La démocratie suisse dévoyée

Liliane Held-Khawam
Fondatrice Pro Mind Consulting, publiciste

Perte de souveraineté. Pillage de la place financière. Pillage de sa monnaie. Pillage de son or. Pillage de ses données. Pillage des droits des citoyens. A toutes ces plaies, s’ajoute l’humiliation. Rien n’aura été épargné au peuple suisse !

L’une des plus anciennes démocraties au monde flanche sous des coups venant de toutes parts. Or, la facilité et la vitesse avec lesquelles tout ceci se passe auraient été impossibles sans trahisons internes.

Tout commence le 6 décembre 1992. Le peuple souverain refuse l’adhésion à l’EEE. Le lendemain de ce refus, le Conseil fédéral de l’époque tout dévoué à l’aventure européenne se lance dans une révision de la Constitution. Le peuple souverain pour la dernière fois accepte cette nouvelle mouture se fiant à ses autorités fédérales. Des voix dissonantes se sont certes élevées contre le contenu mais vite étouffées tant ce texte ardu a besoin de spécialistes de haut vol pour le décortiquer… Bref, le jour de l’acceptation de cette nouvelle constitution, la Suisse est entrée de plain-pied dans l’Union Européenne sans le savoir.

Malgré la difficulté du texte constitutionnel, il est simple grâce au traitement informatique de relever qu’un certain nombre de choses ont disparu. Tout d’abord le mot "nation" trônait dans le préambule: "La Confédération suisse, voulant affermir l’alliance des confédérés, maintenir et accroître l’unité, la force et l’honneur de la nation suisse". Ce mot si cher au cœur des premiers démocrates qu’il a été gravé dans l’art. 3 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 en lettre majuscule ! En 1999, il a été remplacé par "communauté" et "vivre ensemble", valeurs chéries par les mondialistes.

La souveraineté des peuples n’est pas en reste. Elle qui définit la démocratie a aussi été retouchée. Ainsi, le premier article l’ancienne Constitution qui disait: "Les peuples des vint-deux cantons souverains de la Suisse…" a été remplacé par "Le peuple suisse et les cantons…(liste)… forment la Confédération suisse". Les principes de peuple souverain et de nation – fondateurs de toute démocratie – ont donc été enterrés.

Dans l’ancienne Constitution, la conclusion de traités internationaux relevaient du référendum obligatoire. Depuis le 1er août 2003, l’art. 166 al. 2 de la Constitution est le suivant: "Elle (Assemblée fédérale) approuve les traités internationaux, à l’exception de ceux dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d’une loi ou d’un traité international". Aujourd’hui c’est l’Assemblée fédérale ou le peuple qui doivent fournir l’effort de collectes de signatures pour exiger un référendum… Les conseillers fédéraux sont donc depuis investis de super-pouvoirs. Leurs signatures valent donc de l’or. Il suffit de faire placer la bonne personne au bon endroit. Un régime autoritaire peut dès lors se déployer. La "Lex USA" est un des innombrables exemples qui choquent le citoyen.

Avec cette nouvelle Constitution, on voit apparaître un phénomène inconnu jusqu’alors. Le poids direct des partis politiques et des lobbies. L’art. 147 se présente ainsi: "Les cantons, les partis politiques et les milieux intéressés sont invités à se prononcer sur les actes législatifs importants et sur les autres projets de grande portée lors des travaux préparatoires, ainsi que sur les traités internationaux importants". Les lobbies sont les bienvenus dans la Constitution ! Les partis politiques dont le financement est garanti en partie par les banques y sont aussi reconnus ! Il faut y reconnaître une avancée spectaculaire. Le bétonnage à tout va du paysage suisse , couvert de grues n’est qu’un des effets visibles de cette révolution d’un État-business qui s’approprie tout sur son chemin.

Cette nouvelle Constitution a donc morcelé la souveraineté légendaire du peuple suisse. Une partie a été transférée de facto aux Conseillers fédéraux. La BNS a bénéficié d’un autre bout de la souveraineté qui lui a donné la possibilité pêle-mêle de vendre de larges parties des réserves d’or à un prix ridiculement bas. Elle a pu vendre des actifs sérieux, fait fonctionner la planche à billets et noyer le franc suisse par des euros, créer artificiellement un bilan géant, déconnecter la monnaie de la production réelle… Ce faisant elle participait fortement au sauvetage des banques, de la zone euro et des dettes européennes pourries faisant porter tous les risques au seul citoyen-contribuable. A aucun moment, elle n’a cherché à réduire ses risques par la création d’un fond souverain, la vente d’euros… Aujourd’hui, en cas de suppression de dettes européennes le peuple suisse sera le premier à trébucher. Cela pourrait même selon l’importance le jeter dans les bras des marchés financiers au même titre que ses voisins. Le seul souci de ces dernières années de la BNS s’appelle le sauvetage des "too big to fail", banques répertoriées par l’administration américaine en 2010. En revanche, si on parle au patron de la BNS du sauvetage éventuel d’une banque cantonale, il répond que la BNS n’a pas pour vocation de sauver des banques… Cherchez l’erreur… L’intérêt public a changé de nature de même que la souveraineté du pays a été "disloquée et délocalisée".

La Justice n’est pas en reste. L’art 139 al3 touche la démocratie directe ainsi: "Lorsqu’une initiative populaire ne respecte pas le principe de l’unité de la forme, celui de l’unité de la matière ou les règles impératives du droit international, l’Assemblée fédérale la déclare totalement ou partiellement nulle." L’art. 190 complète ainsi l’entrée en force du droit international – comprenez européen – en Suisse : "Le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et le droit international". Les articles continuent en faveur du droit international en cas d’initiative et de révision de la Constitution. Berne est devenue en quelque sorte une succursale de Bruxelles… Quand on sait à quel point Bruxelles légifère sur les détails du quotidien de la vie…

Bruxelles, ce lieu où les dirigeants ne sont pas élus et où les lobbies sont chez eux, a gagné ce que le peuple suisse a perdu en souveraineté. Est-il alors étonnant de constater la disparition du mot "nation" et la remise en question de la souveraineté dans la nouvelle Constitution ? La Suisse est en train de disparaître en tant que État-nation souverain et démocratique au nez et à la barbe du peuple. Il ne reste plus qu’à supprimer l’armée, ciment culturel du pays. On est en droit de s’inquiéter pour l’avenir de nos enfants.

Liliane Held-Khawam

 

Première publication http://lilianeheldkhawam.wordpress.com

7 commentaires

  1. Posté par François de Siebenthal le

    Voir son nouveau livre: Dépossession…

    Le marché global de la dette représente aujourd’hui 230 000 milliards de dollars. Autrement dit, le triple du PIB mondial.

    À côté de cette dette inconcevable, plus d’un quadrillion de produits dérivés, véritable arme de destruction massive du système financier global, alimentent les circuits de la haute finance internationale. Plus personne ne peut rembourser une telle dette. Plus personne ne contrôle l’émission d’argent scriptural par les institutions financières privées. Les Etats et le secteur public sont dépassés. En clair: ils n’existent plus, sinon lorsqu’il s’agit d’éponger les opérations aventureuses du « casino » planétaire. Illustrant par de nombreux exemples ce constat apocalyptique, DÉPOSSESSION nous plonge dans les mécanismes et les manœuvres de la puissance techno-financière globale. Cette enquête d’une précision inédite nous montre que la dématérialisation, l’abolition des frontières et la démission des institutions politiques ne sont que les multiples noms de l’esclavage de demain. Un ouvrage de choc et d’éveil à lire et à méditer avant qu’il ne soit trop tard.

    https://reorganisationdumonde.com/wp-content/uploads/2018/08/D%C3%A9possession-Annexes.pdf

  2. Posté par Antonio Giovanni le

    J’ai envie d’ajouter cela, au menu du jour: lorsque le Congrès décidera de modifier sa loi FATCA, made in USA, demandera-t-il leur assentiment aux Suisses, démocratiquement élus, avant de l’amender plus sévèrement? Que nenni! Mais Mme Widmer-Schlumpf, nous ayant baladés bien longtemps pour endormir notre démocratique vigilance, avait pourtant promis que la Suisse en serait la première bénéficiaire, comme on voit! Alors démocratie du mensonge, du faux-fuyant, de la parodie? Comment donc une démocratie qui a calqué sa constitution sur celle de la Suisse se permet ainsi des pieds-de-nez à cette Suisse-là, et nos autorités sont complices ? Qui commande vraiment en Suisse? Sûrement pas le Conseil fédéral… et pas le peuple… mais alors qui ?

  3. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Tout commence, dites-vous, le 6 décembre 1992, quand le peuple refuse l’adhésion. Septembre noir pour certains. Je me souviens de mon refus. Refus des lendemains qui chantent, de la fraternité, de la prospérité? Du Bien? Ma mémoire ne me renvoie qu’un chant unanime! Pourquoi alors ai-je refusé?
    A cause du traité de Maastricht!
    Ce texte ardu dont la touffeur était suspecte! Ne dit-on pas « trop beau pour être honnête »?
    L’entrée en matière déjà annonçait l’enfant! Le tyran!
    Ardu est aussi le nouveau texte constitutionnel? Il l’est en effet, et dès le préambule! Car quel laborieux, se levant avant l’aube et pilier de bar après le boulot, en remarquera les subtilités?
    A commencer par « la Confédération suisse »! dont le peuple est un accessoire? Laquelle, qui plus est, veut AFFERMIR l’alliance des confédérés! Quelle énormité! Révélatrice! Une alliance est une alliance. La nécessité de son affermissement révèle un langage de tordus, de fourbes!
    La fourberie! C’est ce qui ressort du verbiage qui m’est infligé depuis toujours! Érigée en dogme même, en ce qui concerne la politique! Et vous mettez le doigt dessus Madame!
    Ce dont je vous remercie.
    Ceci écrit, nous nous appesantissons sur la couleur du cheval, en négligeant l’homme! Que le cheval choisi soit vert, rouge, blanc, nuancé ou incolore, c’est toujours un homme qui le chevauche! Et c’est lui qui m’intéresse! Car, voyez-vous, si je le hais sur les affiches Je ne saurais préjuger de ce que je lui dirais face à face.
    Mais que dire au « doux monstre de Bruxelles »? Qui légifère sur les moindres détails de la vie? Ici encore vous mettez, Madame, le doigt ou ça fait mal! À qui dire que ce monstre bureaucratique se prend pour Dieu? Et que même le Coran le fustige! Vous voici étonnés? J’ai pourtant lu: « vous vous comportez comme si c’était vous qui faisiez tomber la pluie »!

  4. Posté par La vérité si je mens ! le

    Amis Suisses ! Vous êtes l’un des deux derniers pays à vivre une véritable démocratie ! Ne vous laissez pas déposséder de votre SOUVERAINETE, ce que à quoi, tous autres les pays de l’UE (à laquelle vous avez bien fait de ne pas vous soumettre) ont renoncé, malgré la volonté de leurs citoyens de dire NON à l’oligarchie de Bruxelles, quitte à s’asseoir sur leurs « votes » et parfois vouloir les faire revoter, avec menaces économique tacites jusqu’ à …. ! Vous êtes l’un des derniers dépositaires d’une vraie démocratie (participative, pas de chèque en blanc), ne vous en laissez pas déposséder, par vos bobos gauchistes !

  5. Posté par Antonio Giovanni le

    « Rien n’aura été épargné au peuple suisse !… » Il faut tout de même constater que les premiers soumettre le bon peuple suisse à tant de contraintes qu’ignoraient les Suisses, même sous l’Ancien régime, ont été imaginées par leurs représentants, leurs magistrats et leur administration, puis votées par les mêmes; plus on parle de liberté et de démocratie, moins on en voit; c’est toujours lorsqu’il est trop tard que l’on constate amèrement ce qui vous manque: les respect, quand il a déjà disparu; la transparence, quand elle a été escamotée; la liberté d’expression, quand on ne peut plus dire ce qu’on pense sans menace pénale; notre société arrive à une saturation législative qui pourrait bien l’immobiliser mortellement, si nos législateurs ne remarquent pas bientôt la limite asymptotique de la charge de lois: on pourra bientôt inventer autant de lois qu’on voudra, qui pourtant ne changeront rien, tant leur terrain application se restreint… parce qu’on fait aujourd’hui des lois sur la longueur des haricots en boîte et la qualité des chaussettes d’hiver.. Trop c’est trop! La démocratie se suicide peu à peu sous la hache de soi-disant démocrates…Les élus n’ont bientôt plus besoin d’électeurs et ils continueront tout de même à appeler ça la démocratie, pour la forme, engagés dans cette révolution silencieusement orientée vers la dictature de l’administration.

  6. Posté par certeny le

    Quel est le parti qui va remonter le courant pour faire voter un retour vers notre Souveraineté Nationale et rectifier toutes ces magouilles voulues par ces traîtres à la Patrie ?

  7. Posté par ELFORDYExpedit le

    un des rempartscontre la modialisation et une chance pour le rêve « d’hitler » le Nouvel ordre mondial, j’espère que le peuple Suisse saura se défendre et se révolter, la seule démocratie restante au monde disparaitau profit des maîtres du monde, a vomir….

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