L’Ecosse a montré la voie

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire

 

L’Ecosse reste donc dans le Royaume-Uni. Il faut s’en féliciter. L’éclatement de la famille britannique soudée par la force depuis le XVIIIe siècle aurait été une excellente nouvelle pour la France à cette époque. En revanche, elle aurait revêtu une signification très négative aujourd’hui. D’abord, dans leur rivalité avec la France, les Anglais l’ont emporté et de rivaux sont devenus des alliés indispensables face à la menace allemande. A deux reprises ils nous en ont protégés ou sauvés. Ce serait être ingrat que de se réjouir de leurs difficultés.

En second lieu la victoire du oui à l’indépendance aurait accentué la pente suicidaire empruntée par l’Europe et accélérée par la dérive de la construction européenne. Celle-ci devait bâtir sur les décombres de la dernière guerre entre les Nations européennes un ensemble politique démocratique destiné à préserver la paix et à assurer une prospérité collective. Elle a abouti à créer une technocratie inefficace doublée d’une apparence de démocratie avec un parlement aussi coûteux qu’inutile. Entre les pays européens très riches et qui ne sont pas membres, comme la Norvège, ceux qui ont de bons résultats économiques, en ayant gardé leur monnaie, comme la Suède et le Royaume-Uni, et l’Euroland, avec sa zone allemande prospère, ses pauvres vertueux, comme l’Espagne et son mauvais élève, la France, la distance s’est creusée quand elle aurait dû se réduire. Chacun suit avant tout son intérêt national, et ne se plie à la discipline que persuadé que la révolte serait plus préjudiciable à celui-ci que l’obéissance. Cette évolution présente deux aspects : d’une part, la politique se réduit à l’économie, d’autre part, la priorité économique incline à l’égoïsme. L’Europe n’existe pas à l’échelle géopolitique. Elle confond plus ou moins son action avec celle de l’Otan, c’est-à-dire avec les Etats-Unis dont elle reste l’obligée sur le plan militaire. Sous l’aile américaine, il est confortable de réduire ses dépenses en matière de défense, et de pouvoir voter des budgets généreux et démagogiques ou de pratiquer le dumping fiscal. Cela est encore plus vrai pour les petits Etats dont le nombre s’est multiplié. Quant aux Etats qui ont été de grandes puissances, comme la France ou le Royaume-Uni, ils sont confrontés au dilemme de renoncer à leur capacité militaire ou d’être victimes de la concurrence fiscale des Etats plus petits et plus récents. L’indépendance de l’Ecosse aurait validé ce mouvement. Un nouveau pays, représentant moins d’un Britannique sur dix, mais avec un PIB par tête supérieur, aurait surgi, fort pour quelques années encore de ses hydrocarbures, et priant Londres de retirer sa défense nucléaire de son territoire, et évidemment peu soucieux de se doter d’une armée efficace, donc coûteuse.

En troisième lieu, l’exemple aurait pu être suivi et aboutir à ce paradoxe d’une déconstruction nationale lorsqu’on veut construire l’Union Européenne. C’est l’Histoire et la culture qui construisent les solidarités nationales.  Ceux qui rêvent d’une Europe Fédérale des régions, par hostilité aux Nations, n’ont toujours pas compris que ni l’Histoire, ni la culture n’avaient bâti une telle solidarité au niveau du continent. L’Europe des régions détruira les solidarités nationales non en créant une solidarité européenne, mais en favorisant les égoïsmes régionaux. Il est possible que le Royaume-Uni quitte l’Union Européenne. L’Ecosse souhaitait au contraire y être admise en cas d’indépendance, afin de pouvoir y faire prospérer son égoïsme, mais en gardant la Livre, bien sûr : le beurre et l’argent du beurre, dans un système d’égoïsme collectif en quelque sorte.

Mais il faut aussi tirer des enseignements positifs de ce vote. D’abord, il conforte la confiance que l’on peut nourrir à l’égard du vote populaire ( Plus de 80% de votants !) par le biais des référendums. Le bon sens l’a emporté assez largement. Sans doute celui-ci a-t-il été soutenu par les sentiments nés d’un passé commun dont les Britanniques peuvent être légitimement fiers. Mais les arguments plus rationnels fondés sur la défense, sur la dépendance extérieure, sur le poids des infrastructures, sur l’importance des déficits ou encore sur les limites des ressources énergétiques fossiles ont aussi joué leur rôle. Le comique de service que nous traînons dans la vie politique française depuis 1968, Cohn-Bendit était évidemment pour le Oui et se réjouissait à l’avance de la défaite du « nationalisme », et du « loser » Cameron. Pas de chance, et c’est un second point positif, Cameron a gagné, comme sa politique économique brocardée par nos brillants politiciens nationaux, réussit, elle-aussi. Il a d’ailleurs salué cette victoire avec modestie en assurant qu’il tiendrait compte de l’aspiration à plus de décentralisation, non seulement pour les Ecossais, mais aussi pour les Anglais. Enfin un démocrate qui ne s’intéresse pas qu’aux minorités, mais aussi à la majorité…  Plus de libertés en bas, moins de technocratie en haut, plus de solidarité nationale et peut-être moins d’édredon-étouffoir européen, l’Ecosse en restant dans le Royaume-Uni a montré avec lui le bon chemin.

Christian Vanneste, 19 septembre 2014

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