Dans son magistral ouvrage "Le Prince", Machiavel suggère à celui pour qui il écrit de faire exécuter ses basses besognes par quelqu'un d'autre afin de ne pas être mis en cause si les choses tournent mal voire puisse sacrifier son séide en cas de besoin. Manifestement, Christian Levrat, président du parti socialiste suisse a de bonnes lectures et fait donc donner son chef de groupe parlementaire à Berne, le Vaudois Roger Nordmann, pour rappeler les usages élémentaires à la Jeunesse de leur parti. On savait la présidente Tamara Funiciello turbulente, prête à bruler son soutien-gorge pour la cause, mais l'activisme échevelé de la dame et de ses troupes ne faisait qu'irriter en privé les hautes sphères qui subissaient la fougue de la jeunesse.
Aujourd'hui, comme nous le conte Le Matin du jour, il en va tout autrement. Le rejet de Prévoyance 2020 le 24 septembre dernier a profondément meurtri le parti à la rose dont le projet était porté par son Conseiller fédéral Alain Berset. Pour ajouter à cette grande douleur qu'ils ne gardent plus muette, les camarades estiment que leur jeunesse a joué un rôle prépondérant dans la défaite, chose qui passe mal. Roger Nordmann accuse ainsi Dame Funiciello de n'avoir pas pris au sérieux la responsabilité qui était la sienne durant la campagne pour avoir été "idéologiquement aveuglée" !
On peut le croire sur parole, Roger Nordmann s'y connait en aveuglement idéologique, lui qui ne s'est jamais départi de ses œillères roses. Pour notre homme, lorsque la section mère s'est prononcée démocratiquement, les jeunes ne doivent pas s'y opposer. Soulignons le terme démocratiquement qui a une certaine importance, manifestement au sens où l'entendait la défunte Allemagne de l'Est. Le chef de groupe poursuit, accusant sa jeunesse d'avoir l'esprit brouillé par l'idéologie, par exemple avec la proposition de la semaine de 25 heures, idée catastrophique de la bouche même de Roger Nordmann. En clair, au parti socialiste, la jeunesse colle les affiches sur lesquelles trônent les pontes et se tait. Hélas, notre homme rêve tout éveillé.
Tamara Funiciello ne manque pas de répartie, qui lui conseille "de mieux utiliser son temps à du travail de contenu" plutôt que de jouer au papa de la Jeunesse socialiste. Merci pour lui, le voici chaudement habillé pour l'hiver. Manifestement, la mise au pas en vue d'éviter les couacs prévisibles durant la campagne pour les élections fédérales 2019 semble assez mal engagée. Les jeunes auront au contraire à cœur de ringardiser leurs anciens en lançant une foule d'idées toutes plus saugrenues les unes que les autres, propositions dont la vieille garde devra se distancer sans avoir l'air de désavouer la relève. Bonne chance !
Autre sujet de mécontentement pour Christian Levrat, les Femmes socialistes donnent elles aussi de la voix, exigeant d'ores et déjà que la personne qui lui succèdera à la tête du parti soit une femme. Envisager le départ du Grand Chef, remarquable crime de lèse-majesté dont souffre silencieusement l'intéressé. Il supporte mal que l'autorité qu'il estime sienne soit remise en cause par des gens manifestement incapables de saisir sa pensée complexe comme on dirait chez Emmanuel Macron. Sa couronne de politicien le plus influent de Suisse semble vaciller puisque l'influence en question ne convainc plus guère au sein de ses propres rangs. C'est en chef dont la succession se prépare que Christian Levrat va conduire les prochaines élections fédérales, il le sait et ça le rend nerveux. Nul doute que nous allons encore entendre souvent Roger Nordmann exprimer la pensée du Grand Manitou et ses mots gagneront en acrimonie au fil des excentricités de la Jeunesse socialiste dont on sait qu'elle ne déçoit jamais.
Tout cela est de bon augure pour notre Pays.
Yvan Perrin. le 8 octobre 2017