Il y a deux organes inutiles : la prostate et le président de la République.

Yvan Perrin
Ancien Conseiller national

Il y a deux organes inutiles : la prostate et le président de la République.

Voici ce que le grand Clémenceau pensait à l'époque de la IIIème République française. La Suisse peut reprendre le propos à son compte au sujet du Ministère public de la Confédération et de son chef, le Procureur général Michaël Lauber. L'institution présente sans doute le pire rapport coûts-efficacité de tous les organes nationaux à la charge du contribuable. Tout autre service, office, ou département aurait déjà fait depuis longtemps l'objet d'enquêtes pointues afin de situer le problème et peut-être, pourquoi pas, de le résoudre. Hélas, le Ministère public de la Confédération jouit d'une position à part. Il représente l'organe de poursuite pénale suprême, l'obstacle ultime que notre pays dresse contre le crime. On ne saurait donc mettre en doute la qualité de son travail et donc des procureurs et de leur chef. La séparation des pouvoirs est un dogme que le monde judiciaire viole volontiers, corrigeant les errements du monde politique mais l'inverse n'est pas admis. Lorsque le doute surgit, il faut se contenter des explications fournies par les mis en cause. Les enquêtes sont très complexes, elles demandent du temps, il faut des compétences bien précises, le commun des mortels n'est pas en mesure de saisir la portée des investigations. Bref, mêlez-vous de ce qui vous regarde, circulez, il n'y a rien à voir !

Malheureusement pour M. Lauber, il se trouve que l'autorité de surveillance souhaite jouer son rôle et s'interroge sur la façon dont le personnage dirige certaines enquêtes. On a ainsi appris que notre homme avait rencontré le président de la FIFA à deux reprises, il parait que cela se fait. Hélas, il y a eu une troisième rencontre dont le Procureur général n'a pas parlé, et pour cause, il l'avait oubliée ! C'est ballot ! Eh oui, l'homme est très occupé, il ne peut pas se souvenir de tout. C'est sans doute vrai mais Gianni Infantino n'est pas tout-à-fait n'importe qui et les soupçons qui entachent le football mondial méritent une certaine concentration. Face à pareille situation, on aurait pu attendre une once d'humilité de la part du Procureur qui entend se représenter pour le poste en juin prochain. Que
nenni ! M. Lauber pousse au contraire les grands cris. Comment, l'autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération surveille le Ministère public de la Confédération ? Mais pour qui ses membres se prennent-ils ? Ont-ils seulement conscience qu'ils s'attaquent gravement à nos institutions ?

Le pamphlet laisse pantois même si on l'entend parfois, notamment à Genève. Le Procureur général de la Confédération n'est en rien une vache sacrée, c'est une personne que le Parlement charge d'une mission, mission qui se doit d'être évaluée afin de savoir si le titulaire s'en acquitte correctement. Au vu du bilan pour le moins maigrelet, on peut sans crime de lèse-majesté se demander s'il faut vraiment investir autant de moyens pour si peu. Poser la question, c'est déjà y répondre. Comme à chaque critique, le MPC se cache derrière la longueur et la complexité des procédures. C'est un peu facile, étant entendu que ces facteurs ont été pris en compte. La Confédération a largement ouvert sa bourse pour permettre à M. Lauber et son équipe de se montrer efficaces. On ne peut pas dire que le but soit atteint, ceci d'autant plus que de lourdes indemnités ont été payées par le contribuable suite à des licenciements non conformes. On croit rêver.

Il est vrai que M. Lauber n'est pour l'heure coupable de rien et peut à bon droit solliciter un mandat supplémentaire mais il n'est pas question ici de calendrier disciplinaire mais politique. La femme de César ne saurait être soupçonnée, dit-on. Dans le cas qui nous occupe, c'est une sourde méfiance qui s'installe, les nombreux mis en cause dans les scandales de la FIFA réclamant d'ores et déjà la récusation de leur accusateur, coupable de messes basses avec le nouveau président de la faitière mondiale du foot. Il en ira de même pour les mis en cause de l'affaire Petrobras, scandale brésilien lié à une compagnie pétrolière. Par son imprudence ou son inconscience, M. Lauber va considérablement retarder les procédures en cours, maintenant suspendues afin de savoir si notre homme peut continuer ses investigations ou non mais il jette un fort discrédit sur ce qui devait être la vitrine étincelante d'une Suisse décidée à lutter contre certaines pratiques douteuses en matière financière.

Le futur professionnel de M. Lauber est maintenant en mains du Parlement. Nos élus seraient bien inspirés de ne pas reconduire cet homme dont la crédibilité est ruinée.

Yvan Perrin, 13.5.2019

2 commentaires

  1. Posté par alberto le

    100 pour 100 d’accord avec M. Perrin….!

  2. Posté par pepiou le

    Aussi loin que portent mes souvenirs, les enquêtes dilligentées par le Ministère public de la Confédération se sont terminés par des flops retentissant. À cause d’incapables se prenant pour des supers flics, la Suisse est devenu un véritable Paradis pour le crime organisé. Ce ne sont pas les amis « balkaniques » de « Calamity-Rey » qui diront le contraire. Et dire que certains s’en prennent aux honnêtes gens et à leurs armes légales plutôt que de lutter contre les criminels ; voilà bien la preuve de l’incompétence des services de la Confédération et des politiciens pro-européens.

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