Electricité valaisanne en péril ?

Bruno Pellaud
Bruno Pellaud
Physicien

Les flots d’électricité renouvelable gratuite venant d’Allemagne et les prix bas du courant sur le marché international pèsent lourd sur les compagnies d’électricité suisses et sur l’hydraulique valaisanne en particulier.

La cause: au Nord du Rhin, du renouvelable massivement subventionné et de nouvelles centrales brûlant du charbon local - aussi subventionné et très polluant. En Suisse, la politique énergétique du Parlement complique encore davantage la situation de la branche électrique. En juin dernier, le Parlement a voté une loi nuisible qui multiplie par trois le subventionnement des énergies renouvelables, en faisant passer la «Rétribution au prix coûtant» (RPC) de 0,45 centime par kilowattheure consommé à 1,5 cts. Et le Conseil fédéral en rajoute: dans son message sur la Stratégie énergétique 2050 publié le 5 septembre 2013, il annonce un quintuplement de la RPC à 2,3 cts.

Cette politique porte un grave préjudice à la grande hydraulique, aux intérêts du Valais et à nos communes concédantes (dont ma commune avec le barrage de Zeuzier). Les habitants de ce canton se doivent de s’opposer à ces augmentations démesurées de la RPC en soutenant le référendum en cours lancé en Suisse allemande contre la loi RPC de juin 2013.

Le président de l’Association des communes concédantes, Damien Métrailler, déclarait récemment en parlant de l’hydroélectricité: «Or sa compétitivité sur les marchés est mise à mal par les centrales à charbon tournant à plein régime et par les nouvelles énergies renouvelables subventionnées. Quelques réglages devront être opérés dans les mécanismes de rétribution à prix coûtant.» Il signale avec préoccupation la naïve conviction de nombreux politiciens locaux qui pensent que cette merveilleuse manne hydraulique ne cessera jamais de tomber du ciel, ignorant qu’il y a en fait péril en la demeure. Soyons clairs: les difficultés financières grandissantes des sociétés d’électricité ne rehausseront pas la valeur de nos installations hydrauliques lors des retours de concessions entre 2020 et 2035, et 2050. Damien Métrailler, parle diplomatiquement de certains «réglages»; en fait, il faut impérativement geler la RPC à son niveau actuel, puisque les ajustements cosmétiques annoncés par le Conseil fédéral le 5 septembre dernier ne ralentiront pas le gangrénage de notre hydroélectricité. En effet, comme nous l’apprend la presse, le Conseil fédéral veut fixer dans la loi l'objectif de doubler d'ici à 2020, et de multiplier par sept d'ici à 2035, la production des nouvelles énergies renouvelables.

Oui, l’hydraulique valaisanne est en péril. Parce que nos sociétés ne peuvent plus vendre leur courant sur le marché au moment le plus opportun de la journée et de l’année pour régler et stabiliser le réseau électrique; l’électricité renouvelable abusivement subventionnée et soumise aux incertitudes de la météo porte atteinte au rôle stabilisateur de l’hydraulique. Certaines communes – dont la mienne - ont avec raison profité des subventions fédérales pour construire des microcentrales au fil de l'eau, mais celles-ci ne jouent malheureusement aucun rôle régulateur et par conséquent elles ne renforcent pas la position de l’hydroélectricité valaisanne sur le plan national. Certes, on peut espérer que le gouvernement allemand fera bientôt cesser la gratuité du courant à l’exportation, une situation devenue intolérable pour les ménages allemands qui seuls paient la facture (l’industrie étant libérée de la RPC). Stupéfaction: c’est précisément à ce moment-ci - après un échec allemand patent - que les Chambres fédérales et le Conseil fédéral se précipitent pour copier quasi aveuglément le «modèle allemand» en augmentant lourdement la RPC helvétique!

Que disent les politiciens valaisans, notamment ceux qui nous représentent à Berne pour y protéger nos intérêts? On les entend trop peu. Le conseiller national PDC Yannick Buttet va même jusqu’à condamner les modestes réglages restrictifs instaurés par le Conseil fédéral le 5 septembre dernier pour prévenir les abus spéculatifs de la RPC dans son état actuel. Pour lui, circonscrire l’enrichissement manifeste des propriétaires de villas à panneaux solaires n’est pas de mise («… on ne s'attaque pas pareillement au soutien aux énergies renouvelables»). Les politiciens d’ici qui soutiennent aveuglément les propriétaires suisses-alémaniques de villas dotés de toits solaires financés par une RPC à 2,3 centimes se tirent une balle dans chacun de leurs deux pieds valaisans. Et faut-il rappeler aux politiciens à âme sociale - qu’avec la RPC- ce sont les locataires de Genève, Monthey, Sion et Brigue qui, de fait, subventionneront généreusement les propriétaires aisés.

Le combat contre la loi sur l’augmentation de la RPC mérite le soutien de tous les citoyens éclairés, mérite une mobilisation de tous les Valaisans attachés au patrimoine de notre hydroélectricité [voir le site www.referendum-rpc.ch pour des formulaires de signatures, ligne referendum_francais.pdf]. C’est maintenant qu’il faut agir, avant la fin du mois de septembre, pour soutenir le référendum contre la loi RPC. Mieux vaut réagir maintenant que de voir plus tard nos élus de tous bords se rendre à Berne pour y mendier des aumônes en faveur de notre hydroélectricité chancelante. Ne tombons pas encore une fois dans le piège de la Loi Weber et de la LAT.

Bruno Pellaud (Conseiller communal, Icogne)

 

2 commentaires

  1. Posté par Christophe Clivaz le

    Vous vous trompez de cible M. Pellaud. Les difficultés actuelles de l’hydraulique s’expliquent par le fait que les centrales nucléaires sont toujours en activité. Il est évident que si l’énergie solaire et l’éolien se développent et que dans le même temps les centrales nucléaires (dont le contribuable s’appercera qu’il est massivement subventionné lorsqu’il s’agira de payer la facture du démontage des installations existantes et de la gestion des déchets radioacifs) ne sont pas débranchées il y a surproduction. L’attaque actuelle contre le renouvelable vient aussi du fait que l’on se dirige ainsi vers une production plus décentralisée, avec de petites unités de production, ce qui ne plaît guère aux grands groupes énergétiques habitués à faire la pluie et le beau temps et, jusqu’à récemment, à engranger de juteux bénéfices…

  2. Posté par Michel de Rougemont le

    S’il ne s’agissait que de préserver les rentes des communes valaisannes il n’y aurait pas trop de débat sur la transition énergétique.
    Mais il s’agit de stratégies à plus grande échelle dans laquelle le subventionnement (RPC) de fournisseurs inefficaces (solaire, éolien) par une taxe perçue chez le consommateur lambda est une bonne partie du scandale.
    Les surcapacités en Europe rendent actuellement les investissements de pompage-turbinage totalement non rentables, mais des centaines de millions continuent d’être investis à Nant de Drance ou à l’Hongrin alors que le modèle économique s’est complètement cassé la figure. Si on ajoute Bieudron avec sa capacité de pointe devenue sans demande ça fait beaucoup de friches industrielles dont les frais d’amortissement seront passés au consommateur car les investisseurs, en grande partie cantons et communes par des participations directes ou indirectes, se défausseront de leur responsabilité.

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