Témoignage. Un week-end à Calais avec ceux qui résistent à l’invasion

Calais

Martial Roudier, animateur de l’association Entraide Solidarité, s’est rendu à Calais ce 27 février 2016 auprès des familles de patriotes calaisiens qui subissent aujourd'hui la répression du système parce qu'ils ont voulu informer de ce qu'il se passe chez eux. En tout, ce sont sept calaisiens qui sont actuellement emprisonnés depuis plus d'une dizaine de jours et poursuivis en justice. L'association Entraide Solidarité vient en aide aux familles de ces résistants.

Quand vous débarquez dans une région différente de la vôtre, les « locaux » ont à cœur de vous faire découvrir les particularités locales, bâtiments historiques, bonnes tables… 

À Calais, la première chose qu’on vous fait visiter c’est la Jungle! 

Ambiance surréaliste: des grillages recouverts de barbelés, des camions de CRS à chaque carrefour, des gyrophares bleus dans la nuit, un no man’s land de 80 mètres de large établi au bulldozer entourant les habitats de fortune des « migrants », des hordes de clandestins déferlant dans les rues de Calais où un couvre feu pèse sur les habitants…

La première soirée est consacrée à de la veille internet et à de la surveillance des événements liés aux migrants. « Est ce que ça bouge? » Tout le monde est prêt à se déplacer pour faire de la vidéo afin de témoigner de la réalité. Le gouvernement souhaiterait que personne ne sache ce qui se passe mais aujourd’hui la lutte passe par les réseaux sociaux. Chaque femme se soutient moralement en attendant le retour des « maris ».

Samedi matin, Séverine reçoit une lettre de Christophe, incarcéré depuis plus de 15 jours et me la lit avec beaucoup d’émotion dans la voix. C’est la première fois que ces familles sont confrontées au monde carcéral et elles sont désemparées. Je sais que cette situation ne va pas durer, puisqu’il n’y a aucun élément dans le dossier et je tente de la rassurer. C’est une femme forte.

Christophe lui raconte sa petite vie de « taulard ». Ça se passe bien pour lui car il n’est pas considéré comme un « vrai délinquant » par les matons. Il est seul en cellule mais a dû montrer qu’il ne se laisserait pas faire aux autres détenus qui ont tenté de lui « mettre la pression ». Heureusement pour lui, c’est un grand gaillard qui impose naturellement le respect.

Espérons que ça se passe bien pour les autres gars, dispersés dans 6 maisons d’arrêt différentes.

Dans le jardin un drapeau français flotte bravement.

J’apprends qu’il y a eu des blessures importantes pendant l’interpellation. Christophe a 2 côtes cassées, Stéphane en a 3 plus un œil tuméfié. Son fils, Jefferson a un traumatisme important au niveau du tympan. Les jours d’ITT sont nombreux. Tous ont des blessures un peu partout suite à un tabassage en règle alors qu’ils s’étaient laissés arrêter et qu’ils étaient menottés au sol.

J’apprends également que le Parquet a obligé les inculpés à prendre un avocat chacun au motif que leurs déclarations étaient contradictoires. C’est bien la première fois que j’entends parler de ce genre de choses!

Dans l’après-midi je rencontre les familles des personnes incarcérées. Les femmes sont angoissées et les enfants sont maintenus dans une ignorance du sort de leur papa. Alice, 14 ans, n’est pas dupe et sait très bien que quelque chose de pas normal est en train de se passer. Nous mangeons les gâteaux que j’ai aidé à préparer le matin avec la femme de Christophe, le soi-disant « meneur ». J’ai hâte de le rencontrer, il a l’air de quelqu’un de bien. Il fait partie des « Voisins Vigilants » et est une figure de son quartier: bricoleur, serviable…

Corinne la femme de Nino ne peut pas se joindre à nous car elle habite loin et la police a placé les véhicules de nos patriotes sous scéllés. Elle ne peut pas se déplacer…

15 jours après l’incarcération, personne n’a encore d’autorisation de parloir.

Je transmets un chèque de 250€ à chacun de la part d’Entraide Solidarité pour que les détenus puissent cantiner le minimum nécessaire pour le premier mois.

J’explique que la situation ne peut pas s’éterniser puisque le dossier est vide. Lorsqu’elles partent, les familles me remercient pour le geste et le soutien et semblent rassurées quant à la suite des événements.

Bien évidement je n’ai pas résisté à la tentation de me rendre à l’intérieur de la « Jungle ». C’est réellement impressionnant. J’y ai vu des magasins, des restaurants, des centres de soins, un homme se faisant soigner une dent sur un banc. J’ai assisté à une distribution de nourriture. Je ne me sentais pas trop en insécurité car il y avait beaucoup d’européens. Ces derniers font partie des « bénévoles » des nombreuses associations qui travaillent à l’intérieur de la Jungle. Beaucoup d’anglais parmi ces derniers. C’est d’ailleurs l’anglais qui est la langue commune ici. Ce sont ces bénévoles blancs qui ramassent les déchets que les migrants laissent partout. Je ne peux m’empêcher d’imaginer l’état de la Jungle et les problèmes d’hygiène si ces bénévoles ne s’occupaient pas de la propreté des lieux. Mais ça fait un choc!

Stéphane a pu sortir suite à un appel sur la décision de placement en détention. Entraide Solidarité lui a proposé de changer d’avocat car son « commis d’office » était favorable aux migrants, on ne sait jamais. Ce matin c’est au tour de Jefferson de quitter les murs de sa maison d’arrêt. Signe que l’affaire commence à se dégonfler, mais c’est surtout grâce au travail des avocats et à la mobilisation de tous!

Je repars de Calais avec l’assurance que les familles restent soudées et tiennent le choc. Il faut maintenant travailler la « Justice » au corps pour qu’elle relâche les 5 autres gars, que l’ensemble des 7 soient relaxés et que nous arrivions à faire condamner les policiers auteurs du passage à tabac! Rude boulot…

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4 commentaires

  1. Posté par michel SOLOMON le

    lire depuis le bas

  2. Posté par Patrick le

    Jean-Paul Costantini, si je partage largement le début de votre commentaire, je ne suis pas d’accord avec vous sur la fin. En effet, un proverbe bien connu dit : ” comme on fait son lit, on se couche “; lorsque vous dites que c’est très bien qu’ils soient relogés pour éviter de croupir, je vous cite, ” dans une merde abominable “, cette merde c’est la leurs; alors qu’ils y restent. La misère, les mauvaises conditions de vie ne les libèrent pas d’un minimum d’hygiène. Il suffit de voir l’état des terrains qu’ils traversent, des véhicules qu’ils empruntent pour comprendre que ces gens n’ont pas le moindre respect et j’ai même des doutes sur leur éducation pour se comporter de la sorte. Sont-ils si occupés pour qu’ils ne trouvent pas le temps de nettoyer leurs immondices ???

  3. Posté par Aude le

    De toute évidence ces magistrats doivent être de mèche avec le système…peur de perdre leurs postes….
    Ce sont des prisonniers d’opinion comme l’ancienne stasi ou le KGB du temps des soviètes.
    Mais ce sont avant tout les dissidents d’un système qui va gentiment s’écrouler.
    Ce gouvernement est une honte à lui tout seul… Réprimer leurs propres compatriotes qui tentent juste de protéger leurs biens et leurs personnes face à une majorité de délinquants…..

  4. Posté par Jean-Paul Costantini le

    Et on appelle ça justice ! C’est digne de la Gestapo. J’espère que ces salopard de magistrats, qui sont incapables d’accepter que les Calaisiens ont des droits, seront destitués. Le temps de la révolution est venu ! Quant aux réfugiés, il me semble qu’ils sont bien relogés et c’est très bien, plutôt que de les laisser croupir dans une merde abominable.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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