Dans Réparation, le Cardinal François Bustillo constate que la société occidentale est fracturée et que ses fractures apparaissent très clairement sur les réseaux sociaux. Il a raison de dire que ce ne sont que des outils et que ce qui est en cause, ce n'est pas leur existence mais la manière dont ils sont utilisés.
Dans Réparation, il ne cherche pas à faire la morale ni à dresser un réquisitoire, il cherche à faire part de son inquiétude, à réparer ce qui a été brisé parce qu'il est convaincu qu'une société meilleure est possible. Il en est d'autant plus convaincu que les remèdes existent et qu'il convient de les employer.
L’ÈRE DU SOUPÇON
Les fractures de la société ont plusieurs causes, qui sont les suivantes, grossièrement résumées:
- Le soupçon l'emporte sur le doute, or celui-là ne cherche pas la vérité mais la faute.
- Qui dit faute, dit coupable.
- Qui dit coupable, dit condamné, en l'occurrence par le tribunal mouvant de l'opinion.
- Qui dit condamnation, dit exécution par la vindicte populaire.
- Qui dit exécution publique, dit sadisme médiatique, autrement dit acharnement déconcertant.
Le Cardinal Bustillo pense qu'il faut réparer la politique et que, pour ce faire, qu'il faut soutenir la démocratie, qui doit avoir pour fin ultime le bien commun. Encore faut-il que ceux qui exercent l'autorité aiment leur peuple et fassent preuve d'humilité en écoutant toutes les voix pour discerner le meilleur chemin, qu'ils donnent l'exemple et qu'ils aient surtout une vision:
Offrir une espérance, élargir l'horizon, élever les consciences, ouvrir des chemins.
Il cite le discours du pape Léon XIV devant le corps diplomatique où il faisait part de sa réflexion sur la paix, la justice et la vérité.
Pour sa part il rappelle que:
- La confiance est le souffle vital de toute vie sociale.
- Toute relation humaine, quelle qu'elle soit - familiale, professionnelle, sociale ou spirituelle - repose sur une interdépendance organique et féconde.
- Tandis que l'ego cultive le personnage social, le moi soigne la personne véritable.
Il est convaincu que les religions, mais aussi les sagesses philosophiques, le sport, les arts, la culture, le tissu associatif - tout ce qui, dans une société, élève l'âme - doivent se coaliser pour servir la cause de la fraternité.
Aussi l'éducation est-elle une priorité:
Famille, école, spiritualité: ces piliers doivent s'unir pour enseigner aux jeunes l'art de vivre ensemble, dans le respect et la joie partagée.
Sinon, qu'advient-il? La technique (qui a permis, entre autres, les réseaux sociaux), sans éthique, devient destructrice: elle ruine la liberté et piétine la dignité humaine. Il n'est pas alors surprenant que les relations humaines soient empoisonnées, que la confiance soit érodée, que le mal-être en résulte:
Dans un monde privé de repères moraux, l'homme glisse vers le désespoir.
Aussi faut-il retrouver gratuité et spontanéité sans lesquelles la vie se mécanise.
RETROUVER LE SENS
Bien évidemment le Cardinal François Bustillo prêche, si j'ose dire, pour sa paroisse, qui est la mienne. Comme la foi chrétienne ne s'impose pas, il recommande, à la suite du pape Benoît XVI, de vivre comme si Dieu existait, de vivre selon l'Évangile:
L'Église, sans contraindre, propose un art de vivre, une manière d'exister, qui peut être goûtée.
Autrement dit:
[L'Église] ne vend pas une idéologie, elle témoigne d'une existence. Elle ne prétend pas imposer la vérité, elle invite à goûter une paix "désarmée et désarmante" qui vient de Dieu. Ce qu'elle dit, au fond, est simple: Essayez.
Et de citer les Écritures:
- "Tout ce que vous voudriez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eu aussi." (Mt 7,12)
- "Jésus, là où il passait, faisait le bien." (Ac 10,38)
- "L'homme bon tire le bien du trésor de son coeur qui est bon; et l'homme mauvais le mal de son coeur qui est mauvais. Car ce que dit la bouche, c'est ce qui déborde du coeur." (Lc 6,45)
- "Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent [...] Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés; ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez et vous serez pardonnés. [...]" (Lc 6, 27-38)
Cela dit, la foi donne la force d'aimer, de construire, de réparer.
Le Cardinal François Bustillo précise:
- L'indulgence est la cousine de la clémence, de la bienveillance, de la compréhension. Elle est à l'opposé de la dureté, de l'intransigeance, de la rigidité, de la sévérité, du sectarisme.
- La rédemption nous rend capables de croire que l'homme peut se transformer, croître, renaître. Elle nous invite à l'espérance.
- Être innocent 1, ce n'est pas simplement ne pas commettre le mal: c'est refuser d'alimenter les logiques de fracture et d'agression dans nos relations.
- Le pardon n'est pas un mot; c'est un chemin. Un arrachement. Une libération. Par le pardon, je choisis de ne plus être dévoré par le mal qui m'habite.
- Dans un monde saturé de superficialité, seul le silence 2 peut nous restituer un peu de profondeur.
- Il est vrai que certains considèrent la religion comme un carcan, une entrave. Mais la foi véritable n'enferme pas, elle délivre. Elle arrache l'homme à ses tristesses, elle l'élève au-delà de lui-même, elle le guide vers le bonheur vrai.
- Dans son étymologie même, "bénir" signifie "dire du bien". Et si ce verbe noble, souvent confiné aux sphères liturgiques, retrouvait sa place dans le langage quotidien?
CONCLUSION
Nous ne pouvons abandonner aux seules institutions le soin de la responsabilité collective. À chacun de déposer sa pierre à l'édifice commun. Nous ne sommes pas des clones; c'est dans nos différences que se célèbre la beauté du monde. La vie est notre vie.
Francis Richard
1 - L'innocence, littéralement non-nocence, signifie le ne pas nuire. L'innocence originelle a précédé le péché originel.
2 - Les monastères recèlent une douceur relationnelle, une paix silencieuse, un art de vivre tissé de silence et de lumière.
Réparation, Cardinal François Bustillo, 168 pages, Fayard
Publication commune LesObservateurs.ch et Le blog de Francis Richard .

Il y a un malaise profond en Occident, un mal être. Nos jeunes sont sans perspective, sans idéaux, sans repères, sans avenir. Ils sombrent dans le désespoir. Fuir vers des cieux aux valeurs traditionnelles chrétiennes, comme par exemple, en Russie c’est ré-apprendre, retrouver, le goût de vivre avec une espérance comme les jeunes gens d’une génération perdue “les corps indécents”. “Une société sans espérance est toujours conflictuelle” comme expliqué dans ce récit romantique et troublant. Si rien ne change en Occident, tout finira dans l’affrontement. Dans le chaos.