Jean-Charles Legrix. Protocole d’un putsch

Rediffusion: 20.11.2013 (01.09.2013). Face au harcèlement politique constant et continu du Conseiller Communal Jean-Charles Legrix nous republions l’enquête approfondie effectuée par la Weltwoche parue sur Lesobservateurs.ch (01.09.2013) et qui doit impérativement être connue.
Ni charge, ni bureau: Le président Legrix évincé.

Sur la base d’accusations anonymes et de rumeurs, le gouvernement de La Chaux-de-Fonds, majoritairement à gauche, a évincé le président de la Ville élu Jean-Charles Legrix (UDC). Un coup mitonné par des chefs de service, avec l’appui d’une experte en harcèlement sexuel. Une enquête d’Alex Baur de la Weltwoche.

S’il est une chose que l’on peut sans aucun doute reprocher à Jean-Charles Legrix, président de la Ville de la Chaux-de-Fonds (NE) jusqu’il y a encore deux semaines, c’est bien sa naïveté. En février dernier, c’est lui qui demandait à ses collègues de l’exécutif de faire réaliser un audit externe de son dicastère. Une démarche certes tout à son honneur. Le conseiller communal ne voulait pas influencer l’enquête. Il préférait en confier les rênes à ses collègues, ainsi qu’à la cheffe du personnel communal Ioana Niklaus, qui comptent pourtant parmi ses plus ardents détracteurs. Mais ce faisant, Legrix a non seulement surestimé son pouvoir de représentant élu par le peuple. Il a surtout sous-estimé le pouvoir secret pour ne pas dire insidieux de l’administration. Avec cet audit, le politicien UDC a livré lui-même à ses ennemis, qui depuis des mois travaillaient à sa chute en coulisses, les armes pour l’abattre.

Au final, ce sont ses collègues du Conseil communal qui, le 14 août dernier, destituaient Legrix. Sur les raisons de ce limogeage, les spéculations de tout poil ont circulé. Seule certitude : Jean-Charles Legrix a été démis de ses fonctions de chef de département et de président de la Ville. L’homme est toujours un conseiller communal élu par le peuple, mais il n’a plus ni charge, ni bureau. Tout le reste est fumeux. Selon la formule officielle, Jean-Charles Legrix a été reconnu coupable, sur la base d’un audit réalisé à sa demande, de «harcèlement moral». Un verdict rendu par la juriste lausannoise Cécile Pache, qui se présente sur son site Internet comme une experte indépendante, spécialiste en «harcèlement sexuel et psychologique».

Cécile Pache a reconnu Jean-Charles Legrix, chef du Dicastère des infrastructures et de l’énergie, coupable d’avoir tourmenté ses employés et d’avoir instauré un climat de peur et de méfiance. Il leur aurait ainsi envoyé des mails au beau milieu de la nuit. Il aurait aussi exhorté ses collaborateurs, lors d’un repas de fin d’année, à chanter des chansons de Noël. De plus, il tenait des propos parfois déplacés. Il se serait ainsi permis de traiter le chef de la voirie Joseph Mucaria de «mon petit Sicilien». Mis bout à bout, ces faits révèlent un comportement que Cécile Pache qualifie de «harcèlement moral». Comment la mandataire est arrivée à ses conclusions reste cependant mystérieux. Interrogée, elle n’a pas souhaité s’exprimer sur le contenu de son audit.

En Suisse romande, l’affaire Legrix a beaucoup fait parler d’elle. Mais curieusement, les questions essentielles n’ont pas été traitées. Que risquait un collaborateur s’il ne prenait connaissance des mails nocturnes de son chef que lors du prochain jour ouvrable? Ou s’il refusait de chanter lors du repas de Noël? «Rien.» assure Legrix, qui affirme avoir envoyé ses mails exclusivement à l’adresse professionnelle de ses collaborateurs. Et selon lui, l’histoire des chants de Noël n’était qu’une lubie qui lui serait passée par la tête. Mais qu’en est-il du «mon petit Sicilien»? Ne serait-ce pas une allusion méprisante aux origines de Mucaria ? «Non», affirme Legrix. Il s’agirait d’un mot lancé à la légère, et pour lequel il s’est d’ailleurs platement excusé auprès de l’intéressé, dès qu’il a vu que celui-ci piquait la mouche. Et quid de ces compliments déplacés «à la limite du harcèlement sexuel» envers certaines collaboratrices? Legrix récuse fermement toutes formes d’avances sexuelles.

 

La perfidie de la rumeur

Jean-Charles Legrix se retrouve dans une situation qui aurait pu être inventée par Kafka. Lui parle de «distorsion, mensonges et calomnies». Mais le secret de fonction l’empêcherait de répliquer par des arguments concrets aux reproches fumeux portés à son encontre. Il risquerait sinon de livrer à ses détracteurs les armes nécessaires pour l’éliminer définitivement. Difficile, de plus, de lutter contre la perfidie de la rumeur. Selon le dicton populaire, il n’y a pas de fumée sans feu. Reste à savoir qui a allumé le feu.

Pour ne rien arranger, Legrix ne connaît pas toujours le détail des faits qui lui sont reprochés. Car selon les recherches de la Weltwoche, le rapport de Cécile Pache repose, pour l’essentiel, sur des déclarations anonymes. Dans son «procès-verbal d’audition», nul trace de protocoles littéraux qui expliqueraient comment l’experte en harcèlement a obtenu ses informations. On y trouve seulement des résumés sommaires des entretiens, que l’accusé n’a d’ailleurs jamais pu consulter. Et Legrix n’a pris connaissance d’une partie des reproches que lorsque le rapport d’audit était terminé, conclusions comprises. L’ancien président de La Chaux-de-Fonds ne connaît pas l’identité des «témoins» interrogés par Cécile Pache. Il ignore même si ceux-ci travaillaient sous ses ordres et s’ils expriment leur propre perception des choses ou s’ils se contentent de rapporter des rumeurs basées sur des on-dit. Ces témoins existent-ils vraiment? Faut-il croire Cécile Pache sur parole?

Cécile Pache a intitulé son rapport de 97 pages «Audit juridique». En réalité, ses écrits ont autant de points communs avec la jurisprudence que l’ancienne République démocratique allemande en avait avec la démocratie. Cet «audit», qui ne respecte pas les plus élémentaires règles de procédure – qu’il s’agisse du droit d’être entendu ou de l’obligation de motivation des décisions sur la base de preuves concrètes – serait d’ailleurs probablement sans valeur devant un tribunal séculier. Le rapport a en outre été modifié et adapté a posteriori, après l’éviction de Legrix. Manifestement, l’exécutif de la Ville de La Chaux-de-Fonds en est conscient. Pour démettre Legrix de ses fonctions et lui suggérer de donner sa démission, il n’a même pas attendu les conclusions des juristes externes qu’il avait consultés. Une action éclair, qui s’est déroulée en l’absence du principal intéressé.

D’un point de vue pénal, il n’y a rien à reprocher à Jean-Charles Legrix. Même ses ennemis s’accordent à le dire. Le rideau de fumée juridique ne suffit pas non plus à cacher le fait que sa destitution est une décision politique. Entre-temps – et pour la première fois de sa vie – Legrix dépense de l’argent en avocats. Ce qu’il aurait dû faire bien plus tôt, avant même que Cécile Pache n’entame son travail. Car on peut douter que son éviction politique soit attaquable juridiquement. Lui pourrait éventuellement porter plainte pénale pour calomnie et diffamation. Mais à supposer même que, dans quelques années, le Tribunal fédéral lui donne raison et déclare illégale l’éviction d’un élu du peuple, à quoi cela lui servirait-il?

Une chose est sûre: le politicien UDC ne peut attendre aucun soutien d’une presse romande peu encline à remettre en doute les versions officielles. Elle qui s’excite déjà à l’idée que le conseiller communal puisse toucher jusqu’à la fin de son mandat (2016) «un salaire à ne rien faire». La télévision de service public RTS faisait état le week-end dernier de nouvelles «victimes de mobbing» – malheureusement de manière anonyme et donc non vérifiable. Peu importe comment l’accusé se défendra contre ces nouvelles invectives. On y verra de toute façon la preuve de son manque totale d’empathie envers ses victimes.

 

«Exécution politique»

Jean-Charles Legrix ne peut pas non plus compter sur son propre parti. L’UDC prend déjà prudemment ses distances. «Si M. Legrix ne peut pas prouver que les accusations portées contre lui sont dénuées de fondement, il faudra envisager de l’exclure du parti.» expliquait la semaine dernière à la NZZ Walter Willener, secrétaire politique de l’UDC neuchâteloise. A La Chaux-de-Fonds, les sièges étant répartis à la proportionnelle, l’UDC est de toute façon certaine de conserver le sien, au moins jusqu’aux prochaines élections. Et le candidat à la succession de Legrix est déjà dans les starting blocks.

Il est peu probable que Jean-Charles Legrix retrouve un jour son bureau au sein de l’administration communale. L’homme a fait l’objet d’une «exécution politique» constate l’un de ses collègues de parti en haussant les épaules. Et l’on se pince en se demandant comment il est possible qu’un représentant élu par le peuple puisse être démis de ses fonctions sur la base de rumeurs anonymes. A moins qu’il n’y ait autre chose? Quelque chose de si grave que l’on n’oserait même pas en informer l’opinion publique? Qui sait? Une sordide histoire à la «Docteur Legrix et Mister Hyde», comme le journal La Liberté se plaisait à l’imaginer?

L’histoire derrière l’histoire est liée aux singularités de La Chaux-de-Fonds – une ville industrielle de 38'000 habitants perdue dans un environnement rural, loin des grands axes de circulation, à 1000 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans ce Jura neuchâtelois proche de la frontière française. En Suisse alémanique, on semble d’ailleurs avoir oublié jusqu’à l’existence de ce petit coin du pays, dont on ne parle que rarement aux informations. Cette métropole horlogère, construite selon un plan en damier tout à fait original pour notre pays, a toujours fonctionné de manière un peu différente. Depuis presque exactement cent ans, la Ville est aux mains d’une solide majorité de gauche.

Aujourd’hui, les cinq sièges du conseil communal sont occupés respectivement par un représentant du parti socialiste, du POP, des Verts, du parti libéral-radical et de l’UDC. Une UDC qui n’a fait son apparition dans le canton qu’en 2001. Et qui depuis vient troubler considérablement la trêve qui régnait dans le landerneau politique neuchâtelois, où tout le monde est un peu en cheville avec tout le monde. En 2004, l’UDC faisait une entrée fracassante au parlement de La Chaux-de-Fonds et en 2012 privait le parti socialiste de son deuxième siège à l’exécutif de la Ville.

Jean-Charles Legrix faisait alors partie des pionniers de l’UDC neuchâteloise. Auparavant, ce natif du canton de Vaud âgé aujourd’hui de 51 ans, fils d’un Français et d’une Suisse-allemande, n’avait guère d’intérêt pour la politique. Mais très vite, Legrix va se tailler une réputation de «blochérien», par sa manière de s’attaquer, infatigablement et avec une rhétorique aiguisée, à l’establishment politique en place. Un rôle qui lui semblait prédestiné, ne serait-ce que par ses origines – sa famille appartient depuis des générations à une Eglise évangélique libre – et par son physique corpulent. Différent, il a l’habitude depuis l’enfance de se défendre contre les préjugés. Au niveau cantonal, ce comptable breveté s’est surtout engagé pour une gestion rigoureuse des finances publiques, ce qui lui a valu de nombreux ennemis au sein des différents partis, y compris dans le sien.

En défendant l’«Initiative sur les minarets», Legrix a aussi brisé un tabou. Un engagement qui en a dérangé plus d’un, y compris au sein du Swatch Group, son employeur de l’époque. Le marché arabe est un marché important pour l’industrie horlogère suisse. Et en tant que chef comptable de la Holding, Jean-Charles Legrix représentait un risque pour la réputation de l’entreprise. En 2009, il quitte Swatch pour Mercedes. Et c’est l’année suivante qu’il fait son entrée au Conseil communal de La Chaux-de-Fonds.

Les médias romands colportent la rumeur selon laquelle Jean-Charles Legrix aurait déjà été par le passé soupçonné de mobbing. Seul fait avéré: l’homme a travaillé pendant plus de trois décennies à des postes importants, et ce, dans des entreprises internationales de tout premier plan comme Richemont/Cartier ou Kodak. Ses références sont excellentes. Legrix a joué un rôle crucial dans le redressement de plusieurs sociétés, restructurations au cours desquelles il a dû licencier des employés, ce qui lui a certainement valu de nombreuses inimitiés. Lorsque la télévision romande offre une tribune anonyme à ceux qu’il a déçus, cela en dit plus sur le fonctionnement de nos médias que sur le caractère de Legrix.

En 2010, lorsque Jean-Charles Legrix prend ses fonctions au sein de l’exécutif, le dicastère des infrastructures et de l’énergie de La Chaux-de-Fonds traverse une mauvaise passe – ce que même ses détracteurs ne contestent pas. Après un dépassement de budget de 1,5 millions de francs, l’ingénieur communal doit plier bagages. Même dans le canton de Neuchâtel, où l’on prend les choses un peu plus à la légère, ce dépassement est inacceptable. Legrix installe alors à ce poste-clé Pierre Schneider, un ancien de l’administration fédérale, tombé en disgrâce suite à des critiques internes. Legrix veut moderniser et mettre au pas un service géré depuis des décennies par les mêmes coteries de fonctionnaires. Et pour ce faire, ce Schneider, qui ne craint pas la confrontation, lui semble la personne idéale.

 

L’affaire du «petit Sicilien»

Mais au sein de l’administration communale, la résistance s’organise. Ioana Niklaus, la puissante cheffe du personnel, en place depuis des années, fait des pieds et des mains pour s’opposer à l’engagement de Schneider. Elle aurait même menacé de donner sa démission. Legrix remporte la partie, mais s’attire l’antipathie de la cheffe du personnel, celle-là même qui jouera ensuite un rôle dans son éviction.

Habitué aux restructurations, le débrouillard Legrix met rapidement le doigt sur le nœud du problème au sein de son dicastère: la voirie, un service responsable du déneigement au ramassage des déchets. Avec ses 112 employés, il s’agit du principal service sous sa responsabilité. A sa tête: Joseph Mucaria, 58 ans, déjà mentionné ci-dessus comme le «petit Sicilien». Mucaria, un ancien boxeur entré à la voirie grâce à des relations familiales, dirige le service depuis des décennies, dans l’indifférence des responsables politiques successifs, qui lui laissent quartier libre. Et puisqu’il ne lui reste que quelques années à tirer, Mucaria n’a pas l’intention que les choses changent.

Le premier gros éclat a lieu à l’occasion de l’aménagement d’un cimetière musulman. Au parlement, Legrix s’était prononcé contre ce projet. Cela ne l’empêche pas, après son élection au gouvernement, de faire avancer l’aménagement du cimetière musulman approuvé par le parlement. Le politicien UDC veut ainsi montrer qu’il respecte les décisions démocratiques et qu’il remplit son rôle à l’exécutif. Mais suite à une visite sur l’emplacement du futur cimetière, Jean-Charles Legrix constate que l’on a déversé de la terre souillée de déchets. On imagine aisément les gros titres si, lors d’un ensevelissement, on venait à découvrir de vieilles bouteilles et des boîtes de conserves rouillées. Le scandale aurait indiscutablement touché le politicien UDC connu pour ses positions critiques envers l’islam. Legrix fulmine et laisse échapper des propos peu aimables à l’encontre du chef de la voirie, propos pour lesquels il va ensuite s’excuser.

Un autre incident en dit long sur l’atmosphère tendue qui régnait au sein de son dicastère. Incident dans lequel tout porte à croire que Mucaria a aussi joué un rôle. A l’approche des élections de 2012, la télévision suisse romande RTS insinue que Jean-Charles Legrix s’est rendu coupable d’«abus de privilèges», selon le titre du sujet. L’affaire porte sur des tablars pour une armoire ancienne, des travaux d’une valeur de 919 francs, que Legrix a confiés à la menuiserie communale. Les journalistes de la télévision oublient cependant d’évoquer un point essentiel, qui démonte ces accusations: la menuiserie communale précise à l’attention des citoyens que le président de la Ville a payé ces travaux, certes destiné à des fins privées, de sa poche. Il ne saurait donc être question «d’abus de privilèges».

Comme un employé de la menuiserie communale devait ensuite le rapporter à Jean-Charles Legrix, c’est le chef de la voirie, Joseph Mucaria en personne, qui se trouverait être derrière cette attaque injustifiée de la télévision. Interrogé sur ce prétendu scandale par Olivier Kurth, le journaliste de la RTS responsable du sujet, ce menuisier a, par mesure de précaution, enregistré la conversation. Et comme il peut en ressortir de l’enregistrement, le journaliste se réfère directement à Joseph Mucaria.

Un fonctionnaire impliqué dans une telle intrigue contre son supérieur serait normalement licencié sur le champ. Mais dans l’administration très syndicalisée de La Chaux-de-Fonds, les choses ne sont pas si simples. A cela s’ajoute le fait que l’enregistrement fait par le menuisier, à l’insu de son interlocuteur et donc de manière illégale, ne saurait être une preuve recevable dans un procès au tribunal des prud’hommes. Mais à partir de cet incident, les relations entre Legrix et Mucaria sont définitivement empoisonnées. L’un des deux doit partir.

Le fameux enregistrement téléphonique ressurgira plus tard, comme pièce centrale de l’«audit juridique» de Cécile Pache. Mais il ne sera pas utilisé contre Joseph Mucaria, mais bien contre Jean-Charles Legrix. Selon Cécile Pache, l’incident révèle la mentalité de méfiance et de surveillance qui s’était installée sous la direction de Legrix – comme si le président de la Ville en personne avait donné l’ordre d’enregistrer la conversation (ce que réfute tant le menuisier que Legrix).

L’enquête de Cécile Pache reproche à Jean-Charles Legrix treize éléments de «harcèlement moral». Si on examine ces éléments point par point, on constate qu’il s’agit chaque fois d’une question d’interprétation. Ainsi, Legrix n’aurait pas respecté la voie hiérarchique et aurait poussé ses collaborateurs à jouer les délateurs. On peut voir les choses d’une autre manière. Legrix prêtait toujours une oreille attentive aux préoccupations des simples employés. On lui reproche aussi d’avoir entretenu le moral de ses petits copains au sein l’administration à coups de petits privilèges. On pourrait formuler les choses autrement: Legrix appréciait les bonnes performances des ses collaborateurs. Il récuse en revanche l’accusation d’avoir accordé des privilèges, et ce, d’autant plus que les augmentations de salaires et les bonus n’étaient pas de sa compétence. On l’accuse également d’avoir espionné ses employés pendant leur travail. On aurait pu dire qu’il prenait sa tâche très au sérieux. Legrix récuse en revanche totalement l’accusation colportée par Cécile Pache et selon laquelle il se serait caché «derrière arbres et buissons» pour espionner ses collaborateurs. Il s’agit selon lui d’un grossier mensonge.

Et ainsi de suite. Les accusations se succèdent, jusqu’au point 13: «Comportement de manière inappropriée envers les femmes». Cinq «témoins» anonymes prétendent que Jean-Charles Legrix aurait tenté d’embrasser une secrétaire. Quant à savoir si ces anonymes ont été témoins de la scène ou s’ils ont en seulement entendu parler, impossible à déterminer. Mais quoi qu’il en soit, cela n’a aucune importance. Car sur ce point très lourd du dossier, le rapport se tire lui-même une balle dans le pied. Interrogée par Cécile Pache, la prétendue victime affirme en effet que Legrix n’a jamais cherché à l’embrasser.

Selon les recherches de la Weltwoche, au cours de l’enquête, outre l’ingénieur communal Schneider, au moins trois collaborateurs de la voirie se seraient exprimés positivement sur le vent de réformes que Jean-Charles Legrix a fait souffler dans le service. Leurs déclarations sont nuancées, mais elles livrent au final une image cohérente: le chef de la voirie Mucaria ne supportait tout simplement pas qu’un chef politique vienne mettre le nez dans ce qu’il considérait comme ses affaires. Alors il prenait le contre-pied. Si on en croit leurs déclarations, la formule, certes malheureuse, de «petit Sicilien» qui avait échappé à Legrix paraît bien gentille comparé au juron proféré au sein de la voirie et à haute voix à l’encontre du chef du dicastère: «le gros qui fait chier».

En fin de compte, ces trois employés de la voirie reprochent à Mucaria exactement ce que Cécile Pache, dans son «audit juridique» reproche à Jean-Charles Legrix: d’avoir mis en place un système basé sur le favoritisme et de monter les employés les uns contre les autres. A une différence près, et elle est de taille : pour le chef de la voirie, ces reproches n’auront aucune conséquence sévère. Alors que les témoignages contre Legrix sont soigneusement anonymisés, les employés qui critiquent leur chef Mucaria sont cités nominativement. Et leur version ne trouvera que peu d’échos dans la presse.

Début 2013, les tensions au sein de la voirie deviennent insupportables. Et c’est Jean-Charles Legrix lui-même qui, pour sortir de cette situation pourrie, demande au Conseil communal de mandater un audit externe. Les conseillers communaux Pierre-André Monnard (PLR) et Jean-Pierre Veya (POP) prennent les choses en mains, avec l’appui de la cheffe des ressources humaines Ioana Niklaus. Selon une source digne de confiance, c’est Veya qui dirigera l’opération. C’est également lui qui aurait fait appel à l’experte en sexisme Cécile Pache.

 

Le pouvoir des fonctionnaires

Le 10 juillet 2013, Monnard et Veya reçoivent le rapport confidentiel de Cécile Pache. Les deux conseillers communaux ne semblent pas très pressés. Nous ignorons certes ce qui s’est discuté en coulisses. Mais Jean-Charles Legrix, quant à lui, ne recevra le fameux rapport que le 6 août, soit un jour seulement avant la séance du Conseil communal. Il n’aura ensuite qu’une semaine pour répondre par écrit aux reproches qui lui sont faits.

Dans une prise de position longue de 15 pages, Legrix critique vertement l’enquête. Cécile Pache l’aurait parfois cité de manière complètement fausse et lui aurait attribué des propos qui inversent sa position. Il accepte en revanche certaines critiques. Legrix concède ainsi faire parfois preuve d’impatience voire d’impulsivité. Et si ses manières directes ont pu blesser, il en est désolé. Il a sous-estimé les différences entre l’économie privée et l’administration. Legrix promet d’en tirer les leçons et propose de se faire accompagner par un coach externe. Il insiste en revanche pour que l’on continue à combattre les disfonctionnements au sein de son dicastère, disfonctionnements hérités de son prédécesseur.

Le Conseil communal fait la sourde oreille à ses propositions. Il semble déjà avoir pris sa décision. Les objections émises par Legrix sur le travail de Cécile Pache ne serviront qu’à une chose: à gommer a posteriori les erreurs les plus grossières contenues dans son rapport. Le 14 août, Jean-Charles Legrix est destitué de fait de ses fonctions. Il est remplacé par l’un de ceux qui avait conduit l’enquête: Pierre-André Monnard, nouveau président de la Ville de La Chaux-de-Fonds.

Alex Baur

 

Première publication Weltwoche

 

Voire encore

La pseudo-affaire Legrix

4 commentaires

  1. Posté par Rodolphe le

    Les journalistes et la TV suisse romande manquent d’impartialité, Toutes ses personnes sont de gauche, Mr Olivier Kurth de la TV suisse Romande est de parenté avec Mr Laurent Kurth , conseiller d’état socialiste, tout les articles sont contre Mr Legris, Mr Legris a été élu par le peuple, s’il doit être destitué c’est par le peuple,mais pas par un complot de gauche, c’est trop facile de diriger de cette façon ( à la Russie) faite comme je dis et tais toi.

  2. Posté par Jacques le

    La presse bobo surtout qui défend la « justice » quand il s’agit de la droite n’en a cure de démolir publiquement un homme politique. Mais seulement de droite. A gauche, il y a des critiques, parfois acerbes, mais surtout et toujours ensuite, beaucoup d’excuses et de compréhension, des recherches pour « pardonner » de tout « petits dérapages ». Notre presse rose-verte , qui milite contre la délation, contre la mis au pilori des « pauvres délinquants qui ont beaucoup souffert », contre la loi du Talion, de la vindicte populaire, ne se prive pas, s’il s’agit de la droite, de faire exactement le contraire de ce qu’elle défend pour ses protégés (élus de gauche, délinquants, surtout) . Cette presse me répugne de plus en plus.

  3. Posté par Christof von Allmen, Le Locle le

    Monsieur Jean-Charles Legrix, je me suis énervé hier soir après le TJ du 19 :30. Mon épouse m’a dit ce n’est pas ton problème, nous avons comme beaucoup de chrétien prié pour cette affaire afin que la lumière soit faite. Je peux vous encourager à déposer votre fardeau auprès de notre Dieu. C’est facile à dire vu de l’extérieure, mais pas facile à vivre. Quand Dieu prend les choses en main et que la vérité éclate, personne ne peux l’arrêter. Même une armée est aveuglée, un homme avec Dieu est plus puissant qu’elle. Dieu est le même hier aujourd’hui est éternellement. Je vous encourage à persévérer à faire confiance en votre Seigneur. Merci à Alex Baur de la Weltwoche, qui prend le temps d’enquêter et de ne pas simplement critiquer les personnes. Je ne cherche pas à vouloir faire la chasse au coupable, mais à ce que cette affaire face avancer la politique dans la bonne direction. Oser parler d’un disfonctionnement c’est ce faire des ennemis. Et en politique ou les élus cherche à flatter les électeurs, je peux que dire BRAVO Monsieur Legrix pour avoir déclenché cette turbulence. Car il faudrait plus de gens de cette carrure dans notre canton, qui détient la palme d’or des impôts les plus élevé. Maintenant c’est officiel nous égarent un siège au Nationale à Berne. Là aussi c’est le résultat d’un laxisme dans notre région.
    P.S. Etant passé par une dépression et mon épouse aussi, les accusations de ce que Monsieur Legrix est coupable de ce que des gens ont été en dépression sont fausses. Les actes commis par Monsieur Legrix sont déclencheur d’une dépression, mais la dépression même vient d’un état d’âme. Des gens fragiles décomposent tôt ou tard.

  4. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    J’aurais bien aimé être « terrorisé » par un tel chef! J’ai vécu ce que vit Monsieur Legrix, dans un autre contexte! Mais quand je lis l’article je peux dire que j’y étais!

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