L’Europe de 1914, l’Europe de 2020     

Yvan Perrin
Ancien Conseiller national

 

L'Europe de 1914, l'Europe de 2020

Aujourd'hui, nous commémorons le funeste 1er septembre 1939, jour où les Nazis ont attaqué la Pologne. A l'heure où certains contestent la nécessité de doter nos forces aériennes d'avions de chasse modernes et performants, il est utile d'étudier la situation de l'Union européenne face à celle qui prévalait peu avant la 1ère Guerre mondiale. L'Allemagne soutient la Turquie comme en 14, lorsqu'elle voyait dans la Sublime Porte un allié de revers contre la Russie. Aujourd'hui, Merkel n'a pas le choix. Le Sultan ouvre ou ferme la vanne des réfugiés comme il l'entend, ce qui ne peut qu'inquiéter la pasionaria du "wir schaffen das", réussite totale qui a amené certains nostalgiques des temps sombres sur les marches du Reichstag. Des millions de ressortissants turcs ont élu domicile en Allemagne tout en restant inféodés à Erdogan. L'intéressé peut ainsi jeter le chaos chez nos voisins, ce qui lui procure un moyen de pression contre lequel la Chancelière ne peut guère. Il faut donc rester en bons termes avec cet "allié" malcommode et dangereux.

La Grèce est l'adversaire historique de la Turquie en Méditerranée. L'antagonisme monte dangereusement en puissance au sujet d'éventuels gisements de gaz sous-marins entre les deux pays. Les Grecs n'apprécient guère les Allemands à qui ils doivent une sévère cure d'austérité qui a laissé leur pays exsangue. Pour ne rien arranger, ils gardent un fort souvenir du drapeau nazi sur le Parthénon et des ravages que les Teutons ont provoqués sur leur sol.  Durant la 1ère Guerre mondiale, après diverses péripéties politiques et militaires, la Grèce avait rejoint les Alliés pour lutter à la fois contre les Allemands et les Turcs, les premiers soutenant et conseillant les seconds. Il convient de rappeler à ce titre que certains militaires allemands ont volontiers contribué au génocide arménien, tels Rudolf Hess, futur commandant du camp d'extermination d'Auschwitz ou Fritz Bronsart von Schellendorf, membre de l'Etat-major turc et complice des déportations. Une répétition générale en quelque sorte. Dans ces conditions, il est évident que la Grèce ne voit pas l'Allemagne comme un allié mais comme un ennemi provisoirement en sommeil.

Les Turcs vouent la France aux gémonies, coupable d'avoir été claire sur le fait que la Turquie ne doit pas devenir membre de l'Union européenne. Erdogan vient juste de faire savoir qu'il considère les dirigeants grecs et français comme "cupides et incompétents", pas vraiment une déclaration d'amour. Dans ce contexte tendu, la Grèce envisage d'acquérir des Rafales pour faire face à l'aviation turque, ce qui ravit la France et irrite la Turquie. L'urgence est là, l'aviation militaire grecque est dans un état de déliquescence avancé, victime des exigences financières de Berlin, complice d'Erdogan.

Le continent européen présente aujourd'hui de nombreuses similitudes avec le jeu des alliances qui divisait les grandes puissances à la veille de 1914. Le premier conflit mondial a démarré par une simple péripétie politique, l'assassinat du futur empereur d'Autriche-Hongrie. Puis tout s'est embrasé, quatre ans de guerre au terme desquels les conditions du conflit suivant ont été fixées. L'Histoire enseigne à l'homme que l'homme ne retient rien de l'Histoire. C'est bien dommage. Aujourd'hui, les bonnes âmes, comme dans l'entre-deux-guerres, considèrent un éventuel conflit comme hautement improbable voire impossible. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que l'essentiel de la gauche milite pour la suppression de l'armée, institution archaïque dont nous n'avons plus besoin. Cela dit, on trouve ici ou là quelque esprit moins obscurci proposant à moindre coût l'acquisition d'avions de combat destinés à l'entrainement des pilotes dont les performances suffiraient. Prendre le départ d'un Grand-Prix au volant d'une honnête voiture familiale en quelque sorte. Au vu du contexte actuel, prévoir ce qui peut se passer demain relève déjà de la divination, à plus forte raison dans cinq ou vingt ans. Nous devons veiller à être le moins mal préparés possible face à un avenir incertain. Cela passe par l'acquisition de nouveaux avions de combat nouvelle génération dont il faut espérer qu'ils ne serviront pas. Mais qui peut l'affirmer ?

Yvan Perrin, 1er septembre 2020

3 commentaires

  1. Posté par Odidole le

    On veut nous faire peur avec le Covid, avec le réchauffement climatique…
    J’ai confiance en l’intelligence de l’Homme pour trouver des solutions à ces deux problèmes et je suis climato-réaliste (oui il y a un réchauffement climatique, mais il n’est pas si catastrophique qu’on nous le décrit, nous nous adapterons et les causes en sont beaucoup plus naturelles que ce qu’on veut nous faire croire…)
    Moi ce qui m’angoisse chaque jour davantage c’est l’ évolution de notre monde vers la barbarie et le déni de nos gouvernants. Erdogan est pour moi le plus grand danger pour la paix et je crains que nous ne nous dirigions à nouveau en Europe vers une période de conflits armés, une nouvelle guerre. Malheureusement aujourd’hui, au lieu de tirer profit des leçons du passé, on détourne les yeux, on veut détruire nos livres d’Histoire ou les réécrire pour satisfaire des idéologistes bornés . Est-ce la fin de notre civilisation ?

  2. Posté par Pierre-Alain Tissot le

    En effet M. Perrin, l’avenir est incertain, n’en déplaise à la gauche et aux pacifistes inconscients.
    Qu’en sera-t-il des possibles menaces sur la Suisse d’ici une, deux ou trois décennies ?
    En caricaturant un peu, que pourrait faire une armée désarmée, c’est à dire sans aviation, chars et autres moyens complémentaires aux armes légères, face à ce que certains estiment impensable aujourd’hui, par exemple une France islamisée incontrôlable, une Russie impériale en expansion ou même une Allemagne surpuissante voulant s’imposer ?
    Il y aurait alors un nouveau «Marc Bloch, Suisse cette fois, pour écrire une nouvelle “Étrange défaite” !

  3. Posté par kandel le

    Rudolf Hoess a été le commandant du camp d’extermination d’Auschwitz, il a écrit un livre à ce sujet.
    Et non, Rudolf Hess.

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.