Enfers et paradis fiscaux

Henry Spira
Henry Spira
Auteur du livre "La frontière jurassienne au quotidien 1939-1945"
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Monsieur le Président Nicolas Sarkozy, tenant les rênes du pouvoir de la France, notre voisine d’Outre-Jura, a récemment cité la Suisse, de même que la Principauté du Liechtenstein, notre voisine et une dizaine de micro-états fort hospitaliers, comme des paradis fiscaux!

Seules les existences d'enfers fiscaux sont à l'origine de soi-disant paradis fiscaux. De quelle façon devient-on un enfer fiscal? Prenons par exemple les Républiques françaises successives.

Un enfer fiscal est la résultante de plusieurs facteurs:

- en premier lieu, c'est la dégringolade inéluctable de la monnaie nationale. Sachez qu'en été 1914, et dans le cadre de l'Union Latine, le franc français or primait sur le franc suisse or: à l'échange de 100 francs français, on obtenait 104 francs suisses! Au début des années 20, à la suite de la Seconde Guerre Mondiale, 100 fr français ne valaient plus qu'une bonne trentaine de francs suisses, pour se réduire ensuite à 20 francs suisses pour 100 francs français.

Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, ces mêmes 100 francs français ne valaient plus que 5 francs suisses, puis finalement se réduisirent à un seul franc suisse, ce qui amena la douce France à "alourdir" sa monnaie, en introduisant le NF ou "Nouveau Franc" (100 anciens francs = 1 NF)  qui, à sa sortie, était à parité avec le franc suisse. Ceci ne dura qu'un matin.

Hélas, la dégringolade reprend de plus belle pour aboutir au taux de misère de 20 centimes suisses pour un NF.

La dégringolade de l'euro

L'introduction  de l'euro mit un terme à cette chute niagaresque! A sa naissance, cette monnaie, commune à l'Union Européenne, portait beau, sa valeur dépassant 1.60 fr suisse. Tempi passati. La dégringolade reprend de plus belle, et l'euro a failli atteindre la parité avec le franc suisse, mais sera relevé artificiellement, grâce à une décision courageuse du patron de la Banque Nationale Suisse, M.Hildebrand, qui fut récemment victime d'une cabale montée par le Conseiller National UDC Christoph Blocher, le châtelain de Rhäzuns.

Soyons francs, on ne peut décerner la médaille de l'amour du travail à une grande majorité du peuple français, aux dirigeants et meneurs de jeu des organisations des travailleurs. Ceux-ci s'en donnent à cœur joie: grèves, manifs, défilés sur les grands boulevards et belles avenues dont les Champs-Elysées, vraiment faits pour cela grâce à M. Hausmann. Citons aussi la semaine de 40 heures, réduite depuis à 35 heures, la retraite à 62 ans, des durées de vacances qui s'allongent…, une armada de fonctionnaires en uniformes ou en vestons-cravates. Un goût maladif du panache, un gouvernement pléthorique, soumis à de nombreuses rocades, nominations, démissions volontaires ou par croche-pattes.

Une pratique qui remonte aux années 20

Comment peut-on accuser ces soi-disant paradis fiscaux  d'avoir appâté des contribuables gaulois, qu'ils soient fortunés ou non?  D'ailleurs, les fonds étrangers ayant trouvé refuge en Suisse sont  soumis à des impôts sur revenus à des taux décents, identiques à ceux appliqués aux contribuables suisses. En ce qui concerne les forfaits fiscaux accordés à des étrangers par certains cantons, ils sont fonction de la valeur locative de leur domicile, couplée à une interdiction d'exercer une actvité rémunératrice en Suisse.

Contrairement aux insinuations orchestrées en France, les transferts de fortunes en Suisse ne sont pas uniquement récents. Cette pratique remonte au début des années 20, il y a quasi un siècle. Confrontés à une monnaie qui foutait le camp,  soumis à des impôts confiscatoires, les chefs de familles françaises fortunées, agissant en bons pères de famille, ont eu recours aux banques suisses, mais surtout à la solidité (relative) du franc suisse et de la stabilité de ce pays. On pourrait citer l'empire Bibendum, la famille Schueller-Bettencourt, etc.

Pour mémoire, je rappellerai qu'au début des années 20, des agents du fisc français ont été interpellés in flagranti aux abords du siège de la Société de Banque Suisse, Aeschenvorstadt 1 à Bâle. Ils tentaient d'identifier des contribuables français  tentant de  déposer des fonds. Ils furent condamnés et subirent des peines de prison fermes.

Une fortune multipliée par 15

Si le contribuable français avait conservé ses francs de 1914 tout au long de ces années, il se serait retrouvé, à la veille de la naissance de l'Euro, en  possession de francs ne valant plus que 10 centimes suisses. Et s'il avait conservé ses Napoléon-or, il se retrouverait aujourd'hui propriétaire de pièces  d'or valant fr.s. 295.-- l'unité;  il aurait donc multiplié sa fortune par le coefficient 15! S'il avait converti ses avoirs de 1914 en francs suisses-papier, et placé ceux-ci en compte d'épargne auprès d'une banque helvétique, voici le miracle de la multiplication des picaillons: au taux de 4% l'an à intérêts composés, il se retrouverait à la tête d'une fortune multipliée par le facteur 78, le capital se doublant par périodes de 17 ans. A 3,5%, au coefficient 21, le capital se doublant par périodes de 20 ans. Au taux de 3%, le doublement s'effectue par périodes de 24 ans, d'où le coefficient de 16,5 %!
Je n'ai pas étendu mes calculs à ce qui serait advenu s'il avait investi ses biens dans des actions suisses.

Des impôts à effets rétroactifs?

Il y a quelques jours, passant inaperçu dans le brouhaha du premier tour des élections, le gouvernement français vient de décréter que le revenu des français expatriés serait soumis à un impôt français, avec effet rétroactif! Il est précisé  que les personnes concernées pourraient déduire les impôts payés au  pays d'accueil. Le gouvernement actuel estime que cet impôt devrait lui rapporter 200 millions  d'Euros. Cet effet rétroactif heurte mes principes d'équité, partagés sans nul doute pas mes lecteurs.

Actuellement, plusieurs autres pays européens, dont la Bundesrepublik, la Grande-Bretagne, l'Autriche, ont convenu ou sont en train de convenir de conventions conservant l'anonymat des dépôts de leurs ressortissants en Suisse, mais le soumettant à des prélèvements libératoires effectués par des organes suisses, puis transmis à ces pays.

Enfin et en conclusion, je conseille vivement à M. le Président Sarkozy qu'il prenne donc Mme la Chancelière de la Bundesrepublik comme exemple des bonnes manières. Jusqu'à présent, je dois constater qu'elle pratique une retenue de bon aloi envers ses pays voisins et ne s'égare pas dans des diatribes de Café du Commerce.

2 commentaires

  1. Posté par Antonio Giovanni le

    M.Bernasconi l’évasion fiscale est d’abord, comme l’indique M.Spira un problème propre au pays de provenance; la France ( entre autres) est déjà terre d’élection de fortunes dissimulées de ses citoyens qui n’ont pas déclaré les sommes destinées à passer outre frontière; sinon comment le fisc ne réagit-il pas en remarquant une soustraction de millions dans une déclaration fiscale ? A Genève une différence de CHF 20’000 fait froncer les sourcil et notifier une demander d’explication; je conclus brièvement : si la France fiscale et ses armées de fonctionnaires fonctionnaient aussi bien que le prétendent ses représentants officiels, toute soustraction alerterait ses services, sans besoin de recourir à des espions ou des CD volés! Ne me dites pas qu’un million envolé ne se voit pas;c’est donc bien d’abord une responsabilité interne à la France puissance responsable au premier chef des avoirs de ses nationaux.

  2. Posté par Julien Bernasconi le

    Cette défense des « paradis fiscaux », vraiment ridicule. C’est un peu comme si un Nicaraguayen défendait la production de drogue pour les Occidentaux et accusaient les gouvernements de ces pays de rendre les citoyens tristes et déprimés, ce qui explique qu’ils consomment de la drogue. Un manière bien peu crédible d’inverser la victime (le pays spolié/le pays submergé par la drogue) avec le coupable (le pays spoliateur/le pays producteur de drogue).

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