Analyse du vote

Suzette Sandoz
Suzette Sandoz
Prof. honoraire UNIL
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Ce qui importe maintenant, c’est en tous les cas de ne pas battre sa coulpe devant l’Union européenne mais d’insister sur la nécessité de respecter un verdict démocratique qui a d’ailleurs été provoqué partiellement par l’Union européenne elle-même quand elle a affirmé, tant avant le scrutin que, hier soir, après le résultat, qu’elle « n’avait pas voulu intervenir dans le scrutin » ! Et au nom de quel droit serait-elle intervenue dans un scrutin interne? Le seul fait d’avoir osé y penser à haute voix explique aussi une partie du succès de l’initiative.

 

             Le résultat du vote sur l’initiative « contre l’immigration de masse » n’est pas un succès de l’UDC, c’est la sanction d’une impéritie des autorités politiques et de la nullité de la campagne des opposants.

L’impéritie des autorités : connaissant le contenu de l’initiative depuis des mois et les craintes – souvent légitimes – d’une partie de la population au sujet de l’immigration, les autorités politiques auraient eu le temps de prendre ou au moins de décider des mesures conciliables avec les accords européens, voire éventuellement d’en discuter avec nos partenaires européens ; elles auraient ainsi montré aux citoyens que leurs préoccupations étaient prises au sérieux. Au lieu de cela, on a continué de nier les problèmes et de traiter les citoyens d’égoïstes et les mouvements proches de leurs préoccupations, de « populistes ».

En outre, pendant toute la campagne précédant le vote, les opposants à l’initiative ont répété les menaces formulées en 1992 auxquelles, à tort ou à raison, plus personne ne croit.

Je souhaitais que l’initiative soit rejetée à 50, 01 % de manière que les autorités et les partis politiques soient sérieusement mis en garde. Le résultat est inverse. Que les partis perdants ne gaspillent pas d’énergie à « tirer » sur l’UDC mais qu’ils se ressaisissent. Le résultat n’est que le fruit de leur incompétence et de leur prétention.  La gauche sait bien que le gros de ses troupes a voté pour l’initiative alors qu’elle espérait qu’un NON lui permettrait de faire du chantage aux mesures d’accompagnement et au salaire minimum qui ne sont qu’une source de bureaucratisation et une démarche d’étatisation de l’économie digne du marxisme le plus rampant. La droite modérée a sorti son éternelle ritournelle des menaces à l’emploi et à l’économie, usée depuis 1992 où elle s’était révélée fausse.

Ce qui importe maintenant, c’est en tous les cas de ne pas battre sa coulpe devant l’Union européenne mais d’insister sur la nécessité de respecter un verdict démocratique qui a d’ailleurs été provoqué partiellement par l’Union européenne elle-même quand elle a affirmé, tant avant le scrutin que, hier soir, après le résultat, qu’elle « n’avait pas voulu intervenir dans le scrutin » ! Et au nom de quel droit serait-elle intervenue dans un scrutin interne? Le seul fait d’avoir osé y penser à haute voix explique aussi une partie du succès de l’initiative.

Comme aurait dit Pascal, « qui veut faire l’ange fait la bête ». Mais la bêtise n’est pas un projet d’avenir.

 

Suzette Sandoz,  le 10 février 2014

7 commentaires

  1. Posté par Antonio Giovanni le

    Les politiciens qui ont mené la Suisse au bord de la catastrophe, adoubés par la Commission, n’ont jamais eu pour objectif l’améliorer le sort des Suisses et de leur conservation, mais seulement le vain désir de se voir confirmés dans leur préjugé d’autosatisfaction; les oukases européens leur en donnent le moyen : imposer le silence à ce bon peuple qui ploie sous l’impôt qu’il faut payer, car il leur suffit à chaque fois de clamer « C’est une loi de la Commission, c’est le droit européen » Si encore les peuples d’Europe avaient la conviction qu’on travaillait pour eux…mais leur sentiment est tout contraire! Alors qui trompe qui dans ce poker menteur européen et même ouvertement anti-helvétique ?

  2. Posté par Economico le

    http://www.bilan.ch/economie/risques-sur-la-croissance-apres-linitiative-sur-limmigration

    « Claude Maurer, économiste à Credit Suisse. « C’est une illusion de croire que l’on va créer plus d’emplois pour les autochtones en limitant l’immigration », a-t-il tranché. » »

    Les milieux patronaux ont manqué le virage en n’impliquant pas suffisamment la population autochtone dans la libre circulation. Il aurait aussi fallu faire des efforts pour que l’on forme la population active, afin qu’elle soit attractive pour les entreprises. La réveil des poids lourds de l’économie intervient trop tard….mais ils ne pensaient que cette initiative passerait.

    La libre circulation de l’UE est un schéma de Ponzi à la Madoff, où les nouveaux entrants servent à alimenter la croissance du précédent. Comme la crise des « subprime », la croissance a été mal encadré et nous savons que les milieux économiques ne savent pas s’auto-réguler. Nous sommes maintenant en haut de cycle économique (voire au sommet). Nos politiques vont avoir un sacré challenge pour les prochaines année. Bon courage!

  3. Posté par Andrea le

    Madame Sandoz,
    Permettez-moi d’aller au delà de la générosité de votre critique en remplaçant « impéritie » par « méprise ». Ce mot, montre un double tranchant qui résume en lui seul deux facettes de l’attitude des opposant.
    D’une part, la mécompréhension des conséquences réelles le la libre circulation vecues par une partie grandissante des citoyens, en raison d’une impardonnable inattitude à mettre en place les mesures d’accompagment promises.
    D’autre part, un certain regard condéscendant des élus envers le peuple qui, à la différence de ce qui est légion dans d’autres contrées, est le souvrain qui leur délègue des pouvoirs à des fins législatives, exécutives ou judiciaires. On en arrive même a s’exiber au bras d’une « première dame »…gerdez vos brioches, ma chère, on ne vous a rien demandé.
    Or, comme avec un poignard, il faut s’avoir s’y prendre pour manier le double tranchant. Depuis hier, je crois qu’il est un peu plus évident qui se tient du côté du manche.
    Bien à vous.
    Andrea

  4. Posté par Jean Romain le

    Martelée hier par un dirigeant obtus de l’UE, la libre-circulation a été présentée comme non négociable, puisque c’est un principe premier qui subsume tous les autres.
    Or, cette sacro-sainte libre-circulation dans l’UE connaît en fait des exceptions. La plus notable est celle des îles Aland qui réalisent le tour de force de faire partie de l’UE sans avoir à appliquer la libre-circulation, ni ouvrir leur marché immobilier aux non résidents.

  5. Posté par JeanDa le

    Merci Madame pour ce message, bien que je ne partage pas votre avis sur le fait qu’un résultat à 49.9 ait pu changer quoi que ce soit. Peu importe d’ailleurs.
    Ce qui est important, comme vous le dites, c’est que notre CF et nos négociateurs négocient debout et non à plat-ventre comme ces derniers temps. J’espère que le choc du résultat dopera l’assurance de M.Burkhalter lorsqu’il parlera à « notre chère Viviane Reding » et à ses co-technocrates hors-sol.

  6. Posté par Le pragmatique le

    Le mot « défi » que le CF aime bien employer en Novlangue pour cacher la poussière sous le tapis; Et bien en français en voilà un; qu’il se mette à défendre une fois pour toutes la nation.
    L’idée d’avoir recours à Blocher pour les négociations (quand bien même Reding nous a déjà fait peur en nous assurant qu’il n’y en aurait pas) n’est pas pour me déplaire. Un ours doit sans aucun doute savoir parler à ses congénères de Bruxelles à la menace systémique.

    Ils auront pu du reste constater qu’il nous font moins peur que prévu quand bien même nous allons tous mourir.

    Merci à Mme Sandoz et de ses avis toujours éclairés.

  7. Posté par Pascal le

    Il est au contraire très bien que cette initiative ait été acceptée. Si le NON l’avait emporté à 50.01 %, vous pouvez être certaine que rien n’aurait changé. Les Levrat, Darbellay et consorts auraient poussé un ouf de soulagement, nous auraient promis monts et merveilles et s’en seraient retournés à leurs petites affaires.

    Là, au contraire, ils vont devoir commencer à réfléchir à la manière de négocier.

    Mais il est clair que nous n’avons pas à nous excuser auprès de l’UE. Nous sommes souverains en notre pays et l’UE n’a qu’à l’accepter. Et, même si les négociations seront dures, je suis persuadé que personne n’a rien à gagner à les faire capoter.

    Au contraire de certains, je suis fier d’être suisse aujourd’hui.

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