Au nom de l’ « humanisme républicain », l’écrasante majorité des « ayant-droit » politiques et médiatiques affirment le principe d’accueil de l’autre comme humain - comme si seule la république était humaniste, ou que l’humanisme était républicain. Ce ne fut pourtant pas toujours le cas. La révolution française est née, pour une grande part, dans une xénophobie qui déteint radicalement avec le républicanisme universaliste du XXIe siècle, qui veut « accueillir » par millions les réfugiés du monde entier.
Dès ses débuts, en effet, la République française, par la voix de ses défenseurs, a entretenu un profond paradoxe entre l’universalité de sa « mission » et le statut des étrangers en son sein ; à plusieurs reprises, elle a même clairement sombré dans la xénophobie la plus rance. Dans une conférence passionnante[1], le professeur Xavier Martin explore ce paradoxe républicain, et y voit là un étrange « retournement » dont les causes sont profondes.
En 1793, le sanguinaire Barère demande « que les étrangers disparaissent du sol de la liberté jusqu’à ce qu’elle soit établie »[2]. Inquiétant « humanisme » révolutionnaire. La même année, Jean-Baptiste Cloots est promu à l’échafaud par Robespierre, sous les griefs d’ « obstination à parler d’une République universelle », et d’entêtement à « se vouloir plus démocrate que les Français »[3] ; la Convention vote son exclusion (ainsi que celle de l'Américain Thomas Paine), en tant qu’étrangers le 6 nivôse an II (26 décembre 1793), puis il sera arrêté et guillotiné. Stupeur : la République révolutionnaire, « fabrique de l’humanisme et de l’universel », a guillotiné des hommes en tant qu’étrangers, et parce qu’ils influencent les Français dans une mauvaise direction.
Quel est le fond doctrinal de cette sombre affaire ? Rousseau, d’abord, dont la pensée « exclue toute forme de xénophilie »[4] : « tout patriote est dur aux étrangers », écrit-il dans L’Émile[5] ; l’Évangile est pour lui trop porté « à inspirer l’humanité toute entière plutôt que le patriotisme »[6], et son « invitation à fraterniser avec tous les hommes est en politique un inconvénient, en ce qu’elle dilue et relativise le lien spécifique entre citoyens. »[7].
Dans sa volonté d’être fondatrice d’un nouveau monde, la Révolution demande une adhésion absolue au modèle naissant. Tous ceux qui n’acceptent pas ce nouveau modèle ne font tout simplement pas parti du monde. Ainsi, lorsque Mirabeau affirmait devant l’Assemblée Nationale « Nous commençons l’histoire des hommes », il sous-entendait : ceux qui ne suivent pas ce nouveau chemin, ils ne font pas partie des hommes. C’est pourquoi la France révolutionnaire a pu déclarer la guerre à l’ensemble de l’Europe, aux étrangers : étrangers au projet républicain français.
De Jean-Baptiste Cloots, condamné en tant qu’étranger, Robespierre dit que « jamais il ne fut défenseur du peuple français, mais celui du genre humain. »[8]. Les responsables politiques d’aujourd’hui, qui se réclament de la République pour accueillir les immigrés parce qu’ils sont des hommes, devraient réviser leurs classiques…
Vivien Hoch, septembre 2015
[1] Xavier Martin, « Force et vicissitudes de l’universalisme révolutionnaire », Sedes Sapientiae, n°132, été 2015
[2] Barère à la Convention, 6 juin 1793
[3] Robespierre aux Jacobins, 12 décembre 1793
[4] Xavier Martin, « Force et vicissitudes de l’universalisme révolutionnaire », Sedes Sapientiae, n°132, p. 15
[5] Jean-Jacques rousseau, L’Emile, Œuvres complètes, t. 4, Paris, 1969, p. 248-249
[6] Jean-Jacques rousseau, Lettre écrites de la Montagne (1764), op. cit., p. 248-249
[7] Xavier Martin, « Force et vicissitudes de l’universalisme révolutionnaire », Sedes Sapientiae, n°132, p. 14
[8] Robespierre aux Jacobins, 12 décembre 1793
car la “reprise” n’attend pas. Voyez l’Allemagne en particulier qui ne pourrait prétendre à aucune reprise sensible de la croissance du fait de son “hiver démographique”….
L’humanité en est réduite, par nos apprentis sorciers qui mènent le monde, à n’ être qu’une variable d’ajustement parmi tant d’autres, cours des matières premières, de l’énergie”, des taux de change et d’intérêts que l’on manipule non moins au gré des rapports de force .
Tel est le brillant résultat de l’avènement de la religion du progrès contre l’humanité chère à votre emblématique “réfugié politique” de choix , Vincent Peillon.
“Tristes tropiques” ! comme disait un (vrai ) philosophe.
Bravo à Vivien Hoch qui traque encore très bien ici l’imposture.Qu’il se rassure toutefois, le Professeur Xavier Martin n’est nullement dupe du “retournement” , mais c’est sa façon de procéder , par une subtile “étonnement”.
à fergile, si la république était chrétienne, cela se saurait.par exemple elle ne s’acharnerait pas à génocider sa propre population depuis plus de deux siècles.
La république agit à présent comme à son origine par l’utilitarisme le plus accompli et le plus cynique: lorsque “la ressource humaine” gêne, on la détruit. Lorsque l’on s’aperçoit qu’elle fait défaut à la croissance, on l’importe massivement et au besoin dans le plus grand désordre
La République est en effet bien plus chrétienne qu’elle ne le croit.
Car quand elle ordonne à son peuple de se sacrifier pour l’autre (“le pauvre”, selon ses richissimes dirigeants), elle transmet le même message que le Nouveau Testament.
Nouveau Testament dans lequel Jésus, selon ses propres dires, ne cherche à convertir que les Juifs, les apôtres le trahissant ensuite pour convertir les Gentils.