Le PS français, ou le double langage comme art de s’opposer

Fabio Rafael Fiallo
Fabio Rafael Fiallo
Economiste et écrivain
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S’il fallait reconnaître au Parti socialiste français un atout, c’est bien celui de dire une chose et son contraire, de fustiger une mesure gouvernementale après s’y être lui-même essayé dans le passé, puis de prétendre qu’il y a cohérence dans ses différents positionnements.

C’est, en somme, l’art d’ériger l’hypocrisie en méthode d’opposition. Quelques moments saillants du parcours récent de ce parti servent à prouver le bien-fondé de cette assertion.
Remontons à l’été 2010. A l’affaire dite des Roms. Souvenons-nous des mots on ne peut plus durs à propos des mesures d’expulsion prises par l’actuel gouvernement français à l’encontre des Roms qui occupaient alors de lieux publics illégalement. «Eté de honte», proféra en ce moment la première secrétaire de ce parti.
Sauf que, à peine quelques jours avant les mesures décriées, la même première secrétaire, portant cette fois la casquette de maire de Lille, avait ordonné l’expulsion des Roms qui s’étaient installés dans sa ville.

L'exemple des retraites

Quelques mois plus tard, la réforme des retraites entreprise par Nicolas Sarkozy fournit au PS français une nouvelle opportunité de montrer sa capacité, et sa détermination, à manier le double langage.
En effet, plusieurs tenants de ce parti avaient par le passé reconnu la nécessité de repousser l’âge de la retraite. Ce fut le cas, entre autres, de sa première secrétaire, qui avait déclaré: «Je pense qu’on doit aller, qu’on va aller très certainement, vers 61 ou 62 ans». Or, il aura suffi que le président Sarkozy ait le toupet d’ouvrir ce périlleux chantier, et que tous les corporatismes de France et de Navarre occupent la rue et les raffineries de pétrole dans le but d’obliger le gouvernement à rebrousser chemin, pour que le PS annonce en fanfare qu’il reviendra à la retraite à 60 ans si le peuple lui octroie sa faveur lors des élections du printemps 2012.
Puis, afin de contourner les tactiques employées par le PS français pour retarder l’adoption de la réforme en question, le Sénat, ayant alors une majorité de droite, fait recours à la procédure, parfaitement constitutionnelle, dite du vote bloqué. Les socialistes crient au scandale, avec leur première secrétaire employant le terme de «coup de force permanent». Agissant de la sorte, les socialistes semblaient avoir perdu la mémoire, car ils avaient, eux, utilisé cette même procédure une vingtaine de fois quand ils étaient au pouvoir.
Ils oubliaient en outre que le gouvernement Mauroy était allé plus loin encore, puisqu’il légiféra par le système d’ordonnances – méthode plus expéditive que celle du vote bloqué – pour imposer la réduction du travail hebdomadaire de 40 à 39 heures, la cinquième semaine de congés payés, la création du chèque-vacances ainsi que, ironie de l’histoire… la retraite à 60 ans!

Tout est matière à cafouillage

On arrive à l’actuelle période électorale. Et avec elle aux faux-fuyants à répétition. A trois petits mois avant le premier tour, le PS et son candidat se livrent toujours au jeu des imprécisions faciles, des contradictions incessantes, des lettres qui ne disent rien, ou si peu, des discours incantatoires. Le nucléaire, le quotient familial, la création de 60'000 postes à l’Education nationale, la réforme des retraites, tout est matière à cafouillage au sein de la gauche, les uns disant une chose, les autres le contraire – avec François Hollande sortant à chaque fois pour prétendre qu’en fait, il n’y a qu’une seule ligne valable, la sienne, une ligne qui dans une large mesure reste pourtant dans le flou, en consonance d’ailleurs avec l’image d’homme de synthèse qu’il a toujours cultivée, assumée et même chérie.
Par-dessus ce lamentable capharnaüm de propositions disparates et concurrentes, se dresse une posture à propos de laquelle on doit humblement tirer son chapeau au PS français et à son candidat, tellement ils ont fait fort. Il s’agit de leur réaction à l’abaissement d’un cran de la note de la France par une des trois grandes agences de notation.
Voilà un PS et un candidat qui, des semaines durant, s’étaient évertués à dénoncer une soi-disant soumission de l’Elysée aux agences de notation, un PS et un candidat qui avaient affirmaient alors que l’on ne doit pas mener une politique économique avec les yeux rivés sur les agences de notation. Or, le moment venu, le même PS et le même candidat se servent de l’abaissement de la note de la France pour déclarer que c’est une politique, celle du président Sarkozy, qui a été «dégradée» par l’agence de notation en question.
La contradiction est flagrante. Si, comme l’avaient martelé le PS et son candidat, il faut faire fi des jugements des agences de notation, pourquoi, alors, ce même candidat reconnaît-il à l’une de ces agences la capacité, et donc l’autorité, de «dégrader» une quelconque politique gouvernementale?

Il y a candidat et candidat...

Nouveau passe d’armes: dimanche 29 janvier, le président Sarkozy annonce des mesures visant à alléger les charges qui pèsent sur le travail. Le candidat Hollande s’oppose aussitôt à de tels allègements bien que lui-même eût plaidé en faveur de ce genre de mesures lors d’un discours prononcé à Limoges six mois auparavant.
Interrogé à propos de cette contradiction époustouflante lors d’une interview réalisée pour l’émission C’est dans l’air du 31 janvier (de la chaîne TV5), le chef de campagne du candidat du PS, l’énarque Pierre Moscovici, tenta de justifier la contradiction de son candidat en affirmant que six mois s’étaient écoulés depuis le discours de Limoges (est-ce une raison pour se contredire?), avant d’ajouter sans rougir : «On a passé de François Hollande candidat aux primaires et réfléchissant à son projet à François Hollande candidat à la présidence de la République et posant son projet»[1]
. Sacré PS français !

[1] Ecouter «Reportages – Sarko-Merkel : le Pacs électoral» (min. 5’17 à min. 5’57), france5.fr.

6 commentaires

  1. Posté par Benjamin Papaux le

    Ces exemples montrent bien que le PS français ne croit pas en ces idées. Il part pour se faire bien voir, pour être “le beau”, “le gentil”, “le tolérant”, grave erreur en politique. Les socialistes prennent systématiquement une contre-position sur les actes de Sarkozy même s’ils sont d’accord avec lui ! Au niveau stratégique, on peut dire que le PS a de quoi apprendre…

  2. Posté par François Etienne le

    La France est embourbée de par son système alternatif, droite ou gauche sans le moindre point de ralliement. Devant un ennemi puissant et implacable – le néo-libéralisme assassin – les ennemis politiques devraient s’unir pour combattre et gagner. Eh bien non, ils se divisent encore plus ! La débâcle lente mais sûre est garantie. L’un défait avec jouissance ce que l’autre a fait et vice-versa.

    France, ressaisis-toi, fuis le socialisme et travaille !

  3. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    A lire Charlie Hebdo, et ses rédacteurs que j’estime, tout va de travers. A lire le Canard c’est blanc bonnet. Mais, scotché devant l’écran pour suivre la prestation de Sarkosy, je vois un homme attachant. Et convaincant. Oui, ce sont mes tripes qui parlent! Mais il a proposé des choses qui me parlent, que j’approuve! Oui, elles exigent de la droiture et de l’honnêteté pour êtres appliquées. Le lendemain, j’étais fondé de me demander si j’étais nul! Je crois que ce Président est desservi par une équipe qui rêve de califat! Je crois qu’une synthèse peut être faite de l’article ci dessus. Une synthèse à portée de clients du café du coin. Qui ne sont pas que des briques pour l’édification du socialisme.
    Pour conclure, Nicolas Sarkosy, évoquant l’arrogance, a dit l’avoir été. Et en avoir tiré la leçon! C’est. à mes yeux, le point majeur de son témoignage! Voulez-vous que je dise pourquoi? Supposant que oui je vais mettre un fut en perce, puis vous retrouve!
    Me revoici. Il faut que je vous prévienne! Souvent je cite la Bible, ce qui, je suis bien placé pour le savoir (aynt été offusqué) peut en ofusquer quelques uns. Donc, immaginez-vous au calvaire, en tant que témoins pour l’instant. Trois croix. Sur celle du centre, celui qui fréquentais les collecteurs d’impôts, les femmes de mauvaise vie et autres gens douteux. Douteux pour ceux de droite comme pour ceux de gauche. De chaque côté, un condamné de droit commun! Pour meurtre ou autre babiole digne du châtiment suprême!
    L’un d’eux, à sa gauche ou sa droire je ne sais, mais penche pour la gauche, et vous allez voir pourquoi. Mais ce peut être la droite aussi. Donc l’un d’eux s’exclame, avec l’arrogance d’un revendicateur (des droits de l’homme?): puisque tu es si fortiche, fils de dieu (et Président de la République?), tire toi d’affaire, et NOUS avec! J’insiste délibérément sur le NOUS. L’autre condamné, je le vois se pencher comme si j’y étais pour s’adresser au revendicateur, lui dit: (je ne me souviens que de ces mots, pour l’instant) pour nous c’est justice! J’entends ces mots comme un OUI! Un oui dont la validité est attestée par les circonstances dans lesquelles il est prononcé. Circonstances que nulne fabriquera, fut-ce par le rite de l’immersion dans les eaux du baptême. Alors l’adéquat (l’adéquat) dit: aujourd’hui, tu es avec moi (JE) dans le royaume! Alors Sarkozy dit qu’il a été arrogant. Mais il a bien dû se dire, hier, je suis arrogant! Un OUI qui change! Alors que les contorsions pour changer son image sont vaines. Sarkosy est peut être artiste dans l’art de tromper. Je ne sais. Ce que je sais est que rien ne peut être construit de durable sans confiance. Alors, quitte a faire preuve de naïveté, j’accorde ma confiance.
    Conscient que mon propos n’est pas à la hauteur de mes pensées, je vous prie de me lire avec bienveillance. Puissé-je seulement vous inspirer un regard élargi. Merci.

  4. Posté par Claudine SCHMID le

    Les propositions du PS français sont si imprécises qu’elles permettent toutes les interprétations et d’affirmer a posteriori le contraire. A titre d’exemple, puisque nous sommes à l’étranger, prenons la proposition faite au sujet des Français établis hors de France : “Je prendrai les mesures nécessaires pour accompagner nos compatriotes établis hors de France, notamment en matière d’enseignement, en fonction de leurs revenus.” Veut-il dire qu’il supprimera l’aide aux familles (gratuité de l’enseignement) accordée par le Président Nicolas Sarkozy? Veut-il créer deux catégories de Français partagés par un seuil de revenus invérifiables à l’étranger créant ainsi une “usine à gaz” pour caser des fonctionnaires? Le PS et son candidat savent que le Président Nicolas Sarkozy a raison dans ses choix, mais ne peuvent pas l’avouer.

  5. Posté par André Lasserre le

    Plus rien n’étonne une fois qu’on a lu “La France aveuglée par le socialisme” de Philippe Nemo, livre ,soit dit en passant, qui n’a pas reçu l’écho qu’il aurait mérité et qui aurait dû faire l’objet d’une émission de C dans l’air…

  6. Posté par J.-P. Tolomi le

    Pratique normal pour qui n’a qu’une pièce au feu : Tout sauf Sarko! Dans un tel programme rien n’est contradictoire. Il suffit de prendre exactement le contraire de ce que le Président a dit. Facile non!

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