination officielle) serait "un bon compromis": elle permettrait avant tout de "sortir des blocages" - un euphémisme pour dire que la mouture précédente de la réforme de la fiscalité des entreprises, combattue par la gauche, a échoué devant le peuple à l'échelle fédérale.

Pour assurer une chance de succès à cette nouvelle variante, le Parlement a travaillé afin que les partis du centre et de la gauche (PS, PDC, PBD, PLR) se mettent d'accord. On a donné des gages à chacun sous la forme d'une rallonge à destination de l'AVS, une limitation des "outils" d'optimisation fiscale laissés aux entreprises lors de la tentative précédente, et évidemment une carotte à destination des Cantons et des Communes en échange des pertes fiscales que le taux unique d'imposition des entreprises entraînera.

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Perdus. Nous sommes perdus.

Du côté des adversaires, principalement l'extrême-gauche, il faut respecter le vote démocratique, le texte précédent ayant été rejeté avec presque 60% de Non il y a deux ans. L'argument est recevable puisque selon la jurisprudence politique actuelle seules les décisions populaires ayant trait à l'immigration peuvent être librement ignorées…

Plus sérieusement, les adversaires du texte dénoncent une "arnaque fiscale" puisqu'en valeurs nettes les prélèvements fiscaux devraient diminuer, ce qui représente un chiffon rouge pour la gauche. Les arguments en faveur de l'harmonisation du taux d'imposition des entreprises et les versements en faveur du fonds de l'AVS laissent ces messieurs totalement froids.

Le faux bâton du Taux Unique

Prenons un peu de recul. Pourquoi la RFFA, pour commencer? Pourquoi un taux unique d'imposition des entreprises? La raison en est due aux pressions extérieures exercées sur la Suisse par l'OCDE et l'Union Européenne. Elles ne tolèrent plus que des sociétés étrangères installées en Suisse bénéficient d'un tarif fiscal avantageux. Pour éviter de figurer sur différentes listes noires, le Conseil Fédéral s'est empressé depuis plusieurs années de se plier à ce diktat, sans y parvenir jusqu'ici. Fichue démocratie directe!

On peut discuter de l'injustice fiscale actuelle. Les sociétés étrangères implantées en Suisse sont moins taxées que les PME helvétiques. C'est évidemment curieux, mais cela correspond à une réalité historique: la Suisse - à l'instar de nombreux autres pays - a cherché à attirer de telles entreprises sur son sol, pour bénéficier de la manne de l'imposition (fut-ce à taux réduit). Avec son cadre fiscal stable, sa position idéale au cœur de l'Europe et un climat propice aux affaires, la petite Suisse a pendant longtemps été une destination de choix pour le siège des entreprises multinationales.

Cette façon de faire est peu à peu en train de disparaître. Les conditions-cadre d'imposition se durcissent partout dans le monde sous la pression de la gauche financière internationale, même s'il reste quelques exceptions notables. Mais le modèle entier est à revoir. La voie choisie par la France pour la taxation des GAFA semble montrer le nouveau chemin à suivre: taxer non pas les bénéfices mondiaux d'un groupe, mais son chiffre d'affaires au sein de chaque pays.

La Suisse a choisi un taux unifié très bas pour continuer malgré tout à garder une attractivité économique, au grand dam de la gauche. Celle-ci a toujours voulu simplement ajuster les taux d'imposition au plus haut, selon son idéologie ; le choix du Parlement d'opter pour un taux moyen a été une pilule difficile à avaler pour les socialistes, et totalement inacceptable pour la gauche de la gauche.

Le débat sur la taxation des entreprises est encore ouvert et le restera longtemps. La seule chose à retenir pour les votations du 19 mai est que l'adoption de la RFFA ne correspond pas à une décision sereinement prise par la classe politique, mais à un chantage international auquel les autorités ont décidé de se plier. Autrement dit, la RFFA, dictée par l'étranger, est avant tout un abandon de souveraineté.

La fausse carotte de l'AVS

De tous les arguments employés pour convaincre, celui selon lequel approuver le texte reviendrait à "consolider l'AVS" est sans doute le plus mensonger. Citons directement le matériel de campagne des partisans:

"L'AVS est en déficit, en raison de l'augmentation du nombre des rentiers et de l'allongement de l'espérance de vie. Si rien n'est fait, elle sera à sec d'ici 10 ans. La réforme apporte deux milliards de francs supplémentaires par an pour sécuriser les rentes."

Malheureusement, deux graphiques viennent immédiatement contredire cette affirmation…

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La "bonne santé" de l'AVS (cliquez pour agrandir)

En 2017 déjà, l'AVS perd plus d'un milliard de francs par an. En 2035 - ce n'est pas loin - ses réserves seront passées de +45 milliards à -51 milliards, soit une perte vertigineuse de 96 milliards, qui continuera de s'aggraver.

Si la RFFA est acceptée, l'AVS recevra 2 milliards par an pendant le même intervalle. Grâce à ces milliards, les pertes de l'AVS ne seront "que" de 60 milliards entre 2017 et 2035... Et c'est ainsi que l'on prétend que l'AVS serait "consolidé"?

Si le sujet n'était pas si dramatique pour des millions de retraités, présents et futurs, cela serait presque drôle. La "carotte" de la RFFA pour l'AVS est une cautère sur une jambe de bois. Elle ne fera que repousser l'effondrement du système de quelques années - bien trop peu pour la plupart de ceux qui voteront dans l'espoir que cela fasse une différence. Je le redis encore une fois, en guise de retraite, la plupart des Suisses n'auront rien.

Le système des trois piliers helvétique va dans le mur à vitesse grand V, et pas un de ces petits esprits à Berne n'a la carrure pour proposer une refonte du système qui tienne la route. Alors que la catastrophe est encore évitable, on préfère procrastiner jusqu'à ce qu'il soit trop tard. L'attitude qui prévaut chez nos élites s'apparente clairement à de la négligence criminelle, à mille lieues du fameux "gouverner c'est prévoir".

Les Suisses les ont élus et les éliront encore ; qu'ils paient donc l'addition.

Conclusion

Je ne sais pas si cet humble billet aura la moindre influence sur qui que ce soit, mais cela n'a aucune importance: la RFFA sera adoptée au soir du 19 mai avec une marge confortable. Les autorités, les partis et les médias travaillent main dans la main en ce sens, et les arguments déployés par les opposants pour la refuser sont cousus de fil blanc. Les campagnes d'affichage de ces derniers - "haro sur les actionnaires!" - ne servent qu'à mobiliser leur électorat en vue des élections fédérales de l'automne. Ils ne cherchent même pas à remporter le référendum.

Le consensus helvétique est souvent étouffant. Les citoyens vont encore une fois être amenés à s'exprimer sur un "paquet" conçu précisément pour que chacun y trouve du pour et du contre. Mais ce paquet est loin d'être un cadeau. Il ne résout rien. L'attractivité économique de la Suisse diminue en même temps que ses futures recettes fiscales, ce qui est pour le moins paradoxal. Le "geste" en direction de l'AVS est une incitation à laisser s'aggraver des problèmes auxquels il est plus que temps de s'atteler.

En fin de compte, "la RFFA ++" est plutôt une "RFFA bof-bof"!

Pour ces raisons, devinant que le Oui l'emportera largement et sachant qu'un vote Non sera immanquablement récupéré par l'extrême-gauche, je pense que je voterai blanc le 19 mai.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 5 mai 2019

7 commentaires

  1. Posté par Dominique Baettig le

    Non bien sûr à un aiguillage mal foutu

  2. Posté par Vincent Oberson le

    Pour ceux qui votent non, que proposez-vous ?
    Des impôts de 30 % pour toutes les entreprises ?
    des cotisations à 40 % (20% l’employeur 20% l’employé) ?

  3. Posté par Maurice le

    Bien d’accord avec vous, LaurentW !
    Je voterai NON exactement pour les mêmes raisons…

  4. Posté par Antoine le

    MENSONGE !
     »La réforme apporte deux milliards de francs supplémentaires par an pour sécuriser les rentes. »
    Alors que les pertes de l’AVS ne seront « que » de 60 milliards entre 2017 et 2035 …
    On ne résout RIEN du tout, on fait croire mais c’est FAUX ! Il faudra que nos institutions viennent au secours de l’AVS avec autre chose qu’u emplâtre sur une jambe de bois !
    Il en va de la survie des rentiers !
    D’autre part, présenter un  »package » au peuple est scandaleux !
    Il s’agit de deux (2) sujets bien distincts !
    – RIE3
    – AVS
    Ces manipulations de vote (entente entre M. Maillard et M. Broullis) comme dans le canton de Vaud devraient être interdits (vote RIE3 cantonal) !

  5. Posté par toyet le

    Double peines augmentation des cotisations AVS et des impôts locaux pendant ce temps la BNS fait 30 milliards de bénéfices que le CF pourrait verser en partie dans l’AVS

  6. Posté par LaurentW le

    Bonne analyse comme d’habitude, mais je ne partage pas la conclusion. Il faut voter non, parce que l’unité de matière n’est pas respectée et la soi-disant consolidation de l’AVS est une imposture. Le parlement fait mal son travail et doit être sanctionné. La Suisse prend un mauvais chemin. « Quand un peuple ne défend plus ses libertés et ses droits, il devient mûr pour l’esclavage. » écrivait Jean-Jacques Rousseau. Nous y sommes. Mais tant que l’accord institutionnel avec l’UE n’est pas voté, il vaut encore la peine de dire non. Après, en effet, il n’y aura plus aucune raison d’aller voter, même blanc.

  7. Posté par aldo le

    EXCELLENTE ANALYSE : Ce montage relève d’une hérésie politique. Je trouve curieux qu’on ose proposer des solutions à des problèmes différents dans un seul paquet à voter, ce qui relève d’acrobaties avec le principe d’unité de la matière. LA VRAIE RAISON C’EST QUE NOS POLITICARDS VEULENT, COMME TOUJOURS, SE DÉBARRASSER D’UN PROBLÈME SUR LEURS SUCCESSEURS PLUTÔT QUE DE BOSSER SÉRIEUSEMENT JUSQU’À COMPRENDRE QUE LA QUADRATURE DU CERCLE EST INATTEIGNABLE A CAUSE DE L’UNION EUROPÉENNE, DEVENUE TOTALITAIRE EN NOUS IMPOSANT DE MULTIPLES PIÈGES ET CHANTAGES INCOMPATIBLES AVEC NOTRE DÉMOCRATIE.

    Les politicards doivent sérieusement prendre les problèmes à bras le corps, si leurs compétences intellectuelles les y autorise, ce qui semble de plus en plus douteux. ENVAHIS D’IMPOSTEURS DU DROIT D’ASILE QUI VIENNENT TRAIRE LA VACHE DU SOCIAL SUR LE DOS D’UNE MAJORITÉ DE CONTRIBUABLES AVEC LES COMPLICITÉS INTÉRIEURES HABITUELLES, NOUS DEVONS NOUS RÉSOUDRE A RÉÉQUILIBRER NOS ÉCHANGES ET REGARDER VERS D’AUTRES HORIZON QUE L’UErss EN DEBANDADE.

    Il y a donc urgence à réformer l’information biaisée subventionnées de manière occulte par l’Europe et par les lobbys de ces industries dévoreuses d’impôts et de taxes qui vivent grâce à ces imposteurs. Tout naturellement elles imposent quotidiennement et unilatéralement leurs opinions basées sur des mots d’ordres et de la langue de bois et non sur des débats honnêtes, clairs et équilibrés. Le pus qui dégouline des informations qui nous sont imposées, démontre clairement que cette infection à l’intelligence et à la vérité, est la cause de la chute des lectorats. Seuls une minorité qui doit tourner autour des 25 % de bolchévo-fascistes invétérés, nous imposent ainsi progressivement leur dictature.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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