Salaire minimum: les débats

Extraits des interventions romandes.

 

Germanier Jean-René (RL, VS):

"La commission partage les préoccupations de lutter contre la sous-enchère salariale mais elle estime que ce n'est pas le bon moyen d'y parvenir. Les causes de la pauvreté en Suisse sont multiples, elles ne peuvent être que partiellement expliquées par les bas salaires.

 En comparaison internationale, le marché du travail enregistre d'excellents résultats. Le taux d'activité en Suisse est élevé, le chômage y est bas et les salaires sont en progression. Le niveau des salaires en comparaison avec nos proches voisins y est plutôt élevé. Pour que le marché de l'emploi reste aussi positivement demandeur, il est important que nos entreprises restent compétitives vis-à-vis de leurs concurrents des pays qui nous entourent. Or, l'introduction d'un salaire minimum en Suisse, représentant plus du double de celui pratiqué par nos voisins, notamment français, toucherait principalement les petites entreprises qui composent une grande part de l'économie suisse. Certaines branches plus exposées à la concurrence internationale, comme le tourisme, seraient particulièrement touchées. Il est démontré selon plusieurs analyses, faites par d'autres pays, que l'introduction d'un salaire minimum aurait des effets négatifs sur l'emploi

L'introduction d'un salaire minimum qui deviendrait la règle aurait des effets de nivellement des salaires moyens vers le bas. Cela serait, non seulement contraire à l'objectif de l'initiative, mais cela pourrait en plus pénaliser une partie des travailleurs."

 

Thorens Goumaz Adèle (G, VD):

"Nous devons le concéder, un salaire de moins de 4000 francs par mois permet vraiment difficilement de vivre dignement. Dès lors, c'est l'Etat qui est condamné à intervenir moyennant des dépenses importantes, que ce soit pour financer des logements à loyer modéré ou pour payer les assurances des ménages qui ne peuvent y parvenir."

La gauche qui reconnaît que son initiative est insuffisante et qui ne veut plus des aides d'Etat, on aura tout vu.

"Ce faisant, l'Etat cautionne d'une certaine manière les entreprises ayant les politiques salariales les plus inéquitables, en apportant des compléments aux salaires insuffisants qu'elles versent, ceci au détriment des entreprises qui assument, elles, leurs responsabilités sociales. Ce phénomène place des dizaines de milliers de personnes qui travaillent pourtant dans des situations de dépendance vis-à-vis de l'Etat."

Les Verts ont viré libéraux et ne veulent plus de citoyens à charge de l'Etat...

"Les Verts veulent favoriser l'autonomie des personnes et réduire le nombre de celles qui sont contraintes de solliciter des soutiens de la part de l'Etat."

 

de Buman Dominique (CE, FR):

"L'existence de salaires insuffisants est souvent liée dans notre pays à la précarité de certains emplois, menacés dans leur existence même, en raison de l'évolution structurelle et technologique faramineuse de ces dernières décennies. Cela ne saurait bien sûr les justifier. C'est un leurre cependant, de s'imaginer qu'un processus étatique pourrait les aider. Sous la contrainte d'un seuil salarial, ces emplois pourraient purement et simplement disparaître. Une telle évolution n'irait pas sans poser de gros problèmes d'insertion aux gens - ils ne sont fort heureusement pas trop nombreux dans notre pays - qui ne bénéficient pas d'une qualification professionnelle élevée. 

C'est pourtant ce remède de cheval que nous propose l'initiative populaire sur laquelle nous nous prononçons ce matin. Le texte déposé par le Parti socialiste et d'autres organisations ne fait pas dans la dentelle, puisqu'il n'établit pas de différences entre branches et régions, et qu'il jette quasiment aux orties l'essence même du partenariat social qui s'est concrétisé dans notre pays par la conclusion de nombreuses conventions collectives de travail.

[...] Le groupe PDC/PEV tient au respect du modèle suisse de partenariat qui nous vaut les taux de chômage et d'endettement les plus bas d'Europe. C'est notre pays qui détient aussi la palme d'or de la compétitivité et de l'innovation et c'est grâce à l'innovation que l'on peut qualifier des emplois et élever le niveau de leur rémunération. 

Le mérite de ce débat est de mettre en lumière des abus qui doivent être combattus au cas par cas et non pas par des remèdes de cheval."

 

Marra Ada (S, VD):

"Après l'initiative Minder et l'initiative 1:12, nous allons enfin parler des bas salaires, de la couche de la population la plus précarisée, des 430 000 personnes en Suisse - un travailleur sur dix - qui gagnent moins de 4000 francs pour un travail à 100 pour cent. C'est un scandale pur et propre, parce que travailler à plein temps et ne pas arriver à nourrir sa famille à la fin du mois, c'est une pratique moyenâgeuse, une pratique néo-féodale. En Suisse, plus de 600 000 personnes vivent dans la pauvreté, dont 260 000 enfants. 

[...] Or il est clair que ces 260 000 enfants ne vivraient pas dans un foyer où règne la pauvreté si leurs parents gagnaient plus."

Et dire que le PS leur refuse jusqu'à l'idée même de déduction...

"Ce qui doit faire vivre une personne ou sa famille, c'est le revenu de son travail."

C'est très juste, et c'est pourquoi le parti socialiste doit cesser de le lui pomper par voie d'impôts.

 

Amaudruz Céline (V, GE):

"La volonté des initiants d'éradiquer la précarité et la pauvreté dans notre pays est parfaitement louable. [...] Malheureusement, l'initiative populaire "pour la protection de salaires équitables" rate sa cible. Adopter ce texte, c'est emprunter une voie qui va à l'opposé du sens choisi par notre pays, à savoir celui d'une économie libérale qui promeut le partenariat social. Associer et non plus opposer employeurs et employés nous vaut depuis plusieurs décennies une paix du travail que les pays voisins nous envient, cette paix du travail garante de notre prospérité. 

Alors que nos entreprises et en particulier nos PME doivent lutter année après année contre un flot de normes supplémentaires qui réduit leur compétitivité, il faudrait à en croire les partisans de l'initiative que l'Etat se mette à fixer un salaire minimum, concrétisant par là les songes des théoriciens du collectivisme économique

[...] Nous pouvons aussi nous poser la question de savoir si être social, c'est détruire des emplois et exclure du marché du travail les personnes les moins qualifiées et les moins intégrées dans le monde du travail. Loin d'être absurde, cette question doit se poser quand on sait que l'introduction de salaires minimums laissera sur la touche des milliers de personnes avec comme inévitable conséquence une hausse du nombre de chômeurs et de bénéficiaires de l'aide sociale. Une fois le système mis en route, sa perversité nous obligerait à augmenter les impôts pour financer les prestations versées aux personnes exclues du système, ce qui étoufferait un peu plus les entreprises en laissant toujours plus de gens au chômage

Paradoxalement, alors que l'instauration de salaires minimums vise à lutter contre la sous-enchère salariale, la pratique a démontré qu'un tel instrument poussait les salaires non pas vers le haut comme espéré, mais vers le bas. Point n'est besoin d'aller chercher bien loin la démonstration de ce que je viens de dire, il suffit de tourner nos regards vers la France qui connaît le régime du SMIC, à savoir le salaire minimum interprofessionnel de croissance - vous me direz à ce propos qu'il est bien mal nommé - et son montant horaire brut de 9,43 euros. Lancé dans un premier temps comme un minimum, il est très vite devenu le salaire de référence dans de nombreux domaines maintenant ainsi dans la gêne à vie des milliers de salariés."

 

Source: Conseil national - Session d'hiver 2013 - Troisième séance - 27.11.13-08h00

Un commentaire

  1. Posté par Marie-France Oberson le

    Je suggère la lecture du « Figaro » de ce jour vendredi 29 novembre.
    Dans le cahier « Economie » un superbe article- toute une page -sur la bonne santé économique de la Suisse et le pourquoi de cette bonne santé :
    Titre de l’article : » Suisse : une croissance solide, tirée par l’export »
    Sous titre :
    « Des salaires élevés compensés par un marché du travail très flexible »
    « L’équivalent d’un smic en Suisse casserait la flexibilité du marché du travail, jugée essentielle pour la compétitivité du pays. » conclut l’auteur de l’article.
    En encarté, une échelle des salaires en euros: nous sommes en tête en ce qui concerne les salaires moyens, devant la Gde Bretagne, l’Allemagne , la France..
    Je rajouterais quelque chose que j’avais écris me semble-t-il il y a déjà pas mal de temps :
    la Suisse n’étant pas dans l’UE , elle ne s’est pas enfermée dans un marché intérieur de la zone euro ; elle a su se diversifier vers l’Asie-comme le souligne l’article – et je rajouterais : elle a PU se diversifier vers l’Asie car contrairement aux membres de l’UE , elle n’a pas à demander la permission à l’autorité suprême bruxelloise pour signer des marchés avec qui elle veut !
    Si l’UE connait autant de problèmes économiques c’est parce que l’Union l’en empêche.
    Il n’y a plus de concurrence entre les Etats membres qui, chacun a misé sur les échanges à l’interne. L’Europe ne s’est développée que lorsque ses Etats étaîent en concurrence.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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